recherche positive qui cherche à expliquer les pratiques réelles. Ainsi, cette dernière serait libre de
tout jugement de valeur, de toute subjectivité à la différence d’une approche normative.
En effet, la fixation d’un idéal suppose, au moins implicitement, l’existence d’une fonction objectif,
ce que refusent de faire Watts et Zimmerman car « la science a peu de chose à dire sur les valeurs »
(1986). Or, faire référence à une notion autre que l’efficacité au sens de Pareto, c’est émettre un avis
sur un partage équitable. Or, Arrow a montré en 1963 qu’il n’est pas possible d’avoir un consensus à
ce propos, ainsi « la littérature [normative] est non scientifique » (Watts, 1977, p. 53). En cela, les
fondateurs de l’école de Rochester ne font que suivre l’avis émis par Jensen [1976] – cité par
Christenson (1983) : « la recherche en comptabilité a été (à une ou deux exceptions près) non
scientifique car l’accent a été mis sur les aspects normatifs et définitionnels ».
Toutefois, la distinction entre positif et normatif n’est pas toujours aisée (Sterling [1990], Chambers,
[1993]). Sterling prend l’exemple suivant : « l’objectif de la théorie comptable est de prédire et
d’expliquer les pratiques comptables ». Cet énoncé est-il normatif ou positif ? Il n’est pas difficile de
remplacer « est » par « devrait être », et de transformer cette proposition positive en affirmation
normative. De manière générale, il est simple de passer du normatif au positif – et inversement. Soit
la phrase positive : « si la pression est faible alors les gaz se dilatent », elle est formellement
équivalente à « pour diminuer le volume des gaz, on doit augmenter la pression ». Comment affirmer
que la première formulation est scientifique et l’autre non ?
En fait, il semble que l’intérêt de l’approche positive se situe bien au-delà d’une querelle purement
sémantique entre les tenants d’une is-sentence et des ought-sentence (Jensen, 1976 ; Sterling, 1990).
Le point important de l’approche positive n’est pas de savoir si les théories doivent être formulées
avec des « est » ou des « devrait », mais plutôt d’insister sur la réfutabilité (ou falsifiabilité) des
propositions ou des affirmations2.
En ce sens, la démarche positive fait référence critère Popperien de démarcation entre Science et
pseudo science. (Popper, 1981, Jacob, 1989 ; Boyer, 1990). Pour être scientifique, une proposition
doit pouvoir être réfutable, c’est à dire qu’il doit être possible d’en infirmer les prédictions soit par
l’observation soit par la discussion. La conception Popperienne de rationalisme critique, qui sous tend
cette approche, trouve son origine dans le refus de tout dogmatisme, « c’est à dire la tendance à
concilier une théorie ou une croyance avec des faits récalcitrants ou des contre-exemples » (Jacob,
1989, p. 27). En ce sens, tous les énoncés normatifs ne sont pas non scientifiques car certains peuvent
2 Popper qualifie cette position d’anti-essentialisme (Popper [1981], p. 25 et suivantes) : une théorie ne doit pas
être jugée sur le sens des mots qu’elle utilise mais sur sa capacité à poser et à résoudre des problèmes et à
pouvoir critiquer (et être critiquée par) les théories concurrentes.