Les NTIC entre le secteur privé et le secteur public : un levier

1
Les NTIC entre le secteur privé et le secteur public : un levier de la
réforme de l’Etat
Georges El Khoury chargé de cours à la FGM
Résumé :
Les NTIC en permettant le traitement, la modification et l’échange de l’information et en
couvrant plusieurs champs d’utilisation contribuent à une véritable révolution socio-culturelle.
Le processus d’implantation des NTIC est très délicat du fait que différentes approches
pourraient être soulignées : l’approche classique, le modèle de l’alignement stratégique et
l’approche appropriative. D’autres facteurs doivent être pris en considération, il s’agit plus
précisément du facteur humain, celui culturel, ainsi que celui organisationnel.
En plus l’introduction des NTIC dans les administrations publiques permet le passage d’une
administration traditionnelle à une autre électronique. Il s’agit donc d’une transparence accrue
qui permet à l’administration électronique d’être perçue comme un facteur essentiel de la
réforme de l’Etat.
Les NTIC dans le secteur privé :
Les notions de TIC
1
, de NTIC
2
, d’ICT
3
et de NICT
4
sont identiques et désignent le regroupement
des techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations notamment
l’informatique, l’internet et les télécommunications. Il est évident que les champs d’application
des NTIC sont très divers. Dans ce contexte on peut citer l’éducation (e-learning),
l’administration (gouvernance électronique), la santé (dossier médical personnel), l’économie
(les marchés financiers), etc. Ainsi, les NTIC en permettant le traitement, la modification et
l’échange de l’information et en couvrant plusieurs champs d’utilisation, contribuent à une
véritable révolution socio-culturelle. Leur naissance est due à la convergence de l’informatique,
des télécommunications et de l’audiovisuel. Ces technologies ont modifié les modes de gestion
des entreprises notamment en ce qui concerne la recherche, le traitement et la diffusion de
l’entreprise.
L’étude des NTIC nécessite l’identification des termes techniques dont une lecture rapide de la
littérature du domaine suffit de rendre compte de la confusion entre eux. Il s’agit en fait de
1
Technologies de l’information et de la communication.
2
Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
3
Information and communication technologies.
4
New information and communication technologies.
2
l’«usage», de la «pratique» et des «usages sociaux». Pour ce qui est de l’usage et de la pratique, le
premier est plus restrictif et renvoie à la simple utilisation et à l’emploi, alors que la pratique est
plus élaborée dépassant l’usage pour atteindre les comportements, les attitudes ainsi que les
représentations des individus qui se rapportent à l’outil. En ce qui concerne les usages sociaux,
ils désignent les «modes d’utilisation se manifestant avec suffisamment de récurrence et sous la
forme d’habitudes suffisamment intégrées dans la quotidienneté pour s’insérer et s’imposer dans
l’éventail des pratiques culturelles préexistantes, se reproduire et éventuellement résister en tant
que pratiques spécifiques à d’autres pratiques concurrentes ou connexes»
5
.
Si jamais les interactions et la communication dans l’organisation semblent insuffisantes, ceci
provient souvent de la structure organisationnelle. C’est dans ce sens qu’apparait l’importance
des capacités organisationnelles où les anciennes structures doivent être intégrées dans la
stratégie d’usage. En plus il ne faut pas sous estimer le rôle de la capacité organisationnelle à
assurer la cohérence, la construction collective des compétences et le partage des savoirs. Ainsi
l’introduction de la technologie donne lieu à une double perspective organisationnelle et
technique du fait qu’il s’agit de creuser la connaissance fine des utilisations de l’outil technique.
La diversité dans l’utilisation des NTIC n’est autre que la conséquence des avantages offerts par
ces technologies, il est donc intéressant de souligner les opportunités que les sociétés peuvent
bénéficier en investissant dans les NTIC :
- Dans la concurrence : L’investissement dans les NTIC est l’un des principaux moteurs de
compétitivité des entreprises.
- Dans la productivité : L’utilisation des systèmes d’information contribue à la hausse de la
productivité du travail et à la baisse des coûts à travers l’accès rapide à l’information.
Ceci s’accompagne par une meilleure connaissance de l’environnement, une adaptation
plus rapide aux évolutions environnementales, une efficacité dans la prise de décision et
une veille stratégique plus performante.
- Dans la structure de l’entreprise et la GRH : L’introduction des NTIC aboutit à une
organisation moins hiérarchisée, un meilleur partage de l’information et par conséquent
une meilleure GRH. On peut ainsi parler d’une performance organisationnelle où les
NTIC aboutissent à une organisation moins centralisée et plus autonome, d’une
performance groupale où les NTIC permettent le développement des nouvelles formes de
travail en groupe et d’une nouvelle coordination entre les individus et l’organisation, et
enfin d’une performance individuelle où les NTIC rendent l’accès aux informations plus
facile créant ainsi un sentiment d’autonomie chez les salariés. Ceci induit que l’individu
qui se trouve au cœur de ces trois niveaux d’impact est au centre du succès du projet
technologique d’une organisation.
5
MILLERAND Florence, « Usages des NTIC: les approches de la diffusion, de l’innovation et de l’appropriation (1ère partie) »,
COMMposite, 98(1), 1998, p 4.
3
- Dans le commercial : Le commerce électronique contribue à l’extension du marché
potentiel permettant la réduction des coûts d’approvisionnement, la création d’un
nouveau circuit de production et l’amélioration de l’image de marque de l’entreprise qui
sera considérée moderne et innovante.
- Dans les relations d’affaires : Les NTIC contribuent à l’amélioration de l’efficience de
ces relations à travers la réduction des coûts de transaction et la diminution des risques
transactionnels. On peut également souligner l’offre des produits et services
complémentaires du fait que les produits de l’économie électronique sont de plus en plus
étendus offrant ainsi des services à valeur ajoutée comme par exemple le service d’aide
en ligne. Tout en restant dans le même titre, les NTIC pourraient être une source pour
mener des stratégies de verrouillage consistant à attirer les visiteurs pour les convertir en
clients et les fidéliser.
L’atout principal des NTIC est donc qu’elles constituent un outil majeur pour la construction de
la compétitivité même pour les PME qui sont limitées dans leurs actions stratégiques où les
NTIC peuvent, d’après Aldebert
6
, leur offrir un moyen de s’affranchir de leur manque de
ressources, et de mettre en place des stratégies diverses comme par exemple celle de la réduction
par les coûts à travers la réduction des coûts de transaction, de recherche de l’information et de
publication, celle de la différenciation sur le marché reposant sur un différentiel de valeur perçu
par le client, et celle de la diversification tendant vers une transformation en termes de la nature
d’activité et donc de produit offert, sans ignorer toutefois l’opportunité de la recherche de
nouvelles sources de revenu en offrant de nouveaux marchés.
Cependant, les managers ne peuvent pas ignorer que la technologie n’est pas une arme prête à
l’emploi, mais elle doit être définie par une intégration de ses caractéristiques informationnelles,
techniques et organisationnelles. Ainsi, les entreprises gagnantes sont celles qui établissent des
coopérations efficaces, travaillent en réseau, produisent et utilisent collectivement la
connaissance renouvelée dont elles ont besoin pour générer de la valeur. Ceci induit que les
NTIC qui peuvent être considérées comme des nouvelles technologies de l’intelligence
collectives sont un atout irremplaçable dans la circulation rapide de l’information, l’élaboration
collective de plans d’action, la coordination de l’action, la mémorisation et la capitalisation des
expériences, l’accès rapide à des connaissances diverses et l’ouverture de nouveaux services à la
clientèle. En plus les NTIC prennent leur sens dans une stratégie d’ensemble fondée sur
l’intelligence partagée. Elles aboutissent à des organisations de travail basées sur l’innovation, la
compétence collective, le partage et la capitalisation du savoir, la responsabilisation et la
réactivité. Au-delà des avantages divers que peut offrir l’investissement dans les NTIC, il ne faut
pas ignorer certaines limites devant être bien identifiées avant la décision d’investir. Parmi ces
limites on peut citer :
- Les problèmes d’ergostressie : Il s’agit du stress lié à l’utilisation des NTIC provenant
d’un manque de cohérence dans la conception des systèmes complexes.
6
Bénédicte Aldebert, docteur en sciences de gestion, ATER IAE Nice Sophia Antipolis.
4
- La contrainte comportementale : L’introduction des NTIC représente une contrainte
comportementale puisqu’elle peut susciter de l’incertitude chez les salariés et bouleverser
l’environnement de travail.
- Les malaises chez les utilisateurs : les NTIC peuvent engendrer un certain nombre de
malaises chez les salariés utilisateurs notamment le renforcement du sentiment
d’isolement suite à l’absence de la communication directe ce qui affectera la performance
de l’organisation, le malaise psychologique suite à un sentiment de peur ou
d’incompétence envers la technologie, et enfin la détérioration des relations humaines au
travail.
- Les problèmes de rentabilité : En investissant dans les NTIC il est primordial de tenir
compte de l’apparition d’un suréquipement par rapport aux besoins et donc à une sous-
utilisation des logiciels, il faut tenir compte également de différents types de coûts
notamment :
- Le coût du matériel et du logiciel ainsi que celui de l’entretien et de renouvellement.
- Le coût de la formation du personnel et de la résistance au changement.
- Le coût généré par la modification des structures et la réorganisation du travail.
- Le coût généré par la recherche et le développement.
Les différents processus d’implantation des NTIC :
Au-delà des avantages et limites classiques, Vaujany
7
a divisé la discipline du management
stratégique des technologies de l’information en deux pôles, le premier axé sur le positionnement
stratégique de la technologie et le deuxième axé sur l’alignement entre la technologie et le
système d’organisation. Dans ce contexte Vaujany a souligné que la technologie informatique est
à l’origine de deux types d’avantages stratégiques :
- Ceux liés à un positionnement ou à la structure de l’industrie qui se traduisent par une
baisse des coûts de communication, un renforcement de barrière à l’entrée, une
différenciation des produits, une fidélisation de la clientèle et une meilleure réactivité.
Ceci induit que la technologie renforce l’avantage concurrentiel de la société, mais il faut
mentionner que ces avantages sont souvent imitables par les concurrents et les nouveaux
entrants.
- Ceux basés sur des ressources comme la culture, l’apprentissage, les potentialités
diverses inscrites dans le contexte social de l’organisation. A ce niveau la performance de
l’entreprise dépend de l’harmonie de la technologie avec les différentes ressources
7
François-Xavier de Vaujany est professeur à l’Université Paris-Dauphine. Il dirige l’équipe de recherche Management &
Organisation et co-dirige le master business consulting & IT. Ses travaux portent principalement sur trois axes de recherche : les
aspects sociaux des technologies de l’information et autres artefacts matériels ou symboliques dans les organisations, les aspects
stratégiques des technologies de l’information, l’histoire des pratiques scientifiques de management.
5
sociales, ces avantages par opposition au cas précédent ne sont pas imitables, permettant
par la suite la construction d’avantage stratégique solide vis-à-vis des concurrents
8
.
Il est donc évident que l’adoption d’une position basée sur les ressources fait l’objet d’un
consensus quasi unanime dans le domaine de la gestion des technologies de l’information. A ce
niveau la question posée et traitée par Vaujany concernait la manière idéale qui devrait être
adoptée pour insérer la technologie informatique dans les contextes sociaux et stratégiques de
l’entreprise afin de construire un avantage concurrentiel durable.
Afin de répondre à cette question, Vaujany a démarré par une présentation de l’approche
classique du management des technologies informatiques pour passer par la suite à l’approche
basée sur la théorie des ressources en couplant cette dernière avec la théorie de la structure
adaptative (TSA).
En ce qui concerne l’intégration classique de la technologie dans la stratégie de l’entreprise, la
technologie est considérée comme étant l’objet à gérer, nommée ainsi «la ressource
technologique» et faisant partie du portefeuille des ressources de l’entreprise.
D’où le management des ressources technologiques consistant à adopter des stratégies formées à
partir du potentiel technologique de l’entreprise.
9
En se basant sur le schéma porterien, on
distingue plusieurs manières d’utilisation de la technologie informatique comme avantage
concurrentiel. Il s’agit en fait de la modification dans la nature de l’industrie, du changement de
la nature de compétition, de la réduction des coûts ou de l’amélioration de la différenciation, de
la modification de l’étendue concurrentielle et le développement de nouvelles activités. A ce
niveau la technologie est considérée comme un actif stratégique au sein de l’entreprise.
D’après Henderson et Venkatraman qui ont proposé le modèle de l’alignement stratégique
10
,
c’est l’alignement dynamique entre le contexte stratégique de l’entreprise et son infrastructure
informatique qui améliore l’efficience et l’efficacité de l’entreprise. Pour Venkatraman donc,
l’alignement de la technologie avec le contexte stratégique de l’entreprise nécessite une
8
«Menant une étude à l’échelle du secteur de commerce au détail, Powell et Dent-Micaleff valident la plupart de leurs
hypothèses. Les entreprises alignant technologie et système d’organisation arrivent bien à des performances supérieures. Les
ressources d’affaires et les ressources humaines jouent un effet de levier sur les ressources technologiques et vice-versa. Ils
constatent en particulier qu’une organisation ouverte, des communications ouvertes, un consensus organisationnel,
l’engagement du dirigeant, une flexibilité organisationnelle et l’intégration stratégique des technologies de l’information,
permettraient une meilleure utilisation de la technologie et une performance accrue».( VAUJANY François-Xavier, « Du
management stratégique des NTIC au management stratégique de l’approbation des NTIC », http://bibliotheques.univ-
lilles1.fr/grisemine, 2002, p 1.)
9
Dans ce contexte, en ce qui concerne les NTIC, «la technologie est un objet univoque, que l’utilisateur peut interpréter de façon
limitée. Elle permet d’effectuer certaines opérations, et d’une façon générale, correspond à des capacité nouvelles pour
l’organisation, que ce soit en matière de traitement de l’information, d’échange de données, de communication, ou
d’automatisation de processus de gestion. Elle peut être assimilée et utilisée à des degrés divers par les utilisateurs. L’objectif
des gestionnaires de systèmes d’information sera d’optimiser les utilisations, en particulier l’ergonomie de l’outil, le contenu
(par rapport aux besoins et aux attentes), et la productivité des technologies de l’information». (VAUJANY François-Xavier,
« Du management stratégique des NTIC au management stratégique de l’approbation des NTIC », http://bibliotheques.univ-
lilles1.fr/grisemine, 2002, p 2-3.)
10
Henderson John et Venkatraman Natarajan sont des auteurs nord américains qui ont construit et formalisé ce modèle à la fin
des années 1980 et au début des années 1990.
1 / 26 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !