nôtres propres. A la suite de Singer, de nombreux autres philosophes sont arrivés à des
conclusions similaires : ne pas tenir compte des intérêts des autres animaux est injustifiable, et
ils devraient se voir reconnus la protection de leur vie et de leur qualité de vie, se voir par
exemple reconnus des droits fondamentaux.
Il s’agit là d’éthique universaliste : les notions d’égalité, de justice, etc. qui sont mobilisées par
Singer et par bien d’autres (Tom Regan, Sapontzis, etc.) sont censées s’appliquer à tous et en
toutes circonstances. En conséquence de quoi, il serait logique de se battre pour que ce fait soit
reconnu : les discriminations dont sont victimes les animaux, du simple fait qu’ils ne sont pas
humains (ou du fait qu’ils ne se voient pas reconnaître des qualités perçues comme
essentiellement humaines, comme l’intelligence, la raison, l’abstraction, etc.) ne sont pas
justifiables, ne sont pas justes, et doivent donc être abolies... de la même façon, et pour les
mêmes raisons, que des discriminations intra-humaines (racistes, sexistes, etc.) ne sont pas
défendables et doivent disparaître. Ces questions débordent les simples actes d’individus ; elles
concernent l’organisation d’une société dans son ensemble et doivent être posées à un niveau
collectif et non purement individuel.
Or, le mouvement animaliste actuel répugne à poser le problème de l’exploitation animale
comme un problème politique, qui concerne chacun et doit s’imposer à chacun. Au vrai, cette
répugnance s'adresse surtout au problème de la viande et des sous-produits animaux.
Concernant la corrida, la fourrure, les combats de coq, les cirques, l'expérimentation, le gavage,
les militants adoptent par contre spontanément une approche presque exclusivement politique,
en lançant des campagnes sur le long terme, en ciblant des adversaires, en réclamant
l’interdiction.
Lorsque nous parlons ici de « politique », précisons bien que nous ne parlons pas
particulièrement de politique politicienne, des partis, des élections, des candidats. Suivant
l’étymologie du mot, nous parlons de l’organisation de la cité (polis), de l’organisation de la vie
collective, de la société : c’est-à-dire, des institutions, des rapports sociaux, des coutumes, des
lois, de la culture, des idéologies, etc. Nous parlons des mouvements à développer pour changer
notre structure sociale, pour aller vers un monde meilleur. Nous parlons de faire de la politique
comme la font les syndicalistes, les féministes, etc., c’est-à-dire, les mouvements de
contestation sociale. Bref, nous parlons d’analyser la complexité de ce que nous voulons voir
disparaître, de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre dans ce but et de réussir à nous organiser
collectivement.
L'exploitation animale est massive, tellement massive qu'elle apparaît inconcevable : elle
concerne des milliers de milliards d'animaux.
Il s'agit essentiellement d'animaux marins (poissons...), qui sont eux aussi hélas des animaux
sentients, qui éprouvent plaisir et souffrance, joies et peines, peur, angoisse, terreur. Ils
constituent plus de 98% de l'ensemble des animaux qui sont capturés ou élevés, puis tués, pour
nous servir de matière première (nourriture humaine, « fourrage » animal)2.
La quasi-totalité des animaux exploités et opprimés restants sont constitués des animaux
vertébrés terrestres tués eux aussi pour la boucherie : les « volailles », les vaches, les cochons,
les lapins, sont tués en masse : ils sont 60 milliards à être massacrés chaque année pour nous
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
2 Cf. le livret Poissons. Le carnage, éd. tahin party, 2009, téléchargeable sur Internet.