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Exister, c’est être perçu.
Berkeley
La science se définit comme une somme de connaissances obtenues par des moyens
d’investigation rationnels. La démarche scientifique consiste à émettre des conjectures pour
expliquer les phénomènes naturels. Des activités de recherches telles que l’expérience, les
observations et leur conformité à un modèle mathématique valident ou réfutent les hypothèses
imaginées. Ainsi se construit le savoir scientifique et une perception rationnelle de la nature.
L’activité artistique peut entrer dans une perspective scientifique et en particulier
neurologique. En effet, l’art porte sur la recherche d’une communication impliquant une
motivation et des émotions en harmonie avec la raison. L’œuvre d’art est donc une production
cérébrale particulière. L’artiste engage un échange, propose une intersubjectivité, il vise une
communication, il transmet un ordre du monde, il offre une vision décalée. L’œuvre d’art peut
nous clouer d’étonnement et d’admiration par son efficacité esthétique, brutale, immédiate,
sidérante… après l’émotion, le raisonnement formule notre sentiment et fabrique un discours
qui poursuit et intègre l’effet physiologique. Cependant, l’art contrairement à la science ne
progresse que par un renouvellement perpétuel. Vous avez appris avec M. Delomosne que la
Nature a offert à l’art moderne des outils pour transgresser la tradition. La peinture se libère
par une « vérité » des sensations perçues, la sculpture redécouvre l’espace et l’œuvre d’art
elle-même se transfigure en devenant une expérience du vivant. Toutefois, selon un point de
vue scientifique, cette conception de la naissance de l’art moderne pose des problèmes. En
effet comment percevoir tout-à-coup autre chose que ce que tout le monde a sous les yeux ?
Comment l’intelligible interagit-il avec le sensible dans le monde intérieur de la conscience
esthétique pour que, comme l’écrit Hegel, l’œuvre d’art réalise « l’accord du sensible et du
spirituel » ? Est-ce le cerveau de l’artiste qui est le reflet des aspirations d’une époque ou est-
ce la société qui se reflète dans son cerveau ? Les questions de mimesis ou d’appréhension de
la Nature par l’art moderne sont liées à la perception visuelle. Les interrogations centrées sur
les représentations de la nature, leurs conséquences et l’interprétation de ces œuvres d’art
touchent au fonctionnement du cerveau, au déploiement des sentiments et de la conscience.
Ainsi pour résoudre les problèmes posés, nous suivrons dans une première partie la
physiologie de l’œil et les regards que se portent mutuellement la science et l’art. Puis dans
une deuxième partie, nous traiterons du fonctionnement du cerveau contemplatif afin de
comprendre comment se perçoit une œuvre d’art et comment se construit le réel qui
l’accompagne.