répondre, un sourire aux lèvres, « pourquoi pas les deux » ? Il a composé « In a
Landscape » et « Dream » en 1948, soit l’année pendant laquelle il a également
terminé ses révolutionnaires « Sonates et Interludes » pour piano préparé. Pour de
nombreux compositeurs du 20e siècle, il aurait été impensable de composer
simultanément des pièces aussi différentes.
« In a Landscape », a été écrit pour s'adapter à une structure rythmique
préconçue, une technique inspirée par les carnets d'Erik Satie, tandis que « Dream
» est délibérément ambigu au niveau harmonique. Ses trois répétitions
consécutives de la même musique semblent mener à la conclusion que la musique
pourrait ainsi continuer, encore et encore, comme les « Vexations » de Satie
(1893).
Mais l'influence de Satie est principalement de nature structurelle : l'utilisation
abondante des pédales, les couleurs modales aliénantes et la qualité transparente
des deux œuvres rappellent un passé plus lointain. Elles prévoient également le
postmodernisme avant que la plupart des œuvres modernistes emblématiques
n'aient été écrites.
Bien que les deux œuvres offrent un regard distancié sur le passé, leur
atmosphère pianistique évoque des œuvres de répertoires proches de celui de
Scriabine, que Cage a entendu pour la première fois à l'âge de 18 ans.
L'expérience a conduit Cage à acheter une anthologie moderne de miniatures
pour piano, « Das neue Klavierbuch », cela l'a mené à appréhender Schoenberg et
Satie, et a eu une influence décisive sur son évolution en tant que compositeur.
Morton Feldman, l'un des protégés de Cage et de plus en plus fréquemment
considéré comme une figure majeure de la musique du 20e siècle, a également
été mis en contact avec la musique de Scriabine de façon précoce. Le premier
professeur de piano de Feldman était Vera Maurina-Press, une proche amie de la
famille de Scriabine. Sous sa tutelle, Feldman a étudié les œuvres de Scriabine, et
dira plus tard de ses premières compositions qu'elles étaient des miniatures «
Scriabinesques » pour piano. Bien qu'il crédite Cage en lui accordant « la
permission de faire confiance à [ses] instincts », l'éducation pré-Cage de Feldman
reste une importante part de son identité musicale.
Feldman est par la suite passé par des phases d'admiration pour d’autres maîtres
du vingième siècle, dont Webern, Stravinsky et Varèse. Toutefois, la texture et la
gestuelle du « style tardif » de Feldman, et en particulier son écriture pour le
piano, sont redevables à Scriabine, avec un jeu de pédales généreux, une
esthétique lyrique abstraite, et des accords dominants enrichis de 9ème, 11ème et
13ème qui tendent à centrer la tonalité tout en évitant la résolution tonale.
La caractéristique la plus frappante de la musique de Feldman est la constance du
faible volume : le pianissimo étant sa signature. Mais il y a aussi la répétition
obsessionnelle de fragments asymétriques. Feldman a révélé à plusieurs reprises