car l`âme humaine est conjointe au corps humain lequel participe de

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… car l’âme humaine est conjointe au corps humain lequel participe de toutes les
créatures. Avec l’âme qui atteint sa fin en Dieu en l’aimant, le comprenant et se
souvenant, le corps également atteint sa fin en Dieu et dans le corps de cet
homme qui atteint sa fin en Dieu par bénédiction, atteignent également leur fin en
Dieu toutes les créatures corporelles par ce corps humain bienheureux et glorifié
ainsi que les corps célestes et les quatre substances du monde c’est à dire les
quatre éléments et leurs qualités …
Raymond Lulle Libre de anima racional XXI : 167.
Une des questions centrales des religions est la question de la présence du mal en ce monde.
Pour les religions anciennes, la question est réglée par l’ambivalence des divinités qui, tout à la
fois créatrices et destructrices, sont des « coïncidencia oppositorum » de bien et de mal. Pour le
christianisme, à la suite de la philosophie grecque, le problème est plus complexe car le Dieu-Un
est une perfection de Bien qui exclut le mal. Déjà dans l’Ancien Testament, le Psaume 5,5 dit :
« Car tu n’es pas un Dieu qui prenne plaisir au Mal ». Chez Parménide, l’Etre est Un, parfait et
immuable et les transformations apparentes qui font naître et mourir toutes les choses du monde
ne sont qu’illusion. Même pour Empédocle qui théorisa la dualité de l’Amour et de la Haine en ce
bas monde, il y a, à l’origine, le Dieu-Un immuable et sphérique avec la Haine, exclue à sa
périphérie, qui, au moment de la cosmogonie, attaque par secousses l’Un et tend à le morceler et
le diviser mais l’Amour-Un, cause du mouvement circulaire, maintient son unité ; d’où l’oscillation
changeante, en ce bas monde, entre l’unité et la division, la génération et la corruption. Avec
Aristote, l’Être en acte se révèle dans sa perfection à la fin du processus entéléchique, c’est la
« cause finale » tandis que pour les néo-platoniciens, le monde étant une émanation de l’Un et
donc un éloignement de lui, l’imperfection du monde s’explique par cet éloignement et cette
absence relative de Dieu. La recherche du Bien est, dès lors, un retour vers l’Un. A partir de cette
conception néoplatonicienne, saint Augustin, abandonnant le dualisme manichéen, développera
sa thèse du mal conçu comme une « privatio boni », fondamentale pour le christianisme et quasi
unanimement partagée par le plus grand nombre des penseurs chrétiens. De même que le
manichéisme expliquait mythologiquement le mal par la création de ce monde par un démiurge
méchant, le christianisme l’explique par la désobéissance de Lucifer et par le péché originel
d’Adam qui laissent intacte la bonté divine, celle-ci n’étant en rien responsable du mal en ce
monde. Pour la mythologie chrétienne, c’est Lucifer qui est responsable de l’apparition du mal
dans l’univers. Or cette mythologie pose de gros problèmes et beaucoup d’auteurs chrétiens s’y
sont heurtés. Comment admettre cette non-responsabilité de Dieu si on conçoit qu’il est tout-
puissant et omniscient ? Jean-Didier Vincent dans son livre La chair et le diable reprend ces trois
attributs de dieu : la puissance, la bonté et la compréhension et cite H. Jonas qui, dans son livre
Le concept de Dieu après Auschwitz, écrit que ces trois attributs « se trouvent dans un tel rapport
que toute union entre deux exclut le troisième » :
Un Dieu bon et tout puissant qui tolère le mal est inintelligible.
Un Dieu bon qui laisse aller le mal est impuissant.
Un Dieu tout puissant qui fait le mal ne peut être bon.
Dans son texte La philosophie de Jacob Boehme, Alexandre Koyré décrit ainsi l’évolution de la
pensée du théosophe allemand dans son livre De tribus Principiis : « Comment concilier
l’existence du mal avec la bonté divine ? Sa toute puissance et le péché ? Son omniscience et
notre liberté ? Comment, enfin admettre la prédestination ? Ce sont là des problèmes devant
lesquels la raison s’arrête et dit : il faut bien qu’il y ait en Dieu une volonté du mal. Nous avons vu
combien la solution de l’Aurora était, au fond, hésitante et confuse. Nous avons vu aussi comment,
pour sauvegarder la bonté essentielle de Dieu, Boehme avait fait bon marché, et de sa toute
puissance, et de son omniscience, et de son immutabilité.
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[…] La toute-puissance est celui des attributs divins que Boehme abandonne avec le moins de
regret, s’il croit par-là pouvoir sauvegarder la bonté » (p.180). Dans son livre Aurora, Jacob
Boehme avait imaginé mythologiquement la création de trois royaumes angéliques, ceux des trois
archanges Michel, Uriel et Lucifer. Lucifer par un acte de liberté entièrement imprévisible s’étant
révolté contre Dieu, son monde qui est le nôtre s’en est trouvé déchu et marqué par le péché et la
mort. Cette chute n’était en rien nécessaire puisque les autres archanges ne l’ont pas effectué. A
partir de là, Dieu aurait décidé de créer les hommes pour remplacer les anges déchus et
d’envoyer son propre fils pour la rédemption de ce monde et sa victoire sur Lucifer. Par la suite,
avec son livre De tribus Principiis, le théosophe-cordonnier de Görlitz abandonne sa conception
des trois royaumes angéliques et affirme que dans sa sagesse éternelle, Dieu avait prévu la
défection de Lucifer ainsi que le péché d’Adam et par-là même l’incarnation du Christ en ce
monde.
Raymond Lulle et le Christ comme cause finale de l’Univers.
Trois siècles avant ce sommet de la spéculation théosophique qu’est l’œuvre de Jacob Boehme
et à l’origine de la quête alchimique de la quintessence, Raymond Lulle s’était également
confronté à cette question de la présence du mal dans le monde sublunaire et du rôle dévolu au
Christ Rédempteur, vainqueur du mal, du péché et de la mort. Notre mystique majorquin
participait de la philosophie scolastique qui aimait à se poser toutes sortes de question et une des
plus importantes s’articulait ainsi : est-ce que le Verbe divin aurait assumé dans sa personne la
nature humaine si Adam n’avait pas péché ? Pour Albert le Grand, la réponse était oui ! Il en était
de même pour Thomas d’Aquin tandis que saint Bonaventure enseignait que Dieu seul le savait
mais qu’au regard de la raison c’était fort probable mais qu’au regard de la foi et de l’autorité des
Pères de l’Eglise c’était non ! Et Lulle qu’en pensait-il ? La réponse est intéressante car sa pensée
à ce sujet a évolué au fil de son œuvre : dans le livre des contemplations, il écrit que le fils de
Dieu « est venu en ce monde pour le purifier du péché originel » et qu’il s’est incarné par amour et
parce qu’était « grandement nécessaire la recréation humaine » (cap.54 et 185). « C’est à cause
du péché originel que Dieu s’est incarné » (ibidem cap. 71). Toujours dans le même livre au
chapitre 183, il répète11 fois que si « le péché originel ne fut général, Dieu n’aurait eu aucun motif
de s’incarner ». Mais, par la suite, notre majorquin commence à changer de position tout en
gardant ce qui est au fondement de sa doctrine, Jésus-Christ est le but et la fin de tout l’univers.
Le monde a été ordonné pour cette incarnation, pour que puisse être réunit la nature divine et la
nature humaine. Déjà en 1275, il pose la question de l’incarnation sans la rédemption et dans son
livre
De prima et secunda intentione
, il place la rédemption au second plan derrière la
manifestation de la bonté et de la sagesse divine. La vénération qu’il porte à la Vierge Marie lui
fait également minimiser la rédemption car un des buts de la création et de l’incarnation fut de lui
faire honneur. Dans son livre
De Demostracions
, il écrit que la « créature reçoit plus par la
recréation – liée à l’incarnation - que par la création » et comment, dès lors, tant de grâces
pourraient-elles être causées par le péché qui est pure négativité. Le Père Leopold Eijo Garay
émet l’hypothèse que c’est à Rome en 1285 que notre mystique eu l’illumination d’une incarnation
du verbe divin sans lien avec la réparation du péché. C’est dans cette ville qu’il écrivit
Els cent
noms de Deu
où, pour la première fois, il présente l’incarnation comme finalité de l’acte créateur
et où il remplace le binôme incarnation-rédemption par le binôme création-incarnation. A partir de
son livre
Felix
, il n’a de cesse de dire que « le monde a été créé pour que Dieu se fasse homme,
et l’homme, Dieu ». Notre Raymond parle de la « nécessité » de l’incarnation tout comme son
prédécesseur saint Anselme qui dans son
Cur Deus homo
tentait de démontrer « par raisons
nécessaires » l’incarnation. L’homme est pour notre majorquin le sommet de la création parce
qu’il réunit en lui tout le créé et ainsi la divinisation de l’homme dans la résurrection est la
perfection finale du créé. En 1297, à Paris, il écrit son livre
Contemplacio Raymundi
pour l’offrir au
roi de France et dans lequel il expose sa théorie de la création-incarnation qui pose que Dieu s’est
fait homme pour que l’homme se fasse Dieu, non qu’il devienne un ange lequel n’a pas de corps
mais que se réunissent en lui la nature corporelle et la nature divine.
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Dans son texte de 1298 intitulé
Disputation Eremitae et Raymundi
… il écrit : « … en assumant la
nature humaine, Dieu peut être la fin de toutes les entités corporelles médiatisée par l’union de
l’âme du Christ à son corps sans laquelle les êtres corporels ne peuvent atteindre et s’élever à
leur fin … ». L’incarnation du Christ est la fin ultime – la
termenació
écrit-il – de l’œuvre de
création car tous les « êtres spirituels et corporels se reposent en Christ au regard de cette fin
ultime ». L’influence d’Aristote est manifeste car le terme de repos final renvoie à l’être en acte, à
l’entéléchie aristotélicienne et fait ainsi du Christ ressuscité la « cause finale » du monde. Dans
El
Dictat de Ramon
, il écrit que « si Dieu ne s’était pas fait homme aucun corps n’aurait en lui sa
propre fin ». Enfin et pour finir, il écrit en 1304 son livre
De ascensu et descensu
intellectus
(Dist.
IX) où a complètement disparu le thème de la rédemption et du péché originel :
« Quand Dieu créa le monde son entendement connaissait la meilleure fin pour laquelle il
l’avait créée et cette fin sublime est de se faire homme et que le même homme fut Dieu » .
L’homme, en lui-même, récapitule la création puisque l’homme participe de tous les règnes de la
nature mais l’homme se « termine » en Homme-Dieu qui est la raison d’être, la « cause finale » de
tout l’univers. Pour Lulle, c’est tout l’univers qui trouve son aboutissement en Christ comme cela
l’était pour l’Apôtre Paul :
« Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la
création a été soumise à la vanité (..) avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la
servitude de la corruption .... or, nous savons que, jusqu'à ce jour, la création tout entière
soupire et souffre des douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement; mais nous
aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en
attendant la rédemption de notre corps. »
St Paul Romains 8 – 19.
Ainsi, lorsque le psychanalyste CG Jung, voulant opposer l’alchimie et le christianisme, prétend
que l’alchimie veut la rédemption de la matière et des corps tandis que le christianisme
uniquement celle des âmes, il se trompe lourdement car, prenant pour base le manichéisme, il
associe le mal à la matière et conçoit en cela que l’alchimie, désirant prendre en compte la
corporalité, ne peut, de ce fait, que vouloir la réunion du bien et mal, refusant par-là même la
thèse augustinienne du mal comme «
privatio boni
». Or, on sait que saint Augustin s’est converti
en réaction aux croyances des manichéens auxquelles il avait précédemment adhéré et on sait
que la chrétienté, tout au long des siècles, a refusé cette thèse manichéenne qui associe le mal à
la matérialité et à toutes entités corporelles créées sachant, néanmoins, que, pour elle, tout dans
le monde sublunaire est imparfait et corrompu, mixte d’être (bien) et de non-être (mal). Nous
pouvons voir par-là que la thèse de la «
privatio boni
» est, en toute logique, la conséquence du
refus du manichéisme et nous avons montré précédemment que l’alchimie avec sa volonté
purificatrice des corps en eux-mêmes se trouvait plus logiquement en accord avec le
christianisme. Plus en accord car pour celui-ci, la création est bonne en elle-même puisqu’elle est
l’œuvre d’un Dieu bon tandis qu’avec le manichéisme, plus éthéré et plus platonicien, il est
question d’une libération de l’âme hors de la prison de la matière jugée mauvaise car créée par
un démiurge méchant. La philosophie chrétienne a, de toujours, été prise en étau entre le
platonisme et l’aristotélisme et concernant le problème de la résurrection des corps, c’est vers
Aristote que beaucoup d’auteurs se sont tournés sans pour autant cesser d’être platoniciens pour
ce qui est des Idées divines. Les philosophes scolastiques médiévaux ne firent en cela que
continuer les spéculations des philosophes hellénisants arabes, les «
falâsifa
», responsables de
ce syncrétisme des diverses conceptions philosophiques grecques. L’époque, celle des grandes
« sommes théologiques », voulait l’unité du savoir, non un savoir encyclopédique comme nous
aimons à le faire depuis l’époque des Lumières mais cet « habitus » dont parle Lulle qui voyait
dans la Trinité divine la « cause » de toute la dynamique des êtres.
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Dans notre texte intitulé Du chaos et de la quintessence, nous avons longuement étudié cette
problématique de la
termenació
lullienne considérée, tout comme le Grand Œuvre alchimique et
au regard de notre conception « anagogique » psychanalytique comme symbolique d’un
processus psychique inconscient de réunion de contraires psychiques libérateur du mal conçu
lui-même comme une absence de cette réconciliation des antagonistes. Cette conception de la
«
privatio boni
» n’est pas un angélisme béat niant toute réalité du mal en ce monde mais, tout
comme Georg Wilhelm Friedrich Hegel qui, posant le mal comme nécessaire dans toute
dialectique, parlait de « négation de la négation », le « propre » du mal est qu’il disparaisse à la
fin. Comme l’être en acte est un dévoilement progressif (cause finale), l’être final du mal est ainsi
un non-être. C’est pourquoi dans l’alchimie, on le représente par l’Ouroboros, un dragon qui
s’auto-dévore. D’autre part, parler de processus psychique implique une dialectique entre le moi
et l’inconscient - celui-ci étant légitimement personnifié – dialectique dans laquelle le moi a une
certaine autonomie, c’est à dire une certaine liberté. Comme un processus psychique peut se
formaliser rationnellement, on comprend pourquoi dans ces spéculations médiévales de
« théologie naturelle », les explications rationnelles n’excluaient pas, outre une certaine liberté du
moi, la libre décision divine ainsi que sa grâce et le nécessaire recours à la prière pour que le
processus se réalise. Les alchimistes insistaient sur le nécessaire « dialogue avec l’ange
gardien » dans le déroulement du Grand Œuvre. Si CG Jung se trompe lorsqu’il écrit que le but
du Grand Œuvre est la réunion du Bien et du Mal que le christianisme aurait séparé (cf. son texte
Réponse à Job), c’est qu’il identifie comme les manichéens le mal et la matière. C’est vrai que
l’alchimie voulait la réunion de la matière et de l’esprit, tout comme le christianisme pour qui le
« corps glorieux » de la résurrection est une réunion de la nature corporelle et de la nature divine.
L’autre erreur de CG Jung est sa conception gnostique de l’alchimie conçue comme une
libération de l’Esprit hors de la prison de la matière :
Dans l’alchimie, le mercurius représente encore l’esprit divin enfoui dans l’obscurité de la
matière … Le mercure, prisonnier de la terre est un motif central dans tous les systèmes
gnostiques … On a le devoir de sauver le
Nous
de l’étreinte de la terre qui le retient
prisonnier. Cette libération est le but poursuivi par l’alchimie. Les maîtres alchimistes aspirent
à libérer les forces spirituelles divines enfouies dans la matière, par leur « opus contra
naturam ».
CG Jung - Sur l’interprétation des rêves p. 107
Les textes de Henry Corbin et de Pierre Lory montrent de manière décisive que l’alchimie
occidentale provient de l’alchimie musulmane d’où émerge la figure centrale de Jâbir Ibn Hayyân,
ultra-shi’ite focalisé par le problème de la résurrection et du « corpus glorificationis ». Ce que
démontrent ces textes, c’est que l’alchimie musulmane repose sur le principe de la libération du
mal et sur celui de la réunion de la nature corporelle et divine dans le « corps glorieux », c’est à
dire deux conceptions totalement antagonistes à celles soutenues par CG Jung concernant la
pensée alchimique. Raymond Lulle qui se disait « christianus arabicus » se situe à la suite de
saint Anselme et de saint Bonaventure pour qui les articles de la foi chrétienne doivent et peuvent
se prouver par « raisons nécessaires ». Dès lors, le processus fondamental du monde est pour la
théologie naturelle musulmane et chrétienne un processus dont le but ultime, la cause finale, est
cette glorification de la matière du « corpus glorificationis » qui libère du mal, du péché et de la
mort. Dans son texte La philosophie de l’Amour chez Raymond Lulle (page 19), le lulliste Lluis
Sala-Molins, faisant siennes les opinions d'Ibrahim Madkour, écrit que notre Raymond reprend les
idées scientifiques de l’alchimiste Jâbir ibn Hayyân qui, on l’a écrit, était comme ultra-shi’ite
focalisé par le problème de la résurrection et du « corpus glorificationis ». Or paradoxalement,
même s’il existe de très nombreux textes alchimiques apocryphes faussement attribués au
mystique majorquin, celui-ci dénie dans plusieurs passages de ses textes la possibilité de
fabriquer de l’or à partir du plomb ou du mercure. Mais d’un autre coté, il croit à la possibilité de
prolonger la vie (in
Quaestiones Attrebatenses)
et on sait que ses deux disciples français, Pierre
de Limoges et Thomas le Myésier, étaient des médecins.
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En réalité, la pensée alchimique occidentale était tout autant tournée vers la problématique de la
transmutation métallique, l’alchimie aurifère, que vers celle de l’élixir de longue vie, l’alchimie
médicale et Lulle, grand connaisseur des philosophes hellénisants et des hétérodoxes
musulmans relève de cette pensée alchimique pour qui la philosophie de la nature, indissociable
des articles de la foi chrétienne, traitait de la libération du mal, du péché et de la mort ; c’est à dire
de la résurrection et de la vie éternelle :
« S’il n’y a pas la résurrection, le monde n’a pas de perfection »
Cant VI Dictat de Ramon
Cet abandon par Raymond Lulle du thème central du péché originel au profit d’un processus
voulu par Dieu de toute éternité s’appuie sur cette conception aristotélicienne de l’être de Bien qui
se révèle à la fin du processus sachant qu’au commencement du processus se trouve un mixte
d’être et de non-être, de bien et de mal. Le mal disparaissant à la fin du processus, s’auto-détruit
tel l’Ouroboros alchimique, le serpent qui se dévore lui-même, la négation de la négation. En cela,
notre Raymond relève de la conception augustinienne de la « privatio boni » contre laquelle s’est
arquebouté CG Jung et son disciple le prix Nobel de physique quantique Wolfgang Pauli (cf. le
texte de leur Correspondance). On sait que CG Jung a théorisé un processus psychique de
réunion quaternaire des contraires que l’on trouve metaphorisé en alchimie dans le théorème dit
de Marie la juive. A partir d’un état d’indifférenciation d’une quaternité de fonctions ou de
dimensions psychiques, se met en acte un processus de différenciation et de développement
d’une fonction ou d’une dimension dite principale, puis d’une fonction ou dimension secondaire
puis d’une troisième se réconciliant avec la seconde et enfin d’une quatrième se réconciliant avec
la première. Comme exemple de ces processus de différenciation, il décrit à juste titre le
processus de différenciation des quatre fonctions Sensation-Intellect-Sentiment-Intuition. Prenant
pour cas de figures les expériences spirituelles des deux grands penseurs chrétiens du début du
christianisme, Origène et Tertulien, il montre de manière convaincante le sacrifice de la fonction
principale sensation au profit de l’Intuition chez Origène et le sacrifice de la fonction principale
intellectuelle au profit du Sentiment chez Tertulien. Le moi s’identifiant à la fonction principale, le
sacrifice de la fonction principale s’associe avec le renoncement au moi au profit de l’âme,
fonction de relation au Soi intérieur que, de toujours, les humains ont identifié à Dieu. Le génie de
CG Jung fut, en plein XX
e
siècle, de réhabiliter le concept de l’âme comme complexe central de
l’inconscient qui, lorsqu’elle n’est pas assumée par le sujet, se trouve être projetée dans l’objet
extérieur avec qui le sujet entretient des relations complexes. Le moi s’identifiant à des images
positives idéalisées de lui-même construites par l’éducation (moi idéal, idéal du moi) et se
structurant dans une relation triangulaire (rivalité) à l’objet externe, les non-valeurs sociales et
idéales dénommées
ombre
dans la théorie junguienne se trouvent être refoulées dans
l’inconscient où elles viennent contaminer l’âme antagoniste au moi (le Dr Jekill et mister Hyde).
L’inconscient apparaît ainsi comme une pure négativité s’opposant au moi conscient et se mettant
du coté du rival dans le but de détruire l’unilatéralité du moi extraverti identifié à un personnage
construit par l’éducation et l’insertion sociale (la
persona
). Cette topique psychique est celle des
Evangiles, celle de la parabole des sépulcres blanchis :
« Malheureux, scribes et pharisiens hypocrites! Parce que vous nettoyez le dehors de la coupe
et du plat, et qu'au-dedans ils sont pleins de rapine et d'intempérance ».
Matthieu 23:25
…. vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui, au
dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés.
Matthieu 23:27
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