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Etude des représentations
L’étude des représentations de la population générale
au sujet de la « folie », de la « maladie mentale », de la
« dépression » et celle des modes d’aides et de soins,
repose sur l’analyse des réponses des personnes enquê-
tées à un questionnaire ouvert en pré-codage.
Différentes situations sont proposées (quelqu’un qui
pleure souvent - qui est triste, quelqu’un qui prend des
drogues - de l’alcool - quelqu’un qui délire - hallucine,
quelqu’un qui est violent - qui est anxieux), et il est de-
mandé à la personne interviewée de préciser si elle
considère que ce comportement est celui d’un « fou»,
d’un « malade mental », d’un « dépressif » ou « aucun
des trois », si c’est « normal ou anormal », « dangereux
ou non dangereux ».
Dans ce registre, la comparaison des cohortes de per-
sonnes âgées de 65-74 ans et de 75 ans et plus par
rapport aux majeurs de moins de 65 ans, fait apparaître
quelques différences que nous allons synthétiser par re-
groupement d’items.
Pour le spectre : tristesse - pleurs – suicide – anxiété,
les personnes âgées de 65 ans et plus, considèrent plus
fréquemment que leurs cadets, ces situations comme
pathologiques (moins de réponses « aucun des trois »).
Pour le suicide, ils font plus souvent référence aux
concepts de « folie » et de « maladie mentale » et sont
plus nombreux à considérer le geste suicidaire comme
anormal.
Paradoxalement, les personnes âgées voient plus fré-
quemment que les plus jeunes le suicidant comme «
non dangereux ».
Les comportements de retrait sont également plus sou-
vent perçus par les aînés, comme « anormaux », mais le
caractère de dangerosité de cette conduite ne suscite
pas de différence d’estimation en fonction des tranches
d’âge.
Pour le spectre du délire, des hallucinations, du dis-
cours et des comportements bizarres, les personnes de
65 ans et plus, qualifient plus fréquemment que les plus
jeunes, ces manifestations « d’anormales ». Cependant,
il y a peu de différences, pour les tranches d’âge consi-
dérées, pour ce qui est de la notion de dangerosité.
La référence a une pathologie psychique est habituelle-
ment établie (de façon sensiblement équivalente dans
les sous groupes), mais la ventilation entre « folie », «
maladie mentale » et « dépression », varie avec une plus
grande fréquence de réponses « dépression » chez les
personnes plus âgées.
Lorsque l’on évoque « quelqu’un de négligé », les per-
sonnes âgées et plus particulièrement les 75 ans et plus,
rapportent plus fréquemment la conviction d’une pa-
thologie chez un individu considéré comme anormal et
dangereux.
Les personnes âgées jugent plus fréquemment « anor-
mal » que les plus jeunes, un individu qui présente un
déficit intellectuel ou des crises convulsives.
Ils sont également plus nombreux que les moins de 65
ans, à ressentir comme « dangereux » les déficients in-
tellectuels.
Les situations d’addiction (alcool – drogue) amènent
les personnes âgées à évoquer plus fréquemment la pa-
thologie (moins de réponses « aucun des trois »). Elles
sont également plus nombreuses que les plus jeunes à
qualifier ces conduites d’«anormales ». Cependant, il n’y
a pas de différence entre les deux populations dans l’ap-
préciation de la dangerosité.
Pour les conduites d’alcoolisation, les plus âgées auraient
même tendance à les considérer comme « plus anorma-
les et moins dangereuses ».
Enfin, en ce qui concerne l’appréciation des compor-
tements violents (individu violent avec les autres et
avec les objets, violent envers lui-même, celui qui bat
sa femme, celui qui commet un meurtre), les personnes
âgées et notamment les 75 ans et plus, ont tendance
à faire moins souvent référence à une pathologie. Elles
répondent plus fréquemment « aucun des trois » et si el-
les reconnaissent le caractère anormal de ces conduites,
elles y voient, moins que les jeunes, un aspect de réelle
dangerosité.
Un dernier aspect de notre réflexion nous a amenés à
croiser des informations apportées par l’enquête « la
Santé Mentale en population générale : images et réali-
tés » avec d’autres recherches portant sur les représenta-
tions du grand public au sujet des personnes âgées.
Ces études font habituellement apparaître que les repré-
sentations sociales de l’avancée en âge sont naturelle-
ment marquées par un déclin des performances cogni-
tives (mnésiques, verbales, visuospaciales) sans prise en
compte de la grande variabilité interindividuelle que l’on
observe fréquemment.
Par ailleurs, une idée fréquemment répandue est celle
d’une modification de la personnalité et du caractère
(alors que les études les plus récentes et les données lon-
gitudinales concluent en une stabilité de la personnalité
et en la permanence des traits de caractère).
Le grand public a l’idée (d’ailleurs plus ou moins avali-
sée par les professionnels de santé) que le vieillissement
s’accompagne d’un «aigrissement » du caractère, d’une
perte du sens critique, et du développement de traits
tels que l’avarice, la méfiance, l’attitude hargneuse,
l’égoïsme, le repli et le recentrage sur soi.
A partir de quelques éléments du questionnaire et des
déclinaisons : « normal – anormal », « dangereux – non
dangereux » nous avons cherché à savoir quelle était la
validité de ces préjugés et de ces opinions.
Cet éclairage amène à avoir un regard sensiblement dif-
férent sur les personnes âgées.
A l’image habituellement admise du vieillard craintif,
méfiant, intolérant à toutes les transgressions et égoïs-
tement replié sur lui-même, il apporte de notables cor-
rections.
Les données de l’enquête montrent en effet que l’avan-
cée en âge s’accompagne d’une moindre crainte envers
les actes violents (auto et hétéroagressifs), que les plus
de 75 ans sont deux fois plus nombreux que leurs ca-
dets à estimer non dangereux (11 % contre
5,7 %).
Cette tolérance des aînés s’exprime également envers les
personnes alcoolo dépendantes que seuls 60 % d’entre
eux considèrent comme dangereuses (contre 75 % pour
les plus jeunes).
Les actes délinquants voire criminels (viol, meurtre, in-
ceste, usage de drogues) sont jugés avec une identique
sévérité par les différentes tranches d’âge et les répon-
ses à l’enquête montrent une égale perception de leur
dangerosité. Enfin les personnes âgées se révèlent plus
effrayées par les personnes ayant un comportement ou
un discours bizarres.
Il semble que « leur expérience de la vie » permettre
aux personnes âgées de ressentir moins de peur en face
de situations « ordinaires » (violence, suicide, alcoolisme)
mais qu’elles se trouvent plus démunies, plus déstabili-
sées par les événements ou les comportements étran-
ges.
La Santé Mentale des personnes âgées : Prévalence et représentations des troubles psychiques