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compétence des individus (Deci, Ryan, 1985). La motivation des individus peut donc
être affectée quand une intervention extérieure détériore la perception qu’ils ont de leur
compétence et de leur autodétermination. Si l’incitation financière favorise le sentiment
de compétence et d’autodétermination, alors la motivation intrinsèque peut être
améliorée. En revanche, si elle l’affaiblit, elle peut être en mesure de la détériorer (Frey,
1997).
Les incitations monétaires sont en mesure de détruire la motivation intrinsèque des
individus notamment quand elles se focalisent uniquement sur la performance. Plus le
lien entre la récompense et le niveau de performance souhaité par le principal est fort,
plus l’agent tend vers les incitations extrinsèques. Néanmoins, les récompenses
financières ont un effet moindre sur la motivation intrinsèque que les ordres. À
contrario, les récompenses symboliques influencent positivement les motivations
intrinsèques dans la mesure où elles récompensent une implication de l’agent dans son
activité (Narcy, 2007).
La question des motivations et de la réaction aux incitations est au cœur de l'analyse
de la politique économique de santé. D'une part, parce que cette dernières développe
depuis la fin des années 1990 un arsenal de mesures (financières, organisationnelles, …)
reposant largement sur les motivations extrinsèques. D'autre part, parce que la
motivation intrinsèque est présente dans le colloque singulier et permet d'intégrer
l'altruisme égocentrique (Khalil, 2004). En d'autres termes, la bienveillance envers le
malade est une source de satisfaction pour le médecin. Par ailleurs, pour certains
auteurs, la satisfaction intellectuelle est une forme de motivation intrinsèque
(Richardson, 1981).
Une étude récente (Videau, Batifoulier, Arrighi, Gadreau, Ventelou, 2010) a tenté de
mesurer la part des motivations intrinsèques et extrinsèques des médecins. Pour 80 %
des praticiens interrogés, les motivations intrinsèques représentent au moins la moitié
des motivations totales. La catégorie la plus importante (plus de 30 % de l'effectif) est
fortement motivée intrinsèquement (entre 0,6 et 0,7). À l'opposé, les médecins
faiblement (moins de 0,2) et fortement (plus de 0,9) motivés intrinsèquement sont
minoritaires. Il en ressort une forte hétérogénéité du corps médical par rapport aux
motivations. En d'autres termes, le médecin représentatif n'est pas forcément très
fortement motivé intrinsèquement.
1.3. La réaction des médecins face aux incitations
Depuis le début des années 2000, l’objectif des pouvoirs publics est de compléter la
rémunération à l’acte par des éléments de forfaitisation (Samson, 2009). Les deux lois
de 2004, la loi de santé publique du 9 août et celle du 13 août relative à la réforme de
l’assurance maladie participent de cette évolution. La seconde instaure le parcours de
soins coordonnés et met en place une rémunération spécifique du médecin traitant pour
la prise en charge des malades atteints d’affections de longue durée (ALD). Cette
rémunération repose sur un forfait de 40 euros par patient en ALD au titre de la
coordination des soins. La loi du 9 août entend, quant à elle, inciter les praticiens à
s’investir dans les missions de santé publique. Le décret du 14 avril 2005 réformant le
Code de santé publique prévoit d’ailleurs une évaluation obligatoire des pratiques des
médecins en exercice.
Pour mesurer la réaction des praticiens à ces incitations, un panel de 600 médecins
généralistes libéraux a été constitué en 2002 par l’observatoire régional de la santé de
Provence-Alpes-Côte-d’Azur, L’objectif est d’observer et d’analyser les pratiques
médicales et notamment la prise en charge des missions de service public. Ce panel a
été construit par échantillonnage aléatoire stratifié sur le sexe, l’âge (moins de 43 ans,