Nord-Sud : Italie à deux vitesses
Avec à peine 0,1 % de croissance du produit intérieur brut (PIB) par habitant entre
2001 et 2006, contre une moyenne de 1,3 % pour l'Europe des Quinze, l'Italie ferme la
marche des pays industrialisés, selon un rapport de l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) publié mardi 8 avril. Mais cette quasi-stagnation n'est
pas homogène, selon les experts de l'organisation, en raison de "la profonde différence entre
le Nord et le Sud".
Le fossé entre les riches régions septentrionales - parmi les plus prospères d'Europe - et un
Mezzogiorno à la traîne est "le problème numéro un du pays", a rappelé récemment le
président de la République, Giorgio Napolitano.
Dans cette Italie à deux vitesses, illustrée ces derniers mois par le scandale des ordures
dans la région de Naples, l'écart aurait tendance à se creuser. La dynamique de "rattrapage"
du Mezzogiorno, visible à la fin des années 1990, "est bloquée en raison d'un désengagement
de la politique nationale depuis 2002", estime l'économiste Roberto Basile, de l'Institut
d'études et d'analyses économiques (ISAE).
De 1995 à 2007, la différence de revenu par habitant n'a pratiquement pas changé. Un
Italien du Sud gagne 57 % de ce que gagne celui du Nord, contre 55 % en 1995. Mais "ce
léger progrès tient entièrement à une augmentation moins forte de la population dans le sud
du pays que dans le nord", précise l'ISAE. En 2007, 11,1 % des familles italiennes sont
considérées comme vivant sous le seuil de pauvreté, fixé à 970 euros par mois. Environ 5 %
sont dans ce cas dans le Nord, contre plus de 22 % au Sud. Les taux de chômage et d'emploi
confirment un net décrochage de la moitié méridionale, que l'on peut aussi constater dans la
structure industrielle. Selon le Centre d'études économiques CERM, la productivité d'un
travailleur du Sud est inférieure de moitié à celle d'un employé du Nord.
Pour construire son développement, le Mezzogiorno a raté le train des fonds structurels
européens, dont la source tend à se tarir depuis l'élargissement de l'Union européenne.
L'argent détourné par les mafias, mais aussi
"l'inefficacité dans l'affectation des sommes"
figurent parmi les raisons de ce gaspillage, affirment les spécialistes. (…)
Les régions méridionales ne manquent pourtant pas d'atouts : de grands espaces libres, alors
que le Nord est congestionné ; une main-d’œuvre qualifiée, car l'Etat a fortement investi sur
la formation. Or les investissements étrangers y restent très faibles : 13 euros par habitant
contre 292 euros au Nord ! On est loin de la moyenne européenne (800 euros) ou des 1 500
euros atteints par l'Irlande. Ces dernières années, les multinationales ont installé dix usines
dans le Sud, sur les 48 implantées en Italie, contre 329 en Pologne et 209 en Hongrie.
"La
politique mise en place pour développer la compétitivité du Sud par la baisse des coûts n'est
plus suffisante, du fait de la concurrence des pays de l'Est
,
avance Roberto Basile. (…)
Jean-Jacques Bozonnet, article paru dans LE MONDE, le 12.04.08.