ÉVEIL AU LANGAGE ET À LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE ET

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 L’ÉVEIL AU LANGAGE ET À LA DIVERSTIÉ LINGUISTIQUE ET CULTURELLE UNE DÉMARCHE INCLUSIVE La société française d’aujourd’hui présente une grande diversité linguistique et culturelle. Cette diversité n’est pas suffisamment valorisée, que ce soit à l’école, dans les familles ou dans l’espace social. Malgré la multiplicité des langues parlées dans les familles, l’acquisition d’un bi-­‐plurilinguisme harmonieux semble réservée à quelques langues européennes. Maintenir le désir de communication des enfants "Le langage exprime le désir de rencontrer un autre, semblable ou différent, et d'établir avec lui une communication», disait Françoise Dolto.1 À l’école, chaque enfant arrive avec ses compétences linguistiques et culturelles, avec son désir de communiquer, en français ou dans une autre langue, celle(s) de ses parents ou de la famille élargie. La question qui se pose à l’enseignant est de savoir comment maintenir ce désir de communiquer, de créer du lien chez l’enfant allophone. Faut-­‐il faire barrage à la langue maternelle, plonger l’enfant dans un bain linguistique français en misant sur sa « capacité naturelle d’apprendre», sur son « cerveau-­‐éponge » ? Pour l'enfant allophone, l'entrée en maternelle ou en élémentaire peut constituer une rupture affective, linguistique et culturelle forte. Au point que l’accès à la langue de l’école, vécue comme une menace, sera entravé et fera obstacle aux apprentissages. Nombreux sont les enfants allophones qui s’enferment dans un mutisme prolongé, ou qui acquièrent un français approximatif, arrivant à l’école élémentaire avec le handicap de la non-­‐maîtrise du code scolaire. Longtemps promue comme la solution idéale, la méthode immersive n’a pourtant pas apporté les résultats escomptés. Si bien qu’il est aujourd’hui admis dans la communauté scientifique et pédagogique que cette méthode est le meilleur moyen d’exclure l’enfant allophone de l’accès au français2. La mission de l’école : une démarche d’inclusion L'école est aujourd’hui le lieu où des répertoires diversifiés entrent en contact avec la langue de scolarisation. Sa mission n'est-­‐elle pas de contribuer à l'inclusion sociale à travers la maîtrise de cette langue en tenant compte des acquis de chacun ? Il s'agit de prendre en compte et de valoriser cette hétérogénéité langagière et culturelle dans l'enseignement et d'accompagner le développement de l’élève dans la construction de ses apprentissages scolaires au travers de son plurilinguisme. 1
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F. Dolto, http://www.lexpress.fr/culture/livre/tout-­‐est-­‐langage_807595.html
G. Lüdi, L’enfant bilingue : chance ou surcharge ? https://sprachenkonzept.franz.unibas.ch/Annexe_8.html
Copyright CAFÉ BILINGUE SEPTEMBRE 2014 Créer de passerelles De nouvelles voies doivent donc être explorées, des passerelles créées entre le vécu linguistique et culturel de l’enfant et la langue et culture de l’école. L'école est structurée par rapport au savoir, qui appartient au monde occidental et qui détermine les méthodes pédagogiques, les relations avec les élèves, celles avec les parents. Ce rapport au savoir est le plus souvent implicite et évident. Mais il est aussi lié à la représentation de l'enfant, de ses besoins et de ses compétences. Les parents venus d’ailleurs, souvent très respectueux du savoir transmis par l'école, ne connaissent pas ce rapport au savoir. Ils font l'hypothèse que c'est bien et préfèrent se tenir éloignés, à une distance respectueuse. L'enfant doit comprendre, s'il veut apprendre, et s'approprier ce rapport au savoir de façon harmonieuse sans que cela n'invalide celui des parents. L’enfant occupe une place particulière d’intermédiaire3 entre l’école et la famille. Il ressent toutes les tensions engendrées par la distance culturelle, les conflits de valeurs entre maitres et parents. Son investissement scolaire est très précocement influencé par les liens positifs ou négatifs qui s'établissent entre parents et enseignants. Tenir compte des savoirs familiaux Pour amener tous les élèves à l’apprentissage réussi du français et l’acquisition des savoirs scolaires, il s’agira donc de mobiliser les savoirs et savoir-­‐faire des enfants et de leurs familles. Avec le concours des parents, co-­‐éducateurs de l’enfant, on pourra faire le lien entre les univers familial et scolaire. La valorisation sociale de la langue maternelle joue un rôle primordial dans le développement bilingue. Selon J. Hamers, deux conditions doivent être remplies pour le développement d’une bilingualité additive : « L’enfant doit avoir appris à manipuler le langage pour des activités cognitives complexes qui incluent souvent des activités métalinguistiques et les deux langues doivent être valorisées dans l’entourage de l’enfant. »4 Une démarche valorisante et incitatrice : L’éveil au langage et à la diversité linguistique et culturelle La démarche que nous préconisons est une celle d’une pédagogie inclusive, elle est valorisante et incitatrice sur le plan langagier et culturel par •
l’ouverture sur les langues et leur pluralité qui permet de relier la langue de scolarisation et les langues de la migration •
l’implication des parents bilingues ou plurilingues dans la vie de l’école, indépendamment du statut de leurs langues •
une meilleure appréhension des attentes de l’école par les familles •
des relations positives d’interaction et de compréhension entre élèves, et parents, de cultures différentes 3
Perrenoud, Ph., Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1996, chapitre 4.
HAMERS J., 2005, « Le rôle de la L1 dans les acquisitions ultérieures », dans L. F. Prudent, F. Tupin et S. Wharton (eds.), Du plurilinguisme à l’école, Berne, Peter Lang, p. 280
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l’éducation à l’altérité : apprendre à connaître l’autre, rectifier les idées fausses5 Les moyens mis en œuvre : une dimension linguistique et culturelle Dans le cadre scolaire, on pourra mettre en œuvre le dispositif dans des temps formels, par des projets de classe pouvant s'étaler sur une année, comme par des activités ponctuelles. Néanmoins, pour créer un changement profond de perception, il sera préférable de multiplier ces activités, et de les étaler dans le temps selon une cadence régulière. Dans le cas idéal, l’activité d’éveil est hebdomadaire. En effet, apprendre à appréhender la différence de façon positive est un travail lent, que l'enseignant ne peut forcer. Faire entrer les langues des élèves dans la classe les valorise et les légitime. L’approche comparative incite les élèves à réfléchir au mode de fonctionnement non seulement des langues autres que le français, qu’elles soient d'origine, régionales ou étrangères, mais aussi à celui de la langue maternelle. Un dialogue à partir des différences et des similitudes observées peut alors être initié et aider à la création d'un lien fort entre la langue maternelle et toutes les autres langues quelles qu'elles soient, mais aussi entre la langue maternelle et le français. Ces propositions sont en accord avec l’article 39 de la loi pour la refondation de l'école de la République, adoptée en juillet 2013: « Outre les enseignements de langues qui leur sont dispensés, les élèves peuvent bénéficier d'une initiation à la diversité linguistique. Les langues parlées au sein des familles peuvent être utilisées à cette fin. » Notre démarche propose donc de s'appuyer sur les langues maternelles des enfants pour aller vers le français puisque tout apprentissage des langues repose, consciemment ou non, sur une comparaison entre le ou les systèmes langagiers pré-­‐ existants et la langue à apprendre. Il est important de noter que la comparaison des différentes langues dans la classe ne sert pas à hiérarchiser les idiomes, mais bien à en montrer les universaux singuliers (par exemple toutes les langues ont une syntaxe, comme la façon de marquer la négation, mais chacune le fait différemment) : la syntaxe (forme et place de la négation), les sens d'écriture, les consonnes et les voyelles, le lexique, le genre et le nombre, la mimique et la gestuelle, ainsi que la phonétique.6 Impliquer les parents Dans le dispositif d’éveil au langage et à la diversité linguistique et culturelle, nul besoin pour l’enseignant de connaître, ni d’apprendre d’autres langues : il pourra s’appuyer sur les savoir-­‐faire des parents. « Ça m’a plu que les gens viennent présenter leur langue plutôt que la maîtresse, parce qu’ils viennent du pays dont ils parlent » (Un élève de CE2)7 L’implication des parents dans les activités proposées en classe permettra de valoriser les savoirs et savoir-­‐faire, en particulier de ceux qui restent généralement à l’écart de l’école. 5 Young, A. et Hélot, C., L’éducation à la citoyenneté par le biais de l’interculturel à l’école, Université Marc Bloch, Strasbourg 6
N. Auger, Comparons nos langues. Démarche d’apprentissage du français pour les enfants nouvellement arrivés, http://www.cndp.fr/bienlire/02-­‐atelier/fiche.asp?id=1387&theme=1200
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Young, A. et Hélot, C., L’éducation à la citoyenneté par le biais de l’interculturel à l’école, Université Marc Bloch, Strasbourg
Copyright CAFÉ BILINGUE SEPTEMBRE 2014 Quelques pièges à éviter En faisant appel aux langues et cultures des participants, on touche au domaine délicat de leur identité propre, c'est pourquoi certains écueils sont à éviter : Un certain paternalisme entoure souvent les activités interculturelles qui visent toujours à valoriser la culture minoritaire face à la culture majoritaire, le faible face au fort, et recrée ainsi à travers un sentiment de culpabilité cette même hiérarchie des cultures. Attention donc à la « folklorisation des cultures» ! En effet, en voulant communiquer une culture positive et accessible à tous, on réduit souvent les activités à tout ce qui relève de la perception immédiate : arts, littératures, musiques, habillements, danses, cuisine. Ces manifestations, même si elles sont souvent gratifiantes encouragent la généralisation, la décontextualisation et les anachronismes. Les attendus pour l’école L’éveil au langage et à la diversité linguistique et culturelle •
Accroît la conscience phonologique et métalinguistique des jeunes enfants •
Développé la curiosité envers le langage et le plaisir de jouer avec différentes sonorités •
Diminue la peur (de l’enfant allophone et de ses parents) de perdre les savoirs familiaux et facilite ainsi l’accès à la langue française •
Améliore l’estime de soi des enfants issus de l’immigration et de leurs parents, car c’est le parent qui a un savoir à partager avec les autres. •
Améliore les relations parents -­‐ enseignant •
Eveille la curiosité de tous les enfants et enlève la peur de l’étranger, car inconnu. QUELQUES PROPOSITIONS D’ACTIVITES AUTOUR DES LANGUES ET CULTURES 1. La fleur des langues a) Chaque enfant colorie les pétales d’une fleur en fonction des langues qu’il comprend, parle, aimerait apprendre, a entendu dans son environnement. Il crée ainsi sa fleur des langues personnelle. b) Chaque enfant inscrit sur un pétale prédécoupé la (ou les) langue(s) parlée(s) par lui et ses parents. En maternelle, l’écrit est fait par le parent/la maitresse ; l’enfant colorie/décore la pétale. Les pétales de tous les enfants constitueront la Fleur des langues de la classe. 2. Apprendre les « mots magiques »: Bonjour, au revoir, merci, s’il vous plaît dans les langues des enfants de la classe, avec la contribution des parents. Les mots sont écrits sous formes d’étiquettes, fixées au mur (cf. le petit train des langues8) Lors d’une journée festive, un « quizz » des mots magiques pourra être créé pour inviter petits et grands à mesurer leurs connaissances en langues en tentant de battre le record du nombre maximum de langues 8
http://www.projetpluri-­‐l.org/axes/contexte-­‐scolaire/echo-­‐des-­‐classes/le-­‐petit-­‐train-­‐des-­‐langues
Copyright CAFÉ BILINGUE SEPTEMBRE 2014 reconnues. Ce défi pousse ainsi chacun à demander de l'aide, aux autres enfants et aux parents présents, et aide à valoriser les savoirs des participants. 3. Apprenons une comptine, une berceuse : le parent invité et son enfant apprennent la comptine aux autres. L’enseignante retranscrit la chanson. Les enfants mémorisent la comptine. 4. Connaissance des pays (monnaie, géographie, alimentation, habits) : Un parent invité et interrogé par les enfants et la maitresse. On repère le pays sur une carte. On imagine un voyage dans ce pays : Que faudrait-­‐il mettre dans la valise, quels cadeaux apporter ? Ce sera l’occasion d’un échange sur les différences culturelles 5. Créer une chanson en plusieurs langues : p.ex. Frère Jaques traduit par les parents en plusieurs langues, chanté par les enfants, enregistré.9 6. Apprendre à discriminer des sonorités et énoncés en langues diverses: un livre d’enfants (Petit ours brun, Petit-­‐bleu et Petit-­‐jaune) traduit avec l’aide des parents en différentes langues et enregistré. Les enfants écoutent et devinent la langue. 7. Comparer les langues (syntaxe, intonation, gestuelle) : repérage des similitudes et différences entre les langues de l’environnement. 8. Comparer les écritures : à partir de livres pour enfants. Egalement : Avec l’aide d’un parent écriture des prénoms des enfants en arabe, chinois russe, etc (selon les langues présentes) 9. Recueil dans un dossier, une boîte (« Malle à mondes »10) d’objets de la maison, de souvenirs de voyage, de recettes, comptines, chansons en langue originale et traduites. Création d’une malle personnelle ou collective. 10. Établir des biographies langagières des parents (cf. Portfolio européen): les enfants interviewent les parents volontaires. 11. Ateliers parents/enfants au sein de la classe : demander aux parents de dessiner avec leur enfant autour d’un thème précis permettant de présenter un élément culturel, une maison par exemple. C’est l’élève qui présentera à ses camarades le dessin en le commentant, en répondant aux questions. 9
Voir par exemple le dispositif La malle à mondes, École maternelle Tesson à Bobigny (93)
10 Corinne Lambin, Inspectrice de l’Education Nationale -­‐ Corinne Eginer, Conseillère Pédagogique, École maternelle Tesson – Bobigny, Seine-­‐Saint-­‐Denis.
Copyright CAFÉ BILINGUE SEPTEMBRE 2014 12. Fabriquer le jeu de 7 familles pour chaque pays d’origine, avec les noms des personnages dans la langue et les transcriptions phonétiques, jeu de 7 familles mixtes. (Voir modèle11) 13. Élaborer avec les enfants un questionnaire et les initier à le faire passer dans l’école pour recenser les langues parlées par les enfants à la maison, puis synthétiser les réponses et faire les graphiques… ; Fabriquer une mappe-­‐ monde avec les langues de l’école. LIENS UTILES (EXEMPLES D’ACTIVITES) Le petit train des langues http://www.projetpluri-­‐l.org/axes/contexte-­‐scolaire/echo-­‐des-­‐classes/le-­‐petit-­‐train-­‐des-­‐langues Tire ta langue (collège), Grenoble http://www.ecoledeslettres.fr/blog/education/tire-­‐ta-­‐langue-­‐comment-­‐valoriser-­‐la-­‐richesse-­‐des-­‐
langues-­‐vernaculaires-­‐parlees-­‐par-­‐les-­‐eleves/ La mascotte voyageuse, Toulon http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/languesvivantes/Pages/2012/133_projetmasc
ottes.aspx Activités d’éveil , Canada http://www.elodil.com/activites/primaire/primaire.html#T1 http://www.elodil.com/activites/prescolaire/prescolaire.html Activités (fleur des langues, etc) http://dumas.ccsd.cnrs.fr/docs/00/69/15/38/ANNEX/AUBERT_Alice_M2P_Annexes.pdf Imagier plurilingue http://www.elodil.umontreal.ca/videos/presentation/video/eveil-­‐aux-­‐langues-­‐et-­‐imagier-­‐plurilingue/ Approche interculturelle des langues (Belfort) http://migrilude.wordpress.com/2014/03/19/timbers-­‐et-­‐fiers-­‐de-­‐letre/ -­‐ Vers le vadémécum pour l'accueil des allophones plurilingues à l'école élémentaire : https://www.ac-­‐paris.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-­‐
04/vademecum_pour_lecole_elementaire_2014.pdf -­‐ Vidéo tournée, classe de Danièle Bergère, école Rouelle, Paris : https://www.ac-­‐paris.fr/portail/jcms/p2_940707/en-­‐classe-­‐avec-­‐le-­‐petit-­‐chaperon-­‐rouge SOURCES Association CAFÉ BILINGUE, Projet La Semaine des Langues, en famille et à l’école C. Lambin, C. Eginer, Inspection académique de Bobigny, La malle à mondes, document de travail CONTACT : [email protected] SITES WEB : www.lasemainedeslangues.com www.cafebilingue.com 11
http://dumas.ccsd.cnrs.fr/docs/00/69/15/38/ANNEX/AUBERT_Alice_M2P_Annexes.pdf
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