Une boussole dans l’oeil ……
29/09/2016
Comme si les grives combinaient les indices fournis par la position du soleil au
crépuscule et les stimuli magnétiques, pour recalibrer chaque soir leur compas
magnétique. "Cela pourrait expliquer comment les oiseaux réussissent à franchir
l'équateur magnétique", écrit Henrik Mouritsen. Mais aussi comment ils se débrouillent
avec la déclinaison, qui résulte du décalage entre nord magnétique et nord
géographique.
Spectaculaires, ces résultats n'indiquent cependant pas comment fonctionne,
physiologiquement, ledit compas. Plusieurs hypothèses sont en compétition. On a
traqué des aimants minuscules, faits de cristaux de magnétite, chez les migrateurs.
On en a retrouvé dans le bec des pigeons. Mais, le champ magnétique terrestre étant
fort ténu, les chercheurs jugent peu probable qu'il soit capable de réorienter ces
fragments de magnétite, et comprennent encore moins quelle voie nerveuse pourrait
guider leur vol.
Les chercheurs ont donc creusé la piste du lien étroit entre vision et orientation
magnétique. "Quand on place des rouges-gorges dans une ambiance lumineuse jaune
ou orange, ils perdent leur capacité à s'orienter", indique le pionnier Wolfgang
Wiltschko, qui, en 2002, a aussi montré que, si l'on couvrait l'œil droit du rouge-
gorge, celui-ci perdait son orientation magnétique. La salamandre semble, elle aussi,
perturbée par certaines longueurs d'onde (Le Monde du 18 octobre 1996).
Aussi les recherches portent-elles désormais sur des molécules à la fois
photosensibles et capables de réagir à des champs magnétiques très faibles. Des
mécanismes pointus, qui mettent en jeu des effets de type quantique associant des
transferts d'électrons sous l'impact de photons de lumière... "Les conférences sur ce
sujet ont désormais lieu dans les départements de physique", indique M. Wiltschko,
biophysiologiste de formation, qui se réjouit de n'être plus isolé sur cette thématique.
Son équipe, fort active, a récemment employé des champs magnétiques oscillants et
montré, comme elle l'a expliqué le 13 mai dans la revue Nature, qu'un changement
d'orientation de ce champ modifiait la position d'envol des rouges-gorges. Le type de
signal magnétique employé suggérait qu'un mécanisme dit "de pair-radical", proposé
dès les années 1970 par Klaus Schulten (université de l'Illinois, Etats-Unis), pouvait
être à l'œuvre. Un bon candidat étant le cryptochrome, une molécule photosensible
que l'on retrouve également chez les plantes.
Tout aussi en pointe, l'équipe d'Henrik Mouritsen apporte sa pierre à cet édifice
théorique. Dans la revue PNAS du 21 septembre, elle explique avoir mesuré des
concentrations élevées de cryptochrome (CRY) dans la rétine de la fauvette des
jardins. Concentrations qui ne se retrouvaient pas chez le diamant masqué,