RECHERCHE CLINIQUE EN PERINATALITE: Impact du prénatal

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RECHERCHE CLINIQUE EN PERINATALITE:
Impact du prénatal sur la psychopathologie du bébé et
de la dyade mère-enfant
Sylvie Viaux Savelon
To cite this version:
Sylvie Viaux Savelon. RECHERCHE CLINIQUE EN PERINATALITE: Impact du prénatal
sur la psychopathologie du bébé et de la dyade mère-enfant. Neurosciences. Université Pierre
et Marie Curie - Paris VI, 2011. Français. <tel-00719467>
HAL Id: tel-00719467
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00719467
Submitted on 19 Jul 2012
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THESE DE DOCTORAT DE
L’UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE
Spécialité
Cerveau, Cognition, Comportement
(Ecole doctorale 3 C)
Présentée par
Madame Sylvie VIAUX épouse SAVELON
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR de l’UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE
Sujet de la thèse :
RECHERCHE CLINIQUE EN PERINATALITE:
Impact du prénatal sur la psychopathologie du bébé et de la dyade mère-enfant
soutenue le 22/09/2011
devant le jury composé de :
Madame le Professeur Priscille GERARDIN, Présidente
Monsieur le Professeur David COHEN, Directeur de thèse
Madame le Professeur Sylvie NEZELOF, Rapporteur
Monsieur le Professeur Sylvain MISSONNIER, Rapporteur
Monsieur le Professeur Philippe MAZET, Examinateur
Monsieur le Professeur Marc DOMMERGUES, Examinateur
Monsieur le Professeur Ouriel ROSENBLUM, Examinateur
Université Pierre & Marie Curie - Paris 6
Bureau d’accueil, inscription des doctorants et base de
données
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15 rue de l’école de médecine
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E-mail : [email protected]
Remerciements
Je remercie les Professeurs S. Nezelof, S. Missonnier et P. Gerardin de l’honneur qu’ils me
font en acceptant de faire partie du jury de soutenance de ma thèse.
Je remercie le Pr Philippe MAZET pour avoir initié cette thèse et m’avoir toujours soutenue
et guidée dans ce domaine.
Je remercie le Pr D. Cohen d’avoir accepté de prendre le relais du Pr MAZET pour diriger
ce travail de thèse et lui exprime ma reconnaissance pour son aide précieuse, le partage de
son savoir et de son enthousiasme.
Je remercie le Dr Ouriel Rosenblum pour avoir co-dirigé cette recherche et m’avoir aidé
dans ma réflexion jusqu’aux derniers retranchements.
Je remercie le Pr Marc Dommergues pour avoir permis ce travail au sein de la maternité, de
m’avoir guidée dans le domaine passionnant du diagnostic prénatal et pour les heures de
travail passionnées passées ensemble.
Je remercie le Professeur Ruth Feldman, Dr Miri Keren et le Pr M. Ammaniti de m’avoir
autorisée à utiliser les outils qu’ils ont construits et m’avoir guidé dans leur utilisation.
Je remercie la Fondation Mustela pour avoir financé une partie des recherches qui sont
présentées ici.
Je remercie les collègues du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de la PitiéSalpêtrière qui ont collaboré à ces recherches et dont l’expérience m’a été précieuse : Dr E.
Aidane, Dr D. Rabain, L. Camon Sénéchal, Marie Garrigue Apgrall, Michèle Martin, Ly
Peah Derotus, ainsi que le Dr C. Laurent pour sa relecture attentive et chaleureuse.
Je remercie mes stagiaires psychologues qui ont participé avec passion à ce travail.
Je remercie, enfin, mes proches pour leur affection et leur soutien au quotidien dans cette
aventure et en particulier, mon mari et mes enfants, Lucille et Arthur, pour m’avoir
accompagnée et supportée, dans tous les sens du terme, dans les moments de doute et de
travail.
2
RESUME
Cette thèse s’inscrit dans le cadre de l’étude du lien entre le stress prénatal et les troubles des
interactions et la question particulière de l’échographie fœtale.
Dans un premier temps, nous avons étudié les implications de l’échographie fœtale sur les
représentations maternelles d’elle même et de son futur enfant par le prisme analytique.
Puis, nous avons mesuré par une étude prospective cas témoin, l’impact d’une image suspecte
et de bon pronostic vue à l’échographie fœtale, les « softs markers », sur les représentations
maternelles en pré et post-partum et sur les interactions précoces mère enfant.
Dans un autre temps, nous avons analysé, par une étude rétrospective, les profils cliniques des
enfants reçus en unité petite enfance dans leur première année de vie et tenté d’en dégager la
part des troubles des interactions.
Les résultats de ces études, montrent combien l’apparente bénignité de l’échographie fœtale
est trompeuse. La séquence échographique porte en elle plusieurs facteurs perturbateurs : le
décalage entre les attentes parentales et celles de l’échographiste, les caractériqutques de
l’image échographique et l’effet d’« annonce » de suspicion d’anomalie qui font écho aux
mouvements ambivalents des femmes enceintes pour leur fœtus. L’analyse des
représentations maternelles montre par ailleurs qu’après la sidération de l’annonce et la
suspension des investissements dans l’attente des résultats rassurants, la dynamique psychique
est détournée de ses objectifs premiers et que cette « déviation », s’amplifie et s’installe avec
le temps. Les mères montrent des patterns d’investissement évitant ou désorganisé de leur
enfant dont les conséquences vont être perceptibles au cours des interactions précoces
mesurées à la naissance et aux deux mois de l’enfant. À la naissance, la mère est en difficulté
pour percevoir les signaux de son enfant. Elle est plus intrusive et opératoire. L’enfant, lui,
montre moins d’initiative et des comportements de retrait. Les niveaux d’anxiété et de
dépression maternels sont supérieurs en pré et post partum dans la population clinique. Les
analyses multivariées montrent que le type de représentations et le niveau de dépression au
troisième trimestre prédit les perturbations de l’interaction. En unité petite enfance au cours
de la première année, nous constatons un pic de consultation avant trois mois. Les troubles de
la relation isolés (Axe II) représentent 25% des consultants et expliquent 18% de la variance
des 3 profils cliniques dégagés.
Ce lien puissant entre le pré et le post natal insiste sur la nécessité d’une prise en charge la
plus précoce possible en particulier dès la période prénatale.
MOTS CLES
Echographie fœtale, Diagnostic prénatal, Représentations maternelles, Interaction précoce
mère enfant, psychopathologie précoce.
3
SUMMARY
This thesis takes place in the study of the link between prenatal stress and relational mother
infant disorders and specific question of fetal scan. In order to examine these questions, we
first develop an analytic reflexion about fetal scan characteristics and implications on
mother’s representation. Then, we assessed by a case-control prospective study the impact of
soft markers of fetal scan on mother’s representations and early mother infant interaction at
birth and 2 months postpartum. In other hand, we analysed, by a retrospective study, clinical
profiles of infant before one year referred to a 0-3 unit. Results show that soft markers on fetal
scan, in contrast to its harmless presentation induces perturbation of mother’s representations
and interaction disorders. Some factors can be pointed: gap between mother’s and
sonographist’s attempts, announcement problematic, picture characteristics. Mother’s
representations are suspended during reassuring results waiting time and then keep traces of
this perturbation. Mothers show a pattern of investment reduced or disorganized.
Perturbations to early mother-infant interactions were observed in the study group and these
dyads showed greater dysregulation, lower maternal sensitivity, and higher maternal intrusive
behaviour. During interactions, SM infants displayed higher avoidance of their mothers.
Multivariate analysis showed that maternal representation and depression at third trimester
predicted mother-infant interaction. In specialized zero to three unit, we find a peak of referral
before three months. 25% of infants referred before one year have an exclusive Axis II
diagnosis (relational disorders). Multiple correspondence analyses showed this axe explains
18% of the third clinical profiles highlighted. These powerful link between pre and post natal
emphases the necessity to favoured earlier mother infant health care from prenatal period.
TITLE
Clinical Research in perinatality: impact of prenatal event on infant psychopathology and
mother infant dyad.
KEYWORDS
Fetal scan, prenatal diagnosis, mother’s representation, early mother-infant interaction, infant
psychopathology
LABORATOIRE :
Laboratoire ISIR, Institut des Systèmes Intelligents et Robotiques, CNRS UMR 7222
Directeur : Philippe BIDAUD
Université Pierre et Marie Curie, 4 place Jussieu, CC 173, 75252 Paris cedex 05
4
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION ........................................................................................................................................ 7
II.
LE LIEN ENTRE LE PRE ET LE POSTPARTUM EN PSYCHOPATHOLOGIE ............................. 7
A.
LES REPRESENTATIONS MATERNELLES PENDANT LA GROSSESSE ............................................................... 8
1.
Le concept de représentation maternelle et son évolution au cours de la grossesse............................ 8
2.
L’ambivalence par rapport au fœtus ................................................................................................... 11
3.
Représentations maternelles et psychopathologie du nourrisson et de la dyade ............................... 13
B.
INTERACTIONS PRECOCES MERE ENFANT ET PSYCHOPATHOLOGIE ........................................................... 15
C.
LA QUESTION DE L’IMAGE ET DE SON TRAITEMENT PAR RAPPORT AUX REPRESENTATIONS...................... 22
D.
L’IMAGE ECHOGRAPHIQUE ET LA QUESTION SPECIFIQUE DES « SOFT MARKERS » EN MATERNITE............ 25
E.
LA PLACE DU TRAUMA DANS LA PSYCHOPATHOLOGIE DU NOURRISSON ET DE LA DYADE ........................ 27
F.
1.
Développement, biologie et interactions ............................................................................................. 27
2.
Données chez l’homme........................................................................................................................ 29
PSYCHOPATHOLOGIE DE L’ENFANT DANS SA PREMIERE ANNEE, PLACE DE LA PSYCHOPATHOLOGIE DE LA
DYADE ................................................................................................................................................................ 29
III.
QUESTION 1 : SUSPICION A L’ECHOGRAPHIE FŒTALE : CLINIQUE D’UN TRAUMA ?
37
A.
ARTICLE : « SUSPICION DE MALFORMATION ET ECHOGRAPHIE FŒTALE : QUAND L’IMAGE SIDERE ET
BOULEVERSE LES REPRESENTATIONS MATERNELLES
IV.
», CHAMP PSYCHOSOMATIQUE, ACCEPTE. ........................ 38
QUESTION 2 : QUEL EST L’IMPACT DES SOFT MARKERS DE L’ECHOGRAPHIE
FŒTALE SUR LES REPRESENTATIONS MATERNELLES ET LES INTERACTIONS PRECOCES
MERE-ENFANT ? ............................................................................................................................................... 62
A.
ARTICLE : « LA SURVEILLANCE ECHOGRAPHIQUE PRENATALE DES GROSSESSES A SUSPICION DE
MALFORMATION
:
ETUDE
DU
RETENTISSEMENT
SUR
LES
REPRESENTATIONS
MATERNELLES
»,
NEUROPSYCHIATRIE DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT, 2007. ........................................................................... 63
B.
ARTICLE : « PRENATAL ULTRASOUND SCREENING: FALSE POSITIVE SOFT MARKERS MAY ALTER MOTHER-
INFANT INTERACTION.
V.
», SOUMIS ....................................................................................................................... 75
QUESTION 3 : QUEL EST LE PROFIL DES BEBES DE MOINS D’UN AN SUIVIS EN
CLINIQUE SPECIALISEE 0-3 ANS ? .............................................................................................................. 86
A.
ARTICLE: « PHENOMENOLOGY, PSYCHOPATHOLOGY AND SHORT TERM OUTCOME OF 102 INFANTS AGED 0
TO 12 MONTHS CONSECUTIVELY REFERRED TO A COMMUNITY BASED 0 TO 3
MENTAL HEALTH CLINIC.” INFANT
MENTAL HEALTH JOURNAL, 2010 ........................................................................................................................ 86
VI.
A.
DISCUSSION ....................................................................................................................................... 100
LES SOFTS MARKERS, PARADIGME DES BOULEVERSEMENTS APPORTES PAR LES AVANCEES
TECHNOLOGIQUES DANS LE DOMAINE DU DEPISTAGE PRENATAL ..................................................................... 100
B.
ACCOMPAGNEMENT/ MODALITES DE COPING DES PARENTS ................................................................... 102
C.
INTERACTIONS PRECOCES, LE MODELE DE LA SYNCHRONIE ................................................................... 104
D.
L’IMPACT DU STRESS PRENATAL SUR LE DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT, QUEL MODELE ?.................... 107
5
VII.
LIMITES ET PERSPECTIVES ......................................................................................................... 109
A.
LIMITES .................................................................................................................................................. 109
B.
PERSPECTIVES ........................................................................................................................................ 111
VIII.
CONCLUSION .................................................................................................................................... 113
IX.
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................... 114
X.
XI.
ARTICLES PUBLIES EN LIEN AVEC CETTE THESE ................................................................... 120
AUTRES PUBLICATIONS ................................................................................................................ 120
6
I. INTRODUCTION
Le lien entre le pré et le post natal aussi bien pour les parents que pour les enfants et la dyade
est une notion à la fois reconnue et négligée. Comme si la naissance créait un saut
épistémologique sans continuité avec la grossesse et les désirs de conception des parents.
La naissance laisse place à l’enfant réel, et les fantasmes et rêveries inhérentes à la grossesse
si bien décrites par M. Bydlowsky (Bydlowski, 1997), sont reléguées au niveau inconscient
des familles, mais aussi parfois des professionnels.
Or ce lien existe, et si son niveau devient plus inconscient et virtuel, il n’en a pas moins un
impact réel et vécu dans la relation parents enfants avec les conséquences connues à présent
sur le développement ultérieur de l’enfant.(CH Zeanah, Klaus, Kenell, & Minde, 2000)
Au cours de ce travail de recherche en périnatalité, nous avons choisi de nous intéresser à
l’impact des avancées technologiques de l’échographie fœtale sur les représentations
maternelles et les interactions précoces mère enfant.
Dans ce cadre, nous avons d’abord étudié les implications de l’échographie fœtale sur les
représentations maternelles d’elle même et de son futur enfant et la place du trauma par le
prisme de la réflexion psychanalytique.
Puis nous avons mesuré et étudié au cours d’une étude prospective cas témoin, l’impact d’une
image suspecte et de bon pronostic vue à l’échographie fœtale, les « softs markers » sur les
représentations maternelles en pré et post-partum et sur les interactions précoces mère enfant
en post partum.
Pour poursuivre ce lien entre le pré et le post-partum, nous avons souhaité analyser, par une
étude rétrospective, les profils cliniques des enfants reçus en unité petite enfance dans leur
première année de vie et d’en dégager la part des troubles des interactions de la dyade.
II. Le lien entre le pré et le postpartum en psychopathologie
Pourquoi une annonce « médicale » aurait elle un impact plus grand pendant la grossesse ?
Cette question revient fréquemment dans la bouche des somaticiens du prénatal confrontés à
la situation d’annonce. Une réponse partielle peut être amenée par l’importance de la
temporalité spécifique de la grossesse pour la structuration et des modulations des
représentations maternelles, concernant aussi bien le futur enfant, la représentation que se fait
la femme de ses capacités maternelles et la place qu’elle va prendre en tant que mère dans sa
famille et dans la société.
7
De nombreux auteurs se sont penchés sur l’émergence de ces représentations et leur
développement.
A. Les représentations maternelles pendant la grossesse
1. Le concept de représentation maternelle et son évolution au
cours de la grossesse
La représentation (Laplanche & J.-B., 2002) désigne « ce que l’on se représente, ce qui forme
le contenu concret d’un acte de pensée » et en particulier la reproduction d’une perception
antérieure ». Selon Freud, la représentation se construit à l’appui de la « trace mnésique »,
signe coordonné avec d’autres issus de l’association des
perceptions. Le lien avec le
somatique est souligné. La représentation se conçoit en lien avec l’investissement psychique.
Il n’existe pas, selon lui de « trace mnésique pure », qui désignerait une représentation et qui
serait totalement désinvestie aussi bien par le système conscient que par le système
inconscient. Nous nous intéressons ici à la représentation de chose que Freud a défini comme
« un investissement, sinon d’images mnésiques directes de la chose, du moins en celui de
traces mnésiques plus éloignées, dérivées de celle-ci »
Les représentations maternelles pendant la grossesse, un modèle
dynamique
En 1915 Freud, (Sigmund Freud, 1915, 1988), attribue le désir de grossesse à la phase
œdipienne, en considérant ce désir comme un manque du pénis et ensuite le désir d’avoir un
enfant du père. Pour H. Deutsch, en 1945 (Deutsch, 1945), ce désir est plus spécifique, un
désir féminin en soit, celui « d’incorporer le pénis paternel pour en faire un enfant »,
marquant un concept biopsychologique central dans la construction de l’identité féminine.
Puis pour M. Bydlowsky, « Le désir d’enfant est le lieu de passage d’un désir absolu car
l’enfant imaginé, l’enfant à venir est, pour la femme, l’objet par excellence. Ce qui est désiré
est moins un enfant concret que la réalisation du plus vivace des souhaits infantiles »
(Bydlowski, 1997).
La grossesse constitue pour la femme un moment complexe pour la réorganisation psychique
qui aide l’apparition de rêveries, pensées et affects. C’est avec le concept de crise de
maturation de Bibring (G.L. Bibring, 1959; G.L. Bibring, Dwyer, Huntington, & Valenstein,
1961), que celui ci avance le principe de processus dynamique. Il met en évidence comment
la grossesse constitue un tournant irréversible dans le cycle vital d’une femme, pendant lequel
celle-ci revit les conflits infantiles des phases précédentes de son développement et, en
8
particulier, des premières relations et identifications avec sa mère. Cette crise est suivie par
l’acquisition d’un nouveau niveau d’intégration, caractérisé par l’élaboration et la résolution
des conflits infantiles précédents.
Cependant, cette crise comporte une double valence. Elle prépare la femme à l’élaboration de
son vécu et à l’acquisition d’un niveau d’intégration plus mûr et marque une extrême
vulnérabilité, avec des risques implicites de distorsions psychopathologiques. Une profonde
déstructuration et une réorganisation du sens d’identité de la femme ont donc lieu, et la mère
peut vivre ces changements dus à la grossesse comme une menace à son intégrité.
Plusieurs auteurs ont avancé qu’après l’adolescence, la grossesse constituait un troisième
processus de séparation–individuation, selon la description de Mahler et al. (Mahler, Pine, &
Bergman, 1980). En effet, la femme parvient par la maternité à une individuation d’elle-même
plus grande et mieux articulée en tant que femme et mère, grâce à une différenciation de ses
propres limites et de son espace intérieur par rapport à sa mère, à son partenaire et aux autres
figures significatives de son entourage. Afin de compléter ce processus d’individuation avec
succès, la grossesse pousse la femme à affronter une série de tâches adaptatives et
transformatrices déclenchées par les changements somatiques et psychiques. Ces
changements comportent des modifications substantielles dans le monde représentationnel de
la femme. Ce processus implique en même temps l’élaboration de nouvelles représentations
mentales de soi en tant que mère et celles du futur enfant, qu’une révision des représentations
de soi qui se sont constituées pendant l’enfance.
En 1997, Bydlowski (Bydlowski, 1997) présente le concept de transparence psychique. Elle
dissocie ce concept en deux termes qui sont spécifiques de la grossesse, quelqu’en soit le
stade de développement. Le premier consiste en un état relationnel particulier caractérisé par
un état d’appel à l’aide latent et quasi permanent. Le second exprime que pour les femmes, la
corrélation entre la situation de gestation actuelle et les remémorations infantiles va de soi,
sans soulever de résistance notable. Cette authenticité particulière de la vie psychique est
perceptible dès les premières semaines de la gestation. L’état de conscience paraît modifié et
le seuil de perméabilité à l’inconscient comme au préconscient abaissé. Ainsi, d’anciennes
réminiscences et des fantasmes régressifs affluent-ils à la conscience sans rencontrer la
barrière du refoulement.
Les patterns représentationnels
A partir des années 1980, plusieurs études se sont intéressées à distinguer les différents
«styles maternels» spécifiques de la période de grossesse. Raphaël Leff (Raphael-Leff, 1986)
parle ainsi de style maternel «facilitant», «régulateur» et «réciproque». Fonagy (Fonagy,
9
Steele, & Steele, 1991), lui, utilisant l’Adult Attachment Interview (Main & Goldwyn, 1998)
classe un échantillon de femmes enceintes selon les trois typologies bien connues de
l’attachement («secure autonome», «évitante » et «préoccupé »»). Ammaniti propose, lui,
trois catégories de représentations : « intégrées–équilibrées »; « étroites–désinvesties » ; « non
intégrées–ambivalentes » (Ammaniti M., 1999). Il souligne qu’il y a une plus grande
perméabilité entre le domaine somatique, qui subit des modifications hormonales et des
transformations corporelles à cause de la présence et de la croissance du fœtus, et le domaine
mental. L’étroite interrelation entre la dimension corporelle et la dimension mentale réactive,
à des niveaux conscients, préconscients et inconscients, les expériences passées qui se mêlent
avec le présent, polarisées autour du soi infantile et du soi adulte. Cette double expérience est
clairement visible dans les oscillations identificatoires qui ont lieu pendant la grossesse et qui
se manifestent chez la femme comme une tendance à se replier sur elle-même et à se retirer
dans une sorte de fusion mentale avec le fœtus d’une part et, d’autre part, à s’identifier avec
une mère attentive qui saura prendre soin de l’enfant.
Cette double identification de la femme avec celui dont elle prend soin et celui qui reçoit les
soins rappelle l’union infantile désirée et idéalisée avec la mère. Par la grossesse, la femme se
trouve donc dans une position singulière, puisqu’elle est en même temps fille de sa mère et
mère de son enfant. Elle peut, pendant cette période, confronter et réélaborer ces expériences
grâce à cette double identification avec sa mère et le fœtus. Plusieurs auteurs (G. Bibring &
Valenstein, 1976; Deutsch, 1945; Pines, 1982) ont insisté sur le fait qu’il est nécessaire de
prendre en compte la relation fantasmatique et réelle de la femme avec sa mère pendant la
grossesse. Ils insistent de façon particulière sur l’importance de l’identification de la femme
avec une « bonne image maternelle » qui ne signifie pas seulement que la femme a
expérimenté une bonne relation infantile avec sa mère, mais aussi qu’elle a été capable de la
reconnaître en tant que telle et de faire référence à cette relation dans son expérience actuelle
sans se laisser pour autant gagner par des éléments conflictuels. Pines (Pines, 1982) considère
qu’une expérience suffisamment bonne avec sa propre mère, permet à la femme, par le biais
d’une régression temporaire due à la grossesse, de s’identifier avec une mère omnipotente et
fertile, capable de donner la vie, et en même temps avec elle-même enfant, de réaliser ainsi
une maturation et une croissance du soi. Parfois la régression due à la grossesse et à la
maternité peut-être aussi vécue comme une expérience douloureuse, qui comporte un risque
pour l’identité et l’autonomie de la femme à cause de la réactivation de ce désir infantile de
fusion avec la mère qui peut déterminer une faillite partielle de la séparation–individuation.
La grossesse apparaît aussi comme un des moments pendant lesquels le rapport profond entre
fantaisie et réalité peut devoir faire face à des oscillations remarquables en faveur de l’une ou
10
de l’autre, créant ainsi un déséquilibre dans lequel l’aspect fantasmatique peut être
prééminent. La conséquence de cela est un ralentissement du processus adaptatif envers la
réalité, ou bien au contraire, une forte limitation des fantaisies, agie de façon défensive pour
nier la naturelle ambivalence présente dans le processus de grossesse.
Les représentations, prémices de la relation
Les résultats des recherches conduites sur les styles de représentations maternelles montrent
comment ces différents styles restent stables au cours du temps et comment ils sont en mesure
d’influencer de façon significative la relation précoce mère-enfant. La situation interactive qui
s’établit, dès le début, entre la mère et l’enfant se présente comme un «système» complexe
qui donne lieu à un ajustement graduel entre les deux membres qui le composent (Brazelton,
Tronick, Adamson, Als, & Wise, 1975; Yarrow & Goodwin, 1965).
Dès la naissance, l’attitude maternelle et le répertoire comportemental de l’enfant se
rencontrent, donnant lieu à un processus visant à la connaissance réciproque. Dès ce momentlà, il est possible que se développe entre eux ce degré de synchronisation, visant à la
construction d’un dialogue harmonique, nécessaire à leur rapport. Pendant les premiers mois
de la vie de l’enfant, le moment de l’allaitement, en particulier, est la situation qui prédispose
la mère et son bébé à un intense échange physique et affectif dans lequel les communications,
véhiculées à travers les yeux, le contact tactile, les pleurs, les vocalises et le langage maternel,
peuvent revêtir une grande importance. Déjà les premières succions, les cycles succion-pause
de l’enfant semblent tendre à une certaine rythmicité réglant l’interaction comme une sorte
d’événement «précurseur du dialogue» (Spitz, 1993).
Pendant la grossesse, la graduelle et croissante attention que la mère adresse au fœtus comme
à un «autre» que soi constitue ainsi les prémices du futur lien d’attachement mère-enfant
(Fonagy et al., 1996; CH Zeanah et al., 1993; CH Zeanah, Keener, Stewart, & Anders, 1985)
et rend possible les bases d’une configuration spécifique de «maternage» (Stern, 1995).
2. L’ambivalence par rapport au fœtus
Freud, en 1915 (Sigmund Freud, 1915, 1988), souligne que « la haine est plus ancienne que
l’amour et réside au fond de toutes les relations d’affection et d’amour entre les être
humains. »
Le fœtus peut être ainsi dès le début de son existence source de déplaisir pour la future mère,
dans la mesure où il constitue un opérateur symbolique entre réalité, imaginaire, et fantasme
(Sirol, 1999). Il induit ainsi des mouvements hostiles à chaque grossesse, mais chaque fois de
façon inédite. La présence du fœtus ayant pour corollaire l’actualisation de conflits
11
psychiques intenses chez la femme enceinte induit donc une ambivalence ordinaire. Ce
concept d’ambivalence fait référence à l’idée qu’aux souhaits de vie et de développement du
fœtus, s’associent des désirs contraires (Benhaim, 2001). Ces sentiments hostiles, sadiques,
destructeurs, participent de ce fait au processus normal du devenir mère, et à tout ce qui a pu
être décrit sous le terme de maternalité par Racamier (Racamier, 1979), ou des raisons de haïr
son bébé relevées, le premier, par Winnicott dans « la haine contre le contre transfert » (D.W.
Winnicott, 1947, 1969). Néanmoins, ces sentiments tendent à être refoulés dans l’inconscient
parental, pouvant défensivement entraîner l’idéalisation ou la surprotection de l’objet pour
protéger leurs enfants de leur propre agressivité. « La haine de la femme enceinte envers son
fœtus est contenue dans l’ambivalence du travail psychique que la grossesse lui impose. Ce
travail consiste à refouler ou à contrôler sentiments et pensées agressives, hostiles et
destructrices pour lui permettre d’aménager le vécu de la grossesse. »
Ainsi dans les situations non pathologiques, la femme enceinte n’a pas conscience de sa haine
envers son fœtus, sauf au travers d’ « embarras, soucis, empêchements, attention parfois
excessive que lui impose sa grossesse ». Elle ne sait pas que sa lutte contre l’émergence de la
haine, la prépare à devenir mère. Elle ne se doute pas que ce combat l’aide à se sensibiliser,
être attentive à son futur bébé. La haine, qu’elle refoule et aménage, participe au processus de
la maternalité et à celui de la préoccupation maternelle primaire.
Chaque grossesse impose à la femme enceinte un retour aux étapes infantiles de son
développement qui ont été source de haine (Klein, 1957) ainsi qu’un lourd travail psychique :
le deuil de son corps d’avant la grossesse, la position d’égale de sa mère, la fabrication de
l’enfant imaginaire face à l’enfant réel. De son côté le futur père peut ressentir également de
la haine de manière plus directe à travers une réaction nettement narcissique : affects
dépressifs, vécu abandonnique, jalousie et rivalité. De plus, en tant qu’opérateur symbolique
entre réalité et fantasme, le fœtus peut devenir substitut de la représentation de la différence
des sexes et de l’imago maternelle archaïque sadique.
Mais c’est sous certaines conditions que « ce sentiment violent, profondément enfoui dans
l’inconscient, peut s’intensifier dans des circonstances défavorables, et conduire à
l’inconséquence, à la maltraitance et à l’intention d’anéantir le fœtus » (Sirol, 2004). Cette
ambivalence apparaît ainsi sur le plan clinique dans le déni de grossesse, les phobies
d’impulsion, la dépression du post-partum et lors des psychoses puerpérales.
De même cette ambivalence présente chez la femme au cours de la grossesse ressurgit lors du
diagnostic anténatal, car il fait alors collusion avec la réalité en particulier lors de l’évocation
12
de la possibilité d’infanticide créé par l’IMG1. Il amène alors ce mouvement agressif de la
mère ordinairement refoulé à un niveau conscient, destructeur.
3. Représentations
maternelles
et
psychopathologie
du
nourrisson et de la dyade
Lors de sa description de "la préoccupation maternelle primaire", Winnicott nous dit que
grâce à son état émotionnel maternel particulier, la mère peut répondre aux besoins de l'enfant
de manière efficace. Cependant il soulève deux problèmes pouvant apparaître dans la mise en
fonctionnement de cette relation originaire, et pouvant mettre en péril le processus de
développement de l'enfant.
D’une part, un narcissisme maternel trop centré sur sa personne et ses intérêts, au point de
négliger complètement son propre enfant, et d’autre part, son état opposé, à savoir : la
compulsion maternelle à être absorbée totalement par l'enfant jusqu'à faire de ses demandes et
besoins une préoccupation pathologique. Les problèmes évoqués par Winnicott rejoignent les
troubles mentaux dits puerpéraux, qui se constituent en situations cliniques nécessitant des
soins pour empêcher leur évolution. Toujours selon Winnicott, le stade d'identification de
l'enfant à sa mère apparaît dès la première période de vie jusqu'à l'âge de 6 mois. Cette
première période de vie nécessite une mère « suffisamment bonne » pour que le processus de
développement de l'enfant s'opère dans des conditions favorables :"Si le maternage n'est pas
suffisamment bon, le nourrisson se résume à une série de réactions à des empiétements et le
vrai self de l'enfant échoue à se former, ou se dissimule derrière un faux self compliant qui
tend surtout à se protéger des coups que le monde frappe à sa porte".
Une mère suffisamment bonne garantira la solidité du Moi de l'enfant ; un Moi donc fortifié
par le soutien du Moi de la mère. C'est en ce sens que ce processus d'identification inaugural
entre l'enfant et la mère est décisif quant à la constitution psychique et le développement de
l'enfant. A ce stade du processus, le self de l'enfant n'est pas encore formé, mais les avatars de
cette identification définiront en grande partie le destin psychique du petit homme en devenir.
Ainsi, Winnicott attribue trois fonctions majeures à la mère suffisamment bonne : Le holding,
le handling et la représentation d’objet. Le holding (maintien), en rapport avec la capacité de
la mère à s'identifier à son bébé, correspond à la capacité de la mère à offrir à l'enfant des
soins basiques afin de le soutenir dans son état de dépendance. Un holding défaillant a pour
conséquence des états de détresse assez connus dans la clinique des petits enfants et qui
peuvent témoigner des états proches de la psychose. Le handling (maniement), qui se
constitue pour Winnicott en facilitateur d'un partenariat psychosomatique chez l'enfant,
1
2
IMG : Interruption Médicale de Grossesse
The SCL is a 33 items checklist covering a range of behaviour problems usually present among children aged13
donnant à l'enfant la possibilité de se reconnaître comme étant un corps séparé de sa mère, et
lui donnant la possibilité de reconnaître la réalité de son propre corps. Cette reconnaissance de
son corps plongera l'enfant dans une curiosité de par le fonctionnement de celui-ci, permettant
de développer le mouvement, la coordination et le tonus musculaire. Et en troisième lieu, la
présentation de l'objet ou réalisation, qui est la possibilité qui s’offre à l'enfant, d'établir un
lien pulsionnel avec les objets. Une défaillance sur la manière dont les objets se présentent
dans l'univers pulsionnel de l'enfant l’empêche de se reconnaître comme réel et comme étant
différencié des objets qui l’entourent. En résumé, ces trois fonctions de la mère, dans le
premier stade de développement de l'enfant, constituent l'environnement facilitateur pour le
processus de maturation.
Mais au delà des aspects comportementaux et relationnels, Winnicott laisse une grande part
aux aspects représentationnels en précisant la place de l'enfant dans le fantasme parental. En
effet, la place en question va définir, de manière radicale, le destin psychique de l'enfant. Il ne
suffit pas de supposer qu'un enfant est très aimé ou pas assez, pour en déduire les
particularités de l'héritage symbolique qui lui viennent de ses parents et des contenus qui se
transmettent de génération en génération. L'histoire de la famille va bien au-delà des affects.
Celle-ci s'inscrit dans un mode de transmission assez particulière, car un père ou une mère ont
été également les enfants de leurs parents. L'acte de transmission en question introduit chez le
nouveau-né tout le bagage qui traverse les générations. Cet héritage inscrit donc des facteurs
favorables à l'intégration de l'enfant, mais aussi des facteurs qui peuvent apparaître comme
des éléments perturbateurs à cette intégration, le fantasme parental étant toujours le support de
ceux-ci. Pour Winnicott, un enfant qui se développe d'une manière convenable apporte un
certain équilibre à la vie familiale et garantit également une forme d'assurance au couple
parental. Une bonne tendance à l'intégration nécessite le concours des parents, et c'est ce
constitue la force de la famille, c'est-à-dire, ce quelque chose qui s'inscrit dans un
"environnement suffisamment bon”. Ainsi les tensions, émanant de la famille, peuvent soit
garantir le bon développement de l'enfant, soit le perturber ? (D.W. Winnicott, 1947, 1969).
Les tenants du courant interactionniste(Lebovici, 1983; Soule, 1983; Stern, 1995), quant à
eux, ont mis en relation les contenus psychiques maternels avec les réactions du nourrisson.
Le thème des interactions fantasmatiques précoces a ainsi dirigé l’attention et l’intérêt vers les
contenus psychiques de la grossesse. Le travail de restructuration important et complexe,
comme évoqué plus haut, implique d’importantes angoisses et des réactivations de peurs
infantiles. Parmi celles-ci, on notera l’importance des angoisses à propos de l’état de santé de
l’enfant et de son intégrité physique, qui existe chez toutes les femmes, même lorsque la
grossesse et l’accouchement se sont déroulés sans « complications ». On peut penser que ces
14
angoisses sont amplifiées lors de la survenue « d’incidents », de « suspicions » mis en avant
par les soignants vis-à-vis de l’intégrité physique de l’enfant à venir.
B. Interactions précoces mère enfant et psychopathologie
Le bébé a été longtemps considéré comme un être passif, subissant les influences de son
environnement et, en premier lieu, de sa mère.
Seule Mélanie Klein, dans les années 1930, à partir des psychanalyses effectuées avec les
jeunes enfants, avait proposé une conception du développement qui considérait que le
nourrisson et le jeune enfant avaient une vie psychique et relationnelle propre.
Actuellement, la relation entre le bébé et son entourage est envisagée comme un ensemble de
processus bidirectionnels, où le bébé n’est pas seulement soumis aux influences de cet
entourage, mais est encore à l’origine de modifications tout à fait considérables de celui-ci
faisant apparaître le concept d’interaction. L’interaction se définit comme l’influence
réciproque de deux phénomènes, de deux personnes avec une notion de réciprocité et
d’interdépendance. Les interactions se définissent en général comme l’ensemble des
phénomènes dynamiques qui se déroulent dans le temps entre un nourrisson et ses différents
partenaires.
La conception de la relation mère-bébé s’est ainsi modifiée. Il ne s’agit plus de concevoir la
relation sur un mode d’une causalité linéaire ou d’une addition de facteurs maternels et de
facteurs liés au nourrisson.
Maintenant, on parle de théorie transactionnelle qui s’énonce ainsi : L’environnement (mère
ou père) et le nourrisson s’influencent l’un l’autre dans un processus continu de
développement et de changement. Un des modèles théoriques couramment reconnu est ainsi
celui de spirale transactionnelle (Escalona, 1968) ou interactionnelle. Dans ce modèle
l’enchaînement complexe de processus bidirectionnels est décrit non pas en cercle fermé mais
plutôt en spirale.
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Figure 1- Les interactions précoces mère-bébé. Deux partenaires actifs. L’harmonie, la mutualité et la
réciprocité sont fonction de différents facteurs liés à la fois à la mère et au bébé. Figure extraite de (D.
Mazet & Lebovici, 1998)
Parce que la mère est un partenaire privilégié, on décrit classiquement les interactions entre
un nourrisson et sa mère. Cependant les auteurs s’intéressent de plus en plus aux autres
partenaires de l’interaction qui vont aussi influencer le développement affectif du nourrisson,
(Lebovici, 1983; D. Mazet & Lebovici, 1998). A partir de leurs nombreux travaux sur les
interactions précoces, ont définit 3 niveaux d’interactions : comportementales, affectives et
fantasmatiques.
Les interactions comportementales, encore appelées interactions réelles, concernent la
manière dont le comportement de l’enfant et celui de la mère s’agencent l’un par rapport à
l’autre. Ces interactions directement observables entre la mère et son bébé se situent dans
différents registres, dont trois principaux : corporel, visuel, vocal.
Les interactions corporelles concernent la façon dont le bébé est tenu, porté, manipulé et
touché. Winnicott (D. W. Winnicott, 1975) parle de holding physique et de holding
psychique, c’est-à-dire concernant la manière dont la mère porte son bébé dans sa tête au
niveau de ses représentations psychiques. Il décrit aussi le handling, la manière dont l’enfant
est traité, manipulé par la mère. Un ensemble de jeux corporels s’organise entre les
partenaires. Ajuriaguerra (Ajuriaguerra, 1970) parle de « dialogue tonique » permettant des
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ajustements corporels interactifs entre l’enfant et sa mère. Il y a ainsi une véritable interaction
entre les postures des partenaires et donc entre le tonus musculaire de chacun d’eux. Détente
corporelle globale ou partielle, raidissement localisé ou généralisé peuvent affecter l’un et/ou
l’autre partenaire avec rapidement une perception du confort ou de l'inconfort du bébé dans
les bras de sa mère. Le bébé participe activement au dialogue tonique, soit il se "love", se
blottit, s'ajuste au corps de sa mère, ou au contraire il peut se raidir, s'arc-bouter.
Les contacts peau à peau constituent une modalité interactive souvent intimement liée au
dialogue tonique. Dès les minutes suivant l’accouchement, on observe fréquemment la mère
toucher le corps de son nouveau-né, d’abord du bout des doigts, puis, après quelques minutes,
le caresser avec l’ensemble de la main. De semaine en semaine, les contacts peau à peau
s’enrichissent, alliant touchés instrumentaux et touchés non instrumentaux au caractère
ludique et affectif. Il peut s'agir de caresses, de chatouillements, de baisers. Les réponses de
l'enfant sont perçues comme une invite ou un refus à poursuivre.
Le sourire est bien évidemment un comportement extrêmement efficace et gratifiant du bébé à
l'égard de sa mère ou d'un autre interlocuteur.
La mère se sent gratifiée par un bébé souriant, qui la regarde, qui se blottit bien dans ses bras,
et a contrario, elle pourra être fortement inquiétée par un bébé, qui évite de la regarder, qui se
"love" mal dans ses bras, qui pousse beaucoup de cris et sourit rarement...
Les interactions visuelles concernent, elles, le dialogue œil à œil, nommé également
rencontre des regards ou regard mutuel et qui représente l’un des modes privilégiés de
communication entre l’enfant et la mère induisant des affects chez cette dernière.
Winnicott a introduit la notion de « miroir » : « la mère regarde le bébé et ce que son visage
exprime est en relation directe avec ce qu’elle voit ». Le regard est un organisateur qui fonde
la première relation d’objet. Cet notion sera ensuite complexifiée par Bion avec le modèle de
capacité réflexive maternelle et de fonction alpha (Bion, 2003).
Pendant la tétée, dès la naissance, la mère et le bébé tendent à se regarder et met en évidence
la notion de regard mutuel. Le regard du bébé a des effets importants sur la mère. Le regard
est généralement perçu comme gratifiant, valorisant et fait monter chez la mère les premiers
sentiments d'amour. Chez l’enfant, la rencontre du regard maternel fait effet d’aimant et plus
il est long et entretenu par la mère, plus il aura tendance à se renouveler, rejoignant ici la
notion de spirale interactive (P. Mazet & Stoleru, 2003).
Les interactions vocales sont un mode tout aussi privilégié de communication qui traduit des
besoins et des affects chez le bébé permettant d’exprimer ses désirs. Les cris et les pleurs sont
le premier langage du nourrisson. La voix donne un tempo à l’interaction qui va permettre à
17
l’enfant d’anticiper et de s’organiser. Les interactions vocales sont importantes pour
l’harmonisation de la relation. Pour Bowlby, (Bowlby, 1969) les interactions vocales jouent
un rôle important dans l’attachement, les cris et les pleurs du bébé constituent un véritable
"cordon ombilical acoustique". Ils déclenchent des affects intenses avec un sentiment
d'urgence qui pousse la mère à agir et à mettre un terme à l'état de détresse supposé. Le bébé
par ses cris et ses pleurs déclenche l'interaction et suscite la proximité de la mère.
Le vécu parental des cris du bébé est influencé par la fréquence et la durée, qui varient d'un
nourrisson à un autre. Les mères peuvent avoir, selon les cas, un sentiment de doute sur leur
compétence, un sentiment d'agressivité ou un sentiment de désespoir.
La parole est utilisée par les mères souvent dès les premiers instants de leur relation avec leur
bébé et même en prépartum. A cette période néonatale, la motricité des bébés paraît parfois
entraînée par la parole de la mère et synchronisée avec elle. La conception de l’acquisition du
langage a été profondément modifiée par la prise en compte des processus d’interaction
parents-nourrisson. Aujourd’hui, l’apprentissage du langage est considéré comme étant en
partie celui du dialogue. Ainsi, il est considéré que le processus d’interaction mère-nourrisson
est fondamental au développement du langage. Les mères parlent à leur bébé dès les premiers
instants en utilisant « le parler bébé », nommé aussi mamanais ou motherese, adapté à l’âge
du nourrisson. On a observé que le nouveau-né paraissait entraîné dans sa motricité par le
langage maternel, et se met en synchronie avec la parole de la mère. Les bébés sont influencés
par les caractères physiques du langage, à savoir la prosodie : le rythme, le timbre, les
intonations et non par le contenu du discours qui est inaccessible à la compréhension du bébé.
Les travaux de Stern sur la prosodie maternelle ont démontré une évolution de celle ci au fil
des mois. Le mamanais caractérisé par un certain nombres de caractères physiques du son
(simplification syntaxique, répétition des mots, lenteur, augmentation de la hauteur du
timbre), est adapté spontanément par la mère en fonction de l’âge de l’enfant. Chez le
nouveau né, les pauses silencieuses sont plus longues que l'émission langagière, le rythme est
régulier, adapté au rythme du bébé. Vers 4 mois, les mots sont souvent répétés, les mimiques
renforcées, les bébés sont intéressés par la mimique, la mère exerce des variations
prosodiques et rythmiques importantes pour maintenir l'intérêt de l'enfant. De 12 à 24 mois, le
contenu du langage de la mère change, elle désigne les objets de l'environnement à l'enfant et
communique à leur propos. La parole maternelle facilite et soutient l'exploration de
l'environnement
Les interactions affectives concernent le climat émotionnel ou affectif des interactions, le
vécu agréable ou déplaisant de la communication. Il s’agit des influences réciproques de la
vie émotionnelle du bébé et de celle de sa mère. Stern (Stern, 1989) parle d’accordage affectif
18
ou harmonisation affective entre la mère et l’enfant. Les affects constituent l’objet même de la
communication dans le « jeu mère-nourrisson », surtout pendant les premières semaines et
premiers mois. La tonalité affective globale des échanges entre les partenaires de l’interaction
permet de dégager des sentiments de plaisir, bien-être, tristesse, ennui, indifférence,
insécurité, excitation, voire de la haine… Les interactions comportementales servent de
support aux interactions affectives. Par ailleurs, les mères parlent à leur bébé de leurs
émotions et de leurs sentiments. La mère regarde son bébé, et grâce à ses capacités d'empathie
elle perçoit ce que ressent son bébé et lui en propose une interprétation par des mots, des
gestes... : "tu es content", "tu es fâché", "tu as envie de...", "maman est contente de te voir
content"... Oppenheim a développé autour de l’Insightfullness Assessment (Oppenheim,
Goldsmith, & Koren-Karie, 2004) un outil très fin de l’évaluation de l’empathie parentale vis
à vis de leur enfant. Cet outil basé sur les analyses de discours, bien développée par les études
sur l’Adult Attachement Interview, donne des indices cliniques utiles pour les professionnels
et permet d’affiner les points mobilisables des représentations parentales.
Le bébé, à son tour, perçoit dans une certaine mesure, l'état affectif de sa mère. En effet, il
peut reconnaître si la mère est "comme d'habitude ou pas". Dans les premiers mois, c’est la
prosodie et l'ajustement tonico-postural, qui sont des indices pour le bébé de l'état affectif de
sa mère, bien avant qu’il ne puisse comprendre le sens des paroles qu’elle lui adresse.
Dans les situations favorables on observe ce que D. Stern a décrit sous le terme d'accordage
affectif. A un affect d'un certain type, exprimé par le bébé, la mère répond par un affect
équivalent. On dit que le bébé et la mère sont accordés. Stern insiste sur la notion
d’intermodalité et de transmodalité. Cette capacité de la dyade que chacun des partenaires
répondre au signal de l’autre non seulement en imitant, mais aussi en complexifiant le signal
reçu et en utilisant un autre canal (voix/geste…) Il parle d’« appariement » mère-nourrisson
intermodal ou transmodal. Les conduites d’accordage peuvent être observées dès les
premières interactions mère-nourrisson. Mais c’est vers 9 mois environ que l’accordage
affectif est pleinement développé, car c’est vers cet âge que les bébés « découvrent qu’ils ont
une psyché et que d’autres personnes ont des psychés séparées ».
Des observations précises ont permis de montrer le degré de sensibilité extrême d'un bébé à
l'état affectif de son partenaire. On a pu observer des dyades mère-nourrisson dans la situation
expérimentale dite du "still face" : un bébé de 3 mois est installé confortablement en face de
sa mère, à qui il est demandé de jouer avec lui. Au bout d'un moment, la mère doit cesser
toute activité de jeu et montrer à l'enfant un visage impassible. La survenue de ce
comportement inattendu entraîne chez les bébés (hors situation pathologique) une réaction
immédiate, faite d'abord d'une recherche active du sourire de la mère et de sa réaction, suivie
rapidement d'un état de désarroi et de malaise.
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Le bébé est lui-même capable d'exprimer des affects diversifiés. Le visage du nouveau-né
exprime tout à tour l'intérêt, le dégoût, la détresse la surprise. Vers le 4° mois vont s'ajouter la
colère, la joie, un peu plus tard, la peur.
Les interactions fantasmatiques. La notion d’interaction fantasmatique a été bien décrite par
Kreisler, Cramer et Lebovici entre autres.(Cramer & Palacio-Espasa, 1993; Lebovici, 1983;
Soule, 1983) Ils prennent en compte l’influence réciproque du déroulement de la vie
psychique de la mère et de celle de son bébé, aussi bien dans leurs aspects imaginaires,
conscients, que fantasmatiques, inconscients. L’interaction fantasmatique va donner sens à
l’interaction comportementale. Les fantasmes rendent compte des modalités d’investissement
des objets par les pulsions ou les désirs. Ils sous-tendent toutes les relations.
Chez les adultes, la proximité d’un bébé, sa présence dans les bras par exemple, semble
réactiver la vie imaginaire et fantasmatique ; la mère parle aisément de son enfant imaginaire.
Le bébé, à peine conçu, est l’objet d’un « mandat familial qui peut confirmer les vertus ou
réparer les drames ». Les confrontations entre ce bébé des rêveries et celui de la réalité sont
l’occasion d’un deuil. La vie imaginaire et fantasmatique des parents est très liée à leur vie
affective, mais aussi plus profondément à leur propre histoire et à leur relation avec leurs
propres images parentales.
La vie imaginaire et fantasmatique du bébé se construit progressivement à partir de celle de
ses parents Dans cette optique, certains auteurs parlent d'interactions imaginaires et
fantasmatiques. Par exemple : un fantasme maternel portant sur le danger de se séparer
influence le comportement de la mère à l’égard de son bébé particulièrement dans une
situation de séparation ; le comportement angoissé du bébé à ce moment là, amène à penser
qu’il partage avec sa mère une expérience émotionnelle de dangerosité, qui contribue à la
constitution de sa propre vie fantasmatique.
La qualité des échanges mère-bébé (pauvreté ou richesse) apparaissent dans les activités de la
vie quotidienne qui rythment la journée du bébé : les soins, les repas, les temps de jeux.
En fonction de l’ajustement entre la mère et le bébé, l’interaction sera harmonieuse ou
dysharmonieuse. Les ajustements se situent au niveau de la perception des signaux, leur
déchiffrage et l’adéquation de la réponse de chacun des partenaires.
Mais la situation de repas constitue un setting privilégier pour observer les différentes
interactions entre une mère et son bébé. Elles fournissent une multitude d’informations sur la
qualité des échanges affectifs entre le bébé et sa mère et c’est en ce sens que nous avons
choisi ce setting pour nos recherches.
20
Chez un nourrisson en bonne santé, les interactions qui vont faciliter un développement
affectif harmonieux sont caractérisées par une disponibilité affective de l'adulte, une
souplesse des réponses de l'adulte, de la stabilité, une continuité et une cohérence dans le
temps. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, les interactions seront perturbées dans
leurs différents niveaux d'expression. On verra apparaître des symptômes cliniques chez le
nourrisson (troubles psychologiques à expression somatique, dépression du nourrisson....)
pouvant signifier soit : une insuffisance dans l'attachement avec carence affective, un défaut
de protection avec envahissement de la relation par les angoisses de l’adulte, etc…
Les troubles des interactions
Les troubles des interactions peuvent ainsi s’envisager soit dans
une perspective
synchronique, étudiant la forme prise par l’interaction à un moment précis, une perspective
diachronique, c’est-à-dire lors du déroulement temporel prolongé de l’interaction et de son
évolution.
Trois grands types de perturbations de l’interaction ou dysfonctionnement interactifs précoces
sont décrites : l’excès de stimulations, le manque de stimulation, leur caractère paradoxal,
brouillant la communication correspondant à une modalité d’attachement désorganisée.
Il est à noter que la notion d’excès ou à l’inverse d’insuffisance de stimulations au sein du
couple mère-bébé est à relier au niveau des stimulations que la mère adresse au bébé, compte
tenu des capacités d’attention, de la « soif » pour les échanges manifestées par le bébé.
Ainsi, un même niveau de stimulation peut convenir à un nourrisson donné, constituer un
excès de stimulation pour un autre dont le seuil de perception ou de tolérance est bas et qui va
se montrer hyperexcitable. A l’inverse, il constitue une hypostimulation chez un nourrisson
plus calme qui a besoin de beaucoup de sollicitations.
Le caractère excessif ou insuffisant des stimulations peut provenir de la mère énergique ou
hyper enthousiaste ou manifestant une hyper sollicitation anxieuse ou à l’inverse déprimée,
ayant des comportements d’évitements phobiques ou bien délaissant l’enfant. Mais elles
peuvent aussi émaner du bébé par une hypersensibilité innée ou à l’inverse une
hyporéactivité.
Ces interactions sont à inclure dans un processus dynamique de perspective diachronique. En
effet, tout au long de l’évolution, différentes modalités évolutives ont été repérées intégrant la
stabilité du mode interactif, le caractère de fixation et de régression des patterns interactifs,
l’aspect oscillant des perturbations de l’interactions, passant par exemple par des périodes
21
d’hypostimulation alternant avec des périodes d’hyperstimulation ou bien encore une
incohérence du mode évolutif.
Les terminologies diffèrent pour évoquer ces troubles, mais se rejoignent dans leurs
derscription : les dyssynchronies de la dyade chez Feldman (R Feldman, 2007), « faux pas
dans la danse » pour Stern, interactions dysharmonieuses chez Field (T. Field, Healy, & S.,
1988). Fivaz parle, elle, d’alliances et mésalliances entre le bébé (Fivaz-Depeursinge, 1987) et
son environnement, et Mazet et coll. (P. Mazet & Stoleru, 2003) de dysfonctionnements
interactifs précoces.
C. La question de l’image et de son traitement par rapport aux
représentations
L’histoire de l’échographie fœtale commence en 1958, puis elle fait son entrée dans le
parcours prénatal en 1975. Depuis, elle ne cesse de se perfectionner arrivant à présent à des
niveaux de précisions impressionnants, permettant de « reconstruire » le corps du fœtus in
utéro (3D) et ses mouvements (4D). Sa précision est telle qu’il est tentant d’en oublier
justement le caractère « construit » et de se croire en présence du futur enfant, alors même
qu’il est encore dans le ventre de sa mère. Cette illusion et cette fascination, entraînées par
l’image ont, dès l’apparition de l’échographie dans le champ du prénatal, interpellé les
professionnels de la petite enfance travaillant en maternité. Targuée en premier lieu
d’ « interruption volontaire de fantasme », elle a ensuite été considérée comme inductrice de
remaniement de l’enfant imaginaire (Soule, 1983).
Le fait que cet examen soit représenté par une/des images, a son importance par rapport à la
question des représentations maternelles. En effet, comme évoqué plus haut, la notion de
représentation (Laplanche & J.-B., 2002) désigne « ce que l’on se représente, ce qui forme le
contenu concret d’un acte de pensée » et en particulier la reproduction d’une perception
antérieure ». La représentation se construit avec en particulier l’appui de la « trace
mnésique », souligné par Freud, coordonné avec d’autres éléments issus de l’association des
perceptions. La représentation se conçoit ainsi en lien avec l’investissement psychique, mais
aussi avec la trace physique. Il n’existe pas de « trace mnésique pure », qui désignerait une
représentation et qui serait totalement désinvestie aussi bien par le système conscient que par
le système inconscient.
L’image en tant que telle, par son caractère physique, sert ainsi volontiers d’appui à une trace
mnésique, d’autant plus qu’elle est associée à une intensité émotionnelle particulière au cours
de la grossesse, comme évoqué plus haut.
22
En dehors de l’image échographique, la femme enceinte se constitue des images précoces de
son futur bébé par les images motrices, sensorielles du bébé, associant la position du corps
pendant l’allaitement. Elles sont supplantées au cours des échographies par les images
visuelles et leur pouvoir. En effet, l’image visuelle a un pouvoir supérieur aux images
sensorielles, car elle permet un contact avec l’objet.
L’image a des caractéristique particulières (Denis, 2011), elle s’offre d’un seul coup à la
perception, ce qui lui confère un pouvoir de saisissement et la rend susceptible d’avoir un
effet particulièrement traumatique : d’un seul coup, beaucoup d’informations
peuvent
déferler et prendre de court toute la préparation psychologique qui aurait été nécessaire à la
confrontation avec l’information en question, pouvant amener une désorganisation. En effet,
ce qui définit le traumatisme, ce n’est pas l’évènement en lui-même, mais la désorganisation
provoquée par cet évènement. Cependant l’image est susceptible d’avoir un double effet ; elle
peut être désorganisatrice lorsqu’elle présente d’un seul coup
une série d’information
éventuellement angoissante et d’un autre côté elle peut être organisatrice dans la mesure où
elle donnera prise à un investissement immédiat dont la valeur organisatrice peut être
précieuse.
« L’une des particularités de l’image est de pouvoir éventuellement être donnée en dehors de
la médiation d’un narrateur ». Lorsque le pédiatre, le psychiatre d’enfant, l’échographiste
parlent à une mère en lui expliquant un certain nombre de choses, ils se constituent en
médiateur entre elle et l’information qui va la toucher ; l’information est donnée dans un
cadre relationnel. Si rien n’est dit et que l’image est simplement présentée, de façon directe,
toute médiation disparaît et le risque d’effet traumatique est plus grand
L’image échographique induit une pulsion scopique particulière associée à une pulsion
d’emprise créée par l’image de l’intérieur du corps de la femme enceinte.
La pulsion scopique se définit « comme une force biophysique, irrépressible de faire usage du
regard, l’objet conscient- éventuellement déplacé par métaphore -en étant généralement
localisé sur le corps de l’Autre, en ce qu’il réfère à son intimité » (Soulé, Gourand,
Missonnier, & Soubieux, 1999). En effet, la transgression que constitue la pulsion scopique
alimente la pulsion d’emprise qui lui est associée.
La transgression se situe à plusieurs niveaux, individuel et culturel.
D’abord par le fait que l’image apportée constitue la vision du contenu utérin qui est la
représentation du lieu du fantasme originel de la scène primitive. En effet ce qui se passe à
l’intérieur du corps maternel est très souvent vécu ou imaginé comme une sorte de concentré
de scène primitive. De ce point de vue, le fait d’aller y voir, d’aller y regarder –même si c’est
pour vérifier que tout se passe bien- représente une transgression. L’image échographique
23
devient une sorte de « jugement de Dieu » Si tout va bien, tout est bien, c’est que tout était
permis , c’est que tout ce qui a été vécu comme transgression n’était pas condamnable et que
le « destin » nous donne le droit d’être heureux. Si les choses se passent mal ou que plane un
doute, les images échographiques peuvent prendre une valeur particulièrement persécutrice et
pénible. La plupart des sociétés condamnent ce désir « d’aller y voir ». E effet voir le fœtus
dans le ventre de la mère transgresse les interdits des rites protecteurs de la grossesse. Or, ces
rites et interdits, ont comme objectifs de « protéger « le futur enfant de la mort et des
malformations (Lallemand et al., 1991). D’un point de vue historique (Morel, 2004), cette
nature transgressive est mise en évidence par les explications longtemps données pour les
naissances monstrueuses. On invoquait, d’une part les pouvoirs de l’imagination des femmes
enceintes, mais aussi, ceux d’une punition des Dieux, sanction d’un péché commis par la
collectivité ou annonciateur d’une catastrophe. Ces croyances restent encore très vivaces dans
certaines sociétés (Lallemand et al., 1991) et ont facilement tendance à ressurgir lorsque la
science peine à expliquer l’insoutenable.
L’échographie, objet d’ambivalence concernant l’incertitude de l’intégrité corporelle du
fœtus, peut donc amener à la culpabilité.
Par ailleurs, l’échographie est source de malentendus, parce qu’elle s’adresse à deux mondes
différents et discordants, que Gourand qualifie même de « malentendu fondamental »
(Gourand, 2011). En effet en apparence, l’échographiste et les parents ont le même objectif
« voir si le futur bébé va bien ». Mais dans les faits, l’échographiste cherche dans ces images
une réalité médicale et « objective » du fœtus, qu’il va comparer à un certains nombres de
« normes » établies. Il est pendant l’échographie à la recherche d’anomalie éventuelle dans
une ambiance médico-légale, qui a tendance à exercer sur lui une pression non négligeable.
Alors que le couple est convoqué -beaucoup pensent que l’échographie est obligatoire- pour
un examen au cours duquel ils cherchent à entrevoir leur futur enfant. La femme enceinte a
conscience des aspects techniques et de recherche d’anomalies que constitue l’échographie,
mais elle en attend aussi une « présentation » de son fœtus par l’échographiste, cherchant un
lien avec l’enfant de son imaginaire.
Il reste important de rappeler par ailleurs, que les images qui sont données à voir, sont des
images partielles du fœtus, selon des coupes particulières. L’échographiste reconstruit
rapidement mentalement les organes de l’enfant en associant les milliers d’images successives
que son appareil lui propose en les intégrant à ses connaissances du développement
embryologique du fœtus. Mais ce n’est pas le cas des parents, qui ne reconnaissent pas les
images montrées par « les magazines en couleurs » et expriment parfois leur déception et leur
frustration. « Ils ont besoin de se repérer dans l’espace, besoin de temps et d’explication » « le
24
praticien et le futur parent ne veulent pas et ne peuvent pas voir la même chose sur l’écran »
(Gourand, 2011). Ces images peuvent alors créer cet état décrit par Freud en 1919 (S. Freud,
1919) d’inquiétante étrangeté (unheimlich). Concept qui décrit un « phénomène angoissant,
distinct de l’angoisse rattaché au connu, qui n’apparaît qu’à propos de choses familières,
habituelles depuis longtemps, mais qui ont un caractère d’intimité et de secret ». Les
situations susceptibles de provoquer ce sentiment se rapprochent de l’image échographique
« le doute qu’un être en apparence animé ne soit vivant et, inversement, « qu’un objet sans vie
ne soit en quelques sorte animé » ; « fausse reconnaissance d’un autre, l’idée d’un double,
qu’il met en relation avec l’image que le bébé rencontre dans le miroir et qui fonde le
narcissisme primaire ».
Ainsi, le diagnostic prénatal donne une réalité physique au processus de maternalité avant
qu’il ne paraisse, mais peut aussi le faire mourir avant de naître. (Sirol, 2011)
La découverte d’une malformation fœtale pour qui l’annonce et pour qui la reçoit, provoque
l’interruption du fantasme de l’enfant imaginaire.
D. L’image échographique et la question spécifique des « soft
markers » en maternité
Nous avons évoqué plus haut les progrès techniques importants de l’échographie fœtale.
Cependant malgré les apports non négligeables de cette imagerie, la question des stress
qu’elle génère interroge de plus en plus les professionnels de la périnatalité obstétriciens, sage
femmes, comme les psychologues et psychiatre d’enfant. Ainsi, dans une étude allemande sur
360 femmes enceintes tout venant environ 2/3 vont avoir une suspicion d’anomalies aux
examens de dépistage dont 45% par le biais de l’échographie fœtale. Plus de 80% de ces
grossesses aboutiront à des enfants parfaitement sains selon les examens prénataux. La
question du bénéficie risque et de l’accompagnement de ces femmes et de leurs enfants est
posé (Petersen & Jahn, 2008).
Par la suite, d’autres études ont montré l’existence de stress psychologique et de niveau
d’angoisses élevés suite au dépistage échographique. (Petersen & Jahn, 2008; Schonholzer,
Gotzmann, Zimmermann, & Buddeberg, 2000)
Pour certains, le niveau d’angoisse est corrélé au terme de l’annonce et à l’ambiguïté de
l’information transmise au moment de cette annonce, (Kaasen et al., 2010; Watson, Hall,
Langford, & Marteau, 2002).
25
Chez les conjoints, ce stress est aussi décrit avec des niveaux d’anxiété au dessus de la
normale, même si ils restent moins stressés que la femme enceinte. Ils sont plus optimistes
que les femmes sur la santé du futur enfant, sont plus critiques à l’égard des résultats
échographiques tout en ayant moins de connaissance que les femmes à ce sujet (Götzmann,
Kölble, et al., 2002).
La spécificité des soft markers
Dans un peu plus de 5% des grossesse, le dépistage par échographie fœtale détecte une
anomalie morphologique fœtale qui n’est pas considérée comme sévère en elle même, mais
exige un certain nombre d’examens de contrôles, plus ou moins invasifs, tels que des examens
sanguins, une amniocentèse avec risque de perte du bébé, échographies de contrôle… afin
d’établir si il s’agit d’une variation morphologique banale (faux positif du dépistage) ou si il
révèle une pathologie fœtale sévère, comme une anomalie chromosomique (vrai positif du
dépistage).
De telles anomalies morphologiques sont appelées usuellement « soft markers ». Elles
incluent la nuque épaisse de l’échographie du premier trimestre ou des os propres du nez
courts
et
à
l’échographie
du
second
trimestre,
souvent
appelée
« échographie
morphologique », car sa fonction principale est d’y rechercher les anomalies de
développement une hyperéchogénicité du grêle, les os propres du nez courts, une pyélectasie
rénale, un foyer intracardiaque, un fémur court, plissement nucal, ventriculomégalie cérébrale
modérée (Smith-Bindman, Hosmer, Feldstein, Deeks, & Goldberg, 2001), (Smith-Bindman,
Chu, & Goldberg, 2007), (Cicero, Sacchini, Rembouskos, & Nicolaides, 2003)).
L’élévation du niveau d’anxiété et de détresse psychologique a été bien documentée chez la
femme enceinte pour laquelle une malformation fœtale a été suspectée (Schonholzer et al.,
2000); (Götzmann, Kölble, et al., 2002; Götzmann, Schönholzer, et al., 2002); (Petersen &
Jahn, 2008)), diagnostiquée (Kaasen et al., 2010); (Petersen & Jahn, 2008)), ou même quand
le diagnostic prénatal apparaissait comme ambiguë (Kaasen et al., 2010).
La découverte d’un soft markers est ainsi associé avec une élévation de la détresse
psychologique et de l’anxiété pendant la grossesse avec une persistance plusieurs semaines
après l’événement (Watson et al., 2002); (Larsson, Svalenius, Marsal, & Dykes, 2009).
L’apport d’une information rassurante au cours de l’échographie pourrait réduire cette anxiété
selon certains auteurs (Watson et al., 2002), (Larsson, Crang-Svalenius, & Dykes, 2009)).
La question des soft markers est ainsi une question délicate dans le cadre du dépistage
anténatal. En effet, si la nuque épaisse, mesurée au premier trimestre de la grossesse, dans les
délais impartis, est le marqueur le plus précis pour discriminer un fœtus atteint d’un fœtus non
atteint (augmentation du risque de 17 d’être porteur de la Trisomie 21). Pour chacun des 6
26
autres marqueurs, si ils restent isolé, i.e. sans malformations structurales détectées, ces
marqueurs sont associés à un risque marginal de trisomie 21, posant la question du risque de
perte lié à l’amniocentèse, bien supérieur (Smith-Bindman et al., 2001) et de leur efficacité
dans la détection de la trisomie 21 (Smith-Bindman et al., 2007), (Cicero et al., 2003).
Ainsi, tout comme dans le dépistage de l’échographie, les softs markers génère un stress avec
augmentation du niveau d’anxiété chez la femme enceinte (Watson et al., 2002), avec cette
particularité supplémentaire que son statut est ambigu, et que de ce fait, il n’existe pas de
position uniforme des professionnels à leur égard, ce qui génère un stress supplémentaire de
part et d’autre (Kaasen et al., 2010; Watson et al., 2002).
E. La
place
du
trauma
dans
la
psychopathologie
du
nourrisson et de la dyade
1. Développement, biologie et interaction
Le traumatisme est défini en psychanalyse comme un événement qui entraîne une sidération
de l’appareil psychique. L’afflux d’excitation met en échec les mécanismes de défense
habituels. Pour Freud, le trauma est intrapsychique, il est une source d’excitation, un « corps
étranger interne ». L’organisme est dans l’incapacité d’évacuer ou de lier l’excès d’excitation.
Freud met d’emblée l’accent sur l’aspect économique du trauma. Freud s’est avant tout
intéressé au trauma au travers de l’hystérie dans la suite de Charcot puis en développant le
concept de le couple liaison - déliaison, synonyme de pulsion de vie – pulsion de mort. Freud
met alors l’accent sur les causes sexuelles du trauma, qui chez l’hystérique se fait souvent en
deux temps: avant et après la puberté. Il faut attendre Winnicott, avec la crainte de
l’effondrement, pour qu’une nouvelle conception des traumas précoces voie le jour. La crainte
de l’effondrement (break-down) serait la manifestation clinique d’angoisses primitives qui
n’ont pu être intégrées dans l’organisme psychique parce que celui-ci était alors encore trop
immature. Ces traces, non représentées et non symbolisées, feraient retour dans l’angoisse de
l’effondrement ou dans des agir destructeurs qui sont en attente de symbolisation. A cet égard,
certains agir (en particulier à l’adolescence) pourraient être porteurs d’un message potentiel
en attente de représentation et de sens.
L’influence des expériences précoces traumatiques sur la programmation développementale,
et ce de manière transgénérationnelle, a d’abord été démontrée par l’équipe de Victor
Denenberg dans les années 70, puis confirmée par les travaux de Frances Champagne, et
Michael Meaney à la fin des années 1990 et 2000. Ces travaux ont montré, et de manière très
27
robuste que les expériences précoces ont un effet à long terme sur le comportement et les
systèmes biologiques, en particulier pour ce qui concerne le maternage lors des séparations
précoces mères-bébés (VH. Denenberg & Rosenberg, 1967 ; Liu D et al., 1997) ; que les
expériences précoces vont également affecter les générations suivantes sur leur comportement
de maternage, produisant ainsi un modèle de transmission comportementale basée sur des
mécanismes non-génomiques puisque ces expériences ont pu être réalisées sur des souris
clonées, donc stables génétiquement et que les effets sont réversibles lors d’élevages croisés
(VH. Denenberg & Whimby, 1963; D Francis, Diorio, Liu, & Meaney, 1999; D Francis,
Diorio, Plotsky, & Meaney, 2002). Par ailleurs, l’environnement intra-utérin est également
capable
d’influencer
le
développement
à
travers
des
facteurs
principalement
environnementaux plutôt que génétiques (VH Denenberg, Hoplight, & Mobraaten, 1998; DD.
Francis, Szegda, Campbell, Martin, & Insel, 2003) Dans des expériences plus récentes
menées grâce aux techniques de biologie moderne, il a pu être montré que les soins maternels
précoces
impactent
le
développement
à
travers
la
programmation
de
patterns
comportementaux et de la gestion de la réponse au stress chez l’adulte. Ainsi, chez le rat, la
qualité des soins maternels influence la réponse au stress telle que mesurée par l’axe
hypothamalo-hypophysaire chez les descendants (Liu D et al., 1997); la synapso-génèse et la
plasticité neuronale au niveau de l’hippocampe, mais également la mémoire et l’apprentissage
spatial au niveau cognitif (Liu, Diorio, Day, Francis, & Meaney, 2000). Kaiser et son équipe
montrent les modifications hormonales, comportementales et des systèmes autonomes et
limbique induites par des stress pendant la grossesse et en post-partum immédiat chez les
jeunes cochon d’Inde issus de ces grossesses (Kaiser, Kruijver, Swaab, & Sachser, 2003):
comportement de masculinisation permanente avec en particulier des modifications des
comportements de maternages chez les femelles issues de ces grossesses et des modifications
des systèmes autonomes et endocrines et des modifications dans la distribution des récepteurs
aux hormones sexuelles dans le système limbique.
D’autre part, la qualité des soins maternels est associée à des taux variables de récepteurs intra
cellulaire soluble à l’ocytocine (Champagne, Diorio, Sharma, & Meaney, 2001).
L’équipe de Michael Meaney (Weaver et al., 2004), a montré que ces influences étaient
réversibles si les bébés étaient élevés par des mères beaucoup plus maternantes; ou si au
moment du développement précoce, on nourrissait les souriceaux avec des inhibiteurs des
acétylations d’histones, pendant le période post-natale. On sait que les méthylations de l’ADN
et les acétylations d’histones participent à la régulation épigénétique, mais cette expérience a
montré que ce marquage épigénétique permettait d’illustrer comment le trauma s’inscrit dans
le corps (Hyman, 2009).
28
2. Données chez l’homme
Chez l’homme, on retrouve des résultats assez similaires de ceux démontrés chez l’animal. En
effet, des études ont montrés qu’il existait un risque spécifique lié au stress prénatal sur le
développement ultérieur de l’enfant indépendamment du risque lié à la dépression du post
partum (Thomas G. O'Connor). Certaines de ces études précisent d’ailleurs, que s’il existe
une corrélation concernant l’anxiété et la dépression au cours de la grossesse, il existe bien
une anxiété spécifique de la grossesse, qui a un impact indépendant sur les relations mère
enfant en post partum
Les effets du stress survenant pendant la grossesse ayant des effets d’anxiété sur les femmes
enceintes touche plusieurs domaines du développement de l’enfant (T Field et al., 2003) : les
enfants sont ainsi décris comme plus agités, avec des retards dans leur développement. Les
effets sont ressentis sur le plan des neurotransmetteurs avec des niveaux de dopamine et de
sérotonine plus bas, des signes EEG (activation frontale droite), un tonus vagal plus bas. Ce
sont des enfants, qui passent plus de temps en sommeil profond et moins de temps en état de
vigilance calme et actif et montrent plus fréquemment des changements d’état et des
performances moins optimales (maturité motrice, stabilité et retrait) au Brazelton Neonatal
Behavior Assessment Scale (Brazelton, 1983).
Feldman, fait le lien supplémentaire entre stress parental, sensitivité maternelle lors de
l’interaction et le développement cognitif à un an et l’accès au jeu symbolique au cours de
deux études, l’une réalisée chez des triplés (Feldman R, 2004) et en population ordinaire (R.
Feldman, 2000). Un lien entre modalités interactives et développement cognitif est donc
clairement établi, confortées par les études montrant l’impact des patterns interactifs dans la
petite enfance sur les modalités d’attachement à un an (Jaffe and coll. (2001) et de manière
plus longitudinale sur les capacités d’empathie des adolescents (R. Feldman, 2005).
F. Psychopathologie de l’enfant dans sa première année,
place de la psychopathologie de la dyade
L’intérêt croissant pour la santé mentale des nourrissons et jeunes enfants a permis le
développement de nombreuses structures spécialisées pour les enfants de zéro à trois ans. Le
développement de ces structures s’est accompagné de la recherche d’outils d’évaluation
diagnostiques permettant de repérer précocement leurs symptômes et de tenter de déterminer
les facteurs pronostiques de pathologies ultérieures.
29
La définition des symptômes et signes de détresse émotionnels au cours de la petite enfance
est nécessaire à la détection précoce des psychopathologies et apporte des repères pour
l’instauration et l’évaluation de modèles d’interventions. Cependant l’utilisation d’un système
diagnostique spécifique de cet âge pose la question de la validité du concept de « troubles
émotionnels » de l’enfance, comparé aux « troubles du développement ». Par ailleurs, la
dépendance extrême du nourrisson à son environnement (Sameroff, 1997) pose la question de
la possibilité de l’existence d’un trouble intrinsèque indépendant d’un trouble de la relation
parent enfant.
Pour examiner ces hypothèses, les cliniciens et les chercheurs ont besoin de déterminer un
langage commun pour décrire les signes et les symptômes de la détresse émotionnelle
observée dans la première année de vie.
Dans une étude sur 57 enfants âgés de
15 à 48 mois adressés pour des troubles du
comportement, Minde et Tidmarch (Minde & Tidmarch, 1997) montrent les limites de
l’utilisation de la classification DSM IV à proposer assez de possibilités diagnostiques pour
cette tranche d’âge.
Skovgaard et al. (A. M. Skovgaard, Houmann, Landorph, & Christiansen, 2004) ont réalisé
une revue de la littérature des études et classification des recherches épidémiologiques
concernant les enfants entre zéro et trois ans. Ils distinguent les instruments de dépistage aux
propriétés bien établies, tels que les Child Behavior Checklist (CBCL) et le Checklist for
Autism Toddlers (CHAT) et les méthodes d’analyse plus approfondies bien connus aussi bien
en recherche qu’en clinique : les tests développementaux (Echelles de Bayley) et de l’analyse
des relations (ex : Early Relational Assement : ERA).
La classification Zero to Three
La fiabilité et la validité de la Diagnostic Classification of Mental Health and Developmental
Disorders of Infancy and Early Childhood revised (DC : 0-3 R, 2005) sont a présent de plus
en plus établies et les auteurs du domaine s’accordent à dire qu’elle constitue la classification
diagnostique la plus utile pour cette population (Guedeney et al., 2003; Keren, Feldman, &
Tyano, 2001; A.M. Skovgaard et al., 2007; A. M. Skovgaard et al., 2004). Le système DC 03 –R s’intéresse aux symptômes observés pendant les trois premières années de vie et apporte
un modèle préliminaire de référence pour les études ultérieures (Maldonado-Duran et al.,
2003; A.M. Skovgaard et al., 2007). Elle tente de distinguer les différentes problématiques
spécifiques du diagnostic des enfants de cet âge en utilisant indépendamment chacun de ses
cinq axes.
30
Cette classification est basée sur une approche catégorielle bien qu’il soit encore débattu
laquelle des approches catégorielle ou dimensionnelle correspond le mieux à l’étude des
troubles émotionnels précoces (CH Zeanah, Boris, & Scheeringa, 1997).
Ses catégories sont descriptives et distinguent aussi bien les patterns symptomatologiques et
comportementaux que les facteurs qui contribuent aux difficultés de l’enfant.
L’Axe I reflète le diagnostic clinique propre à l’enfant, il inclut les stress post traumatique
avec les troubles liés à la carence/maltraitance, les troubles des affects - parmi lesquels sont
spécifiés les troubles différents types de troubles anxieux et dépressifs et l’état de deuil
pathologique -, les troubles de l’ajustement, trouble de la régulation –hyper ou hyposensitifs-,
les troubles du sommeil, les troubles de l’alimentation et troubles de la relation et de la
communication, les troubles multiplex du développement (MSDD).
L’axe II décrit les troubles de la relation spécifique de la relation enfant-caregiver basées sur
l’observation clinique de l’interaction et l’échelle de PIRGAS (Parent-Infant Relationship
Global Assessement Scale) et la (RPCL) Relationship Problems Checklist. Ses catégories
incluent les relations : sous/sur impliqués, anxieuses/tendues, avec colère/hostile et abusive
(verbalement, physiquement ou sexuellement).
L’Axe III inclut tout diagnostic de pathologie physique, neurologique, développementale et
psychiatrique correspondant à un autre diagnostic ou classification d’après la CIM 10 ou le
DSMIV-R.
L’axe IV identifie les facteurs de stress psychosociaux aigus ou chroniques dans
l’environnement de l’enfant.
L’axe V donne le niveau de fonctionnement émotionnel et développemental de l’enfant au
temps « t » de l’évaluation.
Les études épidémiologiques en population générale
La nécessité de pouvoir comparer les données issues des recherches sur le diagnostic et le
traitement des unités de soins mentaux des enfants de 0 à 3 ans s’est accrue ces dernières
années. Cependant ces études sont peu nombreuses et celles concernant les enfants avant un
an encore plus rares. Or les études épidémiologiques sont d’une importance primordiale pour
la connaissance, la compréhension des troubles psychopathologiques précoces et pour
proposer des traitements pouvant améliorer le développement des nourrissons et jeunes
enfants.
Parmi ces études épidémiologiques, on distingue les études réalisées sur des échantillons de
population générale et celles réalisées sur des échantillons cliniques.
Une de ces études en population générale d’enfants en âge préscolaire (Srinath et al., 2005)
détermine les taux de prévalences de troubles de l’enfant dans un centre de Bangalore (Indes).
31
Cette étude tente d’établir une corrélation entre les troubles psychopathologiques de l’enfant
et les facteurs psychosociaux. 2064 enfants âgés de à 16 ans ont recrutés. Ces enfants ont été
sélectionnés par échantillon randomisés et stratifiés dans la classe moyenne urbaine, la
classe urbaine défavorisée et la classe rurale. Les auteurs ont utilisés les critères de
classification de la CIM 10. Leurs résultats indiquent un taux de prévalence de 12.5% pour
tous les âges avec une morbidité psychiatrique chez les enfants de 0 à 3 ans encore plus
élevée de 13,8%. Dans cette tranche d’âge, 486 enfants ont été dépistés en utilisant le
SCL2(Screening Check List) et une adaptation Indienne de la Vineland VSMS (Vineland
Social Maturity Scale, Indian adaptation), les diagnostiques les plus fréquemment retrouvés
sont les spasmes du sanglot, la pica, les troubles du comportement non spécifiés, les troubles
du langage expressif et le retard mental. Ils ne retrouvent pas de différences significatives
entre les niveaux de prévalence des classes moyennes urbaines, les classes urbaines
défavorisées et les classes rurales. On note que seulement 37.5% des familles perçoivent que
leur enfant est en difficulté et nécessite des soins. Par ailleurs, ils retrouvent que les abus
physiques et les troubles mentaux des parents sont associés significativement avec les troubles
psychiatriques chez l’enfant.
Aux Pays Bas, Koot et Verhulst, (Koot & Verhulst, 1991) apportent des données de
prévalence des troubles émotionnels et du comportement dans une population générale
d’enfant d’âge préscolaires (421 enfants de
2 à 3 ans). Ils utilisent la Child Behavior
Checklist for ages 2-3, remplie par les parents. Dans cet échantillon ils retrouvent des trubles
du comportement chez 7,8 % des enfants. Dans cette population, ils ne retrouvent pas de lien
significatif entre l’âge, le genre, ou le niveau socioéconomique et le niveau des troubles.
Certaines différences en fonction de l’âge de certains items peuvent refléter la différenciation
identitaire soi-autre chez les enfants entre 2 et 3 ans. L’analyse des différences entre les
genres, montre que les garçons sont plus agressifs et dans l’opposition avec plus de troubles
développementaux et que les filles manifestent plus de troubles du sommeil. La comparaison
des scores entre les enfants adressés dans les unités spécialisées et les autres indiques des
scores plus haut chez les enfants adressés de 72 « problèmes » sur 99 items.
Aux Etats Unis, l’équipe de Briggs-Gowan (Briggs-Gowan, Carter, Skuban, & Horwitz,
2001) a examiné la prévalence des troubles socio-émotionnels et du comportement chez des
nourrissons et jeunes enfants et ont recherché le lien entre les compétences socioémotionnelles de l’enfant, l’interférence de la vie familiale, et de l’inquiétude parentale dans
2
The SCL is a 33 items checklist covering a range of behaviour problems usually present among children aged
0-3 year and was developed by combining the Child Behavior Checklist (CBCL) for 2-5year and an
unpublished Behavior Checklist developed in India.
32
une population d’enfant de un à deux ans extraits d’une étude de cohorte venant d’un
échantillon représentatif d’enfants nés en bonne santé (n=1,280). Ils ont utilisés des
questionnaires parentaux comme la Child Behavior Checklist (CBCL/2-3), la Parenting Stress
Index Short Form (PSI/SF), et l’Infant-Toddler Social and Emotional Assessment socialemotional competence scales (ESEJE (Bracha et al., 2007)). Le taux de prévalence de
symptômes clinique ou subcliniques rapportés par les parents est de 11,8% pour les enfants de
2 ans. Environ 6% des parents des enfants entre un an et 2 ans ont eu des scores cliniques au
PSI Difficult Child Scale (PSI/DC) – échelle détectant les signes de troubles du
comportement chez les enfants de un an. Ils n’ont pas observé de différence entre les sexes.
Seuls les scores aux CBCL/2-3 et au PSI/DC ont été associés à un niveau économique bas
(risque relatif de respectivement 1,89 et 2,24). Environ 32% des enfants de 2 ans avec des
signes subcliniques ou cliniques au CBCL 2-3 montrent des délais dans leurs compétences
socio émotionnelles. Les troubles sont aussi associées aux préoccupations parentales au sujet
du comportement de leur enfant et aux interférences dans les activités familiales. Ils concluent
à l’importance d’une identification précoce des troubles émotionnels et du comportement
chez le très jeune enfant,
en particulier du fait de l’association entre les délais de
compétences et les perturbations dans la vie familiales, qui peuvent contribuer au risque de
persistance ultérieure de ces troubles.
L’équipe de Skovgaard (A.M. Skovgaard et al., 2007) décrit la prévalence des troubles
mentaux et psychopathologiques dans une population randomisées de 211 enfants âgés de 18
mois issus de la population générale et y associent une évaluation des stratégies de dépistage
cliniques et standardisées. Ils trouvent que les troubles mentaux diagnostiqués avec la CIM10
et le DC 0-3 diagnostiquent 16 à 18 % des enfants de 18 mois. Les troubles les plus
fréquemment retrouvés avec la classification Zero to Three sont les troubles de la régulation
(7,1%), les troubles développementaux (3,3%), les troubles des affects (2,8%) et les troubles
de l’alimentation (2,8%).
Les troubles de la relation parent-enfants sont retrouvés dans 8% des cas, ce qui les situe en
première ligne des troubles retrouvés à cet âge. La corrélation la plus forte est retrouvée entre
les troubles de la relation, les troubles émotionnels et les troubles du comportement.
Etude en population clinique
Au cours d’un de leurs précédents articles , la même équipe (Elberling & Skovgaard, 2002)
avait étudié l’incidence des enfants de 0 à 3 ans adressés dans une unité de pédopsychiatrie du
Danemark, qui avait augmenté de 30% entre 1996 et 1998. Les auteurs a décrit cette
population d’enfant de 0 à 3 ans (n=159) à l’aide du DSM IV et donne une distribution des
33
diagnostiques, âge, sexe et antécédents de troubles mentaux parentaux. Le ratio garçon/fille
est de 1,3/1. Cependant, pour des troubles envahissant du développement, les garçons
dominent avec un sex ratio de 6/1. Chez les filles, les troubles de l’alimentation dominent
chez les plus jeunes enfants avec un ratio de filles/garçons de 5/2. Les troubles envahissants
du développement sont les diagnostiques les plus répandus chez les enfants de 2-3 ans pour
une incidence générale au Danemark de 0,25 pour 1000 par an. Les troubles les plus fréquents
des enfants les plus jeunes sont les troubles relationnels (Z- diagnostiques) et le plus souvent
ces enfants ont des parents qui présentent des troubles mentaux. Les troubles de
l’attachement, les troubles de l’alimentation et les troubles de l’ajustement réactionnels sont
les diagnostiques les plus fréquents chez les enfants de parents ayant des troubles mentaux,
mais il faut noter que plus de la moitié des enfants dont les parents ont une pathologie mentale
ne présentent pas de diagnostique du tout.
Au total, les troubles psychiatriques chez les enfants d’âge préscolaires sont fréquents, mais il
y a encore peu d’étude sur cette période et peu utilisent des outils cliniques spécifiques. On
relève la part importante des troubles de la relation chez les plus jeunes, que ce soit en
population clinique pour en population générale. Peu d’études en dehors de l’étude de Keren
(Keren et al., 2001) n’étudie spécifiquement la première année, et la répartition de l’âge
d’adressage de ces jeunes patients.
Les pics de consultation
Dans leur étude, Keren et al. Décrivent une population de 113 enfants adressés dans leur
community-based infant mental health clinic. Ils trouvent deux pics d’adressage : l’un entre 0
et 6 mois et un second entre 12 et 18 mois. Keren et al, décrivent la distributions de motifs
d’adressage par âge, symptômes et diagnostic Zéro to Three. Le motif principal de
consultation sont les troubles de l’alimentation (15/27%), les troubles du sommeil (10-17 %),
les comportements agressifs (18 à 24%), l’irritabilité (10-17%) et la dépression maternelle (2
à 20 %). 62% des 113 enfants diagnostiqués présentent des diagnostiques multiaxiaux, plus
fréquemment sur les Axes I, II et IV.
Dans 18%, les enfants présentent un diagnostic primaire isolé, dans 8% des cas ils ont un
diagnostic de troubles de la relation isolé, dans 2 % des cas un troubles du développement
isolé et dans 10% des troubles psychosociaux isolés.
Le diagnostic DC 0-3 le plus fréquent est une association de troubles primaire de l’enfant, de
troubles de la relation parent enfant et d’une pathologie parentale avec sur l’axe I : troubles de
l’alimentation (30%), troubles du sommeil (19%), troubles de l’ajustement (24%), troubles de
l’attachement (9%), sur l’axe II des troubles de la relation parent-enfant de type mixtes (45%),
anxieux/tendu (30%), sur impliqués (13%), en colère/hostile (6%), sur l’axe III,
34
médical/développemental : un retard de développement (54%), retard staturo-pondéral (17%),
trouble du développement du langage (17%) et sur l’axe IV , stress psychosociaux :
psychopathologie parentale (17%), conflit parental (36%).
Ces études posent la question de l’évolution des motifs de consultation en fonction de l’âge de
l’enfant. L’étude de Thomas et Clark (Thomas & Clark, 1998) retrouve les troubles du
comportement comme premier motif de consultation dans 84 % des cas pour une population
d’enfant de 0 à 4 ans adressés dans une unité spécialisée et l’étude de Keren montre une
distribution par âge pour les troubles du comportement, qui augmentent après un an. Koot et
Verhulst (Koot & Verhulst, 1991) relèvent ainsi qu’il existe une rupture dans la nature des
troubles retrouvés chez l’enfant entre 2 et 3 ans reflétant le la dynamique de séparationindividuation apparaissant à cet âge.
Ces études montrent bien, que plus on s’approche de la naissance, plus on découvre des
profils psychopathologiques d’enfants différents des enfants plus âgés ; que ce soit entre les
enfants de moins d’un an et de 18 mois ou au delà des 2-3 ans. Cela, alors même que
certaines études relèvent un pic de consultation entre zéro et 6 mois.
Mieux définir les profils cliniques de ces nourrissons avant un an et de leur évolution est donc
un enjeu important que nous avons tenté d’amorcer dans notre analyse d’une population
d’enfants reçus en unité petite enfance avant l’âge de un an.
35
QUESTION 1
Suspicion à l’échographie fœtale : clinique d’un trauma ?
Article
« Suspicion de malformation et échographie fœtale : quand l’image sidère et
bouleverse les représentations maternelles », Champ Psychosomatique,
accepté.
36
III. QUESTION 1 : Suspicion à l’échographie fœtale :
clinique d’un trauma ?
L’échographie fœtale est un outil du dépistage antenatal à présent incontournable dans les
pays développés. Certains pays choisissent d’en réaliser une, deux ou trois au cours du suivi
systématique de la grossesse, selon leurs recommandations. En France, même si cet examen
n’est pas considéré comme obligatoire dans les parcours de soins, il est fortement
recommandé et aucune femme n’ose manquer ce rendez vous. Certaines, mêmes, ne pouvant
attendre la « première échographie » des 12 semaines d’aménorrhée, viennent aux urgences
après leurs tests urinaire et sanguin de grossesse positifs, sous n’importe quel prétexte, pour
« voir » le fœtus et vérifier ainsi par l’image, ce qui restait encore « virtuel » et « théorique ».
A ses débuts, Soulé a targué cet examen d’ « Interruption Volontaire de Fantasme » (Soulé et
al., 1999) et les psychanalyses et les psychodynamiciens de la petite enfance se sont
beaucoup émus de ce que pouvaient induire ces images du prénatal sur les représentations
maternelles. La polémique est retombée un temps, devant une certaine attente des couples de
ces examens et de sa capacité à nourrir les représentations plutôt que de les figer pour les
couples bien portants.
Cependant cet examen, qui apparaît si inoffensif, sans « effets secondaires » au regard des
aspects médicaux classiques, garde une place particulière dans le suivi de la grossesse aussi
bien du point de vue des professionnels de la périnatalité, que des couples qui y participent.
Les professionnels ont cherchés par quelques études à cerner le décalage entre les souhaits des
parents au cours de cet examen et les objectifs des professionnels. Décalage qui crée un
certain nombre de quiproquos et de malaises de part et d’autre.
Par ailleurs, le rapport au virtuel et à l’image et l’impact de ceux ci sur les représentations
mentales, revêt dans la situation de l’échographie fœtale, un enjeu tout à fait particulier et
vertigineux. En effet, il touche un modèle représentationnel en création, qui est celui de la
représentation mentale de l’enfant que construit la mère pendant la grossesse, et qui impactera
son développement ultérieur. Le développement des techniques de plus en plus poussées,
nous amène à nous poser des questions éthiques insoupçonnées et pour lesquels les
professionnels se retrouvent confrontés en direct sans préparation et sans recul.
Dans le cadre de notre recherche sur l’impact des anomalies fœtales de bon pronostique de
l’échographie fœtale sur les représentations maternelles et les interactions précoces mèreenfant, nous nous sommes tout naturellement intéressés au temps à la séquence
échographique. Dans un premier temps, au cours de notre étude pilote, nous nous sommes
contentés de ce que les femmes enceintes rapportaient de ces séances dans leurs récits,
37
comme cela est fait dans la majorité des études. Cependant, ayant assisté au cours de ma
formation à des échographies fœtales, il m’est rapidement apparu que ce contraste entre
l’intensité et la richesse du discours des femmes au sujet de ces échographies et ces souvenirs
très précis de phrases prononcées par l’échographiste qu’elles pouvaient rappeler des années
après la naissance de leur enfant avec une intensité émotionnelle préservée, contrastait avec le
silence qui règne lors de ces séances. Les échographistes, eux mêmes, se questionnent sur
cette difficulté du choix des mots à adresser à leurs patientes pendant l’examen, car ils ont
conscience de la surinterprétation du moindre de leur propos, pour eux parfois anodin. Dans
ce contexte, au cours du deuxième temps de notre recherche, nous avons choisi d’assister aux
séances échographiques des femmes enceintes participants à notre étude pour tenter d’en
dégager les enjeux actuels et de faire un lien entre ce temps échographique et les
représentations maternelles de ces femmes enceintes.
Pour des raisons de logique chronologique, nous avons souhaité présenter cet article de
réflexion avant les résultats du reste de l’étude.
A. Article : « Suspicion de malformation et échographie
fœtale :
quand
représentations
l’image
sidère
maternelles »,
et
Champ
bouleverse
les
Psychosomatique,
accepté.
Cet article présente donc une réflexion et des hypothèses psycho-dynamiques du temps
échographique et des enjeux intervenants entre les différents protagonistes du prénatal.
Cette réflexion a été réalisée à partir de l’observation clinique structurée d’échographies
fœtales du premier, deuxième ou troisième trimestre de grossesse de femmes, pour lesquelles
la grossesse s’est déroulée sans complications, et d’échographie de contrôle de femmes
enceintes, pour lesquelles une anomalie mineure et de bon pronostique appelée « Soft
marker » a été constatée à l’échographie du premier ou second trimestre. Les grossesses ont
été suivies jusqu’à leur terme et les examens cliniques de naissance de tous les enfants étaient
dans la norme. Nous avons développé une grille d’observation de cette situation clinique,
relatant les conditions de l’examen, le climat de la séance et les échanges entre les différentes
personnes en présence : échographiste, mère et éventuellement le père ou autres personnes de
la famille et les stagiaires en formation de la technique échographique. Ces grilles
d’observation ont été mises en lien avec les entretiens semi-structurés adapté de l’entretien
d’IRMAG d’Ammaniti (Ammaniti M., 1999) à laquelle avait été intégrée la question du
parcours échographique et du ressenti des femmes enceintes au cours des séances. Aucune
38
étude statistique n’a été réalisée pour cet article. Il s’agit ici d’une analyse qualitative des
témoignages rapportés et des constatations cliniques, permettant de dégager les enjeux
individuels et représentationnels pour la femme enceinte, les enjeux et la nature de l’annonce
pour l’échographiste et les enjeux sociétaux qui les soustendent afin de pouvoir offrir des
pistes de compréhension pour les professionnels du dépistage prénatal.
39
Suspicion de malformation et échographie fœtale : quand l’image
sidère et bouleverse les représentations maternelles.
Sylvie Viaux-Savelon
Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent
CHU Pitié-Salpêtrière
Résumé :
L’échographie fœtale est un paradigme du paradoxe médical. Lieu potentiellement riche en
émotions, porteur de sens et d’alimentation des rêveries parentales, il est aussi, à l’inverse, le
lieu du diagnostic prénatal le plus potentiellement destructeur pour la dynamique
représentationnelle de la grossesse et par là des premiers liens mère-enfant.
Un lien puissant unit ainsi les images échographiques prénatales apportées par le dépistage
prénatal et les représentations maternelles et paternelles. Ce lien se décline de la pulsion
scopique à la transgression, avec un fœtus omniprésent qui peut faire oublier sa mère,
fragiliser la position maternelle et la dynamique de ses représentations qui prennent forme sur
le temps de la grossesse.
Nous nous appuyons sur le support d’une étude réalisée à la maternité de la Pitié Salpêtrière
dans le cadre des suspicions de malformations de bon pronostic pour l’enfant, appelés « Soft
Markers », pour analyser le cadre des séquences échographiques et en particulier les
interactions entre l’échographiste et les femmes enceintes au cours de ces séquences. Les
échographies, en faisant écho avec le psychisme parental, résonnent avec leurs représentations
profondes et leurs projections à l’insu de l’échographiste et en dehors de sa maîtrise. Un
accompagnement des professionnels dans la compréhension de la genèse des représentations
qui accompagnent le développement de l’enfant, pour qu’ils puissent en mesurer la portée et
orienter si nécessaire, semble indispensable.
Mots clefs : Echographie fœtale, représentations maternelles, image virtuelle, trauma,
grossesse
40
Introduction
Dès son apparition dans le champ du prénatal, l’échographie fœtale a d’emblée interpellé les
professionnels de la petite enfance travaillant en maternité. Targuée en premier lieu
d’ « interruption volontaire de fantasme », elle a ensuite été considérée comme inductrice de
remaniement
de
l’enfant
imaginaire
(Soulé,
1983).
Dans
l’ouvrage
« Ecoute
voir…l’échographie de la grossesse : les enjeux de la relation », (1999, Soulé & coll.), les
professionnels du périnatal soulignent déjà l’importance de l’attitude de l’échographiste et du
choix des mots de celui-ci lors de l’annonce d’un diagnostic. Les images du fœtus présentées
à la mère interfèrent fortement sur les représentations maternelles et agissent par ce biais sur
leurs liens ultérieurs. En effet, ces images sont impliquées dans l’investissement de l’enfant,
mais peuvent aussi jouer dans le sens de son désinvestissement lorsque la nouvelle est
« mauvaise ». Ces évènements qui émaillent l’histoire de la grossesse réémergent
fréquemment lors des prises en charge des troubles précoces de l’enfant.
Les professionnels du périnatal s’intéressent de plus en plus à l’accompagnement
psychologique du diagnostic prénatal et en particulier celui des échographies fœtales
(Gotzmann, 2002 ; Watson, 2000). Cependant les prises en charge psychologiques restent
généralement destinées aux pathologies avérées du fœtus ou de la mère.
Nous avons choisi de nous pencher sur le cas, fréquent en France, environ 5 à10% des
femmes enceintes sans facteurs de risque, pour lesquelles le dépistage échographique prénatal
montre des signes mineurs et isolés. Ces signes, appelés « soft markers », sont de bon
pronostic pour l’enfant lorsqu’ils restent isolés, mais laissent planer le doute pendant plusieurs
semaines au cours de la grossesse d’une malformation du fœtus. Nous nous attacherons à
analyser le rapport entre ces images très particulières et la dynamique psychique de la
grossesse.
Dans un premier temps, nous nous pencherons sur le lien entre les images échographiques
prénatales en général et les représentations maternelles et paternelles, puis nous analyserons le
cadre des séquences échographiques et en particulier les interactions entre l’échographiste et
les femmes enceintes au cours de ces séquences. Dans un deuxième temps, nous présenterons
la situation spécifique des « anomalies mineures, isolées et de bon pronostic »3 retrouvées à
l’échographie foetale, que nous avons étudiées dans le cadre de la consultation de Diagnostic
3
Les « anomalies mineures, isolées et de bon pronostic » ont été définies comme telles par les obstétriciens.
Elles consistent en des images échographiques inhabituelles par rapport à la normale, qui peuvent faire partie du
tableau clinique de pathologies telles que la trisomie 21 ou la mucoviscidose, mais qui, du fait de leur caractère
isolé, représente un risque très faible (<0,01%) d’être associées à une pathologie fœtale. Ex : hyperéchogénicité
de grèle isolée, nuque épaisse avec un caryotype normal, ventriculomégalie modérée à IRM cérébrale normale,
dilatation pyélocalicielle modérée.
41
Prénatal de la maternité de la Pitié-Salpêtrière et dont nous discuterons l’impact sur la
dynamique psychique de la grossesse.
Image échographique et représentations
La représentation (Laplanche et Pontalis, 2002) désigne « ce que l’on se représente, ce qui
forme le contenu concret d’un acte de pensée » et en particulier la reproduction d’une
perception antérieure ». Selon Freud, la représentation se construit à l’appui de la « trace
mnésique », signe coordonné avec d’autres issus de l’association des perceptions. Le lien
avec le somatique est souligné. La représentation se conçoit en lien avec l’investissement
psychique. Il n’existe pas, selon lui de « trace mnésique pure », qui désignerait une
représentation et qui serait totalement désinvestie aussi bien par le système conscient que par
le système inconscient. Nous nous intéressons ici à la représentation de chose que Freud a
défini comme « un investissement, sinon d’images mnésiques directes de la chose, du moins
en celui de traces mnésiques plus éloignées, dérivées de celle-ci »
La pulsion scopique, le rapport à l’image, analyse d’un dispositif
L’échographie fœtale targuée d’ « interruption volontaire de fantasme » par Soulé à ses débuts
a bien évolué. La pulsion scopique y est toujours aussi présente tant du point de vue des
professionnels que de celui des futurs parents. Elle a même été magnifiée en quelque sorte,
car il existe à présent fréquemment dans les salles d’examens, un écran pour la femme
enceinte, en plus de celui de l’échographiste, afin que celle-ci puisse mieux en voir les
images.
Il n’en demeure pas moins qu’avec le développement du diagnostic anténatal la place de
l’échographie fœtale est devenue ambiguë. Sa technique se perfectionne avec le « 3 D »
(image en trois dimensions) puis le « 4 D » (vidéo en trois dimensions), renforçant l’illusion
de « voir » le futur bébé et gommant l’aspect « reconstruit » de l’image. Du point de vue des
mères, qui demandent des photos ou parfois les films des échographies, l’enfant à sa
naissance reste très différent de celui « vu » à l’échographie d’autant plus que l’échographie a
tendance à gonfler les traits, écraser leurs petits nez…, mais l’image vient alimenter
l’imaginaire et le nourrir . Du point de vue des pères, ceux-ci témoignent que ces images les
aident à investir le fœtus, celui-ci prend alors, selon leurs termes, « réalité ». A l’enfant
imaginaire, fantasmatique et idéalisé, on doit donc à présent ajouter cet « enfant
42
échographique » exigeant à la naissance un travail de deuil supplémentaire, pour laisser la
place à l’enfant réel.
Dans cet état d’esprit, nous rejoignons Missonnier (2006), lorsqu’il introduit la notion de
« Relation d’objet virtuel » (ROV), qui intervient dans la constitution du lien biophysique
s’établissant en prénatal entre les futurs parents et le fœtus. Il décrit cette relation d’objet
virtuel comme « La confrontation dialectique permanente des deux constituant la réalité
biopsychique de l’anticipation parentale périnatale, processus dynamique et adaptatif. La
ROV s’intègre dans les prémices utérins des relations orale, anale et génitale et s’inscrit
fantasmatiquement dans le processus de parentalité de la femme et de l’homme, elle
représente la matrice de la relation d’objet ».
Missonnier insiste « À l’origine, il y a le virtuel ». Dès avant sa conception, l’enfant existe
« en puissance » pour ses futurs parents. Le processus de parentalité se nourrit de l’attraction
entre cette virtualité et son actualisation dans l’enfant post-natal, à tous les âges de la vie, bien
avant la concrétisation du projet d’enfant. Quand elle se réalise harmonieusement, cette
conception met en œuvre le double sens de l’étymologie de la conception : contenir l’enfant à
venir en le représentant par la pensée et en le formant biologiquement.
Actuellement, l’embryon et le fœtus sont observés « sous toutes les coutures ». Enigmatique,
mais beaucoup fantasmé pendant des millénaires, l’enfant du dedans, se retrouve
partiellement extériorisé sous la pulsion scopique du diagnostic prénatal.
La « rêverie maternelle » (Bion) de l’enfant imaginé est un sanctuaire de l’anticipation de
l’enfant virtuel. Selon Cupa, « le bébé imaginé par la mère pendant la grossesse n’est pas un
simple rappel de ce qui a déjà été là et perdu, il constitue une représentation anticipatrice. La
mère prend le risque de créer, de préinvestir le bébé imaginé ».
Et c’est bien un risque qu’elle prend là. Les recherches en petite enfance ont montré ces
dernières années combien les scénarios comportementaux, affectifs et fantasmatiques
maternels imaginés pendant la grossesse, organisent, en partie, les interactions ultérieures en
post-natal (Stoléru, Mazet, Fonagy, Ammaniti). La qualité de la fonction contenante de la
dynamique psychique parentale est déterminante pour la genèse de la relation d’objet à
l’égard de l’enfant virtuel. Du degré de maturation objectale de l’enfant du dedans dépendra,
en partie, l’empathie parentale en post-natal à l’égard de l’enfant réel. Raphael-Leffe reprend
la théorie de Bion concernant la naissance de la pensée et ses contenants primitifs parentaux
par la fonction α en le transposant. Il est intéressant de noter que les trois phases proposées
par Raphael-Leffe dans la dynamique psychique de la grossesse et retenues par Missonnier
(une première phase au cours de laquelle la mère est centrée sur la grossesse, une seconde
centrée sur le fœtus et la troisième sur le bébé), peuvent être mises en parallèle des trois
échographies de surveillance de la grossesse, moments forts du dépistage anténatal.
43
La femme enceinte et ses représentations
La femme enceinte vient à l’échographie fœtale (recommandée, mais non obligatoire) dans
l’espoir de rassurer ses craintes quant à l’intégrité du fœtus. C’est une démarche consciente de
« réassurance » : « je sais que mon enfant se porte bien, mais je viens pour qu’un
professionnel me le confirme ». Généralement, c’est d’ailleurs ce qui se passe, et chacun
repart enchanté d’avoir vu le futur enfant, ses premiers gestes, son joli profil et comment déjà
il met son pouce dans sa bouche ! Quand le père est présent, les images l’aident à concrétiser
la présence de cet enfant encore virtuel pour lui. L’échographie alors apporte un moment
d’émotion qui s’intègre et enrichi la dynamique de la grossesse.
Mais, comment l’imago échographique s’insère-t-il dans la construction des représentations
maternelles ?
Avec l’échographie, l’image ordinairement conçue comme un espace imaginaire pour penser
un lieu réel se mute en un lieu médical, le corps du fœtus. Ainsi, dans le contexte médical, le
professionnel cherche à obtenir de l’image des éléments le plus « objectivable » possible,
qu’il compare à des « normes » statistiques. Cependant, malgré cette tentative de maîtrise, la
portée de ces images dépasse l’échographiste à son insu, car elles viennent exposer l’invisible
de la création et du développement de l’être humain et de ce fait sont en prises avec le champ
de l’imaginaire et des représentations des origines propres à chacun. Ainsi, ces images,
nécessaires à la science médicale, produisent un spectacle dont les répercussions excèdent le
langage et le commentaire scientifique. Est-ce pour cela que ces séquences échographiques
sont si silencieuses ? Ce silence contraste avec l’importance et la richesse du discours des
mères à posteriori sur ces séances. Les images font effraction là où auparavant il n’y avait pas
de représentation concrète du foetus en développement. Elles ont l’effet d’une transgression et
imposent un réel jusque-là voilé, ce qui leur confère une puissance anxiogène. Le réel sans
médiation ? L’image accentue la perception du fœtus comme étranger, extérieur à la femme.
En effet voir le fœtus dans le ventre de la mère transgresse les interdits des rites protecteurs de
la grossesse. Or, ces rites et interdits, ont comme objectifs de « protéger « le futur enfant de la
mort et des malformations. Ainsi, Marie-France MOREL, historienne, (2006, « Grossesse,
fœtus et histoire ») nous raconte, que, pour expliquer les naissances monstrueuses, on
invoquait, certes les pouvoirs de l’imagination des femmes enceintes, mais aussi, ceux d’une
punition des Dieux, sanction d’un péché commis par la collectivité sous l’Antiquité,
annonciateur d’une catastrophe: défaite militaire, épidémie, inondation, famine, stérilité de la
terre, des animaux et des femmes… Ces croyances ont perduré jusqu’à la Renaissance puis
44
peu à peu ces naissances monstrueuses ont été interprétées à un niveau plus individuel comme
la sanction d’un péché commis par les géniteurs, amplifiant le poids de la responsabilité sur
les femmes enceintes.
Cependant, lorsque cela se passe bien, nous l’avons dit, l’image alimente les rêveries
parentales. La présentation en image impose, voire génère des représentations. Ces
représentations sont ainsi tantôt structurantes, tantôt inquiétantes. « L’image à la fois écarte et
franchit » (J-L Nancy « Au fond des images »). Ici elle franchit les limites corporelles de la
mère, franchit le seuil du visible, mais écarte des perceptions propres de la femme. Ainsi la
mère dit qu’elle ne sent pas bouger son enfant et l’échographiste lui dit « moi, je vois qu’il
bouge ». Qui croire ? La perception maternelle qui porte ou la vision de l’échographiste qui
voit ? Quelle réalité ?
Au cours des groupes parentalité que nous menons conjointement avec une puéricultrice et
une sage-femme de la maternité de la Pitié-Salpêtrière, la question de la confiance de la
femme enceinte en ses propres perceptions, désirs, ressentis, est souvent abordée. Les femmes
sont actuellement très envahies dans leur vécu de la grossesse par des images, textes, dires
parasites qui les empêchent d’écouter leur perception et vécu. Elles sont ainsi dépossédées de
leurs propres représentations au profit de perceptions et projections externes.
Un fœtus omniprésent
Mais quelle est la place du fœtus dans ces séquences échographiques ? Elle est souvent plus
importante que celle de la mère. La disposition des écrans, la mère regardant le sien situé en
face d’elle et l’échographiste sur le côté regardant dans le sens inverse, les échanges peuvent
être rares si la mère ne pose pas de question. Une fois la sonde posée sur le ventre maternel,
l’échographiste est « à l’intérieur » en contact avec le fœtus qu’il détaille sous toutes les
coutures, on en oublierait la mère. Winnicott disait qu’il n’existe pas d’enfant sans sa mère,
mais dans ces séquences, il pourrait bien y avoir des « fœtus sans mère » tant on oublie qu’il
fait encore partie intégrante d’elle et que toutes « anomalies » suspectée de l’enfant la remet
elle aussi en question dans sa propre intégrité. Ce fœtus suspect fait collusion avec les
fantasmes monstrueux de l’ennemi intérieur dévorant les entrailles et la détruisant de
l’intérieur. Du point de vue du professionnel, le fœtus devient alors organe d’examen et non
plus une identité en devenir.
Cette « transparence » du corps de la femme a été décrite bien avant l’avènement de
l’échographie. Ainsi tout ce qui porte atteinte à la femme d’une manière ou d’une autre, en
bien ou en mal, a des effets sur le fœtus. Les médecines traditionnelles recommandaient à la
45
femme enceinte, sur cet argument que « la manière dont elle vit influence le développement
du fœtus », de modérer leurs émotions, potentiellement dangereuses pour le fœtus, la future
mère devant ainsi éviter « les colères, les joies ou les chagrins trop forts». De même, la
« vertu imaginative » de la femme enceinte pouvant avoir une influence sur le corps du fœtus,
pour avoir un beau bébé, il lui était conseillé de regarder des images ou des tableaux
agréables. Que dire alors de ces images qui lui sont données à voir lors de l’échographie, de
l’intérieur du corps de son fœtus, coupes de son ventre et de son cerveau …?
Anomalie mineure à l’échographie : quel impact sur les
représentations ?
Dans notre étude, nous nous sommes intéressés aux « anomalies mineures, isolées et de bon
pronostic » vues à l’échographie fœtale du premier ou du second trimestre, qui, du fait de leur
caractère isolé, représentent un risque très faible d’anomalie chez l’enfant. Les examens
pédiatriques à la naissance sont normaux.
Nous avons ainsi suivi deux groupes de femmes enceintes, sans facteurs de risque particulier
tant du point de vue personnel qu’obstétrical. Un premier groupe « témoin » ou « non
exposé », tout venant, et un second groupe « exposé » pour lequel une anomalie isolée a été
repérée à l’échographie du premier4 ou du second trimestre5. Les femmes enceintes étaient
entrées dans l’étude une fois qu’elles avaient reçu les résultats « rassurants » concernant leur
fœtus. Nous avons choisi de suivre les primipares, comme les multipares (pour lesquelles les
grossesses précédentes se sont déroulées sans incident), tenant compte du fait que chaque
dyade est différente et comporte son histoire singulière.
Nous avons assisté aux échographies de contrôle ou aux échographies standard pour les
témoins et observé les échanges entre les différents protagonistes. Puis nous avons reçu les
femmes enceintes au cours d’un entretien semi structuré, adapté de l’IRMAG d’Ammaniti6 en
développant une partie sur leur vécu de l’échographie au cours de leur troisième trimestre de
grossesse. Nous avons ensuite revu les parturientes dans la semaine suivant leur
accouchement et aux deux mois de l’enfant, en observant les interactions à l’aide d’un
enregistrement vidéoscopé de l’allaitement. Nous ne développerons ici que la partie
concernant l’échographie.
4
Nuque épaisse avec caryotype normal à l’amniocentèse
Dilatation pyélocalicielle bénigne, ventriculomégalie avec IRM fœtale normale, hyperéchogénicité du grèle
isolée hyperéchogénicité cardiaque isolée en particulier sur le pilier de la mitrale Tous ces signes sont isolés,
peuvent ne pas être retrouvés aux échographies de contrôle et dans tous les cas des résultats des explorations
complémentaires reviennent négatifs. Le pronostic est toujours rassurant.
5
46
Du silence de l’échographie au récit de la femme enceinte
La séance échographique
Nous avons assisté en observateur aux séances échographiques de contrôle après l’annonce
des résultats « rassurants » pour le foetus. Les séances pendant lesquelles se sont déroulées
« l’annonce » étant trop aléatoires pour faire l’objet de l’étude en elle-même.
Nous avons observé que les séances échographiques étaient plus silencieuses et tendues lors
des échographies de contrôle que lors des échographies systématiques. Les femmes posent
peu de question et souvent le professionnel reste lui aussi tendu. Les interactions entre
l’échographiste et les femmes restent peu fréquentes et restreintes. Les échanges sont surtout
informatifs, en réponse aux questions de la mère ou descriptifs des organes. Pendant les
séquences échographiques, les pères ne sont pas toujours présents. Parfois ils ne peuvent pas,
ne veulent pas… Dans les situations de doute, quand les pères sont présents, nous avons
observé un décalage émotionnel entre les deux parents. Même s’ils cherchent à se soutenir,
leurs regards, leurs gestes ne se trouvent pas. Le père regarde l’écran de l’échographiste et
non celui de la future mère. Chacun semble rester avec ses émotions et la disposition du cadre
de l’échographie ne les aide pas, accentuant le clivage entre eux.
Les séances échographiques des témoins révèlent, elles aussi, que les échanges restent peu
nombreux pendant l’échographie, mais le climat y est plus détendu et le professionnel peut
alors s’autoriser à plus individualiser et humaniser le fœtus : « regardez son petit nez, voyez il
se retourne, nous regarde, suce son pouce… », il utilise plus facilement le pronom personnel
correspondant au sexe de l’enfant, acceptant de se projeter avec la mère sur l’enfant après la
naissance. La femme exprime ses joies et ses émotions (sourires à l’évocation du sexe de
l’enfant ou d’une caractéristique plus personnelle de celui-ci), qu’elle partage éventuellement
avec son conjoint présent.
6
IRMAG : Intervista per le Rappresentazioni Materne in Gravidenza- Interview pour l’évaluation de la
représentation maternelle pendant la grossesse, Ammaniti et al. 1990
47
Les entretiens semi structurés
Nous évoquerons ici uniquement la partie des entretiens concernant les séances échographies,
qui se sont déroulées au troisième trimestre, après l’annonce des résultats « rassurants ».
La richesse de ces entretiens contraste avec le silence des échographies. En effet, autant les
femmes sont silencieuses, autant elles savent, à posteriori, décrire l’intensité de ces séances.
Elles décrivent la difficulté des pères à les accompagner dans ces moments difficiles. La
tension de l’attente du diagnostic et de l’exploration des organes du fœtus. Ces images
qu’elles voient sans les comprendre, malgré les efforts des échographistes pour leur expliquer
ou leur montrer les signes. Cet aspect « mystérieux » du « signe », revêt une grande intensité
émotionnelle: sorte de révélation et « d’annonciation » même lorsqu’il n’y a pas de
suspicion (annonce du sexe par exemple). Ces interprétations des dires et gestes du
professionnel, se muent en « mauvais présage », quand le geste de l’échographiste se suspend,
insiste sur un organe en particulier, ou change brusquement de comportement (silence…). Les
femmes décrivent qu’alors le lien avec l’échographiste est fondamental. « elle m’a demandé
de me tourner, car elle ne voyait pas bien le cœur, cela a duré longtemps, j’ai compris qu’il se
passait quelque chose. Heureusement, elle a pris ensuite le temps de m’expliquer… ». Mais
elles n’osent pas poser les questions si le professionnel n’ouvre pas le dialogue. Il y a une
sorte de superstition: « ce que j’évoque, je vais le convoquer » sous-tendu par la
rationalisation « de ne pas perturber l’examen ».
Sur le style de l’échographiste, la rencontre singulière est au premier plan. Certaines
apprécient le silence et la discrétion, « elle était froide, mais son professionnalisme était
rassurant ». D’autres préfèrent le dialogue et la possibilité de l’expression émotionnelle.
Nous avons pu noter que les échographies de contrôle prolongent la période d’inquiétude et
de suspension des investissements pour les femmes.
D’autre part, les séances « traumatiques » en début de grossesse où des paroles définitives ont
été prononcées telles que « il y aura une IMG7, ce n’est pas la peine que vous continuiez à lui
acheter des vêtements», sont bien difficiles « à rattraper » pour les professionnels qui vont
alors suivre ces femmes. « Dr … a essayé de me rassurer, m’a expliqué, mais je ne pouvais
m’empêcher de penser qu’il pouvait ne pas tout voir, comme cela m’avait été dit ».
Cependant, elles apprécient l’accompagnement de l’échographiste quand il est présent.
Certaines femmes passent outre les images échographistes et peuvent dire « quoi qu’il m’ai
été annoncé, je pense que mon enfant va bien, je le sens… ». Elles peuvent presque ajouter
« il me le dit ». D’où vient cette assurance, qu’elles évoquent souvent dans les larmes, tant
7
I.M.G. : Interruption Médicale de Grossesse.
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elles doivent lutter contre les « mauvais présages » ? Clivage pour se protéger, confiance
inaltérable en leurs capacités maternelles à concevoir et développer un enfant sain ?
Discussion
Au cours de cette étude, plusieurs questions ont été soulevées.
Ces questionnements concernent plusieurs champs, tout d’abord le champ du trauma, associé
à la question de l’annonce : quel est le lieu/ l’objet traumatique ? Tout est-il condensé sur le
moment de l’annonce lors de la séance échographique ? L’amniocentèse, en elle-même faitelle trauma ? La décision remise à la femme d’effectuer cet examen à risque pour le foetus,
son évocation ? Quelle est l’importance du terme de l’amniocentèse ?
D’autre part, celui des représentations : quel est l’impact sur les représentations maternelles
de ce type d’anomalie? Que font les parents des « photos » des échographies, illisibles pour
eux, lorsqu’ils se retrouvent seuls au domicile ? Quel est l’impact de la nature de la
suspicion a dans le champ de l’investissement de l’enfant selon que la suspicion porte sur un
éventuel trouble neurologique ou uniquement physique.
Et enfin sur le plan de la dynamique psychique, de quelle manière celle-ci peut-elle être
remobilisable ?
La question de l’annonce, clinique d’un trauma.
Du point de vue des obstétriciens, l’échographie fœtale est une technique précieuse
s’améliorant sans cesse. Elle permet de voir, et surtout de voir de mieux en mieux : les reins
sont mieux dessinés, les structures cérébrales et cardiaques sont plus finement analysables.
Mais elle peut aussi questionner, en particulier, par rapport à l’attitude à adopter devant ces
nouvelles images : dire ou ne pas dire ? La tentation étant de surveiller, d’explorer plus avant.
Alors, la frontière entre la pulsion scopique, l’expérimental et l’intérêt pour le fœtus devient
ténue et en appelle à l’éthique de chaque professionnel. En effet, il n’existe pas de protocole
clair pour ces situations.
Des diagnostics de dilatation pyélocalicielle ont ainsi pu être réalisées un temps par excès tant
« on voyait trop bien les structures rénales ». Que faire de ces images hyperéchogènes qui
sont « vues » dans le cœur, les intestins, qui peuvent parfois être présentes dans des
pathologies graves telles que la mucoviscidose ou n’être qu’une image construite ou une
particularité anatomique du futur enfant ? Les échographistes sont mal à l’aise devant ces
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nouvelles images, pris entre leurs obligations médicolégales pesantes et leur souhait de ne pas
inquiéter les mères par excès. Dire ou ne pas dire ? Est leur grande question. Ainsi lorsque le
geste de l’échographiste se suspend, qu’il ne sait plus quoi dire ou qu’il en dit trop, la
situation se dégrade rapidement pour chacun des protagonistes.
Le trauma du professionnel
Nous n’évoquerons ici que les situations où l’échographiste à un doute, où l’image qu’il
visualise est hors norme, mais ne signifie pas une pathologie avérée. Alors, des phrases
parfois définitives sont prononcées. L’angoisse de l’annonce ? Au cours de cette étude, nous
nous sommes interrogés et nous avons questionnés les professionnels sur leur formation à ce
sujet. Même si dans certains lieux, des formations commencent à se développer, dans la
grande majorité des cas, les professionnels de l’échographie n’ont aucun outil pour se
préparer à cette situation d’annonce. Ils sont seuls avec leur propre vécu et leurs défenses face
à ce stress et à leurs propres représentations des malformations éventuelles et du handicap.
C’est alors leurs affects qui dominent, ne leur permettant pas de gérer en sus l’émotion de la
femme enceinte.
Le professionnel alors cherche à rester dans la maîtrise, se retranche derrière ses mesures
objectivables et rappelle « la norme ». Or cette « norme » se confronte à l’expérience
personnelle de la femme vis-à-vis du fœtus. Certes, elle a ce souhait d’avoir un enfant « le
plus normal possible », mais au cours de la grossesse l’individualité de l’enfant se dessine
progressivement dans les représentations maternelles, alimenté par les rêveries, les projections
de la femme et les perceptions des mouvements fœtaux. La norme vient « casser » ce dessin
fragile.
Par ailleurs, plusieurs types de professionnel sont amenés à effectuer des échographies :
radiologue, sage femme ou obstétricien. Chacun d’eux, du fait de leur formation et de leur
pratique a un regard et une approche différente de la femme et du fœtus. Ainsi le radiologue,
est un professionnel de l’image, il n’a aucune expérience clinique de la grossesse, de
l’accouchement et des relations précoces mère enfant. Sa problématique est celle de l’image
et il est très attaché à cette norme et ces mesures évoquées si dessus. Ils sont très peu préparés
à l’annonce en face à face et encore moins à l’examen sous le regard des femmes. La sage
femme, elle, suit majoritairement des grossesses sans pathologies particulières. Elles sont
dans l’accompagnement des problématiques simples de la femme enceinte. Elles les
connaissent bien, mais ont peu d’expérience de l’annonce de la pathologie qui revient en
général au médecin. L’obstétricien, lui, se doit de gérer des « grossesses à risque », il a cette
expérience, mais parfois peut banaliser l’impact de l’annonce, alors même que lui n’est pas
inquiet « tout est relatif ». Certains se spécialisent dans l’échographie fœtale avec anomalie.
50
Ces professionnels là se sont, généralement, posés la question de l’annonce et de leur
positionnement par rapport aux patientes. Ce sont des réponses personnelles, en fonction de
leur personnalité et de leurs modes de défenses puisqu’il n’existe aucune codification des
séquences échographiques. Elles ont cependant l’avantage d’être présente et d’éviter que
l’échographiste ne soit débordé par ses émotions. En effet, l’échographiste a alors à gérer les
représentations qu’il peut avoir de la pathologie qu’il évoque (comme la trisomie 21),
l’importance pour lui de garder son sang froid pour poursuivre ses explorations et l’attitude
qu’il va choisir pour évoquer la suspicion de pathologie à la femme enceinte. Au trop plein
de la pensée de l’échographiste semble répondre la sidération de la mère et le vide de sa
pensée à elle. Nous constatons ainsi que les échographies restent tendues et silencieuses mais
emplie d’une grande intensité émotionnelle influençant la trace mnésique très précise des
échanges durant l’échographie. Elles retranscrivent avec beaucoup de précision pendant les
entretiens le déroulement de la séquence.
Il y a peu d’échanges entre l’échographiste et la femme, quelques interactions en face à face
en fin de séance au cours desquelles les femmes n’osent souvent pas poser leurs questions.
Ces questions elles les gardent suspendues jusqu’aux résultats et au temps de consultation
avec leur sage femme ou l’obstétricien. La mère, semble ainsi retenir son souffle pendant
l’échographie, comme si une pensée, une parole, une représentation de sa part pouvait induire
l’aggravation de l’anomalie. Peur des réponses ? Pensée magique : « ce que je vais évoquer, je
vais le convoquer ? »
Il faut noter que les rapports entre médecin et patients ont beaucoup changés. Jusque là, la
position paternaliste, demandait aux médecins de prendre sur eux les incertitudes des examens
et des doutes diagnostics, et de guider les patients dans leur choix. À présent, le
« consentement libre et éclairé des parents » est de rigueur, mais l’information complète est
souvent un exercice périlleux, surtout avec des parents dans un état émotionnel aigu du fait de
l’annonce, voir de la grossesse elle-même. Les échographistes qui s’occupent des
surveillances échographiques s’interrogent sur l’attitude à avoir vis-à-vis de ces femmes lors
de l’annonce, puis lors des séances de contrôle, mais ne trouvant pas de méthode « miracle »
pour annoncer l’impensable à une mère, finissent par se décourager : « quoi que je dise, quoi
que je fasse, ce moment est traumatique pour elles » et pour le professionnel ?
Ils s’en remettent ainsi aux parents, qui doivent alors seuls porter ce poids, mais à quel prix
pour les relations parents- enfants ?
51
L’amniocentèse, ou le choix impossible
Les entretiens de notre étude tendent à montrer que c’est autant l’évocation de
l’amniocentèse, que le geste lui-même qui peut être traumatique. En effet, l’évocation de
l’amniocentèse amène à la conscience maternelle la possibilité de réaliser l’ambivalence du
désir de son enfant, que ce soit par le risque de fausse couche, inhérent à l’amniocentèse, ou
par l’éventualité de l’IMG selon le résultat du caryotype. Ces désirs de mort du fœtus, bien
décrits au cours de la dynamique psychique de la grossesse (Sirol), se doivent de rester
inconscient et refoulés. C’est ainsi que l’évocation de l’amniocentèse, puis sa réalisation
éventuelle fait collusion avec cette ambivalence de la mère vis-à-vis de son fœtus. Ce droit de
vie ou de mort sur son enfant auquel il lui est demandé de réfléchir dans les quelques
semaines d’attente des résultats, ne disparaît pas après l’arrivée des « résultats rassurants ». Il
y a une culpabilité importante à avoir eu cette pensée là, qui ne s’efface pas quand cette
possibilité disparaît. Au cours des entretiens que nous avons eu avec ces femmes, plusieurs
ont ciblé ce moment là, celui de l’amniocentèse, comme le plus douloureux de leur grossesse.
L’une d’elle a alors décidé de refuser l’amniocentèse, sans pour cela évacuer sa culpabilité.
Mais c’est aussi la solitude qui leur est alors douloureuse.
En effet, la femme est seule face à cette décision. La loi lui donne l’entière responsabilité sur
son fœtus in utero, le futur père ayant un avis consultatif. La position paternelle peut être
soutenante ou distante dans son choix, mais elle ne pourra pas la dédouaner de la
responsabilité qu’il implique.
En fait, la future mère est mise dans cette position implicitement dès le début de sa prise en
charge. En effet, ces examens, plus ou moins invasifs, et qui ont pour but de vérifier
l’intégrité physique de cet enfant et de déterminer si une Interruption Médicale de Grossesse
(IMG) devra être réalisée, se réalisent « à la demande de la mère ». D’abord, « elle a accepté »
de faire des examens de dépistage. Elle «donne son accord » pour l’amniocentèse, prenant le
risque de la fausse couche. On peut toujours s’interroger sur les conditions de l’acceptation de
ces examens, la pression sociale et des protocoles médicaux étant difficiles à contrer. Une
femme refusant les examens sanguins ou les échographies de contrôle sera considérée de
manière suspecte par son entourage et les professionnels. Mais en autorisant ces examens, la
femme accepte implicitement que « si on trouve quelque chose, elle pourra faire une IMG ».
Or, arrêter cette machine en route, dire « vous avez trouvé quelque chose, mais quoiqu’il
arrive je voudrais garder cet enfant et donc j’arrête la surveillance », n’est pas une démarche
aisée.
La question du terme de l’amniocentèse est elle aussi évoquée au cours des questions du
dépistage prénatal. En effet, la question se pose parfois d’effectuer l’amniocentèse soit très tôt
au cours de la grossesse avec l’idée que l’enfant soit alors moins investi, mais avec un risque
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de fausse couche plus important, ou au contraire, en se rapprochant au plus près du terme,
pour que l’enfant puisse être viable si l’accouchement se déclenche, mais avec une « durée
d’investissement » plus longue. Cependant les professionnels de la périnatalité considèrent
que l’investissement de la grossesse et du fœtus débute bien avant la conception, lors même
du désir de procréation, puis à l’expression du désir d’enfant dans le couple auxquels viennent
parfois s’ajouter d’autres problématiques, comme celle des problème de fertilité … A
contrario, cet investissement peut être bloqué par des défenses névrotiques (déni partiel ou
total de grossesse). La temporalité de l’investissement de l’enfant à venir semble ainsi
prédominante par rapport à la temporalité de la grossesse elle-même dans l’enjeu de
l’amniocentèse et seul un entretien psychologique avec la femme enceinte pourrait
éventuellement en donner les clefs.
Représentations maternelles et interactions avec l’échographiste
Le temps de l’attente, la suspension des investissements et la transgression
L’évocation d’un diagnostic brutal, handicap programmé, avant même l’apparition des
premiers signes aux parents, avant même que parents et enfants aient pu faire connaissance, a
un grand impact sur la relation future entre les parents et l’enfant.
Au moment de l’annonce, la salle reste généralement silencieuse et si la future mère s’autorise
à poser quelques questions, techniques, concrètes, sur la réalité des signes retrouvés par le
professionnel, les affects ne sont pas exprimés. La situation fait effet de trauma, blanc
émotionnel avant l’explosion de l’angoisse au retour à la maison. Elles décrivent ensuite
« une suspension des investissements » très nette pendant la période d’attente des résultats
(amniocentèse, échographie de contrôle…). Cette attente peut durer quinze jours comme
plusieurs mois. Sur cette période, les futures mères décrivent bien qu’elles ne s’autorisent plus
à penser, imaginer, fantasmer cet enfant que peut-être elles feront mourir (cf. la question de
l’amniocentèse)
Alors, la notion de transgression évoquée plus haut que ce soit dans le cadre de la pulsion
scopique ou des interdits de toutes sortes entourant la femme enceinte, prennent dans le cadre
de la suspicion de malformation, une dimension palpable. La vision du fœtus in utero
transgresse les interdits des rites protecteurs de la grossesse. La culpabilité liée à la pulsion
scopique est émergeante dans le discours des mères. « Tu as voulu voir, et cette intrusion dans
le domaine de l’invisible a entraîné une pathologie chez ton enfant ».
53
Un réel sans médiation, le rapport à l’image
Lors de l’intersubjectivation, les sensations mènent aux perceptions, qui viennent construire
les représentations et permettent l’intériorisation de l’objet contenant. Lors de l’échographie,
la sonde crée l’illusion de voir au travers du corps de la mère, donnant à voir des images
partielles du foetus, de l’intérieur même du corps de celui-ci, induisant une impression d’
« inquiétante étrangeté », accentuée ici par l’anomalie annoncée et qui fait collusion avec les
fantasmes d’enfants monstrueux et agressifs de la dynamique classique de la grossesse.
L’image amène alors un réel sans médiation. Le seul filtre est celui de l’échographiste. On
note que lors de la séance, quand le geste se suspend, que l’échographiste se centre sur une
partie du corps du fœtus, la mère se tourne alors vers lui pour « déchiffrer » la signification et
la gravité de cet « arrêt sur image ». L’attitude de l’échographiste est d’emblée interprétée. La
mère ne voit pas l’image elle-même, elle voit l’image réinterprétée au travers de l’écran que
constitue l’échographiste et sa propre attitude face à l’image : ses mouvements, ces mimiques,
ces quelques mots, qui vont former des traces mnésiques intenses du fait de leur degré
émotionnel, très résistantes aux réinterprétations à posteriori des praticiens qui assureront les
consultations de suivi. Ainsi les représentations fantasmatiques par rapport aux fœtus, les
fantaisies et les rêveries peuvent être figées par l’attitude de l’échographiste.
Les images demeurent très floues, alors même que des termes très précis sont donnés à la
mère. Il n’y a pas de traduction au niveau physique du fœtus, mais au niveau des
représentations en mouvement que la mère s’en fait.
De retour à la maison, les parents se retrouvent confrontés aux images figées de
l’échographie. Ces images sont peu lisibles en dehors de la cinétique de l’échographie et
parlent essentiellement aux professionnels. Elles sont accompagnées de description
techniques et normées des différents organes et parfois on voit apparaître au bas des comptes
rendus d’échographies des phrases expliquant que l’échographie « ne voit pas tout et ne peut
en aucun cas garantir l’état de santé de l’enfant ». Ces images et ces mots, hermétiques,
incompréhensibles pour la femme, font figure de texte sacré, réinterprétés selon la prosodie et
la sensorialité ressentie des termes utilisés souvent barbares à l’oreille des non-initiés. Oracle
de l’avenir et du destin de l’enfant. Les comptes-rendus sont ramenés à chaque consultation
pour être « interprétés » par le professionnel. Le devin officie. Cependant lorsque
l’échographiste redevient médecin, sa qualification, disqualifie la mère de sa position
maternelle.
L’état de passivité de la grossesse mis à mal
En effet, alors même que la mère est ainsi dépossédée de son « pouvoir » de création, elle est
mise dans une position active inhabituelle pour la grossesse. Dans le cadre du choix, qui lui
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est demandé, la femme doit aussi changer de positionnement dynamique. La grossesse
ordinaire, implique une position de passivité, la grossesse est toujours imposée, même si elle
est choisie. La femme peut décider qu’elle accepte d’être enceinte en arrêtant toute
contraception, mais la grossesse est toujours subie. En témoigne, ces patientes qui rapportent
qu’elles sont « tombées » enceintes trop vite par rapport à l’arrêt de leur pilule, qu’elles ne se
sentaient pas encore prêtes…. Elle répond à la représentation de « portage » de l’enfant. Elle
n’est pas la seule responsable de cette vie en elle. Quelqu’un, Dieu, la Fatalité, l’a mis en elle
pour qu’elle le porte et lui en confie la protection. L’enfant se développe en elle à son insu.
Cette attitude passive est propice à la rêverie et au travail psychique. Et c’est alors que,
parfois très tôt au cours de la grossesse (cela se situe parfois avant le terme fatidique des
douze Semaines d’Aménorrhées, qui sépare l’avortement, de l’interruption médicale de
grossesse), il est demandé à la patiente de reprendre une part active, le retour du réel peut
ainsi faire trauma.
En effet, les responsabilités sont défléchies sur les mères. La décision appartient aux mères et
non à l’échographiste. Elle ne peut demander à l’échographiste ce qu’elle doit faire. Celui-ci
est sur une position de responsabilité de technicien de l’image, donnant un discours
professionnel, à partir duquel la mère va devoir prendre une décision non professionnelle de
mère. Les deux interlocuteurs ne sont pas sur le même registre et des quiproquos peuvent
naître de ce décalage. Pour la mère, c’est à la fois un infanticide qui est évoqué, mais aussi un
matricide : se tuer en tant que mère. Quand le doute sur les capacités maternelles est
important du fait de l’histoire de la patiente, cette question est particulièrement douloureuse.
La perte de l’effet protecteur de la toute puissance médicale
Un autre aspect de la dynamique psychique des femmes dans cette situation concerne leur
rapport à la médecine et à ces examens de contrôle. En effet, quand elles acceptent la
surveillance anténatale, les femmes ont une certaine confiance en ces examens et leurs
capacités à leur donner des réponses claires sur l’état de santé de leur futur enfant. Ici, elles
découvrent les confins de d’une médecine qui doute, tâtonne, ne peut leur donner un
diagnostic définitif que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Ces images sont-elles des signes
d’une vraie pathologie grave ou une particularité anatomique, une image qui va ensuite
disparaître ? Le jour de l’annonce, le professionnel ne peut pas être affirmatif. Et ce doute du
clinicien, qui, lui, va suivre sa démarche diagnostique, amène ensuite les mères à douter des
résultats qui lui seront donnés par la suite. En effet, les professionnels expliquent en général à
ce moment là les limites de leurs outils : de l’échographie, de l’analyse du caryotype… on ne
peut pas tout voir et on ne peut pas garantir à 100% que cet enfant correspondra à l’enfant
idéal qu’elles souhaitent. Car il faut rappeler que l’enfant réel n’étant pas apparu, c’est
55
l’enfant idéal qui est ici attaqué. La rencontre n’a pas encore eu lieu, elles n’ont pas fini leur
travail psychique, sont en train de tisser les liens avec leur futur enfant, que déjà on leur
demande d’effectuer leur travail de deuil de leur enfant idéal. Ensuite, il y a cette question
terrible, qui anéanti tout le travail des professionnels qui tentent de les rassurer : « si ces
examens se sont trompés une fois, m’ont dit qu’il y avait quelque chose de grave et que ce
n’est pas le cas, ils peuvent se tromper dans l’autre sens et ne pas « voir » qu’il y a vraiment
une anomalie ». Et cette suspicion, qui n’est plus la suspicion d’anomalie objective du
professionnel, mais la suspicion d’une mère quant aux capacités futures de son enfant, a un
impact destructeur sur la relation mère-enfant.
Le développement de l’enfant se déroule pour chacun d’entre eux avec un rythme propre, des
tâtonnements spécifiques dans tel ou tel domaine, l’un parlera avant de marcher, l’autre aura
surtout une habilité motrice...Or, les projections maternelles sont très importantes par rapport
à ces variations « normales » du développement de l’enfant. Ainsi, une mère, qui a confiance
en son enfant, attribue les particularités de développement de son enfant à l’individualité de
celui-ci et surmonte ses doutes pour l’encourager. Alors, qu’une mère, qui a en tête que
« peut-être il a une anomalie qui n’a pas été détectée », va rester dans le contrôle, surveiller
son enfant, interpréter négativement chacune de ses hésitations et de ses tâtonnements.
Certaines préfèrent se détourner pour ne pas voir. Ainsi, dans les films des interactions mèreenfant que nous avons recueilli, nous avons pu observer la difficulté des mères à percevoir les
signaux de leurs enfants, à les moduler et les élaborer. On peut faire l’hypothèse que les
mères, pour se protéger et protéger l’enfant de leur ambivalence, conservent un certain
désinvestissement de la relation. Malheureusement, ce qui les protège, nuît à l’instauration de
l’état de « préoccupation maternelle primaire » qu’a si bien décrite Winnicott, si essentiel au
tissage des premiers liens.
La nature de l’anomalie
Que dire de l’organe ciblé par l’anomalie ? Dans le cadre de notre étude, ce qui caractérise la
nature de l’image « qui sort de la normalité » est son isolement et le bon pronostic qui va
avec. Toutes sortes d’organes peuvent être observés : la « nuque épaisse », qui n’est qu’une
image spécifique du premier trimestre, mais est « statistiquement » liée au risque de Trisomie
21 ; l’hyperéchogénicité (tâche blanche) qui peut être observée dans les intestins ou le cœur,
la taille des reins lors de la dilatation pyélocalicielle. Mais les parents ne reconnaissent pas
bien les images et il apparaît que plus que l’organe touché, c’est l’enjeu psychique et
identitaire du futur enfant qui est important. Toute pathologie qui remettra en cause ses
compétences mentales au travers de la trisomie 21 ou de toute autre pathologie neurologique
soulève la question du développement intellectuel de l’enfant, de sa personnalité et implique
56
le deuil des projections parentales sur l’avenir de l’enfant. Les parents semblent mieux
s’accommoder d’une pathologie physique (rénale ou cardiaque par exemple), qui pourra
nécessiter un traitement et une surveillance après la naissance, que de celle de la pathologie
mentale, insaisissable et imprévisible quant à l’avenir de leur enfant.
Le temps de la remobilisation de la pensée
La question qui suit est bien sûr celle du soin et de la réparation. Comment réparer,
reconstruire, remobiliser ? Ce que nous avons pu observer, c’est qu’après la période de « gel
des investissements » lors de l’attente des résultats rassurants, une reprise de la dynamique est
possible, mais que les investissements ne se redirigent pas toujours vers l’enfant. La mère
investit d’autres lieux (travail, couple…) ou les puînés. Dans le lien à l’enfant présent, elles
restent défendues, les représentations de l’enfant restent floues, à distantes et parfois
nettement ambivalentes. Elles se protègent dans un mouvement défensif vis-à-vis des
déceptions éventuelles que l’enfant pourrait lui apporter. L’atteinte narcissique est majeure et
il existe peu de lieu où elle puisse exprimer leur ambivalence. Leur entourage comprend peu
leurs difficultés « puisqu’elles ont été rassurées » et elles se sentent souvent seules avec cette
culpabilité. Celles, qui nous affirment avoir toujours « cru » en l’intégrité de leur enfant,
l’expriment dans les larmes. A la naissance et aux deux mois l’angoisse est toujours présente
et les interactions dyadiques s’améliorent peu d’elles mêmes. Nous avons pu voir apparaître
des dépressions maternelles, en particulier lorsque l’imago maternel était fragilisé par un lien
à la propre mère de mauvaise qualité (mère placée dans sa petite enfance ou élevée par une
autre personne de la famille ou conflit encore actif), malgré la présence de substituts d’imago
maternel de qualité dans l’entourage.
Il faut noter que nous n’avons eu peu de « perdue de vue » dans notre étude auprès des
femmes qui avaient été « surveillées » pendant leur grossesse. Les entretiens étaient longs et
plusieurs ont eu du mal à rompre le lien à la fin de l’étude. Elles semblaient trouver un profit
thérapeutique dans l’étude et cet accompagnement. Plusieurs d’entre elles tenaient leur enfant
dans les bras au cours des entretiens aux deux mois de l’enfant. Au début de l’entretien
l’enfant était agité, mal à l’aise, le holding incertain, la mère tendue et nous présentant un
discours haché et confus. Puis en fin d’entretien, un apaisement était manifeste de part et
d’autre, l’enfant s’endormant dans les bras de la mère et le discours se structurant. Un
soulagement est alors perceptible dans la dyade. Cependant il est à noter que nous avons dû
orienter certaines vers des structures de soins.
57
Conclusion
L’échographie fœtale est un paradigme du paradoxe médical. Lieu potentiellement riche en
émotions et porteur de sens et d’alimentation des représentations parentales, il est aussi, à
l’inverse, le lieu du diagnostic prénatal le plus potentiellement destructeur pour la dynamique
représentationnelle de la grossesse et par là des premiers liens mère-enfant. C’est un examen
inoffensif : il n’est pas invasif et a priori porteur de bonnes nouvelles. Il est l’oracle de la
grossesse d’abord, « il crée la mère » à la première échographie, puis de celui du sexe de
l’enfant et de son état physique à la seconde et ensuite du mode d’accouchement à la dernière.
Les parents sont disponibles, livrés et dans une position de totale soumission au savoir
médical. Or cette échographie, fait écho avec le psychisme parental, elle résonne avec leurs
représentations profondes et leurs projections à l’insu de l’échographiste et en dehors de sa
maîtrise. Un accompagnement des professionnels dans la compréhension de la genèse des
représentations qui accompagnent le développement de l’enfant, pour qu’ils puissent en
mesurer la portée et orienter si nécessaire, semble indispensable.
Remerciements:
Nous remercions les femmes enceintes qui ont acceptées de participer à cette étude, le Dr Ouriel
Rosenblum, le Professeur Marc Dommergues et le Professeur David Cohen qui nous ont guidés
dans nos réflexions et ce travail de recherche, la Fondation Mustela qui a contribué à financer
cette étude.
58
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lesquelles une mère hait son enfant, même un garçon. » in., De la Pédiatrie à la
Psychanalyse, Paris, Payot, 1947, 1969.
60
QUESTION 2
Quel est l’impact des soft markers de l’échographie fœtale sur les
représentations maternelles et les interactions précoces mèreenfant ?
Article 1
« La surveillance échographique prénatale des grossesses à suspicion de
malformation : étude du retentissement sur les représentations maternelles »,
Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 2007.
Article 2
« Prenatal ultrasound screening: false positive soft markers may alter motherinfant interaction. », PlosOne, 2012
61
IV. QUESTION 2 : quel est l’impact des soft markers de
l’échographie fœtale sur les représentations maternelles et
les interactions précoces mère-enfant ?
Nous nous sommes intéressés à cette question de l’échographie fœtale, après avoir assisté à
plusieurs débats animés au cours de staff pluridisciplinaire anténatal. En effet, la question des
soft marker soulevait des questions éthiques et en particulier, en l’absence de protocole défini
sur la question, les professionnels s’interrogeaient, sur le moment le seuil de risque à partir
duquel il était nécessaire d’avertir la femme enceinte et son conjoint ? Tous avaient en tête
d’expérience qu’une annonce pouvait être néfaste et se demandait si « cela en valait la peine,
puisque le pronostic était à …% bon ? » Devait-on tout dire sous le prétexte de la
transparence et perturber ainsi ces grossesses alors qu’ils étaient convaincus que l’enfant se
porterait bien ?
D’autres situations comme les dosages sériques pronostiquant le risque de trisomie 21
l’HT21 » soulèvent aussi des questions de ce type, en particulier lorsqu’il existe une
discordance entre les trois « types de risque » - dosage sérique, âge maternel, mesure de la
« nuque » à 12SA à l’échographie - et que l’un de ces risques est supérieur au seuil auquel
l’amniocentèse est évoquée (1/250) tandis que le seuil « intégré » est en dessous de ce seuil.
Cette question rejoint de manière assez similaire notre problématique, puisque les
obstétriciens s’accordent à dire que si le risque intégré est en dessous du seuil, ils
déconseillent l’amniocentèse, qui fait prendre un risque de perte fœtale supérieur au risque
d’avoir un enfant porteur de l’anomalie génétique. Mais l’angoisse des parents en choisi
parfois autrement et certains parents à partir du moment qu’ils ont entendu le mot « risque »
préfèrent choisir de réaliser l’amniocentèse même si le risque « statistique » est très bas.
Cependant, comme nous l’avons évoqué dans l’article précédent, il existe dans les « soft
markers » de l’échographie fœtale, cette notion de trace physique laissée par l’image
échographique qui donne corps à « l’anomalie potentielle ». Ce n’est pas simplement un
risque virtuel et statistique comme dans la situation de l’HT21. A un moment donné, il est dit
à la femme, « nous voyons telle image suspecte de votre futur bébé » et cette image est
déposée dans le dossier médical. Que cette image soit construite, ou fugace, ou une déviation
de la normale importe peu à la future mère. Le risque n’est pas compris comme un risque
statistique, comme c’est le cas dans la représentation de l’échographiste, mais bien une image
réelle « quelque chose sort de la normale dans le corps de votre enfant ». Et cette différence
de signifiant nous a paru avoir un impact bien plus important compte tenu de des
62
connaissances actuelles concernant le développement des représentations maternelles de son
enfant et de l’impact de ces représentations sur les interactions précoces mère enfant et par la
suite de développement de celui-ci.
A. Article : « La surveillance échographique prénatale des
grossesses
à
retentissement
suspicion
sur
les
de
malformation
représentations
:
étude
du
maternelles »,
Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, 2007.
Dans un premier temps, nous avons réalisé une étude prospective pilote sur dix sept femmes
enceintes sans facteurs de risque. Nous avons constitué un groupe contrôle de femmes pour
lesquelles la grossesse se déroulait sans complications et un second groupe pour lesquelles
une anomalie mineure et de bon pronostique de type « soft marker » était retrouvé à
l’échographie fœtale soit du premier trimestre pour les nuque épaisse, soit du second trimestre
pour les autres anomalies (hyperéchogénicité du grèle, ventriculomégalie modérée,
hyperéchogénicité intracardiaque ou pyélectasie, os propre du nez court…).
Nous avons suivi ces femmes après l’annonce des résultats rassurants énoncés par les
obstétriciens : des résultats sérologiques normaux, une amniocentèse avec caryotype normal,
une IRM fœtale normale dans le cadre de la ventriculomégalie, des échographies de contrôles
au cours desquelles l’anomalie disparaissait… Les entretiens semi structurés d’Ammaniti et
de Stern, étaient proposés aux parturientes au 3ème trimestre de la grossesse, dans la semaine
suivant la naissance et au deux mois de l’enfant au domicile. A ces entretiens étaient associés
des échelles cliniques d’évaluation de l’anxiété (Covi) et de la dépression (Raskin).
Cette première recherche, nous a permis d’observer la suspension des investissements suivant
l’annonce du soft marker, que les femmes décrivaient avec une grande acuité et nous avons
cherché les indices de la remise en mouvement des représentations psychiques maternelles.
L’analyse représentationnelle a la fois catégorielle et dimensionnelle a permis une analyse
qualitative fine de cette dynamique. L’importance de la différence entre les deux groupes,
malgré la petite taille de l’échantillon, nous a d’abord frappé. Deux patterns de représentions
se dessinait ensuite pour les femmes du groupe « surveillé » : soit réduites/désinvesties, soit
non intégré/ ambivalentes. Ces catégories font références aux théories de l’attachement et il
est logique de considérer que la catégorie « non intégré/ ambivalente » correspond à une
modalité représentationnelle plus pathologique que la catégorie « réduite/désinvestie ». Pour
cette dernière catégorie, le détournement des femmes de l’investissement de l’enfant pour
63
d’autres domaines de leur vie (travail, enfants puînés) nous est apparu comme un mode de
défense réalisant une économie psychique par rapport au conflit entre la représentions interne
doutant de l’intégrité de leur enfant et des représentations externes des professionnels et de
l’entourage, lui affirmant l’objectivité de la bonne santé de leur enfant.
Un résultat important de cette étude est l’observation que ces patterns représentationnels
s’installent dans le temps après la naissance de l’enfant.
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B. Article: « Prenatal ultrasound screening: false positive soft
markers may alter mother-infant interaction. », PlosOne, 2012
Dans un second temps, nous avons souhaité affirmer les résultats de l’étude pilote en
augmentant la population de l’étude prospective.
Cette seconde partie de l’étude, nous a permis de compléter les outils de notre recherche pour
limiter les biais et apparier au mieux les 2 groupes de femmes enceintes.
Nous avons associé au protocole l’observation standardisé des échographies fœtales, comme
détaillé dans la question 1. Nous avons intégré une échelles d’évènements de vie spécifique
de la grossesse (Tordjman S, 2004 May) pour limiter ce biais. Puis nous avons entrepris
l’analyse en aveugle des séquences d’allaitement filmées au cours de la première semaine de
vie et deux mois postpartum.
Pour l’utilisation de cet outil spécifique qu’est le Coding Interactive Behavior (CIB, (R
Feldman, 1998) un temps de formation de l’équipe et d’échanges suivis avec l’équipe
Israélienne ayant développé cet outil a été nécessaire. Une fois entrainé à cet outil, l’équipe de
l’unité petite enfance et parentalité Vivaldi a pu analyser en aveugle les dyades des deux
groupes.
Les résultats en sont surprenants. En effet, il était possible de douter qu’il puisse y avoir une
différence visible et objectivable entre les dyades si tôt dans leur rencontre. Cette différence
apparaît dès la première semaine postpartum et se confirme aux deux mois de l’enfant, sans
que l’objectivation de la bonne santé et du bon développement de l’enfant ne puisse moduler
suffisamment ce pattern interactif vers celui du pattern du groupe control.
Les analyses de corrélation nous permettent de dégager le lien entre les catégories de
représentation maternelles observées au troisième trimestre, le niveau de dépression de la
mère au troisième trimestre et ces modifications et les dimensions observées au Coding
Interactive Behavior. Les mères du groupe « soft marker » montrent des patterns
d’investissement évitant ou désorganisé de leur enfant qui vont persister à la naissance et aux
deux mois de l’enfant. À la naissance, l’analyse des séquences d’alimentation montre que la
mère est en difficulté pour percevoir les signaux de son enfant. Elle est plus intrusive et
opératoire. L’enfant, lui, montre moins d’initiative et des comportements de retrait. La dyade
est tendue et parfois désorganisée. Les niveaux d’anxiété et de dépression maternels sont
supérieurs en pré et post partum dans la population clinique. Les analyses multivariées
montrent que le type de représentations et le niveau de dépression au troisième trimestre
prédit les perturbations de l’interaction.
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Ces résultats
confirment de manière statistique la dynamique bien décrite sur le plan
théorique psychopathologique. Il nous permet aussi de dégager des indices permettant le
repérage des femmes qui nécessiterait un accompagnement plus soutenu au cours du
dépistage anténatal de soft markers d’une part, et d’autre part une analyse fine des
dysfonctionnements de la dyade qui sont encore en construction et donc sensibles à une prise
en charge précoce adaptée (Cramer & Palacio-Espasa, 1993).
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QUESTION 3
Quel est le profil des bébés de moins d’un an suivis en clinique
spécialisée 0-3 ans ?
Article
« Phenomenology, psychopathology and short term outcome of 102 infants
aged 0 to 12 months consecutively referred to a community based 0 to 3
Mental Health Clinic.” Infant Mental Health Journal, 2010
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V. QUESTION 3 : Quel est le profil des bébés de moins d’un
an suivis en clinique spécialisée 0-3 ans ?
De plus en plus d’unités de prises en charge précoces des troubles mentaux se sont
développées pour les enfants de la naissance à 3 ans. En effet, un certain nombre d’études ont
démontrés qu’il était nécessaire de proposer une prise en charge le plus précoce possibles aux
enfants et dyades en souffrance pour éviter l’installation de troubles ou le développement
ultérieurs de ceux-ci quelque soit le domaine (T. Field et al., 1988). Cependant les données
concernant ces populations sont encore rares et encore plus lorsqu’il s’agit d’enfant en
dessous de l’âge d’un an.
On peut retrouver un certain nombre d’études épidémiologiques retraçant des études de
prévalence montrant chez les enfants en âge préscolaires des taux de psychopathologies allant
de 7, 8% à 50% selon les populations et les pays (Briggs-Gowan et al., 2001; Koot &
Verhulst, 1991). Le nombre d’études en population clinique est limité (Elberling &
Skovgaard, 2002; Keren et al., 2001).
Notre objectif dans cet article a été de décrire une population d’enfant de Zéro à un an
adressée en unité spécialisée ambulatoire (Unité Petite Enfance et Parentalité Vivaldi), puis de
déterminer les facteurs de risques associés au diagnostic et au devenir thérapeutique à court
terme de ces enfants. Cette analyse tente de s’approcher d’un continuum entre le fœtus et le
bébé, sans laisser un gap de presque 18 mois existant actuellement dans les études, alors
même que la clinique nous montre combien ces premiers 18 mois sont fondamentaux pour le
développement ultérieur de l’enfant.
A. Article: « Phenomenology, psychopathology and short term
outcome of 102 infants aged 0 to 12 months consecutively
referred to a community based 0 to 3 Mental Health Clinic.”
Infant Mental Health Journal, 2010
Nous avons ainsi récencé toutes les situations cliniques d’enfants de moins de un an adressé à
l’unité petite enfance et parentalité Vivaldi pendant une année, de janvier à décembre 2005.
Les enfants et leurs familles étaient adressés par les professionnels du réseau (PMI, pédiatres,
maternité). Durant cette période, 350 familles ont été adressées à l’unité, 102 concernait des
enfant d’un an ou plus jeunes ce qui représentent environ 30% du recrutement.
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Les enfants concernés présentent dans 76 % des diagnostics sur l’axe I, Les troubles de la
relation isolés (Axe II) représentent 25% des consultants et expliquent 18% de la variance des
profils cliniques dégagés.
De cette étude nous avons pu dégager 3 profils cliniques :
Un premier profil avec un bon fonctionnement de l’enfant et avec des parents conscients de
leurs difficultés avec un bon devenir
Un second profil montrant des enfants avec des symptômes modérés, un mode relationnel
enfant/caregiver surinvestis et un devenir bon à intermédiaire et un troisième profil avec des
symptômes sévères pour l’enfant, un mode relationnel sous investi et un devenir à court terme
moins favorable signant en particulier des troubles du développement.
Cette étude nous montre à la fois l’importance de l’utilisation d’outils diagnostiques adaptés à
cet âge précoce comme le Zero to Three et les outils d’évaluation de la dyade, permettant de
dégager les profils cliniques des bébés et de leurs familles et d’ainsi adapter au mieux le
dispositif de soins.
Par ailleurs, on relève que parmi les facteurs le stress parental et le dysfonctionnement
familial font partie des facteurs de risque associés et rejoignent l’argumentaire des précédents
articles.
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VI.
DISCUSSION
A. Les
softs
markers,
paradigme
des
bouleversements
apportés par les avancées technologiques dans le domaine du
dépistage prénatal
Les résultats de notre étude viennent amener la confirmation de la force du lien entre les
représentations maternelles en pré partum et les interactions précoces en postpartum.
Au vu des données de ces différentes études, nous avons pu constater que l’apparente
bénignité de l’échographie fœtale est trompeuse. La séquence échographique porte en elle
plusieurs facteurs perturbateurs : le décalage entre les attentes parentales et celles de
l’échographiste, la nature de l’image, qui se constitue en réel sans médiation, et est
potentiellement traumatique lorsqu’elle est porteuse d’une « annonce » de suspicion
d’anomalie et fait alors collusion avec les mouvements ambivalents des femmes enceintes
pour leur fœtus.
L’analyse des représentations maternelles montre ensuite qu’après la sidération de l’annonce
et la suspension des investissements dans l’attente des résultats rassurants, la dynamique
psychique est détournée de ses objectifs premiers, déstabilisée et cette « déviation »,
insensible de prime abord, s’amplifie avec le temps. Les mères montrent un investissement
évitant ou désorganisé de leur enfant dont les conséquences vont être perceptibles au cours
des interactions précoces mesurées à la naissance et aux deux mois de l’enfant.
À la naissance, la mère est en difficulté pour percevoir les signaux de son enfant. Elle est plus
intrusive et opératoire. L’enfant, lui, montre moins d’initiative et des comportements de
retrait. Les niveaux d’anxiété et de dépression maternels sont supérieurs en pré et post partum
dans la population clinique. Les analyses multivariées montrent que les représentations et le
niveau de dépression au troisième trimestre prédit les perturbations de l’interaction.
En unité petite enfance au cours de la première année, nous constatons un pic de consultation
précoce avant trois mois. La part des troubles de la relation isolée (axe II) représente 25% des
consultants et globalement explique 18% de la variance des 3 profils cliniques dégagés.
La situation des soft markers, vient donc jouer ici le rôle du paradigme démonstratif d’une
réalité existant pour toutes les femmes enceintes et de la dyade qu’elles constituent en pré et
post partum avec leur enfant. Il est le grain de sable, qui, en perturbant la relation, vient
mettre en évidence les différentes implications qui sous-tendent la relation.
100
On aurait pu penser cependant, que la force du réel que constitue l’examen de naissance de
l’enfant bien portant par un pédiatre, tiers dans cette relation, puisse balayer les perturbations
des représentations induites par une image indirecte du fœtus. Mais la poursuite des
perturbations des représentations après la naissance et l’atteinte du pattern interactif de la
dyade, viennent logiquement conforter les théories autour de la construction de l’identité
projective de l’enfant : L’enfant se construit dans le regard de sa mère, et ce regard, n’est pas
objectif. Il est le résultat incertain, d’un ensemble de représentation de la mère : de son désir
d’enfant et de quel enfant, de son désir de transmission de la culture familiale et au delà, de sa
confiance en ses capacités à concevoir un enfant bien portant, de sa confiance en cet enfant à
présent sous ses yeux et encore bien d’autres éléments, dont l’examen de la naissance par le
pédiatre n’est qu’un petit élément qui vient se rajouter aux autres. C’est aussi ce qui nous a
paru difficile pour ces femmes. En effet, comme dans le cadre de la dépression maternelle,
leur entourage ne comprend pas leurs doutes sur l’intégrité de l’enfant après la naissance.
Elles ne peuvent pas aborder cette question ouvertement, même avec le pédiatre ou
l’obstétricien qu’elles voient après la naissance dans le cadre du suivi post partum, car celui-ci
s’appuie sur des éléments objectifs, qui sont l’examen clinique de l’enfant, et à nouveau ne
répondent pas sur le plan représentationnel et émotionnel de la mère. Nous retrouvons ainsi en
post partum le « malentendu fondamental» décrit par Luc Gourand en prepartum (Gourand,
2011).
Information au cours de l’échographie et formation des échographistes
Malgré le stress psychologique généré les femmes gardent un regard positif sur l’échographie
et les informations qu’elle apporte sur la santé de leur fœtus. Cependant, elles relèvent aussi la
nécessité d’apporter plus de communication et d’interaction au cours de la formation et de
l’application de la technique échographique (Götzmann, Schönholzer, et al., 2002; Larsson,
Crang-Svalenius, et al., 2009). Il paraît en effet indispensable de donner aux praticiens de
l’échographistes les clefs leurs permettant d’appréhender les enjeux de l’échographie que ce
soit sur le plan traumatique de l’annonce, que de celui des représentations que chacun des
protagonistes a de la situation pour qu’un dialogue soit possible. Il existe une prise de
conscience actuellement de cette nécessité de formation. Il ne s’agit en aucun cas de
demander à l’échographiste de prendre une place et une écoute de psychiste. Son rôle reste
dans l’analyse technique de l’image échographique, qui nécessite une haute maîtrise
technique et beaucoup d’attention. Cependant, un cadre pourrait être proposé pour induire le
dialogue dans de bonnes conditions, évitant les malentendus et les quiproquos qui peuvent
avoir des conséquences pour les deux partenaires. En effet, le cadre médico-légal induit une
pression non négligeable sur les échographistes, au point qu’un certain nombre d’entre eux
101
ont renoncé à cette pratique. Or l’exigence médico-légale réside essentiellement dans
l’information des familles. Il faut relever, qu’il y a une certaine utopie autour de cette
« information libre et éclairée des patients » exigée dans tous les domaines de la médecine, et
encore plus dans cette situation de la grossesse. Comment expliquer en quelques mots les
aspects techniques avec ses contraintes et ses doutes, un diagnostic, dont parfois on ignore le
pronostic – par exemple, personne ne peut affirmer le devenir cognitif exact d’un enfant
d’après une ventriculomégalie modérée – dans un contexte émotionnel intense. Ce contexte
de fragilité sous l’effet de l’annonce, crée fréquemment un effet de sidération, qui entraine
une sidération en particulier de la pensée, bien décrite par les parents, quand ils racontent,
qu’après le premier mot prononcé par le professionnel et n’ont pas pu à entendre l’explication
qui a suivi. Certes, il existe le temps des consultations du diagnostic prénatal qui permet de
reprendre plus posément ces questions et enjeux. Mais, même au cours de ces consultations,
la part émotionnelle et relationnelle est énorme par rapport à la part objective de
l’information. Ainsi, par exemple, quelques auteurs se sont intéressés au choix d’interruption
médicale de grossesse des parents en fonction de la tonalité négative ou positive des
conséquences de l’anomalie sexuelle du fœtus. Ils montrent ainsi qu’une information
négative, due à une perception négative du pronostic par le professionnel, entraine un choix
d’Interruption Médicale de Grossesse (Abramsky, Hall, Levitan, & Marteau, 2001; Hall,
Abramsky, & Marteau, 2003). On voit ici toute l’importance que revêt la propre
représentation du professionnel de la maladie qu’il va évoquer.
B. Accompagnement/ Modalités de coping des parents
Un certain nombre d’études montrent la persistance de l’anxiété parentale dans le contexte de
l’annonce échographique et au delà des résultats rassurants (Götzmann, Kölble, et al., 2002;
Schönholzer, Götzmann, Zimmermann, & Buddeberg, 2000; Watson et al., 2002)
(Schonholzer et al., 2000). Mais on peut s’interroger sur son mécanisme et l’impact sur les
stratégies de coping parentaux.
Au delà ce la question de l’intensité de ce symptôme et de sa persistance dans le temps, la
question psychopathologique et étiologique de ces symptôme émotionnels relève de différents
domaines et hypothèses intriquées et non exclusives:
L’hypothèse traumatique, évoquée dans l’article sur « le temps échographique », en est une.
Mais déjà sur ces questions, on constate que la réponse est multiple et la place de l’annonce
par l’échographiste est discutée, soutenue par les études montrant que les informations
102
« rassurantes » et l’absence d’ambiguïté dans la réponse pronostique à la femme enceinte,
diminue le stress (Kaasen et al., 2010; Watson et al., 2002).
Une autre hypothèse, prenant plus en compte s’environnement maternel, en est une autre. En
effet, la constellation maternelle, le soutien du père, la solidité du couple a sa place dans la
détérioration émotionnelle de la mère. Des études sur les facteurs intervenants dans la
survenue de l’anxiété ou de la dépression pendant la grossesse, relèvent ainsi les éléments
déterminants de la stabilité du couple, du désir d’enfant et de l’isolement de la mère au
domicile (Grant, McMahon, & Austin, 2008; Zekiye & Gulsum, 2009)
Par ailleurs, le socle de construction des représentations des capacités maternelles ne peut être
négligées. En effet, l’assurance de la mère en ses propres capacités à être mère, à porter et
faire grandir en elle un enfant sain est déterminante sur ses capacités futures à se ressentir en
capacités d’élever ensuite cet enfant. Cette capacité, elle la construit à partir d’imagos
maternels issus fondamentalement de leur lien à leur propre mère, des capacités de celles ci à
les élever elle même dans leur petite enfance. La fragilité des mères ayant été adoptées, ou
élevées par une autre personne de l’entourage, même avec une bonne qualité de ces liens de
substitutions, montrent une fragilité manifeste et des questions sous-jacentes perceptibles
« serais-je capable de faire ce que ma mère n’a pas su faire ? ». Il y a une sorte de rupture de
transmission des capacités maternelles, qui fragilise là la jeune mère et l’expose à la
dépression du post-partum.
Par ailleurs, certaines études se sont intéressées aux stratégies de « coping » développées par
les mères lors de la détection d’anomalies à l’échographie fœtale (Brisch et al., 2003). Trois
styles de coping sont ainsi relevés par des auto-questionnaires, immédiatement après
l’annonce, à 5-6 semaines et 10, 12 semaines après l’annonce: factor 1 : attitude émotionnelle
positive/distance associé à une décroissance de l’anxiété, facteur 2 : attitude émotionnelle
négative/mécontentement corrélée à une augmentation de l’anxiété et facteur 3 : coping actif,
pas du tout corrélé à un niveau d’anxiété. Les stratégies de coping sont similaires à celles de
leur groupe control. Ils concluent à la nécessité de l’accompagnement de ces patientes du
premier groupe sur le plan psychothérapeutique.
La conjugaison du niveau d’anxiété et des stratégies de coping, pourrait permettre ainsi de
dépister les femmes enceintes les plus susceptibles de bénéficier d’une prise en charge
psychothérapeutique en pré et post-partum sans négliger son environnement.
103
C. Interactions précoces, le modèle de la synchronie
L’observation des interactions précoces au cours de l’allaitement nous ont permis une analyse
fine des relations mère enfant, dès la naissance. L’outil développé par l’équipe de Ruth
Feldman, (R Feldman, 1998), le Coding Interactive Behavior est d’une remarquable
sensibilité, offrant aux professionnels de la petite enfance un cadre d’observation recouvrant
tous les grands axes théoriques actuels concernant les relations parent-enfant –attachement,
état d’éveil de Brazelton, l’intermodalité de Stern, etc... Il faut noter, que nous doutions au
début de cette étude, de pouvoir observer des différences significatives dans les patterns
interactifs dès la naissance. L’analyse en aveugle des séquences vidéo des temps d’allaitement
nous a montré le contraire. Le modèle de la synchronie développé par Feldman (R Feldman,
2007), nous en donne des pistes explicatives.
Feldman définit ainsi la synchronie interactionnelle, comme la concordance entre les
comportements, les états affectifs et les rythmes biologiques entre parent et enfant qui forment
ensemble un unité relationnelle. Il se construit alors très rapidement une familiarité avec le
répertoire comportemental et rythmique du partenaire, bien relevée dans toutes les études sur
la dépression maternelle et la réponse des bébés à l’expérience du still face.(Tronick, 2006).
Feldman souligne la place centrale de l’aspect temporel dans la construction de la synchronie
par les paramètres du flux interactifs, les répétitions rythmiques et la transformation par le
parents des initiatives sociales de l’enfant en une variété de modalités sensorielles qui
préservent l’intensité, la forme et les rythmes du message originel décrit par Stern.
Dans son focus sur les caractéristiques temporelles et organisationnelles du système dyadique,
plutôt que sur des comportements spécifiques, la synchronie décrit une expérience vécue de
lien temporel et de co-régulation au sein d'une relation d'attachement qui fournit les
fondations des capacités futures de l'enfant en terme d'intimité, d'accès au symbolique,
d'empathie, et de capacité à comprendre les intentions des autres.
Les rythmes biologiques inscrivent ainsi le Moi dans une régularité de processus corporels
(oscillateurs modulant le rythme de la respiration, du sommeil, et des hormones). Avec le
temps, le cerveau en maturation cartographie ces périodicités physiologiques, comme étant
une notion du moi en devenir, permettant de se souvenir du passé et de se projeter vers
l'avenir. La synchronie interactive est le seul moment fournissant à l'enfant une possibilité de
faire concorder ses rythmes biologiques avec ceux d'une autre personne, co-créant non
seulement un moment relationnel partagé mais une biologie partagée.
Cet article s'intéresse à la synchronie parent-enfant depuis l'émergence des rythmes
biologiques chez le fœtus pendant le troisième trimestre de la grossesse jusqu'à la première
104
apparition des symboles dans le jeu parent-enfant vers la fin de la première année. La
synchronie dans sa forme la plus conventionnelle est particulièrement observée pendant le
troisième mois de la vie, et durant les six mois suivants, jusqu'à ce que les bébés atteignent
l'âge de l'intersubjectivité vers neuf mois.
Feldman relève par ailleurs des conditions à risque liées à la mère (dépression) ou à l'enfant
(prématurité) pouvant compromettre l'expression de la synchronie, ainsi que des profils
interactifs spécifiques de ces situations pathologiques.
Figure 2- Modèle de temporalité de la synchronie interactionnelle au cours de la première année, extrait
de (R Feldman, 2007)
La synchronie comme co-régulation : de la régulation externe à la régulation mutuelle
Une des fonctions importantes de la synchronie est la régulation de l'enfant. L'enfant dépend
à sa naissance de l'environnement pour se réguler : le corps de la mère et sa présence
physique. La proximité maternelle et le comportement interactif ont une fonction de
105
régulation externe pour l'organisation des systèmes neurobiologique, sensoriel, perceptuel,
émotionnel, physique, et relationnel. Une personne peut faire ainsi fonction de régulateur
externe des systèmes physiologiques d'une autre personne à travers l'adaptation temporelle au
stress et aux signaux sociaux.
La construction du self du bébé se fait progressivement dans les bras de la mère, au contact de
son toucher, au travers de ses états internes et expériences sensorielles.
L'environnement soutenant maternel est aussi le lien où commence la synchronie : en terme
biologique, comportemental, et interpersonnel. Des patterns rythmiques de l'activité à la
naissance tels que pleurer, changer, téter, représentent les premiers moyens de
communication, et les mères modélisent les rythmes interactifs sur ces patterns (par exemple,
la pause pour le rot engageant un jeu en face à face).
Pendant les 2 premiers mois de vie, le toucher donne progressivement place au regard, et la
synchronie par le regard devient la principale modalité des interactions sociales tout au long
de la vie. Paradoxalement, la synchronie émerge au moment où la mère et l'enfant
commencent à se séparer : transition de comportements maternels vers des comportements
relationnels.
La synchronie se construit au travers des comportements maternels lors de l'établissement des
premiers liens : vocalisations (mamanais), expressions faciales, jeux affectueux, position de
proximité, mouvements et tonalités corporelles, et toucher affectif.
Vers l'âge de deux mois, les expressions émotionnelles du bébé se coordonnent avec
l'attention visuelle, et les séquences interactives deviennent plus complexes. Ces premières
expressions de coordination sociale chez le bébé fonctionnent comme une intersubjectivité
primaire.
Les bébés n'ayant pas expérimenté d'interactions coordonnées avec une figure d'attachement
pendant les premières semaines de leur vie montrent des traces à long terme de difficultés
émotionnelles, relationnelles et d'auto-régulation.
Feldman insiste donc sur la présence d’une période sensible, centrale pour la
conceptualisation de la continuité entre la synchronie dans les premiers mois de vie et les
capacités cognitives, sociales, émotionnelles et d'auto-régulation de l'enfant dans l'enfance et
l'adolescence.
Ce modèle vient appuyer les facteurs prénataux en jeu dans la co-construction de la dyade
interactive et qui sont autant d’indices objectifs de la synchronie.
106
D. L’impact du stress prénatal sur le développement de
l’enfant, quel modèle ?
Par ailleurs, lorsqu’on tente de faire le lien entre le prénatal et le post natal, la question de la
psychopathologie ultérieure observable chez l’enfant, puis l’adolescent est posé. Le modèle
décrit par Cohen nous permet d’approcher cette question (Cohen, 2008, 2011, en relecture).
Ce modèle montre que les facteurs traumatiques sont associés aux psychopathologies de
l’enfant et de l’adolescent. Elles le sont parfois comme facteur causal, mais presque toujours
également comme facteur pronostic ou modérateur d’évolution péjorative. Du point de vue
des facteurs environnementaux, on distingue les facteurs périnataux et toxiques ayant une
activité directe lésionnelle sur le cerveau; les facteurs micro-environnementaux qui sont les
variables environnementales qui impactent l’enfant et/ou sa famille d’une façon proximale, et
les facteurs macro-environnementaux qui impactent le développement à un niveau plus
général, sociétal ou culturel. Le tableau 1 résume les principales variables environnementales
qui sont retenues dans les troubles externalisés de l’enfant et de l’adolescent (Cohen, 2010;
Mealey, 1995).
Facteurs environnementaux associés à un risque de psychopathologie classes en
fonction de leur distance au sujet
Facteurs toxiques et périnataux
qui impactent le développement du
cerveau durant la grossesse et/ou
Alcool et autres abus de substance pendant la
grossesse, Tabac pendant la grossesse, Malnutrition,
Déprivation sévère, Petit poids de naissance,
Hyperbilirubinémie
l’enfance
Facteurs microenvironnementaux qui impactent
l’enfant ou sa famille de manière
proximale
Facteurs macroenvironnementaux qui impactent
l’enfant ou sa famille à un niveau
plus global, sociétal ou culturel
Faible niveau socio-économique, Séparation
précoce, parent isolé, Familles nombreuses,
Handicap personnel ou faibles habiletés sociales,
Maltraitance et abus sexuel, Violence familiale
et/ou alcoolisme, Parents malades mentaux, Usage
parental de la punition (par opposition à
l’encouragement)
Résidence Urbaine et population dense, Exposition
à la TV et la violence, Minorité en situation
d’exclusion sociale ou de discrimination, Exclusion
scolaire (favorisant un niveau d’études plus faible,
un désavantage social et une faible estime de soi),
Participation à des groupes alternatifs à risque
(gang, abus de substance), Culture compétitive et
violente
D’après (Cohen, 2008, 2010)
107
La maltraitance est sans aucun doute un facteur de risque de comportements anti-sociaux,
toute chose égale par ailleurs au plan génétique, comme l’a montré l’étude de jumeaux « Erisk study » (Jaffee, Caspi, Moffitt, & Taylor, 2004). De la même manière la dépression
maternelle est également un facteur de risque de comportements antisociaux, avec une
relation dose-effet retrouvée dans la même étude, c'est-à-dire que plus on a de dépressions
maternelles après la naissance de l’enfant, plus le risque de comportements antisociaux
augmente (Kim-Cohen, Moffitt, Taylor, Pawlby, & Caspi, 2005). La maltraitance est
également un facteur de risque de dépression. L’étude de Kaufman montre de manière très
fine que le risque était modulé génétiquement via un polymorphisme du transporteur de la
sérotonine, et que la qualité du support social avait un effet protecteur (Kaufman et al., 2004).
Pour ce qui concerne les déprivations graves précoces, les études de cohortes développées par
Michael Rutter pour les bébés roumains adoptés en Angleterre, et Charles Zeanah pour les
bébés adoptés aux Etats-Unis ont permis des avancées notables dans le devenir de ces enfants.
D’un point de vue du développement cognitif, les deux groupes ont montré que la durée de la
déprivation était corrélée au Quotient Intellectuel ou de Développement que présenterait
l’enfant six ans plus tard, même si des variations inter-individuelles sont importantes. Les
deux groupes ont d’ailleurs situé comme déterminante une durée de déprivation supérieure à
24 mois. Ainsi, un enfant qui aurait connu une déprivation de moins de 6 mois a en moyenne
un QI supérieur de 25 points à un enfant qui aurait connu une durée de déprivation de plus de
deux ans (Nelson et al., 2007; M. Rutter & O'Connor, 2004). L’équipe de Charles Zeanah a
même évalué si la nature de l’accueil aux Etats-Unis pouvait favoriser la résilience à
l’expérience de déprivation précoce. Ainsi, les enfants ont été randomisés pour être confiés à
des familles d’accueil d’une part, ou à des structures collectives institutionnelles type
pouponnière ou foyer d’enfance. Un troisième groupe d’enfants, également placés mais
n’ayant pas connu de déprivation grave, servait de contrôle. S’ils retrouvent chez les enfants
fortement déprivés plus de troubles externalisés que dans le groupe contrôle, et ce, quelle que
soit la nature de la prise en charge à leur arrivée aux Etats-Unis, par contre pour les troubles
internalisés, le placement en famille d’accueil apparaît significativement bénéfique par
rapport au placement en structure collective. De manière générale dans ces études, les garçons
sont toujours plus symptomatiques que les filles, quelles que soient les prises en charges (C.
H. Zeanah et al., 2009). Enfin quelques cas d’autisme ont aussi été rapportés (M Rutter et al.,
2007).
Des études épidémiologiques récentes de grandes cohortes ont permis de montrer comment
des facteurs familiaux non génétiques pouvaient participer au risque suicidaire chez les
enfants de parents ayant connu un abus sexuel dans l’enfance (Brodsky et al., 2008).
108
DÉVELOPPEMENT INTRA-UTÉRIN
PETITE ENFANCE
NAISSANCE
Age de début
des troubles
1er Trim.
Changements
histologiques
2ème Trim.
Migration
neurale
Prolifération
neurale
Changements
hormonaux
3ème Trim.
Autisme
Déficience intellectuelle
Premier âge
(0 – 2)
TDAH
Petite enfance
(2 – 6)
Myélinisation
Formation des
synapses
Hormones maternelles
ENFANCE
ADOLESCENCE
Age de début
Anxiété
Troubles des conduites Dépression Toxicomanie Schizophrénie
des troubles
Enfance
Pré-adolescence
Adolescence
Fin d’adolescence Age adulte
(6 -10)
(10 -12)
(12 -16)
(16 - 20)
Myélinisation
Changements
Synapse / Hyper expression des récepteurs
histologiques
Elagage synaptique
Changements
hormonaux
Augmentation des hormones sexuelles
Figure 3 - Age de début des principaux troubles psychiatriques de l’enfant et de l’adolescent suivant une vue
développementale des changements hormonaux et histologiques dans le cerveau. (Modified by D. Cohen
(Cohen, 2011, en relecture) from (Ernst & Fudge, 2009)
Ce modèle nous apporte une vision intégrative et temporelle des différents facteurs
intervenants dans le développement des psychopathologies chez l’enfant et l’adolescent. Les
stress maternels ne sont qu’un de ces facteurs, mais qui peut en influencer d’autres sur le plan
biologique (hormonaux, régulation des neurotransmetteurs…) et interactionnels. Ce facteur a
aussi la propriété d’être un des facteurs sur lesquels nous pouvons potentiellement intervenir
sur le plan microscopique, par des prises en charge précoces et sur le plan macroscopique, par
une réflexion sur les pratiques et les conséquences éthiques de l’avancée technologique du
diagnostic prénatal.
VII. Limites et Perspectives
A. Limites
Ces études demandent à être confirmées dans des populations plus importantes et dans
d’autres setting. Les protocoles techniques évoluant sans cesse sur le plan somatique dans le
109
domaine du prénatal est à la fois fascinant, mais aussi porteur de nombreuses inconnues,
autant pour les familles que pour les professionnels. Les concepts sont mouvants et évoluent
en fonction des réflexions éthiques et sociétales. En effet, au travers de l’ « anomalie
suspectée », on touche la question du handicap et de sa place et de son acceptation dans la
société. Le dépistage à tout prix de la trisomie 21 en est un bon exemple. Il devient difficile
pour un couple de décider de prendre son futur enfant tel qu’il sera et de refuser les examens
portant sur cette pathologie génétique quand le sens du dépistage est « détectons la trisomie
21, pour pouvoir proposer une interruption de grossesse et empêcher la naissance d’un futur
enfant handicapé pour la société».
La place du père
Il est fréquemment reproché aux études de négliger les pères dans les études de périnatalité.
Cette limite est importante et nous avons souhaité, comme les autres, pouvoir les intégrer à
nos recherches. Les femmes restent cependant plus disponibles pendant la période de la
grossesse et du post accouchement du fait de leur congé maternité et la présence des pères
étant plus aléatoire, nous avons renoncé à les intégrer. Cependant la présence des pères et leur
place dans la constellation familiale a été interrogé dans les entretiens semi structurés. Dans le
cadre de ces entretiens, des échelles analogiques ont été remplies par les mères pour évaluer le
profil représentationnel de leur conjoint que nous souhaitons pouvoir confronter au même
profil rempli pour la mère et pour l’enfant dans des analyses ultérieures.
Leur rôle au cours des séances échographiques a été relevé dès qu’ils étaient présents.
Les possibilités de prises en charge
Nous avons pu constater combien les femmes appréciaient les entretiens au cours de l’étude.
Ceux ci étaient parfois très long, mais jamais elles n’ont demandé à l’écourter, bien au
contraire, et elles ont souvent exprimé le désir de poursuivre les rencontres à la fin de l’étude.
Nous avons senti, que nous leur offrions là un espace d’écoute et d’élaboration qu’elles
n’avaient pas pu trouver ailleurs et qui nous encourage à penser que cette temporalité serait
propice à un travail. En effet, ces femmes étaient à l’écoute et en demande d’aide, ce qui
risque de se fermer dans un second temps comme le décrit M. Bydlowski (Bydlowski, 1997).
Les modèles d’intervention précoces, même in utéro ne manquent pas. Ils ont montré leur
efficacité par des études longitudinales dans des populations particulières (Cramer & PalacioEspasa, 1993; Nezelof, 2006)
Mais la mise en pratique de toute prise en charge préventive en périnatalité se doit de
s’intégrer dans la dynamique interdisciplinaire du réseau périnatal, comme le souligne
Missonnier (Missonnier, 2003). Dans le cadre de l’échographie fœtale, cet élément est crucial.
110
En effet, il est deux temps distincts en jeu dans la prévention de troubles des interactions dans
cette situation. L’une concerne la prévention primaire, en amont, par le travail institutionnel
auprès des équipes du prénatal et dans le cadre de la formation des échographistes. La
seconde concerne une prévention secondaire, après l’annonce, dont la temporalité exacte reste
à définir. Cependant, il existe plusieurs obstacles à sa mise en place. Ainsi, notre étude nous
offre des indices en prépartum, comme le niveau de dépression ou le style représentationnel
des femmes qui nécessiteraient le plus de soins, puis en postnatal, l’interaction autour de
l’alimentation montre des signes d’alerte. Mais la temporalité en maternité est tout autre et
offre peu aux soignants la possibilité de cette observation.
Deux temps pourtant pourraient permettre de détecter ces femmes afin de leur proposer une
prise en charge. Le temps de la consultation de diagnostic anténatal, qui permet un dialogue
posé avec les femmes enceintes et leur conjoint, et à la naissance par l’observation d’une
interaction autour de l’alimentation par la puéricultrice ou la sage femme. On peut regretter
cependant que la durée d’hospitalisation post partum se soit réduite à 2, 3 jours pour les
femmes accouchant par voie basse. En effet, ce temps extrêmement court, laisse peu de temps
aux professionnels d’assurer cet accompagnement aux parturientes de nouer une relation de
confiance suffisante pour réussir à exprimer leurs difficultés et leurs doutes.
B. Perspectives
Ces travaux nous ont orientés vers deux pistes principales de recherche que nous
souhaiterions développer.
D’abord sur le pôle du prépartum, en maternité. Nous souhaitons tout d’abord finir
d’exploiter les données recueillies, tant sur le plan des observations des échographies et de
leurs mises en lien avec les représentations maternelles et ainsi exploiter des observations
cliniques réalisées sur une centaine d’échographies.
Sur le plan des représentations maternelles, un grand nombre de données qualitatives ont été
recueillies au cours de la seconde étude, qui permettrait une analyse plus fine encore de la
dynamique en jeu dans cette perturbation des représentations maternelles et que nous
souhaitons développer dans un prochain article.
En post natal, nous envisageons aussi de créer une cohorte de suivi de ces dyades pour
évaluer au long court l’impact de cet événement sur le développement de l’enfant et des
interactions parents enfants. Certaines mères ont souhaité elles mêmes garder ce contact et
une évaluation à 4 ans a été réalisée pour quelques unes d’entre elles.
111
Le CIB nous a permis de trouver un outil à la fois objectif et clinique intégrant toutes les
approches théoriques connues de l’interaction précoce, objectivant, mais en en conservant le
signifiant clinique et l’intentionnalité et la réciprocité dynamique propre à l’interaction.
Après un training soutenu et de nombreux échanges avec l’équipe de Ruth Feldman autour de
leur outil, nous avons entrepris une validation française du Coding Interactive Behavior,
comprenant les développements ultérieurs entrepris par R. Feldman sur l’alimentation et le
nouveau né.
Par ailleurs, nous avons décidé de prolonger ce travail autour d’un partenariat proposé par
l’équipe israélienne de Miri Keren. Le Dr Keren a ainsi mis en place un protocole de
recherche action autour des situations de négligence émotionnelle précoce. Tous les
intervenants de la petite enfance sont conscients de la nécessité d’une prise en charge la plus
précoce et le plus intensive possible pour ces situations de négligence émotionnelles
parentales sévères pour lesquelles plane généralement la menace d’un placement de l’enfant.
Avec l’équipe de Vivaldi, nous nous sommes attelés à la mise en place de ce protocole adapté
à notre setting et l’étude pilote est actuellement en cours.
Au delà de l’étude, celle ci a débouché sur d’autres pistes de réflexions :
La prise de décision au cours des entretiens de diagnostic prénatal est aussi une question
fondamentale et les études linguistiques nous permettraient d’avoir les outils nécessaires pour
développer une recherche en ce domaine permettant d’éclaircir pour les professionnels du
diagnostic anténatal leur véritable rôle dans le choix décisionnel des couples.
Le rapport de la femme enceinte à l’image et en particulier à l’image virtuelle qui porterait sur
l’analyse des profils psychologiques des femmes enceintes exposant les images
échographiques de leur fœtus sur internet et les réseaux sociaux.
Sur un autre plan tout à fait novateur en psychiatrie périnatale, une collaboration se construit
actuellement autour de la modélisation informatisée de l’interaction précoce mère enfant avec
l’équipe de M. Chetouani à l’ISIR. Cette équipe a déjà développé des modèles interactionnels
dans d’autres setting avec une approche qui consiste à détecter des informations non-verbales
(prosodie, pause, mouvement de la tête) caractéristiques de la régulation lors d’un dialogue
multimodal. Un nouveau domaine de recherche interdisciplinaire s’est ainsi ouvert, appelé
Traitement du Signal Social (Social Signal Processing) (Vinciarelli, Pantic, & Bourlard,
2009). Une approche multi-modale de caractérisation de la synchronie dans une dyade a déjà
été proposée pour des enfants en âge scolaire (Delaherche & Chetouani, 2010).
112
VIII. Conclusion
Le lien entre le pré et le post natal constitue un continuum dynamique. L’accouchement et la
naissance en constituent une césure d’importance, mais celle ci n’efface pas le parcours
préalable du prépartum.
Un événement comme l’annonce d’un faux positif de type soft marker à l’échographie fœtale
n’est donc pas un non événement vite balayé par l’intensité de la rencontre avec l’enfant. La
réalité physique que lui donne la technologie du dépistage anténatal, sous forme de l’image
échographique, constitue une trace mnésique indélébile qui marque les représentations
maternelles en construction au cours de la grossesse. Or cette représentation constitue la base
de l’interaction et des projections maternelles lors de l’interaction précoce mère enfant
quelque soit la base théorique utilisée pour la définir et la décrire Attachement,(CH Zeanah &
Zeanah, 1989), modulation interactive (Stern, 1995), les capacités réflexives Bion (Bion,
2003) ou Oppenheim (Koren- Karie, Oppenheim, Dolev, Sher, & Etzion- Carasso, 2002 July).
La part de l’acquis dans le développement des psychopathologies de l’enfant est une part
importante de la clinique du nourrisson et donc de son environnement proche que constitue la
relation précoce à son caregiver. La nécessité d’infléchir le plus précocement possible les
situations de dyssynchronies apparait ainsi primordiale dans les soins précoces et en
prépartum quand cela est possible. Les analyses multivariées montrent que les niveaux
d’anxiété et de dépression et la nature des représentations maternelles mesurées à partir
d’outils objectifs permet de distinguer les mères les plus en difficulté. La prolongation de ce
travail autour de l’évaluation des prises en charge intensive précoce va dans ce sens.
Par ailleurs, ces articles montrent aussi la nécessité du développement de recherche autour des
nouvelles technologies du prénatal afin d’accompagner au mieux les professionnels en prise
directe avec des questions éthiques qui bousculent les repères identitaires et culturels de
chacun, qu’il soit soignant ou soigné.
113
IX.
BIBLIOGRAPHIE
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