Cour de cassation de Belgique Arrêt

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25 NOVEMBRE 2015
P.14.1704.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.14.1704.F
D. F., G., M.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Xavier Schurmans, avocat au barreau de Liège, et
Delphine Folens, avocat au barreau de Bruxelles.
I.
LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 9 octobre 2014 par le
tribunal correctionnel de Liège, division Verviers, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au
présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Frédéric Close a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
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II.
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LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen soutient que, par leurs énonciations relatives à l’application
de la cause de suspension de la prescription de l’action publique prévue par
l’article 24, alinéa 4, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, les
juges d’appel ont violé les droits de la défense du demandeur.
En considérant que, lorsqu’il a formulé sa demande de devoirs
complémentaires, le demandeur était informé des effets qu’elle pouvait
entraîner sur la prescription, le jugement ne sanctionne pas la manière dont il
s’est défendu. Le tribunal s’est en effet borné à constater la conséquence légale
que l’accueil d’une telle demande impliquait.
Procédant d’une interprétation inexacte de la décision attaquée, le
moyen manque en fait.
Sur le second moyen :
Pris de la violation de l’article 68 de la loi relative à la police de la
circulation routière, le moyen reproche aux juges d’appel de ne pas avoir
constaté la prescription de l’action publique alors que plus de deux ans
s’étaient écoulés entre les faits et le jugement.
En tant qu’il soutient qu’en appliquant la cause de suspension de la
prescription prévue par l’article 24, alinéa 4, du titre préliminaire du Code de
procédure pénale, le tribunal a violé le droit à un procès équitable, le moyen,
invoqué pour la première fois dans l’instance en cassation, est irrecevable.
Les règles qui gouvernent la prescription de l’action publique étant
d’ordre public, le juge est tenu d’appliquer les causes de suspension de la
prescription prévues par la loi.
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Dans la mesure où il revient à soutenir que le tribunal ne devait pas
appliquer la cause de suspension de la prescription de l’action publique prévue
par l’article 24, alinéa 4, précité, le moyen manque en droit.
Le demandeur invite la Cour à poser à la Cour constitutionnelle trois
questions préjudicielles sur la compatibilité avec les articles 10 à 13 de la
Constitution, de l’article 7 de la loi du 14 janvier 2013 portant des dispositions
fiscales et autres en matière de Justice, qui complète l’article 24 du titre
préliminaire du Code de procédure pénale en introduisant une cause de
suspension de la prescription de l’action publique lors du traitement de la cause
devant la juridiction de jugement.
La première question porte sur l’atteinte aux prévisions légitimes du
prévenu et à ses droits de défense dès lors qu’au moment où un acte
d’instruction complémentaire a été sollicité, celui-ci ignorait qu’une telle
demande aurait un effet suspensif et dans la mesure où la durée de la
prescription dépend de l’appréciation du juge quant au caractère complet du
dossier ou du comportement du ministère public.
L’article 7 précité est entré en vigueur le 10 février 2013. Il ressort du
jugement que la demande de devoirs complémentaires a été formulée par le
demandeur le 6 mars 2014, soit à un moment où cette disposition légale était
déjà d’application.
Reposant sur une hypothèse étrangère à la solution du pourvoi, la
question n’est pas préjudicielle au sens de l’article 26 de la loi spéciale du 6
janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
La deuxième question proposée par le demandeur est relative à
l’exigence de prévisibilité de la loi, celle-ci faisant dépendre la durée du délai
de prescription du degré de complétude du dossier répressif. La troisième
question porte sur la différence de traitement découlant de la loi qui ferait
dépendre la suspension du délai de prescription d’un élément étranger aux faits
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reprochés au prévenu, à sa situation personnelle ou à celle de la partie civile, à
savoir le caractère incomplet du dossier.
Ces questions ont fait l’objet d’un recours en annulation et de questions
préjudicielles soumis à la Cour constitutionnelle.
Par un arrêt n° 83/2015 du 11 juin 2015, la Cour constitutionnelle a
partiellement annulé l’article 7 de la loi du 14 janvier 2013 précitée, tel qu’il a
été modifié par l’article 3 de la loi du 25 avril 2014 portant des dispositions
diverses en matière de Justice, dans la mesure notamment où il a pour effet de
suspendre la prescription lorsque la juridiction de jugement sursoit à
l’instruction de la cause en vue d’accomplir des actes d’instruction
complémentaires.
Cependant, par le même arrêt, la Cour constitutionnelle a maintenu les
effets de la disposition annulée jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle
disposition législative, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2016.
Depuis l’introduction du pourvoi, la norme à propos de laquelle le
demandeur propose d’interroger la Cour constitutionnelle a été annulée. Le
maintien de ses effets empêche que la constitutionnalité de cette norme puisse
être remise en cause par le biais d’une question préjudicielle, le caractère erga
omnes de cette décision privant d’effet utile une telle question.
Les deuxième et troisième questions préjudicielles ne peuvent plus être
posées.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été
observées et la décision ne comporte aucune illégalité qui puisse infliger grief
au demandeur.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où
siégeaient
Frédéric Close, président de section, Benoît Dejemeppe, Pierre
Cornelis, Gustave Steffens et Françoise Roggen, conseillers, et prononcé en
audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quinze par Frédéric
Close, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat
général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.
F. Gobert
F. Roggen
G. Steffens
P. Cornelis
B. Dejemeppe
F. Close
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