Conf. n°5 - Barbara DONVILLE

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Barbara DONVILLE - Conférences EHESS 2013 " EMOTIONS ET CONNAISSSANCE DE SOI "
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CONFERENCE 5
LES EMPREINTES CEREBRALES DE LA L’ECRITURE ET DE LA LECTURE
UN EXEMPLE DE TROUBLE DU SCHEMA CORPOREL :
LE CERVEAU DYSLEXIQUE ET LE PROBLEME DE LA SYMETRIE DANS LA LECTURE
En nous appuyant principalement sur les travaux de Stanislas Dehaene, qui a publié des
travaux sur les neurones de l’écriture, mais également de Jean-Pierre Changeux, et de JeanFrançois Démenet qui travaille actuellement avec son équipe au CHU de Purpan à Toulouse
sur l’aire D’Exner, qui est l’aire dévolue à l’écriture, et sur laquelle il existe très peu de
travaux. Nous tenterons d’approcher le fonctionnement neuronal qui mène à
l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, nous en étudierons les empreintes cérébrales.
Puis, nous comprendrons ce qui se passe au niveau des processus cérébraux, lorsque
l’apprentissage de la lecture et de l’écriture est impossible dans la mesure où il y a
effectivement une atteinte du schéma corporel qui correspond à un trouble de base dont
les conséquences s’expriment très diversement et ont des répercussions sur les empreintes
cérébrales. Pour illustrer notre propos nous nous arrêterons particulièrement sur le
cerveau dyslexique et plus spécifiquement la dyslexie visuelle, nous étudierons les processus
cérébraux du phénomène de la symétrie dans la lecture.
«L’art figuratif est, à son origine, directement lié au langage, et beaucoup plus près de
l’écriture au sens le plus large, que de l’œuvre d’art. Pour le signe comme pour le mot,
l’abstrait correspond à une adaptation progressive du dispositif moteur d’expression, ainsi
qu’à des sollicitations cérébrales de plus en plus nuancées » André Leroi-Gourhan Le Geste et
la Parole
Les empreintes cérébrales de l’écriture, un processus de recyclage neuronal
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Ecrire suppose des prédispositions innées, et des propriétés de plasticité
épigénétiques, caractéristiques du système nerveux en développement.
L’écriture se définit comme une trace dans un matériau stable qui rassemble des
signes et détient un sens pour celui qui en possède le code.
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L’idée de l’écriture aurait été construite en exploitant les formes élémentaires innées
qui servent à l’identification des objets, cela constitue donc l’équivalent d’un code.
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Il s’agit d’une opération de recyclage neuronal : Cette forme d’apprentissage reflète
les contraintes de notre cerveau. Ce seraient les circuits cérébraux qui vont de la
vision vers les aires du langage, qui auraient été recyclés pour s’adapter à l’écriture
car ils sont suffisamment plastiques.
-
Si notre organisation cérébrale impose des limites aux variations culturelles, on
observe, à travers l’ensemble des systèmes d’écriture que l’humanité a inventés, de
nombreuses caractéristiques communes qui trahissent les contraintes de notre
appareil cérébral.
Ce n’est pas le cerveau qui a évolué pour l’écriture mais le système culturel de l’écriture qui a
évolué pour s’adapter au cerveau.
Comment ce processus de reconversion se répète-t-il ?
-
Notre organisation cérébrale impose des limites et des contraintes à notre appareil
cérébral, c’est pour cela que nous observons, à travers l’ensemble des systèmes
d’écritures, des caractéristiques communes.
-
Il est possible que l’alphabétisation de nos cultures ait fait perdre des compétences
notamment dans la reconnaissance visuelle de certaines catégories d’objets. En effet,
il y a eu compétition au sein du cerveau entre cette fonction d’alphabétisation,
fonction culturelle nouvelle, et les fonctions plus anciennes héritées de notre
évolution. Cette compétition a eu des conséquences sur nos anciennes capacités. Si
le cerveau est plastique, il n’est pas extensible.
La forme des différents caractères écrits présente certains traits communs, reflet de
notre architecture cérébrale
a) Toutes les écritures présentent une haute diversité de traits contrastés, souvent
noirs sur fond blanc. Cette présentation optimise la quantité d’information que
notre rétine et nos aires visuelles peuvent transmettre à chaque fixation.
b) Toutes les écritures utilisent un petit répertoire de formes de base, dont la
combinatoire hiérarchique génère des sons, des syllabes et des mots. Cette
organisation hiérarchique s’ajuste étroitement à la pyramide des aires corticales
qui composent notre système visuel dont les neurones utilisent un principe
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combinatoire similaire afin de reconnaître des unités de taille et d’invariances
croissantes.
c) Toutes les écritures considèrent comme acquis que la taille et la position absolues
des caractères n’ont pas d’importance. Dans toutes les écritures, les caractères
doivent toujours être orientés dans le même sens, ainsi notre cortex visuel n’a
pas besoin de dédier des neurones à chacune des vues séparées d’un angle de
plus de 40 degrés.
d) Toutes les écritures dénotent à la fois des éléments de son et de sens comme si
leurs inventeurs avaient implicitement observé que les connexions du cortex
visuel ventral permettaient de servir de plaque tournante et d’alimenter à la fois
les régions temporales supérieures associées au traitement auditif et les régions
temporales moyennes et antérieures associées à la sémantique des mots.
-
Même s’il y a une variabilité entre les écritures, il existe toujours une corrélation
entre l’écrit et l’oral : la taille et l’unité sonore peut aller du mot ou de la syllabe tout
entière jusqu’au phonème ou même au trait phonétique isolé. La physiologie
cérébrale ne prescrit rien dans ce domaine, mais le choix qui est fait, contraint le
nombre de symboles requis.
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On retrouve toujours environ trois traits dans toutes les formes de calligraphies : Il
existe 115 systèmes d’écritures. Presque tous les caractères sont formés d’environ
trois traits qui représentent des courbes que l’on peut dessiner sans lever le crayon.
Ces trois traits ne sont pas le fruit du hasard, ils correspondent aux taux
d’accroissement de complexité des neurones visuels. A chaque étape les champs
récepteurs augmentent d’un facteur 2 ou 3, et l’invariance et la taille des unités
représentées s’accroît également ce qui permet une stabilité de représentation.
Chaque caractère a une forme optimale reconnaissable, par un neurone unique.
Comment l’écriture s’est-elle adaptée à la structure du cerveau ?
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Dans l’organisation des systèmes d’écriture, il existe des traces de contrainte du
système nerveux sur l’apprentissage. Les croisements de traits sont très présents
dans l’écriture, certaines formes sont plus fréquentes que d’autres.
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Il y a une distribution identique de toutes ces traces dans tous les systèmes
d’écritures : Par exemple la forme T ou L, est beaucoup plus fréquente que la forme
F. Ces formes fréquentes se retrouvent dans les objets de notre environnement. Le
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système visuel des primates s’est donc adapté à ces régularités présentes dans
l’environnement, grâce à des neurones spécialisés dans leur reconnaissance.
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Dans le cerveau la préférence des neurones varie de façon régulière et forme une
carte de formes, Un dictionnaire cortical des formes élémentaires se révèle : Des
neurones voisins sur la surface du cortex ont tendance à coder pour des formes
similaires. On trouve par exemple toute une région du cortex dédiée à des variantes
de la forme de T et d’autres secteurs dévolus à des formes en 8, en étoile, ou au
profil élémentaire d’un visage.
-
Le cerveau a donc développé des prédispositions pour la reconnaissance des objets :
les neurones propres à l’écriture seraient à la naissance déjà spécialisés dans
l’analyse des formes d’objets ou d’êtres vivants et leur reconnaissance, quelle que
soit leur taille (éloignement ou rapprochement des objets) et leur position, dans
l’espace. Ces fonctions sont nécessaires au sujet qui doit analyser son environnement
et en évaluer les aspects positifs et négatifs.
Le cerveau sélectionne des formes qui requièrent un minimum de reconversion
cérébrale.
Donc….
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L’invention de l’alphabet correspond à l’évolution de l’écriture vers un jeu de
caractères susceptibles d’être immédiatement reconnus par les neurones simplifiés
du cortex occipito-temporal ventral.
Comment l’homme a-t-il déterminé les formes de ses lettres ?
-
Pour essayer de comprendre on a simulé le processus cérébral de l’écriture : En
partant de formes complexes, comme une tête de taureau par exemple, on a
progressivement simplifié les traits pour obtenir des formes minimales adaptées à
notre système nerveux. Notre système visuel s’est donc adapté aux images naturelles
pour que nos neurones en détectent les configurations caractéristiques.
En effet….
-
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Les plus anciennes grottes comme la grotte Chauvet présentent déjà des formes très
sophistiquées d’art graphique, l’image reconnaissable d’un objet ou d’un animal.
L’invention de l’écriture a joué un rôle essentiel dans la mesure où elle a permis de
ne pas reproduire en trois dimensions la forme que l’on souhaite évoquer.
Effectivement, la plupart des cellules de la rétine sont sensibles aux à-plats de
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couleurs et répondent aux contrastes, que celles-ci soient évoquées par un simple
trait ou par la jointure de deux surfaces. Par la gravure et le dessin, l’humanité a donc
inventé une première forme « d’autostimulation » de son système visuel.
-
Les premières écritures font appel, pour les signes écrits, à l’ensemble des formes
simples que les physiologistes ont associées à des représentations neuronales
localisées dans le cortex temporal ventral. L’évolution culturelle semble avoir
exploré systématiquement l’espace des représentations du cortex visuel. Elle a donc
convergé vers un jeu minimal de symboles doté d’une très forte affinité avec notre
appareil cérébral, à la fois parce que notre cortex occipito-temporal ventral apprend
aisément à les reconnaître, mais aussi parce que cela a établi une connexion directe
avec le codage des sons de la langue dans le cortex temporal supérieur gauche.
L’aire d’agraphie d’Exner, (GMFA, Graphemic/ Motor Frontal Area) une
petite aire indispensable à l’écriture
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Il s’agit d’une toute petite aire, découverte en 1881 par Sigmund Exner, physiologiste
autrichien, qui est impliquée dans la graphie. Elle se situe dans le cortex prémoteur,
jouxtant l’aire de Broca : chez les personnes qui écrivent de la main droite, cette aire
est située dans l’hémisphère gauche, comme la zone du langage et celle qui contrôle
le mouvement de la main. Chez les gauchers, pour lesquels ces deux zones ne sont
pas forcément du même côté, l’aire se balade.
-
Dans les diverses tentatives d’étude des troubles de l’écriture on distingue les
dysgraphies pures et les dysgraphies associées à d’autres manifestations cliniques
comme des troubles du langage oral, désordre praxique, déficits spatiaux ou
intentionnels. Les dysgraphies pures ont été identifiées à la suite des travaux d’Exner
par l’atteinte d’un centre de l’écriture, situé au pied de la deuxième circonvolution
frontale gauche, à côté de l’aire de Broca, ce qui pourrait expliquer les troubles de
l’oralité associés aux troubles du graphisme que l’on peut parfois observer.
-
Les travaux d’Exner ont été repris par le professeur Jean-François Démenet de
l’université Paul Sabatier de Toulouse et ont confirmé les travaux d’Exner : Il existe en
effet une implication du cortex pré-moteur dans la partie orthographique du
langage. L’importance du cortex pré-moteur dans la production du geste d’écriture
est avérée, ainsi que la mise en jeu des représentations allographiques visuelles.
Certains dyslexiques pourraient coder le signal de la parole en fonction d’indices
acoustiques n’appartenant pas au système phonologique de leur langue maternelle.
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Lorsque l’on constate une dyslexie d’origine visuelle, l’aire d’Exner est en effet
désactivée : C’est la voie visuelle occipito-pariétale qui s’intéresse à la
programmation de l’action mais également à la distance, à la vitesse, à l’orientation
et au contour qui est altérée, et ce sont alors tous les paramètres qui déterminent
comment nous pouvons agir sur un objet qui sont déficients. L’aire d’Exner semble
donc déterminante pour le tracé des lettres.
En effet….
-
Si l’on admet que, comme pour l’apprentissage de la lecture, l’apprentissage de
l’écriture reconvertit des réseaux de neurones initialement dédiés à la
reconnaissance des objets, on observe que, dans certaines formes de dyslexies,
notamment la dyslexie visuelle qui viendrait d’une difficulté d’automatiser le lien
entre la vision et le langage, l’enfant peut savoir lire le mot lorsqu’il est en entier
mais il n’a pas la capacité de voir les contours d’une lettre, ni a fortiori de la tracer.
-
L’agraphie viendrait donc d’une désactivation de l’aire d’Exner dans la mesure où la
voie visuelle occipito-pariétale est elle-même altérée, notamment dans sa capacité à
reconnaître les contours et l’orientation de la lettre. Dans ce cas, comme pour les
lettres, les objets sont perçus dans leur globalité et les contours ne sont pas perçus
comme reliés entre eux, les neurones codant pour les formes en T et en L ou encore
en X, essentiels pour percevoir les liens des contours, étant désactivés ou pour le
moins déficients.
-
Lorsque l’aire d’Exner est désactivée et que l’activité de la voie visuelle occipitopariétale est amondrie, les neurones de l’aire V2 et V4 essentiels dans le tracé, ne
fonctionnent pas correctement, sans doute victimes d’ectopies. En effet, in utero, à
partir du sixième mois, les neurones commencent leurs migrations. L’ectopie est le
fait que les neurones se replacent incorrectement après leur migration et deviennent
donc inopérants. C’est probablement ce qu’il se produit dans certains types de
dyslexies. On sait que les neurones de l’aire V2 forment des détecteurs de contours,
et les neurones de l’aire V4 reconnaissent la jonction des courbes.
Les empreintes cérébrales de la lecture, le cerveau n’a pas été conçu
pour lire, il a dû s’adapter
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La lecture est d’abord un processus de saccades oculaires qui extrait trois ou quatre
fois par seconde des informations provenant d’un mot. La reconnaissance d’un mot
commence sur la partie la plus centrale de la rétine. Elle se poursuit par l’analyse
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orthographique permettant de l’identifier, indépendamment de la taille des lettres ou
de la police d’écriture.
-
Nous possédons donc des neurones spécialisés pour les lettres, un code neural s’inscrit
dans notre cerveau lorsque nous apprenons à lire. L’apprentissage de la lecture fait
du neuf avec du vieux. Comme pour l’écriture, nous recyclons en utilisant les mêmes
régions que lorsque nous reconnaissons un objet. Certains territoires sont spécialisés
pour la forme des lettres et des mots.
Qu’en est-il des propriétés essentielles de la lecture telles que l’invariance pour la taille et
l’orientation des lettres pour les mots ?
-
Lorsque nous reconnaissons un objet, peu importe qu’il soit près ou loin : il est
surtout essentiel que nous reconnaissions son identité quels que soient son éclairage,
son orientation, sa distance, sa position. Au cours de l’évolution une pression
importante de sélection a pu s’exercer et a favorisé la reconnaissance invariante des
objets.
En effet……
-
L’information visuelle est envoyée vers des régions cérébrales communes avant que
nous puissions reconnaitre l’invariance de l’objet : Pour lire un mot le cerveau doit
effectuer trois sortes d’opérations :
a) il doit analyser ce qui est écrit ;
b) il doit établir une relation avec les sons de la langue parlée ;
c) il doit trouver la signification du mot.
Ces trois opérations activent trois zones distinctes du cortex cérébral gauche.
Deux voies de traitement sont mises en jeu
a) La voie phonologique ou indirecte : où le cerveau analyse ce qui est vu
(graphèmes) et associe ces groupes aux sons élémentaires de la langue parlée
(phonèmes) ce qui permet ensuite de prononcer le mot à voix haute ou
mentalement et donc de le reconnaître et d’en trouver le sens.
b) La voie lexicale et orthographique directe : où après l’analyse visuelle du mot, le
cerveau recherche en mémoire le mot dans une sorte de lexique pouvant
recevoir plusieurs dizaines de milliers de mots sans passer par la prononciation.
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Depuis une vingtaine d’années il est possible d’observer en direct et en temps réel l’activité
cérébrale des neurones dévolus à la lecture. On a constaté que le cerveau « lisant »
fonctionne de la même façon chez tous les types d’écritures.
L’imagerie cérébrale a permis de construire de nouvelles hypothèses sur le rôle des
neurones :
a) Certains neurones sont spécialisés dans le codage d’éléments visuels, les uns étant
affectés aux éléments les plus simples, d’autres aux combinaisons de ces éléments,
selon un schéma hiérarchique ;
b) Les neurones n’effectueraient pas les opérations d’analyse en série, une information
après l’autre, mais en parallèle, en effectuant simultanément un grand nombre
d’opérations par essai/erreur, qui donnent le sentiment de simultanéité.
-
La reconnaissance visuelle repose sur toute une hiérarchie neuronale : l’information
visuelle entre tout en bas dans cette hiérarchie. Cette progression anatomique
s’accompagne d’un accroissement de la complexité fonctionnelle. A chaque étape,
en recombinant les réponses des neurones du niveau inférieur, les neurones du
niveau supérieur, parviennent à répondre à des images de plus en plus riches et
complexes.
-
Le cerveau recompose alors morceau par morceau, le puzzle que constitue l’image
éclatée de l’objet sur la rétine : les principes fondamentaux de cette décomposition
sont le parallélisme massif et la hiérarchie. Eclatée en une mosaïque de taches de
lumières dans l’aire visuelle primaire, l’image mentale est progressivement
recomposée par une pyramide hiérarchique de neurones.
Le système nerveux fonctionne comme un assemblage de petits calculateurs
élémentaires organisés en parallèle. Les neurones sont des calculateurs
extraordinairement lents :
a) Les images optimales, celles qui déclenchent la plus forte réponse du neurone se
complexifient : par exemple, il suffit de présenter une petite barre pour faire
décharger les neurones de l’aire visuelle alors que des courbes plus complexes,
des formes, des fragments d’objets, font réagir des neurones de plus haut niveau
hiérarchique.
b) A mesure que l’on progresse dans la hiérarchie, les neurones répondent à des
secteurs de plus en plus étendus sur la rétine.
c) Cette progression dans la spécialisation neuronale s’accompagne d’une
invariance croissante : les neurones de plus bas niveau sont très sensibles aux
changements de position, de taille ou de luminosité. A mesure que l’on s’élève
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dans la hiérarchie, les cellules nerveuses tolèrent des déplacements et des
déformations de plus en plus importants.
Les circuits corticaux dévolus à la lecture ne sont pas innés….
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Le décodage cérébral de la lecture est laborieux. Avant de devenir automatique,
l’assemblage des phonèmes est assez lent. Grâce à l’expérience, le traitement dans la
voie phonologique peut s’accompagner en parallèle de la recherche du sens du mot.
Car…..
Selon le modèle hiérarchique, le code neural d’un objet (qui est le même que celui
dévolu à la reconnaissance de la forme d’une lettre), est constitué d’une mosaïque
hiérarchique de neurones qui votent en faveur de cet objet (ou de cette forme de
lettre) parce qu’ils en ont reconnu certains traits. Ainsi, la plupart des neurones
sélectifs aux objets répondent à certaines vues, plus ou moins restreintes et
simplifiées, des parties de ces objets.
Dans le cerveau il existe une mosaïque de détecteurs neuronaux de formes
élémentaires qui tapisse la surface du cortex temporal inférieur. Ces formes
primitives jouent pour la reconnaissance des objets, le rôle d’un alphabet dont les
combinaisons permettent de décrire n’importe quel objet. Ce sont des sortes de
protolettres créées par le code neural, qui fonctionnent comme un alphabet
combinatoire.
En effet…..
En un point donné du cortex, tous les neurones qui appartiennent à la même
« colonne » transversale n’ont pas les mêmes préférences, mais semblent répondre à
de petites déviations métriques de la forme la plus simplifiée. Collectivement ils
constituent un immense répertoire de variantes de formes, capables à la fois de
catégoriser l’image pour reconnaitre la présence d’un visage par exemple, mais
également d’individualiser chaque image particulière lorsque le contexte l’exige.
Dès lors…..
En combinant les réponses de ces milliers de détecteurs, on comprend comment
notre cortex parvient à coder une immense variété d’objets. A chaque objet, même
nouveau et incongru, la combinatoire se modifie dynamiquement et attribue
immédiatement un code neural unique.
Une combinatoire d’un alphabet de formes élémentaires s’élabore donc. Non
seulement différents neurones sont sensibles à différentes parties d’un objet mais ils
codent également pour leur agencement dans l’espace.
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Cette syntaxe combinatoire se retrouve à plusieurs niveaux hiérarchiques du système
visuel : seule, l’échelle spatiale et le degré d’abstraction des propriétés visuelles
augmente progressivement. A chaque étape, les neurones tirent leur sélectivité
d’une conjonction de traits plus élémentaires codés par les neurones du niveau
inférieur.
Que faut-il alors comprendre ?
-
Le cortex visuel juge donc utile de coder ces propriétés non-accidentelles car en
réalité leur combinaison, propre à chaque objet, est souvent unique et invariante
dans leur jonction, face aux changements de taille, de point de vue et d’éclairage.
Une autre propriété des scènes visuelles comme le parallélisme est également
fréquent. Pour le système nerveux, c’est un système de repérage efficace.
-
Les neurones acquièrent cette sensibilité en apprenant à détecter des conjonctions
de traits saillants. A l’intérieur de l’immense répertoire de formes possibles, seules
celles que nous avons rencontrées dans le passé sont représentées explicitement par
les neurones de conjonction. Les autres combinaisons restent disponibles mais à l’état
de simple potentialité. Tant que l’apprentissage n’a pas eu lieu, ces combinaisons ne
sont pas rendues explicites par des neurones de niveau supérieur.
Comment fonctionnent les neurones du lecteur ? l’hypothèse des neurones
bigrammes
Si l’on admet que l’apprentissage de la lecture reconvertit des réseaux neuronaux
initialement dédiés à la reconnaissance des objets, il nous reste à comprendre
comment ces neurones peuvent se réorganiser pour reconnaître un mot écrit.
Quel type de code neural est inscrit dans l’aire de la forme visuelle des mots ?
-
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Ce modèle part du principe que le système visuel est organisé chez les primates sous
forme de hiérarchie d’aires cérébrales :
a) Ce qui se passe au plus bas niveau : C’est l’aire visuelle V1 dans laquelle la
plupart des neurones répondent à de simples traits. Chaque neurone, à l’intérieur
de la toute petite zone rétinienne qu’il examine, préfère voir une petite barre
plus que tout autre stimulus. Les lettres et les mots étant constitués de quelques
traits, on fait l’hypothèse que l’expérience de la lecture ne modifie pas
fondamentalement ce codage primitif. L’essentiel du recyclage ne se situe pas à
ce niveau, mais plus en aval dans les régions qui codent pour des propriétés plus
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abstraites de la scène visuelle. Toutefois, certaines formes récurrentes comme le
T ou le X peuvent probablement être déjà repérées à ce niveau.
b) La majorité des formes des lettres sont probablement extraites un peu plus avant
dans la hiérarchie visuelle, par les neurones des aires V2 et V4 : En combinant
plusieurs barres orientées, les neurones de l’aire V2 parviennent à former des
détecteurs élémentaires de contours, et à l’étape suivante, l’aire V4, des
« combinaisons de combinaisons », ce qui permet de représenter des formes
simples et probablement des lettres. Si les neurones de l’aire V4 reconnaissent la
conjonction des courbes, il est probable qu’ils ne puissent représenter qu’une
seule forme à la fois. Ainsi, les différentes formes d’une lettre (majuscule,
minuscule), activent donc des populations de neurones différentes.
c) L’aire V8, l’étape cruciale : Ce n’est qu’à cette l’étape, en combinant l’activation
des détecteurs, que le système visuel parvient à coder l’identité abstraite des
lettres. Cet apprentissage s’effectue dans l’aire V8 des deux hémisphères, à
l’endroit du cortex où nos expériences d’imageries ont montré une capacité à
détecter la répétition de lettres écrites en majuscules et en minuscules
A chaque étape, les neurones gagent en invariance spatiale. En combinant les
réponses de nombreux détecteurs dont les champs récepteurs sont légèrement
différents, ils deviennent ainsi progressivement insensibles au déplacement, et au
changement de taille de leur forme préférée.
Progressivement, en combinant des neurones sensibles aux lettres, on doit obtenir
des cellules sensibles à des conjonctions de plusieurs lettres….
Le système nerveux doit trouver un compromis entre l’invariance, la sélectivité et la
nécessité de maximiser la quantité d’information véhiculée par chaque neurone :
a) Si un neurone répondait à un triplet de lettres, il ne pourrait le faire qu’à une
position unique et pour quelques mots seulement.
b) Si un neurone ne codait que la présence d’une seule lettre à plusieurs endroits
possibles, il serait souvent activé mais il perdrait toute information sur la position
de la lettre.
c) C’est pourquoi, le modèle proposé postule pour un traitement visuel en
bigramme qui prédit l’existence de neurones très particuliers « les neurones
bigrammes » qui présentent la curieuse particularité de répondre à tous les mots
qui contiennent une certaine paire de lettre.
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Comment fonctionnerait ces « neurones bigrammes » ?
-
Pour que cela fonctionne, il faut collecter les réponses de deux ensembles de
neurones, chacun spécialisé pour la détection d’une lettre, donc d’une forme.
-
Prenons l’exemple du détecteur bigramme « EN » : la sensibilité à l’ordre des lettres
s’obtient alors en s’arrangeant pour que les neurones qui détectent le « E » aient des
champs récepteurs situés à gauche de ceux qui détectent le « N ». Le résultat est un
neurone détecteur du bigramme « EN », qui montre une invariance de position plus
grande que celle de chacun des détecteurs de lettres sur lesquels il repose.
-
Les neurones bigrammes devraient alors posséder la curieuse propriété de tolérer la
présence de quelques autres lettres entre les deux lettres-détecteurs, ainsi, le
détecteur bigramme « EN » coderait tant pour un mot comme centre, mais
également pour un mot comme cerne ou sein
-
Cette tolérance résulterait de la structure des champs récepteurs. En effet, pour
tolérer de petits déplacements, les neurones bigrammes devraient collecter les
réponses d’une gamme étendue de neurones-lettres du niveau inférieur, dont les
champs récepteurs s’étalent sur toute une portion de la rétine.
Ainsi…..
Le codage par bigramme serait entièrement insensible aux changements de position et de
taille. La liste des bigrammes ne dépendrait pas de la position des lettres. L’invariance de
position serait garantie par la structure même du code employé. L’hypothèse de détecteurs
locaux de bigrammes expliquerait également que l’on ne puisse pas écarter les lettres sans
briser la reconnaissance visuelle rapide du mot.
Comment accédons-nous au sens et à la sonorité des mots ? Après la reconnaissance
visuelle, par où chemine la lecture ?
-
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L’anatomie cérébrale clarifie les voies de projection qui propagent l’activation
cérébrale au-delà des voies visuelles. L’anatomie du faisceau qui parcourt le lobe
temporal suggère qu’il collecte les informations de différentes régions postérieures,
dont la voie visuelle occipito-temporale, qui est impliquée dans la reconnaissance du
mot.
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Parallèlement à cette autoroute majeure de l’information corticale, d’autres réseaux
de fibres connectent également les régions temporales de proche en proche.
L’information sur l’identité des mots peut être acheminée très vite à l’ensemble du
lobe temporal.
En effet….
-
La région occipito-temporale droite envoie de multiples projections vers toutes les
aires corticales associatives, particulièrement les aires du langage. Leur densité
atteint donc un pic dans l’aire de Broca et l’aire de Wernicke.
-
La région occipito-temporale agit comme un aiguillage. Elle distribue très largement
l’information sur l’identité des objets et des mots et l’envoie simultanément à de
nombreuses régions corticales. cette région est la dernière concernée par les étapes
strictement visuelle de la lecture.
-
Ce qui permet la mise en liaison du mot écrit et de la représentation du son n’est
pas propre à la lecture, mais est utilisé pour la production et la compréhension de la
parole.
Les deux voies de lecture (phonologique et lexicale) qui permettent l’accès à la
sonorité ou au sens des mots activent des aires cérébrales distinctes :
a) Le décodage des lettres en sons :
La voie de décodage graphème-phonème implique essentiellement les régions
supérieures du lobe temporal gauche, dont on sait qu’elles sont principalement
impliquées dans l’analyse des sons, et notamment les sons de la parole, ainsi que
le cortex frontal inférieur et précentral qui intervient dans l’articulation. C’est au
niveau du lobe temporal que les lettres vues et les sons entendus se rejoignent.
Cependant, seule une région supérieure du lobe temporal, le planum temporal,
réagit à la comptabilité entre les lettres et les sons, l’écoute d’un son compatible
avec la lettre augmente l’activité de cette région. Cette région code la sonorité
des lettres et des mots et son aspect asymétrique serait probablement à l’origine
de la latéralisation du langage dans l’hémisphère gauche.
Le planum temporal joue un rôle essentiel dans l’apprentissage de la lecture.
Cette région forme avec une partie de l’aire de Broca, un circuit qui s’active
lorsque nous prononçons mentalement les mots. Ce circuit participe à une
boucle articulatoire que nous utilisons lorsque nous nous répétons mentalement
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des sons en mémoire. Cette mémoire pourrait jouer un rôle essentiel lorsque
nous assemblons la prononciation d’un mot à partir d’une suite de lettres.
b) Le décodage du sens :
Le réseau de régions qui sert à décoder le sens d’un mot est bien distinct de celui
qui sert à accéder à sa sonorité. Aucune de ces régions n’est spécifique aux mots
écrits. Toutes interviennent lorsque nous réfléchissons aux relations
conceptuelles entre les mots parlés ou entre des images. Ces régions n’ont
aucune information sur la prononciation d’un mot.
L’une des particularités des aires cérébrales du sens est d’être actives avant
même que l’on ait demandé au participant d’effectuer le travail mental. Dès que
nous sommes éveillés, notre cerveau génère une incessante activité qui fait sens
au monde qui l’entoure. Cette réflexion interne active spontanément le réseau du
traitement sémantique des mots et des images.
C’est la région temporale moyenne qui code pour le sens des mots. Son rôle
consiste probablement à récupérer, au sein d’un lexique sémantique, les
éléments de sens associés à chaque mot. Mais tant d’autres régions s’activent
lorsque nous réfléchissons au sens d’un mot, les régions situées plus avant dans
la pointe du lobe temporal semblent s’intéresser aux combinaisons de sens que
forment les mots lorsque nous les assemblons en phrases, la région frontale
inférieure semble jouer un rôle essentiel dans la sélection d’un sens parmi
plusieurs.
Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de la neurologie du sens, dans ce
domaine, l’humilité est de mise. La sémantique fait appel à de très vastes
populations de neurones distribuées dans toutes les régions du cortex. Les régions
frontales et temporales gauches, ne sont que la surface visible du réseau
sémantique. Leur fonction servirait à faciliter l’accès à des connaissances
représentées ailleurs. Ces régions fonctionneraient à distance, comme des « zones
de convergence », pour reprendre l’expression d’Antonio Damasio. Elles
recueilleraient des fragments de sens épars, les associeraient en faisceaux, ces
derniers constitueraient à proprement parler, le sens des mots.
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Quand la lecture et l’écriture ne se font pas, le cerveau dyslexique et les
problèmes de la symétrie dans la lecture
Comment peut se définir la dyslexie ou plutôt les dyslexies ?
-
De nombreux résultats révèlent le rôle essentiel d’anomalies fondamentales
concernant le traitement phonologique : il s’agirait d’un trouble du codage
phonologique. La grande majorité des enfants dyslexiques souffrent d’un déficit
particulier dans la conversion des signes de l’écriture en son du langage.
-
La dyslexie serait un trouble de la lecture des textes causé par un problème au
niveau des mots, lui-même causé par des difficultés dans la conversion des
graphèmes en phonèmes….
Poussons l’analyse un peu plus loin ….
15
-
La communauté scientifique s’accorde à penser que les troubles de conversion
graphème-phonèmes dérivent de troubles d’une source plus fondamentale : la
majorité des enfants souffre de troubles du traitement des phonèmes et de la
conscience phonétique. Il pourrait s’agir d’un déficit de l’analyse des sons du langage
parlé. Cette représentation imparfaite des sons du langage qui introduit un flou dans
la représentation des mots parlés et gêne leur appariement avec les signes écrits.
-
Le déficit peut s’étendre à des tâches non linguistiques, comme la discrimination des
fréquences de tons purs, la détection d’une brève interruption dans un bruit donné,
et tout particulièrement la perception de l’ordre des stimuli rapides qui est
fortement anormale. La perception visuelle de l’ordre temporel peut également être
altérée.
-
Des déficits visuels plus fondamentaux de l’ordre de la perception du mouvement et
du contraste ont été observés : il s’agit alors d’une dyslexie visuelle entraînant une
apraxie et une agraphie, une anomalie se situant dans l’aire d’Exner conduit
effectivement à une agraphie, c’est-à-dire à une incapacité de tracer des lettres.
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En effet…..
Nous avons deux voies visuelles dans le cerveau
-
La voie occipito-temporale, qui s’intéresse à la reconnaissance des objets est très
sensible à l’identité, à la forme, à la couleur des images, mais elle s’intéresse peu à
l’orientation dans l’espace ou la taille d’un objet. Elle permet de généraliser en
miroir.
-
La voie occipito-pariétale, s’intéresse à la programmation de l’action mais également
à la distance, à la vitesse, à l’orientation et au contour des objets et des lettres. Ce
sont tous ces paramètres qui déterminent comment nous pouvons agir sur un objet.
-
Divers explications aux troubles de la lecture ont été recherchées du côté du
cervelet, car il est responsable de l’automatisation des apprentissages, mais
également d’une désorganisation des neurones de la voie qui véhicule les
informations temporelles rapides visuelles et auditives (la voie magno-cellulaire).
Selon ces théories, le noyau du déficit dans la dyslexie dépasserait de beaucoup le
simple traitement phonologique. Le trouble de la lecture ne serait que l’arbre qui
cache la forêt des déficits d’automatisation motrice ou de perception de stimuli
rapides.
Cependant…..
Un noyau phonologique est à l’origine de la plupart des dyslexies mais peutêtre pas de toutes…..
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-
L’enfant qui développe de la dyslexie, souffrirait d’une double fragilisation au
confluent des voies de reconnaissance visuelle invariante et de traitement
phonologique du langage parlé. L’imagerie cérébrale soutient que c’est souvent au
truchement des connexions du lobe temporal que se situe le problème
-
Une anomalie fréquente se détecte dans le cortex frontal inférieur gauche qui se
situe dans l’aire de Broca : cette région est souvent suractivée pendant les tâches
phonologiques et notamment la lecture. En compensation de l’activité trop faible
des régions postérieures de décodage, le cerveau semble s’engager dans une
tentative de lecture volontaire.
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-
On observe deux régions chez les dyslexiques qui sont toujours sous-activées : il s’agit
du cortex temporal latéral et d’une région qui appartient à la voie visuelle ventrale.
Une anomalie très précoce dans la mise en place des réseaux neuronaux expliquerait
les troubles phonologiques. Elle entraînerait des difficultés disproportionnées de la
conscience phonétique et donc de l’apprentissage alphabétique.
En conséquences…..
-
Ces difficultés phonologiques empêcheraient à leur tour la région occipito-temporale
ventrale, qui est le siège de la forme des mots, d’acquérir son expertise d’où la
seconde sous-activation observée à ce niveau. La région occipito-temporale ventrale
gauche est fortement désactivée chez les dyslexiques, tant pour les mots que pour
les images
-
Cette région aurait développé de nombreux détecteurs neuronaux en forme de T et
de L, et d’autres jonctions fréquentes dans les traits et les dessins. On constate en
effet que lorsque la voie visuelle occipito-temporale est désactivée, voie qui
s’intéresse la programmation de l’action mais également à la distance, à la position, à
l’orientation et aux contours, les détecteurs neuronaux du L et du T sont déficients.
De fait, comme les contours ne sont pas perçus mais uniquement les formes globales
de objets, ces types de contours en L et en T sont très difficiles à détecter
Le scénario d’un double déficit, visuel et phonologique, sort renforcé par les analyses
de la séquence temporelle des activations cérébrales chez les dyslexiques.
En effet…..
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-
D’une part, au sein des étapes visuelles, après un traitement initial normal, les
dyslexiques ne montrent pas la forte activation occipito-temporale gauche qui
constitue la signature de la reconnaissance invariante de la chaîne de caractères.
Tout se passe comme si, cette région n’avait pas acquis la capacité de reconnaître en
parallèle l’ensemble des lettres d’un mot.
-
D’autre part, chez les dyslexiques, l’activité apparaît faible à gauche, mais beaucoup
plus intense dans la région temporo-pariétale droite. On peut alors penser que ça
traduit l’absence d’accès rapide à la phonologie des mots, ainsi peut-être qu’une
stratégie anormale de compensation de l’hémisphère droit.
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L’activité fonctionnelle du cerveau des dyslexiques n’est pas normale car plusieurs régions
clés ne sont pas activées suffisamment, à la fois au niveau de l’analyse visuelle mais
également au niveau du traitement phonologique. Même si, dans la majorité des cas, c’est
un trouble phonologique qui domine, il existerait un autre type de dyslexie qui proviendrait
avant tout de l’automatisation du lien entre vision et langage, et qui serait une dyslexie
d’origine visuelle.
Cependant, dans tous les cas de dyslexies, des ectopies peuvent être à l’origine du
dysfonctionnement….
-
La division et la migration des neurones sont des étapes critiques pour la bonne
formation du cerveau. Chez les dyslexiques, il semble que la migration des neurones
soit altérée. Les ectopies se concentrent principalement dans l’hémisphère gauche
autour des aires impliquées dans le langage parlé, mais également dans la région
occipito-temporale gauche qui joue un rôle important dans la reconnaissance
visuelle des mots. Si les neurones sont mal placés, ces régions ne fonctionnent plus à
leur niveau optimal et entraîne des déficits phonologiques et visuels qui peuvent se
transformer en dyslexie.
Conclusion
Si les neurones codant pour l’apprentissage de la lecture ont effectivement des
compétences communes avec les neurones codant pour l’apprentissage du tracé de
l’écriture dans la mesure où les voies visuelles de la reconnaissance des objets sont,
dans les deux cas, soumis à un recyclage neuronal, il paraît évident que les neurones
codant pour l’apprentissage du graphique ont des compétences qui leur sont
propres puisqu’il est possible d’observer des cas de dyslexie visuelle apraxique et
aphasique entraînant des désordres au niveau de l’oralité, de la production de
l’action et de la production de la graphie, mais qui cependant conserve la capacité
de lecture lorsque les mots sont présentés en leur entier alors que les contours des
lettres ne sont en réalité pas perçus. Le sujet reconnaît alors le mot comme il
reconnaît l’objet, dans sa forme globale, sans en percevoir les contours.
Bibliographie
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Du vrai, du beau, du bien, une nouvelle approche neuronale Jean-Pierre Changeux
Editions Odile Jacob 2008
Les neurones de la lecture, Stanislas Dehaene, Editions Odile Jacob, 2007
Le monde comme volonté et comme représentation, Arthur Schopenhauer Editions de
PUF 2004
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