2 cahier de FC de L’actualité pharmaceutique | février 2011 | www.ProfessionSante.ca
Physiopathologie
La polyarthrite rhumatoïde se caractérise par de
la raideur, de l’enflure et de la douleur aux arti-
culations. L’atteinte est habituellement symétri-
que et touche principalement les mains et les
pieds. Il peut aussi y avoir des manifestations
extra-articulaires avec atteintes des yeux, du
cœur et des poumons. La cause exacte de la
polyarthrite demeure inconnue. Par contre, nous
savons maintenant que son développement peut
être lié à des facteurs génétiques, comme à l’al-
lèle HLA-DRB1, ainsi qu’à des facteurs environ-
nementaux, dont le tabagisme. Les symptômes
de la polyarthrite découlent de la destruction du
cartilage des articulations et des os sous-
jacents, ainsi que de la présence d’inflammation
dans le liquide synovial1,4. Il est maintenant clair
que plusieurs cytokines inflammatoires comme
le TNF-α et l’interleukine-6, ou pro-inflammatoi-
res telles que l’interleukine-1, peuvent être pro-
duites en plus grande quantité dans la polyarth-
rite rhumatoïde1.
Principe de traitement :
Lors du diagnostic, il est indiqué de débuter
rapidement un traitement avec un ou des ARAL
dans le but de limiter l’apparition de dommages
articulaires. Le choix de l’agent est fait en fonc-
tion de la durée et de la sévérité de la maladie
ainsi que de la présence ou non de facteurs de
mauvais pronostic. Il faut évidemment tenir
compte des comorbidités et de la préférence du
patient3,5. Le méthotrexate demeure la pierre
angulaire du traitement5,6. Les anti-inflamma-
toires et les corticostéroïdes peuvent être utili-
sés pour contrôler les symptômes. Cependant,
leur utilisation devrait être réservée, dans la
mesure du possible, aux changements d’ARAL
ou lors d’un arrêt temporaire de ceux-ci. En rai-
son des complications reliées à leur usage3,5,
une utilisation à long terme de ces agents doit
être évitée. Lorsque les ARAL ou une combinai-
son de ceux-ci ne fonctionnent plus, les MRB
peuvent être envisagés5,6. Les MRB disponibles
pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde
sont présentés aux tableaux 1 et 2. Un suivi
étroit de leur efficacité doit être effectué afin de
s’assurer que les objectifs d’amélioration et de
rémission soient atteints le plus rapidement
possible. Le traitement se doit d’être modifié si
la réponse est jugée insatisfaisante1,3,5.
Traitement de la polyarthrite
rhumatoïde à l’aide des MRB
Les agents ciblant le TNF-α ont été les premiers
disponibles sur le marché. De ce fait, ils bénéfi-
cient d’une plus grande expérience clinique, et
sont donc les premiers à être utilisés lorsque les
ARAL ne suffisent plus à contrôler la maladie5.
Ce sont des médicaments très efficaces. Ils se
sont principalement démarqués dans les étu-
des portant chez des patients aux prises avec
une maladie tardive, où le placebo obtient un
faible taux de réponse. Les agents ciblant le
TNF-α ont aussi été étudiés en monothérapie
lors d’un traitement de première intention chez
des patients naïfs aux ARAL, y compris le métho-
trexate, avec des taux de réponse comparables
à celui-ci1,7,8.
Ces résultats, en plus d’un coût prohibitif
(le coût d’un traitement annuel pouvant attein-
dre 20 000 $) ont relégué leur utilisation à un
traitement de deuxième intention. La plupart de
ces agents ont toutefois le statut de médica-
ment d’exception à la Régie de l’assurance
médicament du Québec. Pour être remboursés,
les patients doivent présenter certains critères
de sévérité de la maladie. De plus, la maladie
doit être toujours active malgré l’essai de deux
ARAL, utilisés seul ou en association, pendant
au moins 3 mois chacun. En l’absence d’une
intolérance ou d’une contre-indication sévère,
l’un de ces deux agents doit être le méthotrexate
à une dose de 20 mg ou plus par semaine.
D’ailleurs, la plupart des agents biologiques
seront utilisés en combinaison avec le métho-
trexate5.
L’efficacité de tous les MRB disponibles a été
démontrée lorsqu’utilisés en combinaison avec
le méthotrexate chez des patients ayant pré-
senté une réponse inadéquate à ce dernier. Chez
ce type de patient, les résultats combinés de
16 études démontrent que 3,2 fois plus de
patients ont atteint 50 % d’amélioration des
critères de l’American College of Rhumatology
(ACR) après 6 mois de traitement avec la com-
binaison d’un MRB et du méthotrexate par rap-
port au méthotrexate seul7. Cependant, malgré
l’efficacité des anti-TNF-α, environ 30 % des
patients traités avec ces agents n’atteindront
pas une amélioration de 20 % des critères de
l’ACR9.
Lorsque les anti-TNF-α ne sont plus consi-
dérés comme des options de traitement, soit en
raison d’une non-réponse, d’une perte d’effica-
cité ou d’une intolérance, d’autres avenues peu-
vent être envisagées. À la suite d’une perte
d’efficacité avec l’infliximab (Remicade) et
l’adalimumab (Humira), il est possible d’aug-
menter la dose et/ou de diminuer l’intervalle
d’administration. Si un changement d’agent
s’avère nécessaire, aucune étude comparative
pouvant nous permettre de faire un choix éclairé
n’est disponible5,6. Il est néanmoins suggéré de
considérer la raison de la non-réponse au
moment de choisir la nouvelle molécule. En
effet, le choix du nouvel agent peut être orienté
en fonction des trois situations suivantes : un
manque d’efficacité dès le départ, une perte
d’efficacité en cours de traitement et l’appari-
tion d’un effet indésirable. En présence d’une
perte d’efficacité ou d’un effet indésirable à un
agent anti-TNF-α, il a été démontré qu’un second
agent de la même classe peut être tenté avec un
meilleur taux de réponse par rapport aux patients
ayant souffert d’une inefficacité au départ9,10.
Ces données suggèrent qu’il serait préférable
d’utiliser un MRB d’une autre classe chez les
patients n’ayant présenté aucune efficacité dès
le départ à un agent anti-TNF-α. Toutefois, le
golimumab (Simponi) s’est avéré efficace chez
ce type de patient11. Aucun consensus, pour le
moment, ne fait état de la meilleure stratégie à
adopter dans une telle situation. Ajoutons qu’un
emploi séquentiel des anti-TNF-α a démontré
une diminution de la réponse d’agent en agent.
En effet, une étude réalisée à partir du registre de
patients suédois a identifié une baisse de la
réponse lors de l’utilisation d’un deuxième ou
d’un troisième anti-TNF-α comparativement aux
patients naïfs à ceux-ci. En effet, les critères de
l’ACR 50 a été atteint chez seulement 27 % des
patients lors de l’utilisation d’un deuxième agent
et chez 18 % lors du troisième9.
Autres options
Lorsque l’utilisation d’un agent d’une autre
classe est désirée, quatre options sont à consi-
dérer, soit l’anakinra (Kineret), le rituximab
(Rituxan), l’abatacept (Orencia) et le tocilizu-
mab (Actemra). Contrairement aux autres,
l’anakinra n’a pas été étudié dans ce contexte
précis et ne fait donc pas partie des médica-
ments d’exception. De plus, l’anakinra semble
moins efficace que les anti-TNF-α3. Par consé-
quent, cette molécule est très peu utilisée en
pratique. Quant au rituximab, son efficacité
chez les patients ayant connu un échec aux
anti-TNF-α a été démontrée dans l’étude
REFLEX. Dans cette étude, on a administré du
rituximab ou un placebo en combinaison avec
du méthotrexate chez des patients ayant eu un
échec au traitement avec au moins un agent
anti-TNF-α. Après 24 semaines, 51 % des
patients atteignaient 20 % d’amélioration des
critères de l’ACR dans le groupe rituximab
contre 18 % dans le groupe placebo12.
Cependant, jusqu’à 1/3 des patients ne répon-
dront pas au rituximab à la suite d’un échec à
un anti-TNF-α. Aussi, l’absence d’un facteur
rhumatoïde a été associée à un plus faible taux
de réponse au rituximab11. L’abatacept a été
étudié chez des patients ayant présenté un
échec à un agent anti-TNF-α dans l’étude
ATTAIN. L’abatacept était comparé au placebo
chez des patients recevant un traitement avec
un ou des ARAL, dont 75 % des patients rece-
vaient du méthotrexate. Après 6 mois de traite-
ment, 50,4 % des patients dans le groupe aba-
tacept et 19,5 % des patients dans le groupe
placebo atteignaient 20 % d’amélioration des
critères de l’ACR13. Des résultats similaires ont
aussi été démontrés avec le tocilizumab. Dans
l’étude RADIATE, le tocilizumab, à raison de
4 mg/kg et de 8 mg/kg, était comparé au pla-
cebo chez des patients ayant eu un échec à au
moins un anti-TNF-α. Tous les patients rece-
vaient du méthotrexate. Le tocilizumab à une
dose de 8 mg/kg s’est montré plus efficace
avec une réponse plus rapide que la dose de
4 mg/kg. Après 6 mois de traitement, significa-
tivement plus de patients ont atteint 20 %
d’amélioration selon les critères de l’ACR com-
parativement au placebo dans le groupe ayant
reçu la dose de 8 mg/kg, soit 50 % par rapport à
10,1 %14. Concernant l’abatacept et le rituximab,
leur efficacité diminue avec le nombre d’échecs
aux anti-TNF-α. Le tocilizumab semble, quant à
lui, demeurer aussi efficace peu importe le nom-
bre d’échecs aux anti-TNF-
α9,11,15.
Tableau 1
Modificateurs de la réponse biologique anti-TNF-α
Agent Mécanisme d’action Dose initiale
Infliximab (RemicadeMD) Anticorps monoclonal de souris inhibant le TNF-α 3 mg/kg IV sem 0-2-6 et q 8 sem
Étanercept (EnbrelMD) Forme recombinante 2 récepteurs solubles TNF + 25 mg 2 fois/sem ou
portion Ig humaine liant le TNF-α et β 50 mg sc 1 fois/sem
Adalimumab (HumiraMD) Anticorps monoclonal humain anti-TNF-α 40 mg sc q 2 sem
Golimumab (SimponiMD) Anticorps monoclonal humain anti-TNF-α 50 mg sc q 4 sem
Certolizumab pegol (CimziaMD) Fragment Fab' d'un anticorps monoclonal 400 mg sc sem 0, 2 et 4
humanisé recombinant anti-TNF-α puis 200 mg q 2 sem.
Traitement d’entretien :
400 mg sc q 4 sem
Lors du diagnostic,
il est indiqué
de débuter rapidement
un traitement
avec un ou des ARAL
dans le but de
limiter l’apparition
de dommages
articulaires.