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« ô les croyants ! Quand la mort se présente à l’un de vous, le testament sera attesté par deux
hommes intègres d’entre vous, ou deux autres, non des vôtres, si vous êtes en voyage dans le
monde et que la mort vous frappe. Vous les retiendrez (les deux témoins), après la prière,
puis, si vous avez des doutes, vous les ferez jurer par Dieu : « Nous ne faisons aucun
commerce ou profit avec cela, même s’il s’agit d’un proche, et nous ne cacherons point le
témoignage de Dieu. Sinon, nous serions du nombre des pêcheurs […] » Coran 5/106-108.
Il faut reconnaître qu’il n’est aucunement fait mention des non-musulmans dans cet extrait.
Seulement, pour les juristes et les exégètes, l’expression « deux autres, non des vôtres » implique ici
deux chrétiens en particulier3. Selon cette lecture interprétative, les musulmans en voyage
pourraient faire part de leur testament en prenant à témoin des personnes d’autres confessions.
Cependant, les juristes ne sont pas tous d’accord avec cela, comme en témoigne Ibn Rušd (m.
595/1198), le petit-fils4.
Par ailleurs, la Tradition (sunna) aura gardé en mémoire, entre autres, que le Prophète de l’Islam
avait eu des échanges avec ses voisins juifs à Médine. Selon le célèbre recueil canonique de
traditions, Buḫārī, il est rapporté que : « Le Prophète est mort alors qu’il avait nanti sa cotte de
mailles à un juif en échange de trente mesures (ṣāʿ) d’orge »5. En d’autres mots, il s’est dirigé vers
un juif plutôt qu’un musulman pour emprunter de quoi se nourrir. Même si on ignore les réelles
motivations de ce choix, toujours est-il que ce texte indique des relations.
Ainsi, à l’aune de ces différents passages, on pourrait penser qu’il existait des relations
interpersonnelles impliquant des transactions commerciales. Cela reste, bien évidemment, un aperçu
théorique qui ne peut à lui seul restituer l’aspect pratique. En tout cas, cette première approche
donnera à croire que le plan doctrinal ne semble pas hostile aux échanges sociaux et
particulièrement dans le monde des affaires.
3 ʿAbd al-Ḥaqq Ibn ʿAṭiyya, al-Muḥarrar al-waǧīz fī tafsīr al-kitāb al-ʿazīz, Beyrouth, 2001, vol. II, p. 250 ; Ibn al-
ʿArabī, Aḥkām al-Qur’ān, Beyrouth, 2003, vol. II, p. 230-41 ; Qurṭūbī, op. cit., vol. VI, p. 346-7.
4 M. Ibn Rušd, Bidāyat al-Muǧtahid wa nihāyat al-Muqtasid, Le Caire, sd., vol. IV, p. 246.
5 Muḥammad b. Ismāʿīl al-Buḫārī, Ṣaḥīḥ al-Buḫārī, Beyrouth, 2001, vol. IV, p. 41.