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Le Cep n°2. 1er trimestre 1998
contraindre les faits et les idées pour les présenter favorablement,
n'est-ce pas la preuve que le message est mensonger ?
Si la vérité peut souvent se passer de l'argument d'autorité,
l'erreur se voit toujours contrainte d'y recourir, faute de pouvoir
exposer de véritables preuves. De là le rôle éminent échu à la
science moderne dans toutes les sociétés mues par une idéologie :
la science est présentée comme un discours apodictique et sans
appel ; elle tient lieu d'autorité spirituelle et assure la cohésion des
croyances. Lorsqu'une datation par le radiocarbone permit
d'appuyer une attaque contre le Linceul de Turin, on vit qu'un
cardinal de l'Eglise romaine ne disposait plus de l'autorité
suffisante pour contester le résultat, ne fût-ce qu'en réclamant une
contre-expertise !... Il fallut d'autres scientifiques, dans diverses
disciplines, pour oser mettre en cause un verdict si manifestement
"opportun". Il résulte de cette histoire que nul contrepoids ne
permet plus aujourd'hui de relativiser les insanités éventuelles de
la gent savante, insanités d'autant plus probables que l'absence de
contradicteurs favorise l'orgueil intellectuel.
Le Pasteur Johan Peter Süssmilch (1707-1767), avait bien
analysé le sentiment qui poussait les "philosophes" ses
contemporains à inventer pour l'humanité une origine fictive
contraire à la Genèse. Fondateur4 de la démographie, étonnant de
précision et d'ampleur dans son étude de la population, ce
prédicateur à la Cour du Roi Frédéric II de Prusse avait pris le
temps de réfléchir à cette attaque concertée contre le
christianisme. Près d'un siècle avant Darwin, il note : "Mais
pourquoi veut-on à toute force faire ressembler l'homme aux
animaux, en faire leur égal, et lui ravir des privilèges et une
supériorité qui sont tout à fait indiscutables ?... Pourquoi donc
veut-on contredire si vivement la parole de Dieu et l'expérience ?
N'est-ce pas une fausse humiliation de l'orgueil humain ?... En
ignorant les avantages (que la bonté divine lui a accordés),
l'homme ne se soustrairait-il pas au noble devoir de
reconnaissance à l'égard du donateur ?"5
Au sein de la vision biblique du monde, tout respire le sens,
donné par référence -explicite ou implicite- à l'intention divine. En
4 Avec l'aide d'Euler, alors mathématicien à la cour de Prusse et qui l'aida à
formaliser les tables de natalité et de mortalité.
5 J.P. Süssmilch, L'Ordre divin dans les changements du genre humain,
prouvé d'après la naissance, la mort et la propagation de l'espèce(1761).
Trad. Maurice Kriegel, rééd. Institut National d'Etudes Démographiques,
Paris, 1979, t. II. p.314