Jessica PAILLART Sciences Po Toulouse 5A D2P2 2015/2016 Le marketing genré Mémoire préparé sous la direction de M. Décaudin Rédigé par Jessica Paillart 1 Remerciements 4 Résumé 4 Introduction 6 I- Le phénomène de marketing genré à l’épreuve du genre 9 A- L’intérêt des marketers à « genrer » les produits 9 1- La segmentation liée à la volonté d’accroissement des ventes 9 a- Le marketing facteur de création de nouveaux besoins 9 b- Le marketing permet la multiplication des ventes 13 c- La théorie du marketing relationnel 14 2- Absence ou mauvaise segmentation conduisant au déclin des ventes 15 3- Une segmentation parfois décriée 16 a- Une segmentation liée à l’accroissement des prix - la woman tax 16 b- Les accusations de stigmatisation et de sexisme 18 B- Le rôle sociologique de la publicité 21 C- Le genre des marques 22 1- La construction de l’identité des marques 23 2 - Le genre perçu des marques 25 a- La perception genrée des marques 25 b- Le genre exclusif 26 c- Le genre ouvert 27 d- Le genre neutre 27 3- Les techniques de cross gender extension 27 a - Qu’est ce que les cross gender extension ? 27 b- Les difficultés de changement de sexe d’une marque 28 2 II- Les évolutions de la notion de genre dans la société française 30 A- Les débats liés au genre 30 1- Les thèses essentialistes 30 2- Les thèses constructivistes 31 B- Les débats autour du genre et du marketing 32 1- Le marketing comme renforcement des stéréotypes de genre dans la société 32 2- Une situation qui tend à changer par certains égards 33 a- Le développement de campagnes féministes 34 b- La stratégie marketing de renversement des rôles 36 Conclusion 38 Annexe 2 : Les réponses au questionnaire 43 Table des illustrations 47 3 REMERCIEMENTS Je n’aurais jamais pu rédiger ce mémoire sans l’aide précieuse de mon directeur de mémoire qui m’a accompagnée tout au long de ces presque deux années de réflexion et de rédaction. Merci également à tout ceux qui ont participé à mon enquête terrain, les résultats recueillis ont été des données précieuses, qui ont alimenté ma réflexion. Et finalement un grand merci à mes proches qui m’ont aidée lors de la rédaction de ce mémoire de par leurs conseils. RESUME Le marketing genré, c’est-à-dire différencié en fonction des hommes et des femmes, est une tendance forte de la stratégie mise en place par les marques. Cette stratégie fait écho aux évolutions de la société. En effet, les marques ont tendance à suivre ces évolutions afin d’adapter leur message et de correspondre au mieux aux attentes des consommateurs qui sont de plus en plus exigeants compte tenu de la forte concurrence. Mots clés : marketing, genre, société, segmentation, consommation 4 5 INTRODUCTION Le marketing genré est une tendance forte de ces dernières années et consiste à segmenter l’offre produit en fonction du genre des consommateurs. Né aux USA dans les années 70/80, suite à la révolution sexuelle, le gender marketing va s’appuyer sur les références culturelles connotées par tel ou tel genre. De manière générale, le marketing est l’ensemble des moyens dont dispose une organisation pour influencer dans un sens favorable à la réalisation de ses propres objectifs, les attitudes et les comportements des publics auxquels elle s’intéresse. Ainsi par ce biais, les marques vont faire passer des messages destinés à une cible marketing qui est un groupe de consommateurs ou d’acheteurs visés par l’entreprise. Effectivement, le marketing consiste à choisir une cible donc impose de segmenter le marché, c’est-à-dire à le décomposer en groupes homogènes et distincts pour cela il est nécessaire d’utiliser des critères de segmentation pertinents et opérationnels. La segmentation en deux grands ensemble que seraient les hommes et les femmes est l’une des segmentations les plus aisée. En effet, cette segmentation permet de séparer la population en deux groupes distincts et de taille à peu près égale. Ce sujet suscite de plus en plus d’intérêt notamment par les actions menées par le collectif Georgette Sand qui a mis en avant les pratiques liées au marketing genré et notamment les écarts de prix pratiqués entre les produits « féminins » et « masculins ». Le terme qu’elles utilisent est celui de « taxe rose » (ou « women tax » dans les pays anglo-saxons) montrant qu’à produit ou à service égal, ceux destinés aux femmes ont un coût supérieur. Cette campagne de sensibilisation a eu un écho fort dans la société civile mais aussi dans la classe politique qui s’est saisie de ce sujet. En effet par le biais d’un amendement déposé en janvier 2015, le Parlement a demandé au gouvernement de lui rendre un rapport « portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, les écarts de prix selon le sexe du consommateur et les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes » . Ce rapport a effectivement été rendu en décembre 2015 et bien qu’il ne mette pas en lumière l’existence d’une « woman tax » il reconnait l’existence d’un marketing différencié selon le genre contre lequel il appelle à lutter. 6 Nous allons tout d’abord définir ce qu’est le genre et en quoi est-il différent du sexe ? Il faut savoir que le genre est un concept de sciences humaines et sociales d’origine anglosaxonne (« gender ») qui permet de mettre en exergue la construction sociale de la différence des sexes. Ainsi, de par la dissociation du culturel et du biologique, le concept de genre permet d’étudier l’identité sexuelle indépendamment du sexe biologique. Le concept de gender marketing repose donc sur l’identification, par les spécialistes du marketing, des opportunités de segmentation par genre. Le marketing genré ne se situe pas seulement au niveau des marques « féminines » répondant à des besoins « naturellement » féminins tels que les protections hygiénique et certains sous-vêtements. Cependant, il convient de s’interroger sur la pertinence d’une telle segmentation et d’une telle stratégie des marques. En effet, une étude marketing menée auprès de 500 personnes a prouvé que seulement 17% d’entre elles disent acheter ces produits genrés pour affirmer leur masculinité ou leur féminité. Et 60% d'entre elles pensent que ces produits ou services ne répondent pas à de vrais besoins aujourd'hui. Nous verrons au cours de ce mémoire dans quelle mesure le marketing exerce une influence sur la définition du genre en France ? Dans quelle mesure les consommateurs sontils impactés par les politiques marketing des marques ? En quoi la taxe rose est une réalité ? Afin d’illustrer les propos de ce mémoire, un questionnaire a été réalisé, validé par mon directeur de mémoire Monsieur Décaudin et passé sur internet auprès de 111 personnes de mon entourage (78 femmes et 33 hommes). Le but de ce questionnaire était d’étudier leur perception et leur connaissance du marketing genré. Il s’agissait d’un questionnaire avec des questions fermées et des questions ouvertes qui me permettront d’illustrer mes propos et mes déductions tout au long de ce travail de recherche. La principale limite de cette étude est le nombre de participants qui est trop faible pour être véritablement représentatif mais qui me permettra de confirmer ou d’infirmer mes hypothèses. De plus, nous avons volontairement choisi de nous concentrer sur un public majeur pour des raison de facilité de passation. 7 La première partie de ce mémoire sera dédiée à l’étude de l’effectivité du marketing genré dans les pratiques des marques, la deuxième partie permettra d’observer les liens existants entre le marketing et les définitions des genres dans la société française. 8 I- LE PHENOMENE DE MARKETING GENRE A L’EPREUVE DU GENRE La segmentation de la population en deux groupes distincts apparait effectivement la plus aisée à effectuer et dont les résultats pourraient être les plus importants. Les marketers ont donc des intérêts conséquents à segmenter leurs cibles (A), cette segmentation produit des conséquences sociologiques au sein de la population (B). Finalement le genre des marques n’est pas un concept monolithique et il va s’agir de le définir et de l’étudier (C). A- L’intérêt des marketers à « genrer » les produits Les marketers ont tout intérêt à segmenter leurs cible en fonction de deux grandes catégories, cette segmentation peut conduire à la volonté d’accroissement des volumes de ventes de ces marques (1) car nous allons voir dans un deuxième temps que l’absence ou une mauvaise segmentation peut avoir des conséquences négatives sur la marque (2) mais ceci est parfois mal perçu de la part des consommateurs (3). 1- La segmentation liée à la volonté d’accroissement des ventes a- Le marketing facteur de création de nouveaux besoins a-i La segmentation des produits d’hygiène et cosmétique Le secteur des cosmétiques est l’un des secteurs dans lequel la segmentation genrée est la plus fréquente et où la différence homme/femme est la plus flagrante. Il existe souvent dans les supermarchés des rayons dédiés aux cosmétiques masculins et des rayons pour les cosmétiques féminin. Cette segmentation permet de créer de nouveaux besoins chez les consommateurs qui s’identifient à l’un ou l’autre genre. Ainsi, de nouveaux produits font leur apparition, produits pour lesquels il y a quelques années il n’aurait pas été possible de s’imaginer que des besoins différents existeraient pour les hommes et les femmes. 9 Illustration 1 - Publicité pour Signal White Now Men Il est possible d’évoquer à titre d’illustration ce qui est décrit comme « le premier dentifrice spécialement conçu pour les hommes ». Ce dentifrice, baptisé Signal White Now Men, vise une cible exclusivement masculine et assez jeune, entre 25 et 49 ans. Ce produit est la conséquence d’une nouvelle tendance chez les consommateurs d’après Alice Jactel, responsable de la marque Signal chez Unilever : « ce lancement est lié au fait que les hommes, surtout les plus jeunes, s’intéressent de plus en plus aux produits d’hygiène beauté ». Selon la marque, les hommes auraient des habitudes de vie assez différentes de celles de la gente féminine pour justifier l’arrivée d’un dentifrice spécifique. « Ils fument plus, boivent en général plus d’alcool, notamment du vin en France. Ils ont aussi une consommation supérieure de café, ce qui provoque des taches », précise Delphine Leroyer, une responsable de la gamme chez Unilever, dans Les Echos. L’étude terrain réalisée montre que seulement 33,3% des hommes interrogés seraient prêts à acheter ce dentifrice soit un tiers du panel masculin pour qui un dentifrice spécialement destiné aux homme semble utile. Nous reviendrons dans une prochaine partie sur les problématiques liées au prix dans la partie I-A-3-a. Les produits cosmétiques sont fortement liés à la définition du genre dans la mesure où ils sont en grande partie destinés exclusivement à un sexe ou un autre de part leur positionnement marketing. 10 a.ii- Les produits alimentaires différenciés : A coté des cosmétiques qui est le domaine dans lequel la segmentation est la plus fréquente, l’industrie alimentaire s’appuie également sur ce phénomène. En effet, afin d’accroitre la segmentation de la population et de diversifier ses produits, certaines marques vont faire des campagnes de marketing genré. Illustration 2 - Publicité pour Coca-cola light L’exemple le plus connu est celui de Coca-cola, en effet dans un but de générer plus de ventes l’entreprise avait lancé le Coca-Cola Light, destiné initialement aux femmes qui souhaitaient faire attention à leur poids comme l’illustre l’image . Cependant, ici nous ne sommes pas dans la caricature mais dans la création de territoires différents qui connotent une segmentation par genre mais qui n’excluent pas. Le coca-cola Light évoque le plaisir la légèreté et l’élégance et tandis que le Coca-cola Zéro évoque la robustesse et le dépassement de soi pour les hommes. Malgré des messages et des identités de marques différentes, on va voir grâce à l’étude terrain que les deux produits sont tout autant acceptés par l’un et l’autre des genres. En effet, les hommes et les femmes ont les mêmes habitudes d’achat de coca-cola light avec des pourcentages quasiment identiques ; 9,1% des hommes interrogés déclarent acheter du Coca-Cola light et 9% des femmes interrogées déclarent en acheter. Le Coca-Cola Zéro qui avait été quant à lui lancé dans une visée marketing à destination des hommes : packaging noir et rouge, slogan, campagnes de pub « masculines ». L’étude terrain nous a montré que les habitudes d’achat en matière de Coca-Cola Zéro sont relativement similaires pour les hommes et les femmes. Effectivement, près de 27% des hommes ont déclaré acheter prioritairement du Coca-Cola Zéro, contre 23% des femmes. 11 Compte tenu des réponses obtenues lors de l’enquête terrain, la campagne marketing différenciée ne semble pas avoir fonctionné dans la mesure où les habitudes d’achat ne sont pas différentes en fonction du genre. Cela se vérifie par les habitudes de consommation en France qui ont montré que le Coca-Cola Zéro était consommé à 50% par des femmes. Cela peut être une des raisons pour laquelle cette campagne a été abandonnée le 12 mai 2015 en France. Dorénavant, Coca-Cola ne mettra en avant qu’une stratégie de communication/marketing lors de ses campagnes. Cette stratégie a été présentée comme «une évolution pour les consommateurs, une révolution pour les marketeurs», par Céline Bouvier, directrice marketing de Coca-Cola France. En effet, cette nouvelle stratégie consiste à mettre de côté les marques filles aux côtés de Coca-Cola Classic: Light (lancée en 1988), Zéro (2007) et Life (2014), et ce, afin de mieux mettre en lumière la marque mère, qui reprend le pouvoir et accède au statut de «masterbrand». Illustration 3 - Tartines genrées de la marque « Rue de la Traversette » Au mois de mai 2015, une controverse a éclaté au sujet des pots à tartiner présentés cidessus. En effet, les pots à tartiner pour femmes auraient pour vertu de donner un « ventre plat assuré » tandis que les pots à tartiner pour homme « aident à la virilité ». Ainsi, des stéréotypes de genre sont utilisés, tels que le fait que les femmes soient perpétuellement au régime tandis que l’homme serait pour sa part en perpétuelle quête de satisfaction sexuelle. Les exemples de produits alimentaires genré sont fréquents ; on peut également citer les cornichons pour femmes présentés comme étant plus doux, les saucisses pour femmes allégées en matières grasses ou le « Macho Muesli » de Jordans sorti en 2008. 12 b- Le marketing permet la multiplication des ventes Une fois que les marketers ont créé un nouveau besoin auprès des consommateurs, la vocation des marques est d’accroitre le volume de ventes desdits produits. Selon le rapport remis au Sénat en décembre 2014, Mona Zegaï, sociologue française, a mis en avant le fait que le marketing genré permet aux marques d’augmenter le volume de vente. La sociologue a démontré ceci en s’appuyant sur l’exemple des enfants et notamment des fournitures scolaires. Ainsi, si les parents d’une petite fille font l’acquisition de fournitures scolaires genrés (par exemple : un cartable Hello Kitty, ou des classeurs ou cahiers de couleur rose …) son petit frère n’acceptera pas que l’on lui transmette ces affaires l’année d’après. Ainsi, les parents devront faire l’acquisition de nouvelles fournitures scolaires pour le petit garçon et cela empêchera donc une transmission inter-générationnelle. Dans ce cas, cela renforce dès le plus jeune âge le sentiment d’identité genrée chez les enfants et le marketing favorise donc directement cette construction sociale. Le fort ancrage des stéréotypes enferme les enfants dans un déterminisme genré. Concernant la multiplication des ventes, on peut également évoquer tout l’univers des produits d’hygiène et de cosmétique, qui sont genrés et qui n’auront plus vocation à être partagés au sein d’un couple hétérosexuel comme l’illustre cette image. Ainsi les volumes pour chaque produit pris individuellement sera plus important car l’achat de deux produits sexués se substituera à l’achat d’un seul produit mixte. Au sein d’une même famille il sera désormais possible de trouver des produits d’hygiène différents selon les hommes et les femmes ce qui met en exergue les différences hommes et femmes au-delà des différences biologiques. Illustration 4 - Image représentant des produits d’hygiène buccodentaire genrés 13 c- La théorie du marketing relationnel La stratégie des marques de cibler plus spécifiquement les hommes ou les femmes pourrait trouver sa justification au travers de la théorie du marketing relationnel qui est plus particulièrement puissant lorsqu’il s’adresse aux femmes. Ainsi, en marketing relationnel, on se préoccupe de créer, de maintenir et de valoriser une relation commerciale avec les clients sur une longue période de temps. Cette théorie semble tout à fait s’appliquer au contexte du marketing genré car selon Susan Fournier (Fournier 1993) « women are more likely to engage in relational market behavior with firms, products or brands ». On retrouve ainsi l’intérêt certain qu’auraient les marques à segmenter leurs produits en direction des femmes dans la mesure où celles-ci seraient plus enclines à s’engager sur un temps plus long avec les marques. Le marketing relationnel s’appuyant sur des valeurs féminines serait une réelle tendance du XXIème siècle (Gavard-Perret 2000). Il y a une prévalence du marketing « one-to-one » qui induit une prédominance du lien social sur la stricte transaction commerciale. Les marques engageraient une relation plus personnelle et plus profonde à l’égard de leur clientèle féminine qui en retour s’investirait plus vis-à-vis de la marque. Ainsi, les marques dites féminines mettent beaucoup plus en oeuvre des événements et actions visant à ce que les clientes se sentent privilégiées. La cible des femmes est-elle davantage ou moins réceptive que les hommes au marketing relationnel ? Quelles sont les différences ? Selon Patrick Hetzel, professeur à l’Université Panthéon-Assas, les femmes sont plus expertes que les hommes dans la relation avec autrui. Dans le cadre des relations vis à vis des marques, les femmes font preuve de plus de discernement quant aux vraies et fausses pratiques relationnelles. Tandis que selon le professeur, les hommes sont plus habitués à être dans des relations de pouvoir et sont facilement séduits par des approches marketing qui leur donnent un pouvoir et un prestige. Cette théorie est fortement liée avec ce qui est développé par la doctrine de Serge Ginger selon lequel les hommes et les femmes ont des différences intrinsèques qui sont insurmontables, théorie essentialiste que nous verrons plus en détails dans la partie II-A-1. 14 2- Absence ou mauvaise segmentation conduisant au déclin des ventes On a vu dans cette première sous-partie que la segmentation était un phénomène vers lequel les marques se dirigent de plus en plus. Cependant, ce n’est pas seulement une tendance, cela peut être également une stratégie incontournable pour des marques. En effet, les femmes représentent la moitié de la population mondiale, ainsi une segmentation en fonction des sexes apparait comme la segmentation la plus simple en ce qu’elle divise la population en deux catégories. Des marques qui adresseraient un message dit « gender neutral » se couperaient des consommateurs qui s’attendent à ce que l’on cible plus spécifiquement leur genre. S’agissant du domaine des cosmétiques, certains consommateurs ou consommatrices attendent des produits qu’ils achètent qu’ils leur soient totalement adaptés. Cette conformité passerait pour certains consommateurs d’un message marketing en adéquation avec leur personne et donc spécifiquement orienté vers leur genre. Le second risque dans la segmentation genrée des produits serait de s’adresser à une cible en faisant abstraction de la seconde moitié de la population et donc des éventuels consommateurs ou consommatrices. Cela s’illustre par une étude menée par She-conomy qui remet en perspective les clichés habituels autour des femmes. Alors qu’elles comptent pour 85% dans les décisions d’achat aux Etats-Unis, le sondage révèle également que leur périmètre ne se limite pas aux achats de cosmétique ou d’appareils électroménagers. En effet, en ce qui concerne les achats automobiles, les femmes représentent près de 65% des achats de nouveaux véhicules. C’est un phénomène analogue qu’évoque Bridget Brennan (Brennan 2009), dans son ouvrage Why she buys, qui met en avant le déclin de l’industrie automobile américaine en raison du manque de marketing à direction des femmes contrairement à l’industrie automobile asiatique. Des produits dont le message marketing est exclusivement destiné à l’un ou l’autre des sexes se priveraient de l’autre partie des consommateurs. Ceci est particulièrement dangereux quand le produit a pour vocation d’être utilisé conjointement par les deux sexes. C’est la raison pour laquelle certains produits dont l’usage était auparavant plutôt destiné à l’un ou l’autre des genres mais dont l’utilisation a évoluée au cours du temps a vu son discours marketing évoluer. C’est le cas des produits d’entretien ménagers, sur lesquels nous re- 15 viendrons plus en détails dans I.B.1, dont les campagnes marketing ont évolué afin d’être plus en phase avec la réalité et les habitudes culturelles des consommateurs. Selon le produit que la marque veut promouvoir il s’agira de procéder à une segmentation pertinente afin de ne pas perdre des consommateurs potentiels. 3- Une segmentation parfois décriée a- Une segmentation liée à l’accroissement des prix - la woman tax La woman tax correspondrait à un surcoût appliqué sur des produits identiques mais présentés dans des formats ou des présentations qui les destinaient aux femmes plutôt qu’aux hommes. Ainsi, le prix des produits estampillés « femme » seraient dans certains cas, plus chers que les produits destinés aux hommes. Il existe de nombreux exemples sur le Tumblr Georgette Sand qui mettent en exergue les différences de prix pratiqués en défaveur des femmes. Le principal problème lié à cette différence de traitement réside dans le fait que les femmes gagnent en France entre 10 et 27% de moins que les hommes à travail égal. Cette différence de traitement est donc d’autant plus injustifiée. Ainsi, le rapport remis au Parlement le 15 décembre relatif au marketing genré montre la réalité de cette segmentation : « la segmentation des marchés en produits plus spécifiquement adressés aux femmes ou aux hommes au-delà d’entretenir les stéréotypes, sont à l’origine d’un surcoût (achats de plusieurs produits, différenciation produisant un prix supérieur). ». Ainsi, suite à ce rapport le gouvernement s’engage à se concerter avec les acteurs afin de lutter contre ce phénomène de segmentation. Etant donné le fait que c’est dans le secteur des cosmétiques et de l’hygiène que le marketing genré est le plus important c’est sans surprise que c’est là que les écarts de prix sont les plus importants. En effet, les marketers auraient tout intérêt à fixer des prix plus élevés, car on a vu que les femmes sont prêtes à payer d’avantage en ce qui concerne les produits d’hygiène et de cosmétique. Le rapport au parlement relatif à la woman tax met en exergue trois analyses des différences de prix sur trois familles de produits que sont les déodorants, les crèmes hydratantes ainsi que les rasoirs jetables. Il ressort de la première enquête relative aux déodorants que sur le coeur de gamme hommes (flacons de 150 ml) les femmes payent en moyenne 16% 16 de plus que les hommes tandis que pour le coeur de gamme femme (100 ml et 200 ml) les hommes payaient en moyenne 9,5% de plus. Ainsi pour les deux sexes le prix est plus élevé sur leur coeur de gamme bien que cela soit plus marqué pour les femmes. Concernant la deuxième enquête relative aux soins hydratants en supermarché le surcoût apparait comme indéniable pour les femmes car il est de 1,17 à 8,66 euros de différence pour la même unité de besoin. Finalement, concernant les rasoirs jetables, les marques distributeurs sont en moyenne 6% moins chères pour les femmes tandis que les femmes payent 19% de plus que les hommes pour l’entrée de gamme des grandes marques. Ainsi, on peut conclure que bien que les différences de prix soient tour à tour du coté des hommes ou de celui des femmes, les différences de prix sont bien plus importantes pour le sexe féminin. De plus, l’enquête terrain nous révèle que très peu de personnes comparent les prix entre les rayons femmes et les rayons hommes. Ainsi 69,2% des femmes interrogées ne comparent jamais les prix, 20,5% les comparent parfois et seulement 10,3% comparent toujours les prix entre les deux rayons. En ce qui concerne les hommes, cette proportion est beaucoup plus importante. 90,9% des hommes déclarent ne jamais comparer les prix entre les rayons femmes et les rayons hommes et 9,1% déclarent comparer les prix entre les deux rayons. On pourrait en tirer les enseignements suivants, la majorité des consommateurs (environ 80% si l’on prend la moyenne entre les hommes et les femmes) ne compare pas les prix entre les deux rayons. Ainsi les femmes pour lesquelles les produits sont les plus chers auraient tout intérêt à comparer et à acheter les crèmes de jour au rayon homme ou les rasoirs. Ainsi, nous pouvons nous appuyer sur l’étude terrain réalisée dans laquelle une question était posée « Au regard des prix pratiqués par l'enseigne Auchan et de vos préférences, quel dentifrice choisiriez-vous entre les trois ? », il était proposé trois réponses avec les prix à l’unité et les prix au litre. Les résultats de cette étude révèlent que 85,6% des personnes interrogées choisiraient le dentifrice le moins cher. Seules 10,8% choisiraient le dentifrice White Now Men et seulement 4,5% le dentifrice Signal Glossy Chic. On peut constater que lorsque les individus ont la possibilité de comparer les prix, le choix se fait le 17 plus souvent vers le produit le moins cher dans la mesure où il est perçu de qualité équivalente. De plus, dans l’étude terrain réalisée, il a été demandé aux sondés s’ils pensaient que l’écart de prix entre le dentifrice destiné aux femmes et le dentifrice destiné aux hommes était justifié. Du point de vue des hommes et des femmes interrogés, ceci n’est pas justifié. Il y a eu 3 femmes sur 78 interrogées qui ont justifié cet écart par « des coûts de R&D plus importants pour les produits féminins » et par le fait que les femmes soient plus « enclins à payer plus cher leurs produits ». Les 75 autres réponses sont opposées à ces écarts de prix : « non, je pense que le contenu est le même! » , « Pas du tout. les hommes et les femmes ont les mêmes dents donc le dentifrice ne devrait pas être différencié » , « Non. Je pense que ce sont les mêmes dentifrices et que le prix devrait être le même. Je pense surtout qu'il ne devrait pas y avoir 2 dentifrices différents. » , et certaines réactions sont plus fortes telles que « Non évidemment. J'ai lu plusieurs articles prouvant que les produits destinés aux femmes sont vendus plus chers car apparemment les femmes seraient plus volontaires et enclines à débourser plus pour les soins, la beauté, l'hygiène.. je trouve ça honteux. » , « NON !! Je suis outrée !! ». On voit ainsi que les femmes sont opposées à ce que les marques les cantonnent à leur identité de genre et les taxe sous couvert de la segmentation de genre. b- Les accusations de stigmatisation et de sexisme L’utilisation à outrance du marketing genré dans une logique de segmentation peut conduire à des excès et à la condamnation par les clients de telles campagnes. On peut mettre en avant deux produits pour illustrer cela, le premier : Bic for her, sorti en 2012. La campagne au moment de sa sortie mettait en avant des stylos aux teintes pastel et plus fins pour une meilleure prise en main des femmes. Les publicités très genrées, ont également déclenché un grand nombre de réaction critiques. Deux ans après la sortie de ces stylos, c’est au tour de Stabilo de pratiquer sur un produit le marketing genré. En effet, la sortie des surligneurs pour femme Stabilo’ Neon a déclenché beaucoup de critiques notamment après la sortie de ce communiqué de presse expliquant que les surligneurs « classiques » de la marque étaient « des surligneurs d’hommes dans un monde d’hommes ». 18 Illustration 5 - Communiqué de presse de Stabilo pour la sortie du Stabilo Neon Ainsi, dans l’étude terrain qui a été réalisée, l’échantillon a été interrogé sur ce produit dans la question suivante : « Que pensez-vous de ce surligneur qui "s’affranchit des codes masculins et revendique un style délibérément féminin" ? ». Il s’agissait d’une question ouverte et les réponses ont été dans leur grande majorité, hostiles à ce produit. Ainsi, près de 80% des femmes ont souligné l’aspect ridicule voire inutile d’un tel produit et parmi ces dernières, près de 10% ont même dénoncé l’aspect discriminant envers les femmes. En effet, une telle démarche a pu être interprétée comme « ridicule, c'est pousser les stéréotypes jusque dans des objets qui étaient encore neutres » ou comme de « la discrimination » voire « une forme de domination puisque l'on ne s'affranchit pas du tout des codes ». Des réactions similaires ont pu être relevées chez les hommes qui ont pointé pour la moitié l’aspect « ridicule » et l’utilité strictement « marketing » d’une telle démarche. Cependant, ils ont été moins virulents que les femmes sur l’aspect discriminant et sexiste du produit. 19 On peut également noter que seule six réponses de femmes soit moins de 8% déclarent cautionner ce type de produit « Je serais néanmoins prête à les acheter s'ils sont pratiques » ou « cela ne pose pas de problème » tandis que 15% des hommes trouvent relativement normal ces stabilos « Cela peut paraître compréhensible dans le sens où les femmes peuvent apprécier ce produit qui pourrait mieux leur correspondre » ou « c'est le marché qui décide, si il y a de la demande, c'est une bonne idée ». Néanmoins, la question suivante interrogeait la possibilité d’acheter ces surligneurs. Près de 15,3% des personnes interrogées étaient prêtes à acheter ces surligneurs. Ce chiffre est relativement le même selon le sexe interrogé malgré les différences dans les réponses. Ainsi, on pourrait en conclure que bien que la population féminine interrogée se soit offusquée de la pratique commerciale de stabilo, elles sont tout de même prêtes à en faire l’acquisition. Ceci peut paraitre assez paradoxal dans la mesure où les femmes ne veulent pas être réduites à leur identité genrée mais sont prêtes à acquérir un produit dont le message marketing est qu’elle ne peuvent pas utiliser des stabilos classiques dits d’hommes. 20 B- Le rôle sociologique de la publicité La publicité apparait comme le reflet d’une société à un moment donné car la publicité s’adapte afin de correspondre au mieux avec les modes de vie des consommateurs. Les campagnes publicitaires pour les produits ménagers mettaient le plus souvent en avant des femmes - « la ménagère de moins de 50 ans » . Cependant, ces publicités correspondaient à une certaine une réalité quant à la division des tâches ménagères au sein des foyers. Effectivement, selon un rapport du CREDOC (centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) de mars 2015, nous apprenons que beaucoup d'hommes en couple gardent encore résolument leurs distances avec les tâches ménagères : 91% avouent ne pas repasser, 60% ne pas faire le ménage ni la vaisselle (48%), 50% ne pas toucher aux fourneaux et 36% ignorer les courses. La situation est différente du côté des femmes, 93% des femmes en couple font le ménage, 93% la cuisine, 85% les courses quotidiennes, 83% la vaisselle et 73% le repassage. De plus, les mères passent deux fois et demi plus de temps que les hommes à s'occuper des enfants. Ainsi, à partir des années 1990, il y a le constat de changements progressifs (Perret 2003) des rôles dits traditionnels dans la publicité et ceci va de pair avec les évolutions sociétales constatées. Ainsi il est de plus en plus rare d'apercevoir une femme tenir essentiellement un rôle de ménagère dans la publicité. L'image de la ménagère est de moins en moins utilisée par les publicitaires. On ne voit plus de femmes vantant les mérites d'appareils ménagers comme c'était le cas dans les années 1950. A partir des années 1990, la publicité montre alors progressivement des personnages masculins qui s’investissent plus dans la sphère d’activité traditionnellement considérée comme « féminine », on peut par exemple citer les relations intimes et le soin de soi. Ainsi dans certaines publicités des hommes bercent leur bébé (Danone) ou s’occupent de leur fils (Dim). Quant aux femmes, elles adoptent des attitudes, des mots et des gestes traditionnellement réservés aux hommes : la réussite professionnelle et financière, l’autonomie sentimentale et sexuelle, voire le goût de la compétition. Dans des publicités elles sont montrées en train de travailler, elles conduisent de grosses voitures (Peugeot, Audi) font du 21 sport (Rexona, Veet), déshabillent du regard les beaux garçons (Coca Light), voire en usent comme d’objets sexuels jetables (Kookaï) (Perret 2003). Cependant, il y a de nombreux exemples dans des publicités où l’on peut constater des difficultés qu’a la société dans la répartition des rôles hommes/femmes. La publicité montre ainsi des personnages hésitant entre des valeurs et des rôles contradictoires (Villeneuve 1997). Les médias ont un certain rôle dans cette vision très différenciée des hommes et des femmes. Ainsi, un rapport du haut conseil à l’égalité sur l’image des femmes dans les médias de 2011 critique la moindre présence de femmes à la télévision française et encourage les chaines à favoriser l’ascension des femmes dans les médias. Cette mise en avant des femmes à des postes d’animatrice et de présentatrice d’émissions « sérieuses » favoriserait la fin des clichés hommes/femmes et serait plus en adéquation avec le rôle des femmes dans la société française. En effet, il est intéressant de noter que la part de femmes dirigeantes a progressé de manière significative, de 3,5 % à 7,5 %, soit +4 points en 10 ans. De plus, en 2013, le CSA (conseil supérieur de l’audiovisuel) avait appelé toutes les chaînes de télévision à améliorer la représentation des femmes, en estimant qu’en moyenne la part des expertes intervenant à l’antenne était inférieure à 20 %. Et quand elles sont invitées sur des plateaux, c’est la plupart du temps pour parler de sujets dits « féminins » comme les violences faites aux femmes, les enfants, la famille, l’école, etc. Ces comités d’experts strictement masculins ont été mis en lumière par le tumblr http://allmalepanels.tumblr.com/ qui dénonce les émissions et les conférences où seulement des hommes sont montrés comme experts dans leur domaine de compétence. C- Le genre des marques La plupart des marques ont mis en place une stratégie marketing à destination de l’un ou l’autre des sexes. Cette identité genrée doit tout d’abord être construite (1) et les consommateurs vont l’identifier à ce moment-là comme associée à tel ou tel genre (2) , cependant cette association peut être modifiée grâce à une cross gender extension que peut opérer la marque (3). 22 1- La construction de l’identité des marques La personnalité de marque ou brand personality, se réfère selon Jennifer Aacker (Aacker 1997), à l’ensemble des caractéristiques humaines associées à une marque. Ainsi, l’auteure met en exergue le fait que la stratégie des marketers est d’imprégner une marque avec des traits de personnalité. La mise en oeuvre de cette identité de marque est une stratégie qui est construite par les marketers. Ainsi, trois stratégies principales sont citées telles que l’anthropomorphisation qui est le fait de donner un aspect ou un comportement humain à une chose ou un objet. Il conviendra de prendre l’exemple de la lessive St-Marc qui « anthropomorphisme » sa lessive sous la forme d’une fée. La fée étant un personnage féminin qui représente la douceur et également la magie liée au produit. Illustration 6 - Exemple d’anthropomorphisation avec la marque de lessive St Marc La seconde stratégie qui est mise en exergue est la personnification des marques. Cette dernière est définie par Richard Ladwein dans son blog « comme un procédé qui consiste à créer des visuels ou plus généralement des productions visuelles, dans lesquels l'objet publicisé ou l'un des éléments de contenu se voit attribuer des caractéristiques humaines ». On observe alors que ce procédé génère des émotions positives chez les consommateurs qui éprouvent une sorte d’attachement au produit. Ainsi, la publicité pour l’Alfa Roméo Guiletta illustre ceci en ce que la bande son de cette publicité est une voix féminine qui personnifie la voiture, en effet à la fin de la publicité elle dit « Je suis Guiletta ». Cette voix "Regarde-moi, touche-moi, […] quitte-moi, aime-moi, retiens-moi. Je suis Giuletta, mieux que des mots, essaie-moi ». Le parallèle est ainsi fait entre la voiture et la femme. 23 La troisième stratégie qui est montrée par Aacker est la création d’un imaginaire du consommateur. Cet imaginaire est essentiel dans la mesure où l’on parle d'enveloppe symbolique qui transcende le produit lui-même. L’imaginaire du consommateur est ainsi défini comme l’ensemble des caractéristiques humaines associées avec un consommateur représentatif de cette marque. On pourrait alors citer à ce propos Nespresso, marque pour laquelle Georges Clooney est l’égérie. Ainsi, les caractéristiques humaines associées au consommateur sont celle d’un bel homme, puissant et ayant du succès. Par le biais d’une étude auprès d’un panel de consommateur Jennifer Aacker a mis en exergue cinq traits de personnalité des marques (« Big Five ») qui sont la sincérité, l’excitation, la compétence, la sophistication et la rudesse. Cependant ces cinq traits de personnalité interagissent différemment avec les consommateurs. Tandis que la sincérité, l’excitation et la compétence semblent être innées chez des individus, la sophistication et la rudesse correspondent plus à des aspirations individuelles que les consommateurs n’ont pas forcément. Par exemple, des marques associées à la rudesse telles que HarleyDavidson ou Malboro s’appuient sur la force et la masculinité de l’image qu’elles renvoient. Illustration 7 - les composants de la personnalité de marque selon Aacker 24 2 - Le genre perçu des marques a- La perception genrée des marques Au-delà des caractéristiques liées à la personnalité des marques, des chercheurs (Levy 1959) ont montré que la personnalité d’une marque incluait également des caractéristiques démographiques telles que le genre, l’âge et la classe. Ces dernières interfèrent directement avec l’imaginaire du consommateur de la marque. Ainsi nous allons présenter les différents genres perçus des marques. En effet, certaines sont perçues comme hautement masculines ou féminines et d’autres plus modérément masculines et féminines (Neil et al.1980). On peut noter que les marques ont un genre perçu en fonction de l’usage du produit, ses attributs et les traits de personnalité féminins ou masculins de la marque ainsi que son nom. C’est ce qu’a mis en exergue Isabelle Ulrich dans sa thèse (Ulrich 2010) lorsqu’elle va mesurer la masculinité/féminité des marques par le biais de trois indicateurs que sont le sexe de l'utilisateur majoritaire associé à la marque et le genre du nom de marque, les attributs/design sexués des produits, les traits de personnalité masculine/féminine de la marque. Un autre article d’Ulrich, Tissier-Desbordes et Dubois met en exergue quant à lui sept dimensions du genre d’une marque. Cela consiste en : le logo et le nom, la catégorie de produit, les attributs du produit, les individus associés au produit, les consommateurs réguliers, la personnalité perçue et les attributs de communication. Illustration 8 - les sept dimensions de la personnalité de marque selon Ulrich, TissierDesbordes et Dubois 25 Il conviendra ainsi étudier trois genres de marques qui illustrent ce phénomène. b- Le genre exclusif Le genre exclusif correspondrait aux archétypes absolus attribués aux hommes et aux femmes. Pour la femme cela peut s’apparenter à la sensualité et la séduction tandis que pour les hommes, cela s’apparentera à la force physique et la puissance. Ainsi le terme genre exclusif s’applique lorsque les valeurs éthiques sont seulement désirables par les hommes ou par les femmes. Afin d’illustrer ce terme, nous pourrions nous appuyer sur le secteur de l’habillement dont certaines enseignes sont spécialisées dans la vente de vêtements destinés seulement à un genre. C’est le cas de Naf Naf (voir photo ci-dessous) dont les boutiques ont des couleurs pastels, une prédominance de rose et de beige, couleurs dites « féminines ». Illustration 9 - Magasin Naf-Naf aux codes dits « féminins » A l’instar de Devred, magasin d’habillement pour hommes dont les boutiques ont des couleurs sombres, alliants le noir et le rouge. Ces couleurs représenteraient la virilité et la puissance. Illustration 10 - Magasin Devred aux codes dits « masculins » 26 c- Le genre ouvert Il s’agit ici de marques dites féminines ou masculines mais qui intègrent dans leur image des valeurs éthiques qui sont souhaitées par les hommes et les femmes telles que la réussite sociale, l’importance du travail. Il conviendrait de mentionner l’exemple de Rolex qui était à l’origine une marque d’horlogerie de luxe destinée aux hommes mais ces derniers ont élargi leur cible marketing afin de toucher les femmes. Pour ces dernières, plus qu’une marque masculine, Rolex est un gage de luxe et de haute qualité. d- Le genre neutre Les marques de genre neutre ne s’appuient pas sur des valeurs associées aux femmes ou aux hommes. Il est également le reflet d’une démarche marketing. Ainsi, dans le but de toucher l’ensemble de la population, un grand nombre de marques n’a pas intérêt à ce que les consommateurs perçoivent un genre de leur marque. Il conviendrait à cet effet de citer Ikea. En effet, l’enseigne suédoise n’est pas perçue comme féminine ou masculine, les valeurs qu’elle promeut transcende les stéréotypes de genre et cela a pour but de toucher le plus de monde possible. 3- Les techniques de cross gender extension a - Qu’est ce que les cross gender extension ? Le concept d’ouverture des marques est issu des travaux de Rokeach dans le domaine de la psychologie du dogmatisme. Ce concept met en oeuvre une analyse des marques à intégrer leurs produits à un nouvelle cible en fonction de leur discours et de leur genre. Les cross gender extension peuvent être définis (Nyeck et Veg 2007) comme l’ouverture d’une marque du féminin vers le masculin ou du masculin vers le féminin. Il y a un fort intérêt pour les marques dont le genre est ouvert de faire une cross gender extension dans la mesure où cela représente un réel relais de croissance. Le genre est l’une des caractéristiques les plus intrinsèque et invariante de l’identité d’une marque (Remaury, 2004), donc d’autant plus difficile à modifier. 27 Le genre d’une marque est inclus dans les valeurs de la marque (Nyeck et Veg 2007 ), dans le cas d’une cross-gender extension, les valeurs renvoyées doivent changer afin d’être plus adaptées à l’un ou l’autre des genres. Les valeurs doivent se trouver en adéquation avec les stéréotypes liés aux hommes et aux femmes. Ainsi, on peut voir sur le tableau ci-dessous que des auteurs ont tenté de définir les valeurs éthiques associées aux femmes telles que la famille, la séduction et aux hommes telles que la compétition et la virilité. Les auteurs ont également défini les stéréotypes liés à l’esthétisme telles que les couleurs pastels et les produits de petite taille pour les femmes contre des couleurs foncées et des produits de taille plus grandes pour les hommes. C’est sur ces stéréotypes qu’un certain nombre de marques appuient la définition de leur stratégie marketing. Illustration 11 - Tableau des stéréotypes culturels associés à la féminité et masculinité b- Les difficultés de changement de sexe d’une marque Certaines marques peuvent éprouver des difficultés à mettre en oeuvre cette cross gender-extension du fait de leur image très féminine ou masculine. Afin de limiter les risques d’échec d’ouverture de marques il est possible d’utiliser des stratégies de marquage différent ou de créer une sous marque avant de pouvoir évoluer de façon définitive le genre d’une marque. Il convient à cet effet, de s’appuyer sur l’exemple de Narta et Rexona qui sont deux marques ayant une image féminine auprès des consommateurs. Afin de réussir leur cross gender extension, elles ont créés qui « marques-filles » s’appellant Dove for Men et Rexona for Men en s’appuyant sur un marketing aux codes plus masculins. Les couleurs ainsi 28 utilisées sont le noir pour les flacons qui évoquent la virilité ainsi que les couleurs bleu, vert et rouge. On a pu ainsi étudier dans cette première partie l’effectivité du phénomène de marketing genré dans un certain nombre de secteurs. Il correspond à une stratégie spécifique des marques qui permettent de segmenter facilement les consommateurs en deux grandes catégories. Cependant ceci n’est pas sans conséquence sur la construction des identités de genre au sein de la société française. En effet, le vingtième siècle a été fortement marqué par les débats relatifs au genre au sein de la société française et on va constater les liens étroits qui existent entre le marketing et la définition du genre. 29 II- LES EVOLUTIONS DE LA NOTION DE GENRE DANS LA SOCIETE FRANÇAISE En France, les différences femmes/hommes est un sujet qui reste relativement tabou. Un ministère lié aux droits des femmes n’a été créé qu’en 2012 sous la présidence de Francois Hollande. Les gender studies, quant à elles, sont que peu développées en France, contrairement aux pays anglo-saxons où ces thèmes sont très présents, il s’agit d’une « singularité française » (Collin 1995). En effet, la culture égalitaire française est peu sensible à ces sujets, niant souvent les différences et inégalités existantes. Il s’agira dans cette seconde partie, de voir les débats existants et leurs implications sur le gender marketing. Nous verrons donc dans une première partie (A) les débats étant liés au genre en France puis dans une seconde partie les débats relatifs au genre et au marketing (B). A- Les débats liés au genre Les débats liés au genre n’ont cessé d’être exacerbé au fil des années. En témoignent les débats qui ont eu lieu en 2014 autour des « ABCD de l’égalité » mis en place par le ministère de l’éducation nationale et qui visait à promouvoir l’égalité genrée dès le plus jeune âge au sein de l’école. Ainsi, les thèses existantes sont importantes afin de comprendre les enjeux liés à la définition du genre en France et ses conséquences sur la stratégie marketing des marques. Nous présenterons alors les thèses essentialistes (1), et les thèses constructivistes (2). Il s’agit en effet de deux thèses majeures qui alimentent la réflexion et les débats autour du genre. 1- Les thèses essentialistes Cette théorie a été plus particulièrement développée en France par Serge Ginger (Ginger 1995), psychologue et psychothérapeute, qui a mis en exergue les différences de comportements des petites filles et des petits garçons qui sont selon lui liées à des différences intrinsèques entre les sexes. Pour ce dernier, hommes et femmes sont presque deux espèces différentes. 30 Les différences les plus importante entre les deux seraient selon lui le fait que les cinq sens sont globalement plus affûtés chez la femme, notamment parce qu’elle devait autrefois protéger ses enfants des prédateurs grâce à ses seules perceptions sensuelles. Ainsi, les femmes ont une propension à plus utiliser les deux hémisphères de leur cerveau en même temps, ce qui induit une vision plus globale de leur environnement. De ce fait, elles seraient plus sensibles à l’ambiance générale des publicités tandis que les hommes se focalisent sur le message principal et quelques détails. Ce que le psychologue remarque, c’est que chez les hommes, la production de testostérone rend également plus enclin à un esprit de compétitivité, alors que les femmes ont un instinct maternel d’empathie. De plus, des études (Hasset et al., 2008) ont montré que des bébés singes femelles ou mâles ont des préférences avérées pour des jouets dits pour filles ou pour garçons. Ces auteurs revendiquent ainsi le fait que ces identités sont le reflet d’une certaine réalité biologique, inhérentes aux individus, éternelles et inaltérables. 2- Les thèses constructivistes Selon ces thèses, il s’agirait de la culture qui déterminerait l’identité de genre des individus comme l’a écrit Simone de Beauvoir « On ne nait pas femme on le devient ». Un certain nombre de sociologues ont écrit des travaux relatifs aux thèses constructivistes. Ces thèses sont directement liés au concept de « construction sociale » qui a émergé dans les années 1960 et s’inscrit dans l’opposition avec la thèse essentialiste vue précédemment. Une définition de cette thèse que l’on peut mettre en avant est la mise en avant de la manière dont les acteurs sociaux, à travers leurs discours et leurs actions, opèrent une construction de la réalité sociale. Ainsi, le genre est une construction sociale car bien que le sexe soit une construction biologique, s’y sont rajoutées des divisions sociales relatives aux comportements, à l’habillement et aux rôles sociaux qui sont des constructions et c’est cela que l’on appelle le genre. De plus, ce concept de genre tel qu’il est décrit comme construit par les auteurs implique que la hiérarchie qui est imposée par le genre, induisant une supériorité masculine, n’est pas un fait immuable mais une construction variable selon le lieu et l’époque et donc qu’il est tout à fait possible de remettre en cause cela voire de renverser cette supposée domination 31 Il convient de citer la sociologue Judith Bulter (Lowy et Rouch 2003) pour qui le genre, en tant qu’idéal normatif orientant la perception du sexe, ne peut être compris qu’à travers une grille interprétative, la matrice hétérosexuelle, qui a vocation à naturaliser corps, genres et désirs. Dans ce cadre, les corps doivent posséder un sexe stable, exprimé par un genre stable. Le genre est alors défini comme exclusif (on ne peut pas être mâle et femelle) et hiérarchique (le mâle est supérieur à la femelle) dans une vision l’hétérosexuelle. Le genre tel que décrit dans les thèses constructivistes est performatif et indissociable des pratiques sexuelles présentées comme « normales ». B- Les débats autour du genre et du marketing Comme nous avons pu le voir dans les précédentes parties, le marketing intervient comme catalyseur des débats sociétaux relatifs au genre. Les stratégies des marques peuvent ainsi se concrétiser par un renforcement des stéréotypes genrés déjà existants et cantonnant l’un ou l’autre sexe dans un rôle défini (1). Cependant, ce phénomène est à relativiser avec l’apparition de stratégies s’inscrivant dans une démarche féministe ou d’inversion des clichés liés aux rôles sociaux (2). 1- Le marketing comme renforcement des stéréotypes de genre dans la société Il existe des courants de recherche liés à la publicité comme véhicule des modèles de genre. A ce propos Jean Baudrillard a émis une thèse critique relative au marketing, selon lui « Féminité et masculinité sont comme des constructions idéologiques correspondant à des pratiques & comportements de consommation liés aux intérêt de l’appareil productif » . Un certain nombre de travaux mettent en exergue l’existence de rôles spécifiques selon le genre dans la publicité (Lavoisier 1978). L’auteure a réalisé une étude sociologique afin d’étudier l’analyse des messages publicitaires relatifs au corps féminin. Elle dénonce dans ce livre une représentation de la femme qui en fait un personnage cantonné aux tâches subalternes, dans une position passive, représenté tel un objet dénudé soumis au regard masculin à la fois dans le récit même des annonces et vis-à-vis de leur public réel. Il 32 est possible de citer à ce propos Brigitte Grésy (Grésy 2014) qui dénonce les stéréotypes présents dans la publicité ; l’image faussée des femmes qui sont véhiculées dans les publicités et dans les médias tendent à produite un sentiment d’insécurité chez les femmes. Les modèles féminins renvoient à une norme unique du corps féminin et centrée sur l’apparence physique. Nous pouvons donc voir que ces publicités produisent un double effet par le renforcement des tendances. Il existe un sexisme latent qui renforce ces stéréotypes et qui nie souvent les capacités intellectuelles des femmes et les rabaisse à un statut inférieur. Il s’agit du phénomène de femme objet. Ainsi dans le but d’augmenter les ventes d’une marque, les femmes en sont réduite à un rôle de femme objet ou rabaissées à un statut inférieur. Il y a pléthore d’exemples qui illustrent de telles campagnes à l’image de la campagne de 2015 des Galeries Lafayette qui a été vivement critiquée. Cette campagne a été affichée dans le métro et cantonne sur ce cliché la femme à un objet. Illustration 12 - Publicité des Galeries Lafayettes de l’été 2015 2- Une situation qui tend à changer par certains égards Il est à noter qu’en dépit des convictions de certaines marques, certains experts en marketing tirent la sonnette d’alarme à propos de cette stratégie. Fera Warner montre que le marché des femmes est tout sauf monolithique, en effet, il est varié et en évolution permanente (Warner 2005). Les stéréotypes associés aux femmes sont dépassés et la vision traditionnelle qu’ont certains marketers n’est plus pertinente. Nous allons voir dans cette partie que 33 des évolutions sont en cours notamment par des campagnes renversant les messages genrés traditionnels. a- Le développement de campagnes féministes Certaines marques mettent en oeuvre des campagnes féministes toujours dans une optique d’augmenter ses ventes et de gagner des parts de marché. On peut noter à cet effet plusieurs campagnes significatives à l’égard de femmes ou des jeunes filles. Illustration 13 - Campagne promotionnelle Hashtag Girls Can de Sport England Il convient notamment de citer la campagne #GirlsCan de la marque CoverGirl appartenant au groupe Procter & Gamble. Le but de cette campagne est « d’aider les jeunes femmes à repousser les limites, et à leur donner les outils qui leur permettront de changer le monde ». Dans le cadre de cette campagne, Procter &Gamble ont annoncé par un communiqué de presse que 5 millions de dollars sur 5 ans seraient alloués à des projets aidant les femmes à se dépasser. Ainsi, la marque CoverGirl et plus généralement le groupe Procter & Gamble, bénéficient largement de cette couverture médiatique et de ses retombées positives. En effet, les jeunes femmes clientes ou non de cette marque verront probablement d’un regard très positif les actions menées par le groupe en faveur des femmes. La dernière campagne lancée par la marque de protections périodiques Always va dans le même sens que celle de P&G. Par le biais du hashtag comme une fille, la marque met en avant les stéréotypes liés aux femmes. La dernière campagne datant d’avril 2016 dénonce le sexisme lattant des émojis car seules 63% des femmes pensent que ces petits personnages suggèrent que les femmes ont des capacités limitées dans la mesure où ils représentent les femmes en danseuses, mariée ou chez le coiffeur. Dans cette vidéo, des jeunes telles témoignent sur les émojis qu’elles souhaiteraient voir sur leurs téléphones. Il n’est à pas douter qu’il s’agit d’une stratégie de communication de la part d’Always dont les consommateurs sont exclusivement féminins cependant cela dénote d’une réelle tendance de la part d’un certain nombre de marques. 34 La marque Légo s’est également adaptée à cette tendance de campagne féministe. En effet, ils ont effectué un véritable « coup de com’ » grâce à la sortie de la figurine de la femme ingénieur représentée ci-dessus. Bien que ceci soit conforme à la réalité dans la mesure où les femmes exercent des métiers scientifiques de nos jours, cela n’avait pas encore été développé par la marque. Illustration 14 - Figurine LEGO d’une femme ingénieur On peut également citer les campagnes de la marque de produits de beauté Dove de 2005-2006 qui marquent un retour à la femme "normale". Cette campagne intitulée "Real beauty" met en scène des femmes de tous types : brunes, blondes, rondes, minces, jeunes, ou âgées, préférant représenter le "naturel" au "superficiel". Chacune des femmes peut s'y reconnaître. Il s’agit d’une provocation par rapport aux codes publicitaires traditionnels. Les publicités Dove s'appuient sur une étude, réalisée par la Harvard University et la London School of Economics, selon laquelle 68% des femmes estiment que du changement est nécessaire à propos de l'image des femmes dans la publicité, trouvant les publicités trop éloignées de la réalité Illustration 15 - campagne publicitaire 2005-2006 Dove 35 b- La stratégie marketing de renversement des rôles Cependant, il est à noter que certaines marques ont eu une prise de conscience et ont renversé leur stratégie marketing. Effectivement, en 2014, les femmes ont représenté la moitié des cibles de communication pour des secteurs qui étaient auparavant dépeints comme masculins. Dans ce cadre, se sont développées des opérations marketing dans l’automobile, avec la commercialisation de la Peugeot 1007, ou plus récemment l’Audi A1 et la Fiat 500 dont la cible est particulièrement orientée à destination d’un public féminin. Il est également possible d’évoquer ce qui se passe dans le domaine bancaire, avec par exemple la carte bleue Affinity conçue spécialement pour les femmes par La Poste. La stratégie des marques peut être également de prendre la société à contre-pied : c’est à dire de procéder à un renversement des rôles dits traditionnels entre les genres qui peut accroitre la visibilité d’un produit ou d’une marque. Ce procédé sera interprété par les consommateurs comme le symbole de la modernité de la marque ou du produit qui est promu (Perret 2003). Pour l’auteur, le fait de communiquer de manière novatrice et créer par un type d’humour « décalé » permet de créer une connivence spécifique avec une part de l’audience, ou encore exprimer un positionnement idéologique sur le rôle des hommes ou des femmes dans la société. Illustration 16 - Publicité d’une lessive pour homme de la marque Antoine La lessive pour homme de marque Antoine revendique ceci : « Vous avez déjà lavé du linge ? Bien. En fait non, vous n'aviez jamais lavé votre linge avant Antoine... Car qui d'autre laisserait sur les chemises, les draps, les affaires de sport un parfum aussi incroyable ? Fini la lavande ou la pêche et place à un véritable parfum avec des accords aussi osés que : cèdre, santal, ambre, musc, patchouli, cuir… » 36 Surfant sur de réels phénomènes sociétaux tels que le fait que les hommes se marient de plus en plus tard, et participent de plus en plus au tâches ménagères, la marque joue sur de réels stéréotypes et clichés masculins afin de promouvoir cette lessive. La chaine de vêtements Kookai a également mis en place une campagne où les femmes « dominent » des hommes miniatures. C’est ce type de publicité qui va influencer et accélérer l'émancipation grandissante des femmes. Ce genre de campagne peut permettre d’aider les femmes à se construire une personnalité contraire aux stéréotypes où la femme est soumise. Cela intervient en contradiction avec les publicités où les femmes sont montrées comme des objets. Illustration 17 - Campagne publicitaire féministe de Kookai 37 CONCLUSION A travers ce mémoire, nous avons pu constater toute l’effectivité du marketing genré dans la société française. Bien plus qu’une tendance passagère, il s’inscrit comme un phénomène de fond et dénote d’une stratégie marquée des entreprises. La segmentation de la population dans deux catégories peut amener à parfois simplifier à l’extrême et tomber dans les travers des clichés. Cependant, nous avons pu voir que cette stratégie n’est pas purement monolithique car des marketers prennent cette tendance à contre-courant et misent par exemple sur des stratégies « d’empowerement » des femmes. Ce phénomène de société n’est pas sans influence sur la construction des identités de genre en France. En effet, la segmentation des consommateurs les conduits à s’identifier à l’un ou l’autre des genres ce qui peut être perturbant pour des agents dont l’identité est en construction. Nous nous sommes volontairement concentrés sur l’étude de la population adulte dans la mesure où l’étude terrain était trop compliquée à déployer à destination d’un public jeune. Cependant, c’est bien pour les publics les plus jeunes que cela est le plus compliqué en termes de construction d’identité et de vision des genres. Le marketing peut exercer un réel rôle d’agent de socialisation qu’il ne faut pas négliger car cela représente l’une des cause des inégalités homme/femme qui persistent. Il est aisé de comprendre que la représentation des hommes virils, forts dans un rapport de domination vis à vis d’une femme objet conduit à l’inscription de telles images dans l’imaginaire collectif. Il conviendrait de lutter contre ces clichés instaurant des rapports de domination, aussi bien homme/femme que femme/homme, afin d’arriver à une véritable égalité des genres. 38 Le marketing genré oblige les consommateurs à s’identifier comme un homme ou une femme et à développer une sorte de « sentiment d’appartenance à un genre ». Néanmoins, de plus en plus de pays reconnaissent le sexe neutre de ce qu’on appelle les intersexes pour des individus qui sont nés avec les deux sexes. Au delà de cette particularité médicale, il existe des individus qui ne se sente ni homme ni femmes et pour lesquels il est difficile à une seule identité de genre. Le marketing genré est néfaste dans le sens où il créé des catégories qui, certes correspondent à une certaine réalité mais qui est bien trop simpliste pour représenter la réalité. De plus, les dénonciations de la « women tax » ou taxe rose dans un certain nombre de pays montre qu’il y a une réelle préoccupation quant à l’application du marketing genré et sa traduction au niveau financier pour les femmes. Le rapport émis par le gouvernement français en 2015 n’est pas parvenu à prouver l’existence de cette taxe rose mais a déclaré vouloir mettre en oeuvre des mesures correctives quant aux différences existantes sur le traitement commercial des consommateurs féminins et masculins. Au regard de l’actualité forte du marketing genré, cela va devenir un sujet qui va prendre une place croissante. 39 Annexe 1 - Le questionnaire 40 41 Annexe - Etude terrain Le questionnaire ci-dessous a été élaboré en mai 2015 et a été réalisé en collaboration avec mon directeur de mémoire M Décaudin. Il est composé de 17 questions, certaines ouvertes et d’autres questions fermées. Ce questionnaire a été distribué sur internet par le biais d’e-mails et de réseaux sociaux à des personnes mon entourage entre le mois de juin et le mois de septembre 2015. Il y a eu 111 personnes qui ont participé à cette enquête. Compte tenu de mon statut d’étudiante, il y a une majorité d’étudiants qui ont participé qui représentaient 66,7%, puis 22,5% d’employés, 4,5% de professions intermédiaires, 5,4% de cadres et professions intellectuelles supérieures et 0,9% d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise. Parmi les sondés il y a eu 70,3% de femmes et 29,7% d’hommes. Les résultats globaux du questionnaires correspondent relativement bien aux hypothèses de départ formulées. Cependant, le biais qui pourrait exister est que les sondés sachant que le mémoire portait sur le marketing genré donc ont probablement nuancé voire modifié leur réponses de façon inconsciente. Ceci ne peut pas être prouvé, néanmoins c’est une variable à prendre en compte dans la lecture des résultats de cette étude. 42 ANNEXE 2 : LES REPONSES AU QUESTIONNAIRE 43 44 45 46 TABLE DES ILLUSTRATIONS Illustration 1 - Publicité pour Signal White Now Men Illustration 2 - Publicité pour Coca-cola light Illustration 3 - Tartines genrée de la marque « Rue de la Traversette » Illustration 4 - Image représentant des produits d’hygiène bucco-dentaire genrés Illustration 5 - Communiqué de presse de Stabilo pour la sortie du Stabilo Neon Illustration 6 - Exemple d’anthropomorphisation avec la marque de lessive St Marc Illustration 7 - Les composants de la personnalité de marque selon Aacker Illustration 8 - Les sept dimensions de la personnalité de marque selon Ulrich, TissierDesbordes et Dubois Illustration 9 - Magasin Naf-Naf aux codes dits « féminins » Illustration 10 - Magasin Devred aux codes dits « masculins » Illustration 11 - Tableau des stéréotypes culturels associés à la féminité et masculinité Illustration 12 - Publicité des Galeries Lafayettes de l’été 2015 Illustration 13 - Campagne promotionnelle Hashtag Girls Can de Sport England Illustration 14 - Figurine LEGO d’une femme ingénieur Illustration 15 - Campagne publicitaire 2005-2006 Dove 47 Illustration 16 - Publicité d’une lessive pour homme de la marque Antoine Illustration 17 - Campagne publicitaire féministe de Kookai 48 BIBLIOGRAPHIE AAKER Jennifer L., Dimensions of brand personality, JMR, Journal of Marketing Research; Aug 1997; 34, 3; ABI/INFORM Global, pg. 347 Allison, NEIL K., Linda L. 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