Colloque « En route vers Lisbonne » - 12 & 13 octobre 2004
manière de comprendre les articulations entre les forces du marché et les mesures de régulation
publique. Elle suppose de reconsidérer en profondeur les outils et mesures classiques de
l’intervention publique et d’imaginer en particulier de nouveaux modes d’éducation ou de
nouvelles formes d’organisation des services de santé.
Parmi les principaux domaines de réflexion pour le décideur public que suppose l’émergence
d’une société fondée sur la connaissance, on peut mentionner :
- Le rôle de l’Université dans la société de la connaissance. Ce rôle est naturellement central,
mais il est aujourd’hui sérieusement remis en question. Le monde universitaire est confronté à
l’intrusion de plus en plus grande de l’entreprise dans une série de domaines qui lui était
jusqu’à présent réservés ( production de savoir, validation et mise à disposition des
connaissances). La participation traditionnelle des entreprises à la définition de certains
contenus de recherche finalisé se transforme progressivement à travers des partenariats où le
poids des entreprises est croissant dans l’identification des thèmes de recherche, voire dans la
définition des cursus de formation. La structure disciplinaire traditionnelle des savoirs est
aussi remise en cause et semble de plus en plus inadaptée au caractère multidimensionnel et
pluridisciplinaire des enjeux liés au développement économique moderne. Au delà du rôle de
l’Université proprement dit, c’est naturellement tout l’ensemble du système de recherche et
de formation (initiale, permanente, et continue) de la société qui est remis en question.
- Dans le domaine de la production de connaissance, les systèmes classiques de protection de la
propriété intellectuelle sont aussi remis en cause. Dans une économie qui accorde de plus en
plus d’importance aux activités de conception, la séparation entre brevets et droits d’auteur
semble ainsi s’estomper. Par ailleurs, dans un contexte où la création devient de plus en plus
une activité collective nécessitant l’articulation de savoirs hétérogènes, l’établissement de
droits de propriété trop forts risquerait de freiner la nécessaire circulation de connaissances.
En revanche, il est important de souligner que le brevet tend peu à peu à jouer un nouveau
rôle dans une économie de la connaissance : celui de signaler aux partenaires potentiels les
compétences de celui qui possède le brevet. D’un instrument pur d’exclusion, le brevet tend
aussi à devenir un instrument favorisant les accords de coopération. D’une manière générale,
le problème d’un espace nécessaire de libre circulation de la connaissance est posé. Des
solutions inspirées par l’exemple du système de licence publique générale (GPL) ou
« copyleft » développé dans le cadre du logiciel libre Linux peuvent ici servir d’exemple de
réflexion.
- La manière de concevoir le travail change aussi. Nous sommes tous appelés à devenir des
« knowledge workers » prophétise ainsi P.Drucker insistant sur le fait que le changement
majeur pour les entreprises au XXIème siècle risque d’être les progrès spectaculaires de
productivité dus à la possibilité pour celui qui travaille d’ accéder à, de traiter et d’échanger
de la connaissance. Ces progrès conduisent à de profonds bouleversements dans les contenus,
les formes (télétravail), les relations , et les conditions de travail. Ils posent aussi de manière
aiguë la façon dont les entreprises de plus en plus axées sur des stratégies en termes de
compétences, vont pouvoir continuer à disposer des connaissances des membres de
l’entreprise « éloignés » en particulier à la suite de départ à la retraite.
- L’infrastructure publique de l’accès à la connaissance est le dispositif central d’une société
fondée sur la connaissance. Il est plus que probable que le seul jeu des forces du marché
indispensables au développement efficace des réseaux de télécommunications, ne garantira
pas un accès universel et équilibré à la connaissance pour les citoyens européens. Le risque