DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL SOL 6447 — Épistémologie Méthodologie qualitative Jacques Hamel Automne 2013 Ce séminaire veut aborder le thème au programme, les méthodes qualitatives en sociologie, à la lumière d’une vaste réflexion sur la méthodologie qualitative en envisageant dans la foulée les fondements épistémologiques de la discipline. La définition et l’organisation de ce séminaire ne visent pas à l’aborder de manière définitive ou selon un point de vue précisément circonscrit. Il a plutôt pour but de susciter l'exploration du sujet en tentant de faire provisoirement le point sur les recherches actuelles en la matière. Le sujet retenu, « les méthodes qualitatives en sociologie », désigne ici les démarches et procédés qui se placent sous la bannière de la méthodologie qualitative. Depuis une vingtaine d'années, les méthodes qualitatives gagnent du terrain en sociologie. L'histoire de vie, l'entrevue semi-dirigée, l'observation participante et plus généralement l'enquête de terrain obtiennent la faveur des chercheurs. Ouvrages, manuels et articles foisonnent à ce propos. Les méthodes qualitatives se voient désormais accorder et crédit et droit de cité. Elles ont prouvé leur pertinence et leur rigueur et se sont hissées à la hauteur des méthodes quantitatives. Le conflit des méthodes dont témoigne l'histoire de l'École de Chicago est révolu. L'opposition entre méthodes quantitatives et qualitatives est en passe de disparaître. Les débats se nuancent et finissent par laisser poindre une méthodologie générale en sociologie. Nombre de problèmes restent toutefois à l'ordre du jour. Communs aux deux méthodes, ils seront abordés dans le cadre de ce séminaire. En bref, les méthodes qualitatives soulèvent d'office des débats à propos : 1) du statut de la connaissance sociologique; 2) de l'élaboration de la connaissance objective afin que la sociologie gravite dans l'orbite de la science; 3) de la représentativité en vertu de laquelle l'explication exprime le passage du local au global; 4) de la rigueur de la démarche et des procédés dont font foi les méthodes de collecte et d'analyse; 5) des retombées pratiques de la connaissance sociologique au nom de l'application attendue de la science. Ces points se rattachent à des enjeux importants pour la discipline. La tendance actuelle est de rendre les armes. La sociologie semble incapable de relever les défis que sous- tendent ces débats. Pierre Bourdieu, adepte des méthodes quantitatives, n'a pu s'empêcher récemment de reconnaître « qu'il s'est débarrassé de son positivisme et de son scientisme ». En adoptant les méthodes qualitatives, la sociologie devient pour lui « œuvre oblative ». Voilà un étrange paradoxe. La querelle des méthodes semble devenir caduque. La sociologie peut ainsi se doter de diverses méthodes, quantitatives et qualitatives, pour atteindre son objectif d'expliquer les choses dans la lignée de la science. Or, ce but s'évanouit tant les points relevés plus haut demeurent en litige. La spécificité de son objet, tout comme celles de la démarche pour le cerner et de la connaissance qu'elle produit, font obstacle à la démonstration qui donne sa valeur à la science. La tendance postmoderne le proclame haut et fort en affirmant que, tout considéré, la sociologie relève de la littérature d’où objectivité et méthode sont exclues. La connaissance sociologique correspond à une forme de bricolage qui laisse la bride sur le cou à l'imagination. L'entreprise a pour pivot son auteur, son corps et ses émotions et répond à des motifs personnels, éthiques et politiques. Il n'en fallait guère plus sur cette lancée pour affirmer qu'il est nécessaire d'être Afroaméricain pour étudier la condition sociale des noirs des États-Unis, d'être femme pour parler de la condition féminine, etc. Le style de l'auteur tient lieu de rigueur et l'ego de ce dernier fait office de socle de l'authenticité recherchée au premier chef. L' « affaire Sokal » est venue battre en brèche ces « impostures intellectuelles » avec une telle virulence que toute approche qualitative est ipso facto tenue pour suspecte. Il convient donc de reprendre à nouveaux frais ces polémiques et de les envisager de manière à donner sa raison d'être et son droit à la méthodologie qualitative. 1. DÉFINITION GÉNÉRALE DES LEÇONS DU SÉMINAIRE Étant un séminaire de recherche, ce dernier est organisé en conséquence. Si chaque leçon donne lieu à un bref exposé de la part de son titulaire, l'essentiel se retrouvera dans les débats suscités par chaque thème au programme. Ces discussions nécessiteront une préparation consistant en lectures des textes recommandés sous la rubrique suivante. Elles devront toutefois être alimentées par les points de vue des participants et participantes, appelés à contribuer à la réflexion entreprise dans le cadre de ce séminaire. Le titulaire du séminaire ne se fera pas faute de défendre ses propres positions sur l’un ou l’autre sujet au programme. A cet effet, on le constatera plus loin, les discussions se fonderont en partie sur la réflexion qu’il a élaborée dans l’ouvrage dont la lecture sera requise ici : Jacques Hamel, Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010. Le recours à du matériel audiovisuel sera favorisé en certaines occasions, soit pour la préparation des leçons, soit dans le cours de la leçon proprement dite. 2 2. PLAN DES SÉANCES DU SÉMINAIRE Sous cette rubrique sont définis les thèmes au programme et les lectures qui s'y rattachent. Chaque leçon est précédée d’une brève note qui circonscrit les textes au programme. 1re SEANCE : BREVE INTRODUCTION Le séminaire débutera par la projection de la vidéo consacrée à l’enquête de terrain que l’anthropologue américain Horace Miner a conduite à Saint-Denys de Kamouraska au Québec dans l’intention de retracer les premières heures de la méthodologie qualitative conduite ici et aux Etats-Unis et d’engager la réflexion sur les différents thèmes au programme. VIDEO : Bernard Émond, Le temps et le lieu, Cinéma libre, 2000, 50 minutes. 2e SEANCE: QUEL EST L’OBJET DE LA SOCIOLOGIE ? La recherche qualitative en sociologie se fonde d’entrée de jeu sur ce qu’est l’objet de la discipline. En d’autres mots, ce que cible l’enquête et l’analyse qualitatives doit correspondre aux éléments qui relèvent par définition de la sociologie et propices à l’élaboration de la connaissance sociologique. Qu’est donc l’objet de la sociologie ? Force est de constater que l’unanimité est loin de régner sur le sujet dans les rangs des sociologues. On verra les difficultés que soulève cette indécision en termes théoriques, certes, mais également sur le plan méthodologique. Le survol des positions les plus récentes en la matière permettra d’ouvrir et d’alimenter le débat à ce propos. o Jacques Hamel, « Woody Allen et l’objet de la sociologie », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 13-33. + François Dubet, « La société des sociologues », dans Le travail des sociétés, Paris, Seuil, 2009, p. 15-47. 3e SEANCE : PEUT-ON METTRE L’ENQUETE QUALITATIVE EN PLAN ? L'objet de la sociologie étant déterminé, comment le bien cerner ? de surcroît dans le cadre d'une approche dite qualitative ? C'est dans cette voie que doit s’élaborer le devis de recherche. La méthodologie qualitative sous-entend l’utilisation de stratégies et tactiques de divers ordres afin que les méthodes auxquelles on recoure portent fruit. Elle ne s'établit nullement de façon improvisée et sans qu'on ne puisse saisir la pertinence de la démarche et des procédés qui portent son nom en vue de générer la connaissance sociologique qui se veut objective. Sur ce point, la formule de l'anthropologue Françoise Zonabend s’avère pleinement : « Sachons que l'objectivité la plus stricte passe nécessairement par l'imagination la plus intrépide ». 3 o Pierre Paillé, « La méthodologie de recherche dans un contexte de recherche professionnalisante : douze devis méthodologique exemplaires », Recherches qualitatives, vol 27, no 2, 2007, p. 133-151. + Pierre Paillé, « La recherche qualitative. Une méthodologie de la proximité », dans Henri Dorvil (dir.), Problèmes sociaux. Théories et méthodologies de la recherche, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2007, p. 409-443. 4e SEANCE : OBJECTIVITE ET METHODOLOGIE QUALITATIVE FONT-ELLES BON MENAGE ? Le talon d’Achille de la méthodologie qualitative semble apparemment l’objectivité à laquelle donnent corps les méthodes qui portent ce nom, les méthodes qualitatives. Toutefois, qu’entend t-on par objectivité ? Après avoir discuté la notion, souvent amalgamée à impartialité et neutralité, on envisagera la notion sous trois chefs différents : 1) l’objectivation participante développée par Pierre Bourdieu en vertu de laquelle l’objectivité se forme sur la base de la théorie ; 2) l’objectivation d’ordre éthique chère à certains courants postmodernes qui repose sur les qualités et dispositions des chercheurs susceptibles d’orchestrer les méthodes qualitatives et 3) l’objectivation fondée essentiellement sur les méthodes utilisées et l’imagination dont on fait preuve pour collecter et analyser les données utiles à la production de la connaissance méthodologique. o Jacques Hamel, « Du sujet à l’objet, l’objectivation », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 73-91. + Pierre Bourdieu, « L’objectivation participante », dans Esquisses algériennes, Paris, Seuil, 2008, p. 323-339. 5e SEANCE : ENQUETE QUALITATIVE ET ETHNOGRAPHIE VONT-ELLES DE PAIR ? La recherche qualitative est encore de nos jours associée à bien des égards à une étude de nature ethnographique. Sous ce chef, elle correspond à une enquête pointilleuse d’un objet sans qu’elle ne puisse véritablement déboucher sur la connaissance explicative ayant valeur de généralité. Le rappel de l’École de Chicago, sur laquelle l’anathème a été hâtivement jeté, permettra d’y voir clair. Le renouveau de l’ethnographie en sociologie élargira la discussion sur les problèmes de la pratique de l’ethnographie en sociologie et en anthropologie et leurs solutions possibles. o Jacques Hamel, « Bref rappel de la tradition monographique au Québec. Frédéric Le Play et Everett C. Hughes au regard des auteurs contemporains », Études sociales, no 151, 2010, p. 38-53. + Jeanne Favret-Saada, « Entre prise et reprise », dans Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage, Paris, Gallimard, 1977, p. 25-39. + Jeanne Favret-Saada, « Être affecté », dans Désorceler, Paris, Éditions de l’Olivier, 2009, p. 145-161. 4 + Jean-Pierre Olivier de Sardan, « Jeanne Favret-Saada ou l’engagement ambigu », dans La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l’interprétation socioanthropologique, Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2008, p. 182-185. Vidéo : Jeanne Favret-Saada, La pratique de l’ethnographie, Paris, Dailymotion, 2010. 6e SEANCE : COMMENT DOIVENT INTERVENIR LES SOCIOLOGUES ? Comment intervenir en tant que sociologue afin d’élaborer la connaissance sociologique avec la collaboration des individus et groupes directement concernés ? Faisant preuve d'une audace méthodologique indéniable, Alain Touraine et son équipe du CADIS proposent une méthode sociologique permettant aux acteurs d’une lutte sociale d’en entreprendre l’analyse sociologique et, dans la foulée, d’orienter leur action à la lumière de l’explication produite en leur compagnie. La méthode ne manque pas d'attrait. Elle soulève toutefois de nombreux problèmes d'ordres épistémologique et méthodologique. Ils touchent d'abord au choix des interlocuteurs invités qui, chez Touraine, se réduisent à des chefs de file, des militants, voire les figures de proue de l'actualité politique. Ensuite, la position qui veut que des personnalités publiques ou autres, étrangères à la théorie sociologique, soient capables d'apprécier à son juste titre l'explication sur laquelle débouche l'intervention sociologique. Voilà des problèmes, sinon des questions qui appellent la discussion. o Jacques Hamel, « Objet et sujets réflexifs. La sociologie comme agent de connaissance réflexive », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 110-125. + Michel Wieviorka, « L’engagement sociologique », dans Neuf leçons de sociologie, Paris, Robert Laffont, 2009, p. 103-110. + François Dubet, « L’intervention sociologique », dans L’expérience sociologique, coll. Repères, Paris, Éditions de la Découverte, 2008, p. 13-20. • Enregistrement sonore : Alain Touraine, La méthode de l'intervention sociologique, Paris, École des hautes études en sciences sociales - CADIS, décembre 1988. 7e SEANCE : L’ENTREVUE EST-ELLE UNE AUTO-ANALYSE PROVOQUEE ET ACCOMPAGNEE ? Jadis adepte des méthodes quantitatives, Pierre Bourdieu change de cap en entreprenant une enquête sur la Misère du monde. La méthode qualitative qu'il jette en défi, l'auto-analyse provoquée et accompagnée, a pour but de montrer à l'œuvre le travail sociologique. À cette fin, Bourdieu et son équipe n’hésitent nullement à pointer du doigt ses rouages livrés par le moyen de l'écriture grâce à laquelle s'établit la différence entre le sens commun et la théorie sociologique. La critique a été (outrancièrement) féroce en assimilant La misère du monde à la misère de la sociologie... 5 o Jacques Hamel, « Du sujet à l’objet, l’objectivation », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 73-91. + Pierre Bourdieu, « Comprendre », dans Pierre Bourdieu et al., La misère du monde, Paris, Seuil, 1993, p. 903-925. + Nonna Mayer, « L’entretien sociologique selon Pierre Bourdieu. Analyse critique de La misère du monde », Revue française de sociologie, vol. XXXV, no 1/2, 1995, p. 355-370. 8e SEANCE : COMMENT PASSER DU LOCAL AU GLOBAL ? LE PROBLEME DE LA REPRESENTATIVITE ET DE LA GENERALITE Le passage du local au global relève apparemment du défi méthodologique dans l’orbite qualitative. En effet, comment peut-on donner valeur de généralité à l’explication basée en principe sur l’analyse d’un ou de cas singuliers ? Le problème soulève d’autre part l’épineuse question de leur représentativité afin de donner le pouvoir de généralisation à la connaissance sociologique produite sur leur base. Les débats autour de la représentativité sociologique ou théorique permettent toutefois de concevoir le passage du local au global sous le signe de la généralité capable de trouver son droit en méthodologie qualitative. o Lorraine Savoie-Zajc, « Comment peut-on construire un échantillonnage scientifiquement valide », Recherches qualitatives, Hors Série no 5, 2007, p. 99-111. (disponible sur le Web : www.recherche-qualitative.qc.ca/revue.html) + Jean-Louis Fabiani, « La généralisation dans les sciences historiques. Obstacle épistémologique ou ambition légitime ?, Annales. Histoire, Sciences Sociale, vol. 62, no 1, 2007, p. 9-28. + Mondher Kilani, « Une définition de l’anthropologie : l’articulation du local et du global », dans Anthropologie, du local au global, Paris, Armand Colin, 2009, p. 3036. 9e SEANCE : DECRIRE, COMPRENDRE OU EXPLIQUER ? LES ENJEUX SOUS-JACENTS A L’OBJET D’ANALYSE. Décrire, comprendre et expliquer sont largement opposés en sociologie et en philosophie sur la base de la fameuse distinction établie par Dilthey voilà bien longtemps. Décrire et comprendre semblent l’apanage de la méthodologie qualitative, tandis qu’expliquer serait l’affaire de la connaissance scientifique à laquelle peut être difficilement associée la sociologie fondée sur les méthodes qualitatives. Qu’en est-il exactement ? L’objet d’analyse — c’est-à-dire les « données » ciblées afin de cerner l’objet qu’on cherche à expliquer — témoigne à bien des égards que « décrire, comprendre et expliquer ne font qu’un » pour reprendre la position développée par Bourdieu sur la base de cette formule éloquente. Les trois mots recouvrent des opérations qu’on aura soin ici de distinguer. o Jacques Hamel, « Décrire, comprendre et expliquer », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 53-71. 6 + Jean-Pierre Olivier de Sardan, « La posture descriptive, ou description au sens large », dans La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l’interprétation socio-anthropologique, Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2008, p. 133-141. 10e SEANCE : L’ANALYSE QUALITATIVE CONSISTE T-ELLE A BIEN (D)ECRIRE ? L'explication trouve son fait en science quand elle rend raison des propriétés des objets étudiés sous la forme d'énoncés : a) démontrables (ou falsifiables), b) vérifiables et reproductibles. Armée du langage univoque, la sociologie peut certainement satisfaire à ces conditions. La connaissance qualitative, sous son égide, est suffisamment développée pour engendrer des orientations et des contraintes normatives et s'y plier d'office. Dans cette perspective, quel rôle joue le langage (ou la langue ordinaire) dans les opérations gouvernées par les méthodes qualitatives ? Le langage se révèle t-il le moyen requis pour différencier les formes de connaissance en présence dans la « connaissance de la connaissance » qu’est la sociologie ? Comment bien écrire la recherche qualitative en s’obligeant à reconnaître que l’écriture doit chercher à marquer la différence de ces deux connaissances ? o Jacques Hamel, « Au sujet de l’objectivation par ordinateur », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 93-110. o Jacques Hamel, « Sur le langage et l’écriture en sociologie », Revue internationale de sociologie, vol. 22, no 2, 2012, p. 365-377. o Yves de Champlain, « L’écriture en recherche qualitative : le défi du rapport à l’expérience », Recherches qualitatives, no 11, hors série, 2011, p. 51-67. + Serge Paugam, « Les règles de l’écriture sociologique », dans La pratique de la sociologie, Paris, Presses Universitaires de France, 2008, p. 109- 125. + Marc Augé et Jean-Paul Colleyn, « L’écriture », dans L’anthropologie, coll. Que saisje ?, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p. 97-101. 11e SEANCE : EXISTE-T-IL DES CRITERES POUR FAIRE PREUVE DE RIGUEUR EN QUALITATIF ? Sans vouloir développer une vision normative de la recherche qualitative, on est en droit de se demander si des critères ou normes peuvent être appliqués afin d’estimer la valeur de la connaissance sociologique produite au moyen des méthodes qualitatives. Sur la lancée, les méthodes qualitatives se conforment-elles à des règles suffisamment explicites pour donner corps à la rigueur et à l’objectivité en vigueur dans l’orbite scientifique ? Voilà des questions auxquelles on cherchera à répondre en faisant preuve de nuances quant à ce que recouvrent ces maîtres mots que sont rigueur et objectivité et cela à la lumière des récents débats en ces matières. 7 o Marta Anadon, « La recherche dite « qualitative » : de la dynamique de son évolution aux acquis indéniables et aux questionnements présents », Recherches qualitatives, vol. 26, no 1, 2006 : 3-31. 12e SEANCE : LA RECHERCHE QUALITATIVE EST-ELLE AFFAIRE PUBLIQUE ? Les méthodes qualitatives sont directement liées au terrain d'enquête et, dans la perspective des méthodes de P. Bourdieu et A. Touraine, l'analyse qu'elles génèrent fait appel aux acteurs sociaux. De ce fait, on attend d'elles — c'est-à-dire des connaissances formulées par leur moyen — des applications pratiques, voire immédiates. L'intervention sociologique, par exemple, sous l'aiguillon de la sociologie permanente de Touraine, a pour but d'alimenter les luttes politiques afin de les canaliser vers le mouvement social capable d'orienter toute la société. L'application semble ou est aujourd'hui de règle afin que la sociologie trouve notamment sa pertinence et même sa raison d'être. Elle sera abordée ici sous l'angle de l'épistémologie de la réception en vogue, de la résonance médiatique et de l'expérience vécue des experts. Le discours livré par Michael Burawoy, en sa qualité de président de l’American Sociological Association, fera office de point névralgique de la discussion. o Jacques Hamel, « Conclusion », dans Woody Allen au secours de la sociologie, Paris, Économica, 2010, p. 127-135. o Jacques Hamel, « Expériences de retour aux enquêtés en sociologie. Brèves réflexions théoriques et pratiques », Interrogations ? Revue pluridisciplinaire des sciences de l’Homme et de la société, no 14, mis en ligne en janvier 2012. + Étienne Ollion, « (Que) faire de la sociologie publique ? », Actes de la recherche en sciences sociales, no 176-177, 2009, p. 115-121. + Michael Burawoy, « Pour la sociologie publique », Actes de la recherche en sciences sociales, no 176-177, 2009, p. 122-144. + Bastien Bosa, « À l’épreuve des comités d’éthique. Des codes aux pratiques », dans Didier Fassin et Alban Bensa (dir.), Les politiques de l’enquête, coll. Recherches, Paris, Éditions La Découverte, 2008, p. 205-225. CONCLUSION : ÉPISTEMOLOGIE DE LA RECHERCHE QUALITATIVE À la lumière de la réflexion sur les méthodes qualitatives et les problèmes qu’elles soulèvent, on cherchera à cerner les tenants et aboutissants épistémologiques de la méthodologie qualitative en sociologie. Les interrogations surgies des séances du séminaire se mueront en questions au programme de sa conclusion. o Howard S. Becker, « Épistémologie de la recherche qualitative », dans Alain Blanc et Alain Pessin (dir.), L’art du terrain. Mélanges offerts à Howard S. Becker, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 59-89. o Anselm Strauss et Juliet Corbin, « Les questions des étudiants et leurs réponses », dans Les fondements de la recherche qualitative, Fribourg, Academic Press, 2004, p. 319-342. 8 3. LE TRAVAIL EXIGÉ POUR LA CONCLUSION DU SÉMINAIRE Le travail des étudiants et étudiantes inscrits à ce séminaire est d'abord fait des lectures précédemment recommandées pour chaque séance. Ces lectures sont essentielles puisqu'elles susciteront et alimenteront les présentations du titulaire du séminaire et les discussions qui suivront. La participation directe des étudiants et étudiantes au séminaire est d'autre part requise. Outre cette participation, qui est indispensable si l’on veut donner une forme dynamique à ce séminaire, les étudiants et les étudiantes devront par ailleurs : • rédiger un court rapport des lectures faites pour chaque séance (cinq d’entre eux devront être déposés). En deux pages ou moins, les positions et propositions renfermées dans les textes au programme devront être mises en évidence, discutées et critiquées. La lecture sera ponctuée de « questions » posées au terme de chaque séance. • donner la contrepartie à l’exposé magistral en présentant, individuellement ou à deux, les articles complémentaires énumérés sous le signe + dans le plan des séances. • produire un essai dont l'objet sera lié au thème du séminaire et à la recherche engagée dans ce cadre tout au long du trimestre. La rédaction de cet essai devrait théoriquement permettre la mise au point du chapitre méthodologique du mémoire ou de la thèse. • les notes attribuées à ces travaux s'établissent comme suit, tout en demeurant sujettes à discussion : DATE NOTE % a. Fiches de lecture (5 fiches) — 20 b. Exposé oral — 20 b. Essai final 2013.12.12 60 4. HORAIRE ET COORDONNÉES DU TITULAIRE DU SÉMINAIRE Les heures de bureau ne suivent pas un horaire fixe. Il suffit de prendre rendez-vous à l’un ou l’autre des points de contact ci-dessous : 9 Bureau (Université de Montréal) local C-5076 - département de sociologie téléphone : (514) 343-7159 Courriel [email protected] 5. BIBLIOGRAPHIE Les ouvrages et articles sur la méthodologie et les méthodes qualitatives sont nombreux. Il est impossible de les énumérer tous sous cette rubrique. Seuls sont mentionnés ici des ouvrages choisis pour leur pertinence et pour la raison qu'ils sont devenus des classiques. Quelques titres correspondent à des ouvrages bibliographiques. Pour se divertir, il faut lire le roman d'Alison Lurie qui relate les péripéties de deux sociologues en train d'expliquer les comportements d'une secte en faisant appel aux méthodes qualitatives. • Alison Lurie, Des amis imaginaires, Paris, Rivages, 1991. sciences sociales, Découverte, 2002. Adam, Jean-Michel, La description, Collection « Que sais-je ? » no 2783, Paris, Presses universitaires de France, 1993. Paris, La Bertaux, Daniel, Les récits de vie, Paris, Nathan, 1997. Ackerman, Werner, Décrire : un impératif, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1985, 2 tomes. Bertaux, Daniel (dir.), Biography and Society, Londres, Sage Publications, 1981. Berthelot, Michel, L’emprise du vrai, Paris, Presses Universitaires de France, 2008. Albarello, Luc et al., Pratiques et méthodes de recherche en sciences sociales, Paris, Armand Colin, 1995. Berthelot, Jean-Michel (dir.), Épistémologie des sciences sociales, Paris, Presses Universitaires de France, 2001. Alexander, Jeffrey C., La réduction. Critique de Bourdieu, Paris, Cerf, 2000. Blanchet, Alain, Dire et faire dire, Paris, Armand Colin, 1997. Anderson, Neils, Le Hobo. Sociologie des sans-abris, Paris, Nathan, 1993. Blanchet, Alain et al., Les techniques d'enquête en sciences sociales, Paris, Dunod, 1987. Beaud, Stéphane et Florence Weber, Guide de l'enquête de terrain, Paris, Éditions La Découverte, 1998. Blanchet, Alain et al., L'entretien dans les sciences sociales, Paris, Dunod, 1985. Becker, Howard S., Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en 10 Burgess, Robert G. (dir.), Studies in qualitative methodology, Londres, JAI Press, 1988. Cousin, Olivier et al., L’intervention sociologique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010. Bryman, Alan et Robert G. Burgess (dir.), Qualitative Research, Londres, Sage, 1999. 4 vol. Crabtree, Benjamin F. et William Miller, Doing qualitative research, Newbury Park (Ca.), Sage Publications, 1992. 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