1
Introduction
I- La science est ce qui rend l’art plus intéressant que la science
1- L’approche scientifique de l’art
1.1- Une cataracte sur les étangs cristallins de Giverny
1.2- Une opsine ratée contraint Charles Meyron aux eaux-fortes
2- L’influence des sciences de la nature sur la démarche artistique
2.1- La « foveart »
2.2- L’art de la persistance rétinienne
2.3- La loi du contraste simultané impressionne Monet
3- Les sciences de la nature comme source d’inspiration
3.1- Cadavres exquis et autres phénomènes de foire
3.2- L’art est une fonction du vivant
II- De l’art plastique à la plasticité cérébrale
1- Avoir son cerveau dans son sexe.
1.1- Les spermatozoïdes ne furent pas immédiatement des spermatozoïdes, ils le sont devenus
1.2- onard de Vinci pornographe raté
2- Etude de chien et de l’art de la perception
2.1- Study of dog : état des lieux
2.2- C’est le regardeur qui regarde le tableau
3- L’art dans le fonctionnement mental du cerveau
3.1- Du visible compliqué par de l’invisible simple
3.2- Apprendre à voir
3.3- Réflexion artistique dans les neurones miroirs
Conclusion
Sources
2
Exister, c’est être perçu.
Berkeley
La science se finit comme une somme de connaissances obtenues par des moyens
d’investigation rationnels. La marche scientifique consiste à émettre des conjectures pour
expliquer les phénomènes naturels. Des activités de recherches telles que l’expérience, les
observations et leur conformité à un mole mathématique valident ou réfutent les hypothèses
imaginées. Ainsi se construit le savoir scientifique et une perception rationnelle de la nature.
L’activi artistique peut entrer dans une perspective scientifique et en particulier
neurologique. En effet, l’art porte sur la recherche d’une communication impliquant une
motivation et des émotions en harmonie avec la raison. L’œuvre d’art est donc une production
cérébrale particulière. L’artiste engage un échange, propose une intersubjectivité, il vise une
communication, il transmet un ordre du monde, il offre une vision décalée. L’œuvre d’art peut
nous clouer d’étonnement et d’admiration par son efficaci esthétique, brutale, imdiate,
sidérante… après l’émotion, le raisonnement formule notre sentiment et fabrique un discours
qui poursuit et intègre l’effet physiologique. Cependant, l’art contrairement à la science ne
progresse que par un renouvellement perpétuel. Vous avez appris avec M. Delomosne que la
Nature a offert à l’art moderne des outils pour transgresser la tradition. La peinture se libère
par une « vérité » des sensations perçues, la sculpture redécouvre l’espace et l’œuvre d’art
elle-même se transfigure en devenant une expérience du vivant. Toutefois, selon un point de
vue scientifique, cette conception de la naissance de l’art moderne pose des problèmes. En
effet comment percevoir tout-à-coup autre chose que ce que tout le monde a sous les yeux ?
Comment l’intelligible interagit-il avec le sensible dans le monde intérieur de la conscience
esthétique pour que, comme l’écrit Hegel, l’œuvre d’art réalise « l’accord du sensible et du
spirituel » ? Est-ce le cerveau de l’artiste qui est le reflet des aspirations d’une époque ou est-
ce la société qui se reflète dans son cerveau ? Les questions de mimesis ou d’appréhension de
la Nature par lart moderne sont liées à la perception visuelle. Les interrogations centrées sur
les représentations de la nature, leurs conséquences et l’interprétation de ces œuvres d’art
touchent au fonctionnement du cerveau, au déploiement des sentiments et de la conscience.
Ainsi pour résoudre les problèmes posés, nous suivrons dans une première partie la
physiologie de l’œil et les regards que se portent mutuellement la science et l’art. Puis dans
une deuxième partie, nous traiterons du fonctionnement du cerveau contemplatif afin de
comprendre comment se perçoit une œuvre d’art et comment se construit le réel qui
l’accompagne.
3
I- La science est ce qui rend l’art plus intéressant que la science
Les œuvres d’art constituent un sujet d’investigation scientifique. En effet, elles posent
des problèmes de conservation, de restauration et d’interprétation. Toutes les techniques de
recherches scientifiques peuvent être mises au service de la résolution de ces questions :
comment conserver ou restaurer des œuvres d’art ? Comment les comprendre ? Comment les
voir ? Inversement les artistes investissent aussi les découvertes scientifiques afin de faire
évoluer leurs pratiques ou leur vision de la réalité. Ainsi, nous examinerons, dans un premier
temps ce que peut nous apprend une approche physiologique de quelques œuvres et enfin
dans une deuxième partie comment les artistes forcent le regard en s’appuyant intuitivement
sur des propriétés physiologiques de l’œil.
1- L’approche scientifique de l’art
La spectrométrie, la radiographie, la microscopie, la chromatographie, l’accélération
de particules, l’analyse chimique des strates de peinture, des liants et des pigments contribuent
à ausculter les œuvres d’art, à déterminer leur composition intime et l’agencement de leurs
atomes. Les résultats nous renseignent sur l’histoire de leur conception, de leur fabrication et
sur l’évolution des matériaux au cours du temps
1
. Ainsi les scientifiques apportent des indices
pour retracer l’histoire énigmatique d’un tableau et par conséquent ils enrichissent
l’interprétation d’une œuvre.
1
Par exemple, 10 000 œuvres ont déjà été radiographiées. Grâce à ce faisceau de rayons X, les scientifiques
décèlent l’accumulation des différentes couches l’on devine les premières compositions, les hésitations de
l’artiste et les restaurations successives. La radiographie de La Vierge de l’Annonciation du Musée du Petit
Palais en Avignon révéla une figure tout à fait compatible avec un tableau du XVe siècle, alors que l'œuvre elle-
même était fade, d'un style mièvre beaucoup plus tardif. Après une délicate intervention contrôlée par l'image
radiographique, surgit en 1988 la représentation d'une Vierge ancienne attribuable à Giovanni di Paolo.
La peinture nous met des yeux partout : dans l’oreille, dans le
ventre, dans les poumons. C’est la double définition de la peinture :
subjectivement elle investit l’œil, qui cesse d’être organique pour
devenir organe polyvalent et transitoire ; objectivement, elle dresse
devant nous la réalité d’un corps, ligne et couleurs la pure présence
du corps sera visible, en même temps que l’œil sera l’organe de
cette présence. Deleuze
4
1.1- Une cataracte sur les étangs cristallins de Giverny
Il est étonnant d’apprendre que les deux tableaux représentent le même paysage. La
version la plus ancienne (1899) montre clairement le pont de Giverny qui enjambe un bassin.
Des saules occupent l’arrière plan sur lesquels se détache le pont japonais. Le bassin bordé de
roseaux drus, verts et touffus transportent des reflets et des nénuphars bleus. Le contraste avec
la version de 1920 est saisissant. En effet, le pont de Giverny semble plongé dans un monde
jauni, un univers de rouge et de brun. La profondeur est perdue. La peinture est plate. Les
saules, les grosses fleurs blanches et les tâches verdâtres qui flottaient sur le parterre d’eau se
noient dans un incendie.
Comment expliquer la métamorphose de la représentation du pont de Giverny ?
Comment expliquer les différences de couleur et la dégradation des formes ? Est-ce
l’aboutissement de l’exaltation des couleurs et de la fragmentation des touches ? Est-ce la
traduction d’une perception exaltée de la nature pour traduire les vibrations de la matière et de
la lumière ? Que pourrait nous apprendre une approche scientifique de l’analyse des
tableaux ? Un physiologiste constate immédiatement que le tableau de 1920 est un symptôme.
En effet, l’excès de teintes jaunes, l’absence de bleu, les brouillards de couleur chaude
diagnostiquent une cataracte. L’analyse d’un seul tableau ne suffit pas évidemment à poser
une certitude. Néanmoins, l’évolution des troubles de la vision peut se suivre car Monet
aimait peindre des séries d’un même motif. Ainsi il a peint plus de 20 fois le pont japonais à
Giverny. Ces tableaux vèlent l’accentuation du jaunissement et la dégradation des formes.
Par ailleurs, la cataracte suggérée par l’évolution de sa peinture est confirmée par des
éléments biographiques
2
. Pour comprendre qu’est-ce que la cataracte, il faut savoir que la
lumière tre dans l’œil en franchissant le cristallin qui joue le le d’une lentille
convergente. L’accommodation se réalise en modifiant la courbure du cristallin. Il peut être
étiré ou aplati par les muscles ciliaires. La cataracte se développe lorsque le noyau du
cristallin s’opacifie et jaunit. Le cristallin jaunâtre se comporte alors comme un filtre en
absorbant les courtes longueurs d’onde du spectre de la lumière visible (les bleus). Le
2
Elle fut diagnostiquée par un médecin. A la fin de sa vie, il se fit « opéré de la cataracte ».
5
mélange des couleurs qui se produit aboutit à un jaunissement apparent des verts et à une
mauvaise perception des violets et des bleus. Un cristallin cataracté agit comme un voile dont
la densité croit avec le temps. Le cristallin peut également durcir. Par conséquent
l’accommodation est perturbée, le flou s’intensifie. L’évolution de la cataracte modifie la
vision des formes et des couleurs de façon progressive. Les grandes décorations de l’orangerie
illustrent l’ingéniosité de l’artiste qui surmonte ses ficits visuels. A mesure que progressait
sa cataracte, il distinguait moins bien les détails, il peint plus grand ; il perçoit mal les
différences de clarté, il augmente le contraste lumineux ; il ne voit plus les teintes froides, il
les applique en suivant son intuition ; il ne voit plus le relief, il crée une peinture plate.
L’opération de la cataracte est lisible
dans ses derniers tableaux. En effet,
lopération modifia sa vision de façon
brutale, restituant une bonne acuité visuelle,
mais entrainant un bouleversement de la
perception spatiale, lumineuse et colorée.
Lopération supprima brusquement le filtre
jaune : il perçut à nouveau les courtes
longueurs d’onde, les bleus. Il les distingua
même mieux qu’avant sa cataracte car
l’opération supprima non seulement le filtre
pathologique mais aussi le filtre normal que
constitue le cristallin. La perception des
bleus fut exacerbée. Les tableaux peints par
Monet après son opération lillustre bien : ils
ont une puissante dominante bleue qui contraste avec la teinte des tableaux qu’il peignit avec
son cristallin cataracté.
En conclusion, la pathologie oculaire place d’emblée Monet dans la position de « voir
autrement » tout en continuant le projet impressionniste de « peindre vrai » en exaltant la
sensation colorée. La maladie force le peintre à explorer de nouvelles voies pour adapter sa
perception du monde. Charles Meyron en est aussi un exemple stupéfiant.
1.2- Une opsine ratée contraint Charles Meyron aux eaux-fortes
Charles Meryon est décrit par Baudelaire comme « un homme puissant et singulier, un
officier de marine qui a réalisé une série d’études à l’eau-forte d’après les points de vue les
1 / 38 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !