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Texte de présentation et de la soutenance de thèse de doctorat en théologie orthodoxe du
Père Dr. Jean Boboc : Homo absconditus et eschatologicus –Eléments pour une théo-
anthropologie orthodoxe, ternaire, apophatique et pneumatique.
A la gloire de Dieu ! Car c’est bien de la gloire de Dieu qui s’est fait homme pour que nous
devenions dieu, que nous allons parler. Il n’y a pas d’autre onto-théo-anthropologie que celle-
ci qui révèle le sens de l’homme, question beaucoup plus taraudante que celle de savoir s’il
est le fruit de l’évolutionnisme ou de la création lorsque l’on a enfin compris que l’évolution
n’est qu’une des modalités de la création de Dieu « qui fait que les choses se fassent… »
Alors, « Oui ou non, la vie humaine a-t-elle un sens, et l’homme a-t-il une destinée ? » C’est
ainsi que le philosophe Maurice Blondel1 que cite souvent le Père Dumitru Staniloae2, avait
formulé son interrogation qui est en fait celle qui sous-tend notre problématique
anthropologique dès lors que nous pensons en termes de finitude et d’eschatologie. Nous
avons cherché à répondre à cette question en l’abordant sur un plan théo-anthropologique sous
le prisme du paradigme anthropologique tripartite et dans une optique orthodoxe pneumatique
et apophatique et selon une méthodologie délibérément multidisciplinaire, historique,
philosophique, mais surtout scripturaire, patristique, liturgique, hymnographique et
scientifique par les avancées de l’embryologie et de la génétique, et cela dans un discours
souvent en rupture et en débat contradictoire. La transdisciplinarité s’impose en effet devant
les excès de la sur-spécialisation.
Dès que l’on utilise le terme d’anthropologie, on se trouve face à un grand malentendu sur
celle-ci, car elle est toujours en porte à faux puisque « conçue en terme philosophique,
l’anthropologie n’adresse que des disciplines et matières non-philosophiques et que conçue en
terme de science positive, on réduit l’homme à une espèce donnée, même si considérée
supérieure, avec le risque de rater la cible : l’homme se faisant lui-même, fondant son
1 Maurice BLONDEL, L’action, Alcan, Paris, t.2, 1937. La citation mérite d’être complète : « Oui ou non, la vie
humaine a-t-elle un sens, et l’homme a-t-il une destinée ? J’agis, mais sans même savoir ce qu’est l’action, sans
avoir souhaité de vivre, sans connaître au juste ni qui je suis ni même qui je suis. Cette apparence d’être qui
s’agite en moi, ces actions légères et fugitives d’une ombre, j’entends dire qu’elles portent en elles une
responsabilité éternellement lourde, et que, même au prix du sang, je ne puis acheter le néant parce que pour moi
il n’est plus : je serais donc condamné à la vie, condamné à la mort, condamné à l’éternité ! Comment et de quel
droit, si je ne l’ai ni su ni voulu ? » Introduction, p. 15. L’ouvrage de Blondel fut interdit de publication par le
Vatican. La philosophie de M. Blondel a eu une influence sur l’école dite « de Fourvières », qui réunissait des
esprits tels que J. Daniélou, H. de Lubac, Teilhard de Chardin, H. Urs von Balthasar, G. Fessard. En 1950, une
crise éclata entre le Vatican et l’école de Fourvières, à la suite du Surnaturel du père H. de Lubac, auquel
l’encyclique De Humani Generis semblait répondre. Par ailleurs, l’influence de l’école et de Blondel dépassa la
France et le Père D. Staniloae le cite à plusieurs reprises dans son ouvrage mentionné dans la note suivante, n.2.
La même question : « Qu’est ce que l’homme, quelle est sa place dans le cosmos ? » était posée de l’autre côté
du Rhin par Max Scheler qui proposait une métanthropologie, c'est-à-dire une anthropologie prenant en compte
la transcendance et avançant une anthropologie métaphysique. Auteur auquel faisait aussi référence le Père D.
Staniloae, en particulier au regard de l’ouvrage, Vom Ewigen im Menschen (1921) cité dans Ascetica şi Mistica
Bisericii Ortodoxe.
2 Dumitru STANILOAE, Ascetica şi Mistica Bisericii Ortodoxe, Editura Institului Biblic şi de Misiune al Bisericii
Ortodoxe Române, Bucarest, 2002. Ascétique et Mystique de l’Eglise Orthodoxe, traduction française du père
Jean BOBOC et de Romain OTAL, Cerf, 2011.