Article de synthèse
RMC-2014 31
Revue générale des douleurs chroniques post-chirurgicales
Docteur M. DERNEDDE
Clinique de la Douleur - Site de Châtelet - CHU de Charleroi
L
a douleur chronique postchirurgicale (DCPC) a été définie par Macrae en 1999 par
quatre points :
L’intérêt pour la DCPC est récent. Plusieurs revues de la littérature ont été publiées au
cours des 15 dernières années et soulignent l’envergure du problème.
L
a société française d’anesthésie et de animation (Sfar) a considéré ce sujet
suffisamment important pour inclure des recommandations spécifiques dans la
recommandation formalisée d’experts sur la prise en charge de la douleur postopératoire
publiée en 2008 (4).
Toutefois, la situation actuelle est peu satisfaisante. Cette revue générale de la littérature
vise donc à faire le point sur l’épidémiologie de la DCPC, les facteurs de risques, les
moyens de prévention ainsi que sur les recommandations pour la pratique clinique.
Mots-clés : Douleur chronique postchirurgicale (DCPC) - Chronic Postsurgical
Pain (CPSP) - Persistent Postsurgical Pain (PPSP) - Facteur prédictifs -
Prévention
INTRODUCTION
La douleur apparaît après la chirurgie ;
Persiste plus de deux mois après la chirurgie ;
Les autres causes de douleur ont été éliminées, notamment une infection
et/ou récidive tumorale ;
Elle est sans lien avec la douleur préopératoire (1-3).
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Les revues générales sur la DCPC décrivent une incidence de 10 à 50 % (2).
C
ette incidence globale est basée sur des données obtenues le plus souvent par
interrogatoire des patients et sans possibilité de les examiner ou de les interroger
précisément.
Cette incidence n’est plus que de 5 à 10 % lorsque l’on considère les douleurs sévères
uniquement (2).
Il existe donc une grande variabilité de l’incidence de la douleur chronique selon le seuil
douloureux à partir duquel on considère la présence de la douleur.
L’étude de cohorte TROMSO norvégienne est la première à chiffrer l’incidence de la
DCPC en population générale avec trois points clés :
INCIDENCE
18,3% de la population opérée dans les trois années précédentes
souffriraient d’une DCPC modérée à sévère.
La moitié de ces douleurs auraient des caractéristiques neuropathiques.
Et dans deux tiers des cas, la DCPC serait localisée aux membres (5).
SYNTHÈSE
La DCPC est fréquente
Cinq à dix pourcents des patients présentent des douleurs
modérées à sévères.
Les DCPC sont largement représentées par des douleurs
neuropathiques chroniques.
Une fois installées, ces douleurs sont difficiles à traiter
et ont un retentissement individuel et sociétal important.
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1. Facteurs liés à la chirurgie :
L
a nature de la chirurgie fait varier la prévalence de la douleur chronique
post chirurgicale. Les chirurgies les plus pourvoyeuses de DCPC sont l’amputation d’un
membre et la chirurgie mammaire (tableau 1).
Table 1
Progression from acute pain to chronic postsurgical pain
after various surgical procedures
For acute pain, 30% is mentioned by default as the incidence of severe acute postoperative pain reported
currently in the literature (22). For chronic pain, the table mentions the incidence in general but not severe
pain which concerns 4 – 10% of the patients reporting persistent pain (3). CPSP, chronic surgical pain.
Lavand’homme, P. Curr Opin in Anesthesiol 2011(6)
FACTEURS DE RISQUE DE LA DOULEUR CHRONIQUE POST CHIRURGICALE
Severe acute
pain
(at 24h)
Subacute pain (from
day 10 to 6-8 weeks)
Chronic pain
(from 3 to 12
months)
Neuropathic
component of
CPSP
Limb amputation (6,7)
(30%)
50-75%
50-85%
>80%
Thoracotomy (8,9)
(30%)
39-50%
16-21%
>46%
Breast cancer surgery (10)
(30%)
16%
47%
65%
Major abdominal surgery
(11,12*)
(30%)
18%
7-14%
?
Craniotomy (13)
20%
6%
7-29%
25%
Inguinal hernia (14,15)
7%
14%
12%
80%
Knee arthroplasty (16)
44%
16-52%
13%
?
Hip arthroplasty (16)
40%
20%
12%
?
Cesarean delivery (17,18)
17%
9-16%
4-10%
53%
Cosmetic breast surgery
(19,20)
(30%)
25-32%
6-14%
38%
Cosmetic chest surgery (21)
(30%)
25%
14%
?
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N
otons que les chirurgies les plus à risque d’induire de la DCPC ont fait l’objet
d’innovations techniques notables au cours des dix dernières années.
Ainsi, l’exérèse du ganglion sentinelle qui limite le curage ganglionnaire dans la chirurgie
du sein (7), le développement de la thoracoscopie qui épargne le nerf intercostal dans la
chirurgie pulmonaire (8), la laparoscopie pour la chirurgie d’hernie inguinale (9),
la fixation de plaques par colle biologique en cas d’abord laparoscopique (10),
la non-fermeture du péritoine pour la césarienne (11), la chirurgie mini-invasive en
orthopédie sont autant de facteurs qui tendent à réduire l’incidence de la DCPC.
La durée de la chirurgie de plus de trois heures est, semble-t-il, un facteur de risque de
chronisation (12).
2. La composante neuropathique :
L
a part de la douleur neuropathique dans la DCPC
est importante et varie.
Une sion neurologique est souvent au premier plan dans les modèles chirurgicaux les
plus à risque d’induire une DCPC. On peut citer la lésion du nerf intercostal pour
la thoracotomie, les lésions du sein avec curage ganglionnaire, la lésion du nerf
ilioinguinal, iliohypogastrique ou encore la lésion de la branche génitale du nerf
génito-fémoral pour la chirurgie de hernie inguinale; enfin, la lésion accessoire de la
saphène interne pour la chirurgie des varices des membres inférieurs.
Cependant, la lésion nerveuse, bien que fréquente au cours de chirurgie et nécessaire
au développement d’une douleur neuropathique, n’était pas toujours suivie de douleur.
3. Douleur postopératoire aiguë :
U
ne relation entre l’intensité de la douleur aiguë et la présence d’une DCPC a été
rapportée dans plusieurs chirurgies : amputation, thorax, sein, arthroplastie de hanche et
de genou. Une étude prospective incluant plusieurs types de chirurgie a montré qu’une
douleur postopératoire élevée à quatre jours est prédictive de la DCPC (13).
Les études soulignent l’indépendance de la relation au type de la chirurgie et mettent en
avant les autres facteurs de douleurs aiguës (facteurs individuels, prise en charge
analgésique).
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Tableau 2
Facteurs de risque pré-, per- et postopératoire
Fig. 1. Schématisation des interactions entre les facteurs pré- et postopératoires dans le temps.
Martinez V et al. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation. 32 (2013) 422-35. (14)
SYNTHÈSE
Plusieurs facteurs prédictifs pré- et postopératoires ont été identifiés
(Tableau 2).
Certains sont facilement identifiables lors de la consultation d’anesthésie.
Facteurs démographiques Traumatisme chirurgical Douleur postopératoire
Jeune Durée > 3h Intensité de la douleur aiguë
Femme Grande incision Hyperalgie péricicatricielle
Lésion nerveuse Caractéristiques neuropath.
Reprise Rx/chimiothérapie associées
Inflammation
Facteurs psychiques Facteurs sociaux Histoire douleureuse
Etat anxieux ITT prolongé D+ site ou à distance
Dépression Douleur chronique
Catastrophisme Hyperalgésie diffuse
Douleur neuropathique
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