Le bégaiement et la dyslexie impliquent-ils un complexe d’infériorité chez l’enfant ? Le complexe désigne un ensemble de sentiments qui organise la personnalité de chaque individu : c’est ce qui structure les attitudes, les conduites et les émotions de chacun. Ainsi il y a une réaction automatique, inconsciente à une perturbation provenant du monde extérieur. Le complexe d’infériorité se situe parmi les complexes qui déforment le comportement : c’est une impression d’être inférieur à un modèle, à une satisfaction qu’on désire réaliser. Ceci dit, la logopathie −c'est-à-dire l’ensemble des troubles du langages− est l’une des formes du complexe d’infériorité. Comme point de départ, il faut signaler que c’est à partir de l’âge de 6ans que l’enfant peut connaître un complexe d’infériorité : cet âge marque l’avènement de la pensée logique : le moment où l’enfant devient plus libre de développer ses curiosités, ses activités, ses relations avec autrui. Il y a à ce niveau début de l’adaptation au réel pour aboutir à une transformation totale de la pensée, de l’intelligence, de l’affectivité. Ainsi à partir de l’âge de 6 ans, le langage devient un moyen de communication ayant une forme objective et subjective : c’est une fonction instrumentale qui permet à l’enfant d’exprimer sa pensée d’une façon claire, nette et précise. De là, on peut parler de logopathie qui peut être l’expression d’une personnalité perturbée. Il est important de mentionner que le trouble du langage n’est pas en relation avec une insuffisance intellectuelle : un enfant qui a une logopathie ne veut pas dire nécessairement qu’il a une débilité mentale. Mais le langage et la pensée sont en relation : Le psychologue L.S.Vygotsky signale qu’à ce propos : « La structure du langage n’est pas le miroir de la structure de la pensée, la pensée ne s’exprime pas seulement par le langage, elle y trouve sa réalité et sa forme ». Quels sont les troubles spécifiques du langage ? Le langage peut contenir plusieurs déficits qui peuvent se manifester soit par un trouble de l’apprentissage de la lecture, soit par un trouble du rythme de la parole désignée par le bégaiement. Pour parler de la dyslexie, la Fédération Mondiale de Neurologie la définit de la manière suivante : «Un désordre qui se manifeste par une difficulté dans l’apprentissage de la lecture en dépit d’une instruction normale, d’une intelligence satisfaisante et de bonnes conditions socioculturelles. C’est une difficulté qui n’est pas en relation avec un déficit sensoriel c'est-à-dire avec une insuffisance existant au niveau des organes des sens : un dyslexique n’a aucun défaut visuel ou oculaire. La dyslexie qui est un défaut de prononciation est en relation avec un rouble dans l’acquisition de l’écriture. Il ne faut pas oublier que la dyslexie est aussi reliée à un trouble dans l’apprentissage de l’orthographe. Un enfant dyslexique a un trouble au niveau du graphisme parce qu’il a une mauvaise coordination motrice : il est incapable de s’orienter dans l’espace et le temps. A partir de là, ce dernier à, ce dernier éprouve une difficulté à reconnaître l’ordre consécutif des lettres tout en les faisant correspondre aux sons (comme par exemple : le mot «en» sera lu «ne» ;« garçon» sera lu « garçon». Il confond entre les notions temporelles - «avant» et «après»- et les notions de latéralité «droite» et «gauche»). Pour parler du bégaiement qui est le balbutiement, c’est le cas où l’enfant s’exprime avec embarras. Cela suppose qu’il y a, soit une répétition des mots d’une façon brusque et irrégulière accompagnée d’une sorte d’explosion, soit un blocage momentané de l’émission verbale suivie d’une élocution précipitée. Cela va sans dire qu’il y a une désorganisation des mouvements phonétiques. C’est un trouble fonctionnel qui affecte la communication verbale sans qu’il y ait une anomalie au niveau des signes phonateurs. Le bégaiement peut être précoce c'est-à-dire que le trouble apparaît vers l’âge de 3,4ans avec le commencement de la scolarité − dû à une lésion cérébrale anatomique où une tension musculaire se manifeste dans l’émission verbale. (Dans une pareille situation il faut remonter à la grossesse de la mère : s’agit-il d’une grossesse facile ou difficile. Tout est relatif). Comme il peut être tardif et apparaître à l’âge de5, 6ans au moment de l’insertion de l’enfant dans la société : il est dû à un accident ou un traumatisme qui a perturbé la vie de celui-ci. Le bègue peut avoir un désordre moteur sous-jacent dû à une mauvaise latéralisation ou à une gaucherie contrariée (Il ne faut jamais obliger un gaucher à écrire avec la main droite. Si le côté dominant qui est le côté gauche ne lui cause pas de problèmes laissez-le tel qu’il est. Si cela lui cause une gêne il faut l’orienter vers un spécialiste : psychologue, psychomotricienne. Un bègue peut être un enfant gaucher). Il faut mentionner que le bégaiement survient surtout chez les enfants présentant un retard du langage. Pour connaître la cause du trouble il faudrait savoir à quel âge l’enfant a dit son premier mot et comment il l’a prononcé. La logopathie, une forme de sentiment d’échec. L’enfant qui a un trouble du langage (bégaiement, dyslexie) a un désordre affectif émotionnel qui perturbe la totalité de son Être. Ce dernier est incapable de se réaliser dans ses potentialités personnelles. Ainsi il s’agit d’une manière d’être qui bloque la fonction normale du Moi et qui a pour source une situation que l’enfant n’a pas pu surmonter. Sur ce, le dyslexique et le bègue sont des inadaptés sociaux : ils réagissent absurdement parce qu’ils se sentent paralysés dans leur action ; ce sont des affectifs émotifs, des êtres capricieux, égoïstes, qui ont une mauvaise humeur, renfermée. Eprouvant inconsciemment un sentiment d’échec, ils sont dépendants, incapables de tout acte d’autonomie, de volonté, d’énergie, de persévérance. Ils se comportent comme s’ils étaient privés d’affection parce qu’ils s’estiment toujours frustrés, et parce qu’ils ont le sentiment d’être délaissés : de là ils deviennent désordonnés, négligés, agressifs et recherchent la vengeance. Il ne faut pas oublier que l’enfant qui a un déficit au niveau de l’articulation est un infériorisé qui a un caractère élusif parce qu’il manque de confiance en lui-même : il prend une attitude de fuite devant toute gêne et toute sévérité. Une situation tirée de la réalité Au Liban, comme ailleurs, il existe des enfants atteints de trouble du langage, et l’orthophonie est connue comme traitement de ces troubles et consiste en la rééducation du langage écrit et oral. «F» est un jeune garçon de 14ans en classe de 3 ème. Issu d’une famille dont le niveau socioéconomique et culturel est moyen, il occupe le troisième rang d’une fratrie de 6 enfants. Traumatisé par un obus qui a explosé devant lui, «F» bégaie depuis l’âge de 6 ans. Il balbutie. Ses mots sont incompréhensibles, hachés, à cause d’un blocage soudain au niveau de la respiration, suivi d’un froncement des sourcils avec contraction des mâchoires ; il forme difficilement ses mots et phonèmes. Il se sent embarrassé quand il doit s’exprimer. «F» a un mauvais rendement scolaire. En classe, il est paresseux, inattentif, distrait, impudent, impoli. Dans la cour de récréation, il est toujours seul ; il se dispute avec ses camarades qui le blessent en se moquant de lui. A la maison, il est désobéissant et ses parents s’énervent après lui à cause de son comportement et de son langage incorrect ; il se chamaille avec ses frères, et irritable et pleure pour un rien. Comment y remédier ? D’abord, «F» a été orienté vers une psychologue qui, à la suite d’une investigation a prouvé que le déficit du langage n’était pas en relation avec une insuffisance intellectuelle dont le quotient intellectuel est supérieur à la moyenne mais avec un problème affectif. ( «F» a été pris en charge par une orthophoniste qui lui a fait faire une rééducation : ce qui l’a aidé à mieux s’exprimer et à mieux communiquer avec autrui puisque son problème-cible est une difficulté au niveau de l’élaboration du langage c'est-à-dire un trouble de la communication qui implique une relation sociale perturbée. « F» a inconsciemment un sentiment d’échec suite à son bégaiement. La réussite de la rééducation a supposé une troisième étape qui est l’orientation de cet enfant vers un psychothérapeute, spécialiste, capable de traiter les troubles psychiques, car le problème de «F» provient également d’un désordre affectif. Cela va sans dire que le travail qui a été fait se situe au niveau familial ; il s’agissait d’améliorer la communication mutuelle entre «F», ses parents et ses frères. Pour parler de «F», c’est un enfant qui avait besoin d’avoir confiance en lui-même pour pouvoir évoluer, c'est-àdire s’accepter et accepter sa réalité. Ce garçon se sentait carencé affectivement et dévalorisé ( il est sous-estimé, blessé par ses camarades ). Il a eu recours à l’agressivité ( il est turbulent, coléreux, désobéissant) dans le but de se venger, d’échapper à la solitude et de s’affirmer. Ne pouvant affronter ses parents verbalement, « F» déchargeait son hostilité sur ses matières scolaires (il est inattentif, paresseux). A l’instar du bégaiement, la dyslexie peut être traitée de la même façon : tout enfant ayant un trouble du langage peut évoluer, à condition qu’il ait une intelligence suffisante et qu’il soit prêt à surmonter son déficit.