32 JSCR 2012 • Volume 22, numéro 2
Dix points essentiels que les
rhumatologues devraient connaître
(mais ne connaissent peut-être pas) à
propos des troubles de l’humeur
par Roger S. McIntyre, M.D., FRCPC
Les troubles de l’humeur, scindés en deux grandes caté-
gories, soit la dépression majeure et la maladie bipolaire,
affectent environ un Canadien sur six à un moment où
l’autre au cours de sa vie. Les troubles de l’humeur sont des
problèmes majoritairement récurrents, évolutifs et chroni-
ques, qui sont associés à un taux élevé de persistance et de
dysfonction épisodique. Ils sont la plus fréquente cause de
dysfonction de la main-d’œuvre au Canada et on reconnaît
qu’ils représentent des facteurs de risque à l’égard du syndro-
me cardiométabolique, des démences (p. ex., la maladie
d’Alzheimer) et de plusieurs maladies inflammatoires. De plus,
la présence de symptômes dépressifs est associée à l’aggrava-
tion des comorbidités, ce qui rappelle la nécessité de diagnos-
tiquer, de traiter et de gérer les symptômes dépressifs comor-
bides chez les patients de médecine. Selon des modèles
récents d’étude de l’étiologie des pathologies, des altérations
de l’« environnement inflammatoire » seraient à la fois une
conséquence et une cause des troubles de l’humeur.
1) Les troubles de l’humeur sont faciles à dépister.
Des questions comme « Êtes-vous déprimé? » et/ou « Perdez-
vous l’intérêt pour les activités que vous aimiez? » sont raison-
nablement sensibles et spécifiques et permettent de vérifier si
le patient présente des symptômes dépressifs cliniquement
significatifs, lorsque ces sentiments persistent depuis
plusieurs semaines et qu’ils l’empêchent de bien fonctionner.
On encourage les médecins à débusquer la dépression chez
tous les patients qui souffrent de problèmes rhumatologiques
et à mesurer la gravité des symptômes au moyen d’un outil de
dépistage/d’évaluation connu sous le nom de Questionnaire
sur la santé du patient-9 (ou PHQ-9). Un score supérieur à 4
(les scores vont de 0 à 27) signifie que le patient présente des
symptômes dépressifs cliniquement significatifs. Pour plus de
renseignements sur le PHQ-9, on peut se rendre à l’adresse
http://www.depression-primarycare.org/clinicians/toolkits/materi-
als/forms/phq9/.
2) Les modèles actuels d’étude des troubles de l’humeur
attribuent un rôle au système inflammatoire.
Les personnes qui souffrent de troubles de l’humeur présen-
tent des augmentations significatives de leurs taux de
cytokines pro-inflammatoires (p. ex., interleukine [IL]-1, IL-6,
facteur de nécrose tumorale alpha [TNF-alpha], interféron).
Ces augmentations reviennent souvent à la normale (pas dans
tous les cas) lorsque les symptômes de dépression sont en
rémission. De plus, des antécédents de « maladie inflamma-
toire » (p. ex., maladies auto-immunes) accroissent significa-
tivement le risque de troubles de l’humeur incidents.
3) L’inflammation est-elle un biomarqueur de la dépression?
La recherche psychiatrique tente de déterminer si la présence
d’un biomarqueur/d’une biosignature inflammatoire ne per-
mettrait pas de reconnaître les personnes à risque à l’égard de
la dépression. De plus, dans le même esprit, on tente de décou-
vrir si un biomarqueur/une biosignature inflammatoire peut
rendre certaines personnes plus susceptibles de répondre à
une modalité antidépressive donnée. En somme, on croit que
l’avenir de la psychiatrie fera appel à des outils diagnostiques et
thérapeutiques à base de biomarqueurs, et les protéines inflam-
matoires sont appelées à jouer un rôle déterminant à cet égard.
4) Bon nombre des symptômes de la dépression sont
directement liés à l’inflammation.
Certains symptômes dépressifs courants (p. ex., atteinte cogni-
tive, anorexie, fatigue, abaissement du seuil douloureux,
cachexie) seraient modulés par la présence des cytokines pro-
inflammatoires.
5) L’inflammation rend le cerveau déprimé.
La recherche effectuée au moyen de l’imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf) chez l’être humain a permis
d’établir un lien entre une augmentation des taux de mar-
queurs inflammatoires périphériques et certaines altérations
DIX POINTS À RETENIR