Le mode de survie du cerveau stressé

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Florence SKALSKI Newsletter mai 2012 http://www.sophrologue.reflexologue.com
Le mode de survie du cerveau stressé
Un stress soudain active un réseau cérébral constitué de différentes régions, impliquées notamment
dans l'attention et l'éveil. Un neuromodulateur produit en cas de stress provoque cette réorganisation
cérébrale.
© Science/AAAS
Un réseau de plusieurs aires cérébrales s’active quand nous sommes soumis à un stress.
Le stress est une réaction physiologique naturelle qui permet à l'organisme de réagir rapidement face à une
situation dangereuse : la tension artérielle et la fréquence cardiaque augmentent et la respiration s'amplifie
pour mieux alimenter le cerveau et les muscles en oxygène et en nutriments, et d'autres paramètres
physiologiques changent. Le corps se prépare ainsi à la fuite ou au combat. Le cerveau lui aussi voit son état
modifié, passant en « mode survie » sous l'effet d'un stress soudain.
Emo Hermans, de l'Université de Nimègue aux Pays-Bas, et ses collègues ont déterminé pour la première fois
le réseau neuronal qui est alors actif… et l'élément déclencheur de ce mode de survie.
En cas de stress, l'hypothalamus, au centre du cerveau, envoie un signal à la médullosurrénale, la partie
centrale de la glande surrénale (au-dessus des reins). Cette glande libère une hormone du stress,
l'adrénaline, qui prépare l'organisme à une réaction rapide via une accélération du rythme cardiaque, de la
respiration et une activation des plaquettes sanguines pour minimiser la perte de sang en cas de blessure.
Puis l'hypothalamus et l'hypophyse (une glande cérébrale située en dessous de ce dernier) libèrent
successivement d'autres hormones, ce qui aboutit à la sécrétion de cortisol par la corticosurrénale (la région
périphérique de la surrénale). Cette hormone stimule à nouveau l'action de l'adrénaline et celle de la
noradrénaline (un analogue de l'adrénaline dans le cerveau et un neuromodulateur), mais prépare aussi
l'organisme à un retour à la normale en reconstituant par exemple les stocks d'énergie.
Ce déversement d'hormones dans l'organisme n'est pas sans conséquence pour le cerveau : on sait depuis
longtemps que certaines fonctions cognitives sont modifiées en cas de stress. Par exemple, un peu de stress
favorise la mémorisation, mais trop de stress diminue cette capacité. Les sens sont aiguisés, l'éveil est
renforcé, mais les capacités de raisonnement sont altérées. En effet, les molécules produites en cas de stress
renforcent ou affaiblissent les connexions entre neurones.
Et ce n'est pas tout : ces substances changeraient les propriétés de certains réseaux neuronaux, qui
passeraient en « mode survie ».
Pour le confirmer, E. Hermans et ses collègues ont étudié comment le cerveau réagit à un stress aigü sur des
échelles de temps très courtes. Ils ont montré à 80 volontaires des extraits de films soit très violents soit non
violents, en étudiant leur activité cérébrale au moyen de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.
Le signal, d'autant plus intense que le niveau d'oxygénation des neurones est important et que le champ
magnétique appliqué est élevé, reflète l'activité des neurones. Les scientifiques ont en outre quantifié les
hormones de stress dans la salive des participants et mesuré leur rythme cardiaque.
Ainsi, quand les participants sont exposés à des scènes violentes, l'activité de certaines régions cérébrales,
impliquées dans l'attention, l'éveil et le système neuro-endocrinien, et des connexions entre ces régions
augmentent, et ce, d'autant plus que le stress est intense. Ces régions forment un vaste réseau qui comprend
des aires corticales (par exemple temporales et pariétales) et sous-corticales (l'amygdale, le thalamus,
l'hypothalamus et le mésencéphale).
Les chercheurs ont ensuite administré aux participants soit un inhibiteur des récepteurs de la noradrénaline,
soit un bloquant de la synthèse de cortisol, soit un placebo. Seuls les deux derniers groupes présentaient
alors une réponse cérébrale au stress et une réorganisation des réseaux neuronaux. La noradrénaline active
certaines aires de ce réseau tout en en inhibant d'autres, preuve qu'elle provoque cette réorganisation. Elle
serait en grande partie responsable du « mode cérébral de survie ».
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© Science/AAAS http://www.youtube.com/watch?v=uZljiUzG308&feature=youtu.be
Cette animation illustre l'activité synchronisée de vastes systèmes neuronaux quand on
regarde un film non violent (neutral state) et un film violent (stress state). Dans le
premier cas, les systèmes sensoriels sont actifs, par exemple le lobe occipital
(représenté dans la première partie de la vidéo). En état de stress, l'activité neuronale
se réorganise : un vaste réseau comprenant différentes régions cérébrales impliquées
dans l'attention, la détection de la peur et la réaction de l'organisme face à un danger,
est mis en œuvre.
Pour en savoir plus: E. Hermans et al., Stress-related noradrenergic activity prompts
large-scale neural network reconfiguration,Science, vol. 334, pp. 1151-1153, 25
novembre 2011.
Bénédicte Salthun-Lassalle pour Pour la Science.
Dernière mise à jour: 13/05/2012
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