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Analyse
Comment stimuler la confiance en soi des aînés
par rapport à l’apprentissage des nouvelles technologies ?
À
découvrir dans cette analyse
Sans motivation, il n’y a pas d’apprentissage. Et l’un des aspects importants de la
motivation est la confiance en soi, qui est connue dans la littérature scientifique sous le
nom de « sentiment d’efficacité personnelle » (SEP). Il s’agit des croyances que les gens
ont concernant leur capacité à réussir une tâche – par exemple, apprendre à utiliser les
nouvelles technologies. Dans cette analyse, nous nous pencherons sur le SEP des aînés face
à l’apprentissage des nouvelles technologies et nous proposerons quelques conseils pour le
renforcer.
Questions pour lancer et/ou prolonger la réflexion
Qu’est-ce qui pousse les aînés à découvrir les nouvelles technologies ?
Quel est le rôle de la confiance en soi dans l’apprentissage des aînés ?
Comment motiver les aînés à apprendre à utiliser les nouvelles technologies ?
Existe-t-il une limite d’âge pour apprendre ?
Thèmes
Nouvelles technologies
Motivation
Apprentissage
Confiance en soi
Les technologies numériques sont de plus en plus omniprésentes dans notre quotidien. Or,
l’utilisation des nouvelles technologies par les seniors est en décalage avec celle des plus jeunes. En
effet, en comparaison avec les plus jeunes, les seniors ont tendance à se sentir plus anxieux
lorsqu’ils utilisent les outils informatiques. Ils rapportent se sentir moins compétents non seulement
pour utiliser un ordinateur, mais aussi pour apprendre à le faire (Marquié, Jourdan-Boddaert, &
Huet, 2002). Des chercheurs écossais (Morris et coll., 2006) se sont intéressés aux raisons pour
lesquelles les seniors n’utilisent pas Internet. Parmi celles-ci, 60 % des seniors ont rapporté ne pas
s’y intéresser, et 40 % ont confié qu’ils « se sentaient trop vieux pour cela ». Les résultats de cette
recherche indiquent la nécessité de mieux comprendre les sources de ce manque de confiance face
à l’utilisation des nouvelles technologies et d’Internet. D’autant que l’utilisation d’Internet peut
s’avérer fort utile et pourrait faciliter le quotidien des seniors en leur permettant, par exemple, de
s’acquitter plus aisément aux formalités administratives, de maintenir un contact plus régulier avec
les membres de leur famille, ou encore de faciliter les achats (Dou Goarin, 2014). Dans la section
qui suit, nous allons, pour commencer, aborder les sources du SEP ou, autrement dit, la manière
dont le SEP d’une personne se forme. Ensuite, sur cette base nous allons donner des pistes
d’intervention possibles afin que les seniors puissent accroître leur propre SEP relatif à l’utilisation
des nouvelles technologies.
Qu’est-ce qui influence le SEP ?
Comme déjà mentionné, le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) est l’un des aspects de ce que
l’on appelle communément la confiance en soi. Le SEP fait référence aux croyances que les gens ont
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concernant leur capacité à réaliser des performances particulières (Bandura, 1997 ; 2003) et
représente l’un des facteurs cruciaux de la motivation à apprendre. Ainsi, pour pouvoir agir sur la
motivation à apprendre, il est nécessaire de comprendre le SEP et les facteurs qui l’influencent.
Albert Bandura, le fondateur du concept de sentiment d’efficacité personnelle (SEP) propose quatre
sources d’informations sur lesquelles les gens se basent pour former leur sentiment d’efficacité
personnelle dans un domaine particulier. Ces quatre sources sont les expériences de maîtrise, le
comportement vicariant, la persuasion verbale et les états émotionnels (Bandura, 1997), que nous
allons parcourir une à une dans les paragraphes qui suivent.
a) Les expériences de maîtrise
Premièrement, les gens se basent sur leurs expériences passées pour se former une idée de leur
capacité à effectuer une tâche dans un domaine donné. Nos réussites et nos échecs passés
contribuent à la formation de nos croyances liées à notre capacité à réussir des tâches similaires.
Ainsi, des expériences d’échecs répétées liées à l’utilisation des nouvelles technologies pourraient
diminuer la motivation d’une personne à les utiliser. A l’inverse, si une personne a l’occasion de
vivre des réussites, même minimes, celles-ci peuvent l’encourager à fournir plus d’effort et à
continuer à apprendre. Ainsi, une étude réalisée à Portland, aux États-Unis (Wild et coll., 2012)
s’est notamment intéressée au sentiment d’efficacité personnelle lié à l’utilisation d’Internet chez
les aînés. Les chercheurs ont suivi 152 retraités âgés de 67 à 96 ans en comparant leur sentiment
d’efficacité personnelle relatif à l’utilisation d’un ordinateur avant et après une formation en
informatique d’un an. Sans surprise, après un an d’utilisation informatique pratiquement
quotidienne, les participants ont rapporté un niveau de sentiment d’efficacité plus élevé quant à
leur capacité à accomplir des tâches spécifiques sur l’ordinateur. De plus, leur niveau d’anxiété lié
à l’utilisation d’un ordinateur a été également réduit. Que peut-on en conclure ? Plus les seniors ont
l’occasion d’utiliser un ordinateur, plus ils auront un sentiment d’efficacité élevé face à son
utilisation. Seulement ce n’est pas aussi simple. Il est en effet important de s’assurer que
l’utilisation d’un ordinateur ou des nouvelles technologies de manière générale soit à chaque fois
catégorisée dans la mémoire comme une réussite. Il est donc important que les formations
proposées soient aussi individualisées et adaptées au rythme de chaque participant que possible, et
visent un apprentissage progressif. En réussissant des petites étapes, les apprenants pourront avoir
davantage confiance en eux pour atteindre leur objectif final. Enfin, une en s’exposant plus souvent
à la tâche par le biais d’une pratique régulière, le nombre d’expériences de maîtrise sur lesquelles
l’apprenant pourrait se baser pour former son SEP augmente. Il est donc intéressant qu’un senior
s’expose davantage aux nouvelles technologies en les utilisant régulièrement. Une pratique
régulière pourrait avoir un effet bénéfique sur son SEP relatif à l’apprentissage d’une nouvelle
technologie.
b) Le comportement vicariant
Deuxièmement, le comportement vicariant ou, autrement dit, l’observation de nos semblables à
réussir ou à échouer dans une tâche donnée peut aussi augmenter ou diminuer notre sentiment
d’efficacité personnelle relatif à cette tâche. Concrètement, les seniors qui observent les gens de
leur entourage apprendre à utiliser une nouvelle technologie peuvent voir leur confiance en leur
capacité à utiliser un outil similaire s’améliorer. Le comportement vicariant est particulièrement
important dans les situations où la personne n’a pas eu d’expériences préalables sur lesquelles de
baser (expériences de maîtrise). Ainsi un senior qui n’a jamais eu l’occasion de surfer sur le web
constituera son sentiment d’efficacité personnelle en fonction de son expérience avec
l’informatique en général, mais surtout à partir de l’expérience des gens de son entourage. Cet
effet d’observation d’autrui, positif ou négatif, sera d’autant plus important que la personne
observée partage avec l’apprenant un certain nombre de caractéristiques, telles que l’âge, le genre
ou encore le statut socio-économique. Plus le nombre de caractéristiques communes est élevé, plus
l’identification à l’autre est importante et plus les réussites ou les échecs de l’autre auront
tendance à influencer la représentation de nos propres capacités à réaliser une tâche similaire.
L’observation des membres de sa famille ou de ses amis (idéalement, de la même tranche d’âge et
du même genre que lui) utilisant avec succès des nouvelles technologies pourrait permettre
l’accroissement du sentiment d’efficacité personnelle chez l’apprenant senior.
c) La persuasion verbale
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Une troisième source du SEP est la persuasion verbale. Cela signifie qu’à travers les marques de
soutien, les conseils, les encouragements ou encore les attentes de la part des membres de leur
famille et de leurs amis, les apprenants peuvent renforcer leurs croyances quant à leurs capacités à
réussir à apprendre. L’efficacité de la persuasion verbale varie en fonction de facteurs comme le
degré de perception de compétence du conseiller et de la fiabilité des sources d’information. Ainsi
le rôle des proches ou encore des formateurs est fort important. Leurs encouragements, pour autant
qu’ils restent réalistes, ont tendance à favoriser l’accroissement du sentiment d’efficacité
personnelle des seniors.
d) Les états émotionnels
Enfin, les états émotionnels jouent aussi un rôle dans le sentiment d’efficacité personnelle. Il n’y a
eu que très peu d’études empiriques sur l’effet des états émotionnels sur le SEP. De manière
générale, les chercheurs pensent qu’un état de fatigue ou encore d’anxiété pourrait être associé à
une faible performance. Cela pourrait donc amener à douter de ses compétences personnelles pour
accomplir une tâche donnée et ainsi favoriser un échec. Il est donc important d’éviter les périodes
de maladies, de fatigue ou encore de stress accru pour apprendre des nouvelles tâches.
Il est intéressant de noter qu’en réalité, les quatre sources présentées ci-dessus ne forment pas le
SEP de manière séparée. Au contraire, les expériences de maîtrise, le comportement vicariant, la
persuasion verbale et les états émotionnels interagissent pour influencer le SEP de manière
conjointe. En agissant sur l’ensemble de ces éléments à la fois, les chances d’augmenter le SEP
d’une personne sont encore plus élevées.
Comment améliorer son SEP ?
Le sentiment d’efficacité personnelle se réfère à des croyances qui se construisent et se
déconstruisent. Elles ont un impact important sur notre décision d’engagement et sur notre
persévérance. Nos engagements et nos expériences ont, à leur tour, une influence sur notre
confiance en soi, ce qui crée ainsi un phénomène cyclique. Être conscient des quatre sources
discutées plus haut peut déjà avoir un effet sur le sentiment d’efficacité personnelle. Mais être son
propre coach demande quelques efforts supplémentaires. En influençant les quatre sources du SEP,
il est possible de l’augmenter son SEP. Voici quelques conseils pratiques.
Tout d’abord, comme nous l’avons abordé dans la section précédente, les expériences de maîtrise
constituent les souvenirs d’expériences passées et peuvent en fait être modulées. Cette modulation
peut se faire à deux niveaux. Premièrement, il s’agit de multiplier ses expériences de réussite. Pour
cela, il est nécessaire de s’exposer davantage à la tâche de manière générale et de se fixer des
petits objectifs visant l’atteinte progressive de l’objectif final. Par exemple, au lieu de se fixer
comme objectif d’apprendre à utiliser un ordinateur (objectif global et trop flou), il serait
intéressant de se fixer des sous-objectifs progressifs basés sur son niveau de compétence pour y
arriver. Ainsi, pour quelqu’un qui n’a jamais utilisé un ordinateur, il serait intéressant de se fixer
comme sous-objectif d’apprendre tout d’abord à allumer un ordinateur, à ouvrir une page web, à
utiliser le clavier, et ainsi de suite. Pour résumer, il s’agit globalement de se créer des événements
positifs sur lesquels se baser à l’avenir.
Pour rappel, la deuxième source du SEP est le comportement vicariant. Ainsi, se remémorer les
personnes qui ont réussi plutôt que celles qui ont échoué constituerait une meilleure base pour
augmenter son SEP.
Avoir un aperçu des expériences d’autres personnes peut aussi aider. De plus, quelqu’un a eu du
mal mais y est quand même parvenu constitue un meilleur exemple que quelqu’un qui y est arrivé
facilement. Enfin, plus la personne que nous prenons en exemple nous ressemble (mode de vie
comparable, âge, genre et statut socio-économique), plus l’effet est important : le processus
d’identification est plus élevé. Ainsi, nos collègues et nos amis sont de meilleures personnes pour
nous servir de modèles.
Une autre source du SEP est la persuasion verbale. S’entourer des gens qui croient en nous et qui
nous encouragent n’est pas toujours simple et, pourtant, cela semble capital pour augmenter son
SEP. Il peut arriver que vous manquiez d’encouragements parce que votre entourage n’est tout
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simplement pas conscient de vos besoins d’être encouragé(e). Une solution consiste à parler autour
de vous de ces besoins ou de vos envies d’apprendre et de demander explicitement des
encouragements, de l’aide et des conseils. L’effet de ce soutien sera plus efficient s’il vient d’une
personne qui maîtrise elle-même l’utilisation des nouvelles technologies et si ses encouragements
sont réalistes. Il s’agit donc d’aller rechercher du soutien auprès d’une personne qui représente
pour vous une source d’information crédible (et qui n’ira pas jusqu’à tout de suite vous encourager
à créer un site web si vous n’avez jamais eu l’occasion de naviguer sur Internet !).
Enfin, rappelez-vous, la perception des réponses physiologiques et affectives concernant une
activité spécifique peut aussi influencer le sentiment d’efficacité personnelle. Même si la recherche
empirique s’est surtout centrée sur l’effet du SEP sur les émotions, l’inverse reste théoriquement
valable. Ainsi, éviter de réaliser une tâche lorsque vous êtes stressé(e) et privilégier davantage des
tâches ayant un degré de difficulté accessible pour optimiser vos émotions positives pourraient aussi
aider à partir du bon pied pour parvenir à vos objectifs d’apprentissage et, indirectement, favoriser
votre SEP.
En guise de conclusion…
Les aînés ont tendance à manquer de confiance en eux face aux nouvelles technologies. Après avoir
passé en revue les quatre sources du SEP, nous pouvons comprendre le pourquoi de ce manque de
confiance. Ce manque de confiance peut être dû, entre autres, au manque d’expériences liées aux
nouvelles technologies ou encore à des expériences d’échecs plus que de réussite. Deuxièmement,
il pourrait y avoir un manque de personnes à qui s’identifier. Les personnes du même âge dans leur
entourage ou dans les médias ont-elles vécu des expériences positives avec les nouvelles
technologies ? Quels exemples les seniors observent-ils et quel effet cette observation peut-elle
avoir sur leur SEP relatif à l’apprentissage d’utilisation des nouvelles technologies ? Un éventuel
manque d’encouragements de la part de leur entourage de même que l’anxiété ressentie lors de
l’utilisation des nouvelles technologies ne poussent pas non plus les aînés à se mettre à la
découverte des technologies. Soulignons aussi que le SEP est loin d’être le seul facteur influençant
la motivation à apprendre. Ainsi, d’autres éléments — tels que l’utilité concrète des nouvelles
technologies pour les aînés ou encore l’intérêt qu’ils y portent — jouent également un rôle. Les
seniors perçoivent-ils les nouvelles technologies comme des outils utiles dans leur quotidien ? Les
nouvelles technologies représentent-elles une source de curiosité suffisante pour les seniors pour
s’investir dans l’apprentissage ? Enfin, notons que les quatre sources du SEP étaient présentées dans
cette analyse en lien avec les aînés et leur rapport aux nouvelles technologies, mais elles restent
d’application pour les personnes de tous les âges et dans bien d’autres contextes.
Nané Kochoian et Isabel Raemdonck
Pour aller plus loin…
Bandura, A. (1993). Perceived self-efficacy in cognitive development and functioning.
Educational Psychologist, 28(2), 117-148.
Bandura, A. (2001). Social cognitive theory: An agentic perspective. Annual Review of
Psychology, 52(1), 1-26.
Dou Goarin, C. (2014). La socialisation tertiaire des seniors. Empan, 94(2), 137-143.
Raemdonck, I., Beausaert, S., Fröhlich, D., Kochoian, N., & Meurant, C. (2015). Aging
workers learning and employability. In P. Bal, K. Matthijs, T. A. M. Dorien, & D. M.
Rousseau (Eds.), Aging Workers and the Employee-Employer Relationship (pp. 163-184).
United States : Springer.
Wild, K. V., Mattek, N. C., Maxwell, S. A., Dodge, H. H., Jimison, H. B., & Kaye, J. A.
(2012). Computer related self-efficacy and anxiety in older adults with and without mild
cognitive impairment. Alzheimer’s and Dementia, 8(6), 544–552.
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Pour citer cette analyse
Kochoian, N., & Raemdonck, I. (2015). Comment stimuler la confiance en soi des aînés par rapport à
l’apprentissage des nouvelles technologies ? Analyses Énéo, 2015.
Avertissement : Les analyses Énéo ont pour objectif d’enrichir une réflexion et/ou un débat à propos d’un thème donné.
Elles ne proposent pas de positions avalisées par l’asbl et n’engagent que leur(s) auteur(e)(s).
Énéo, mouvement social des aînés asbl
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