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EDC LE SAHARA : RESSOURCES ET CONFLITS
Le Sahara est le plus grand désert du monde. Ce désert chaud, de 8,5 millions de km², et peuplé
d'environ 7 millions d'habitants, a longtemps fait figure d'espace en sommeil. Or, depuis 50 ans, il
est devenu un espace dynamique et attractif, convoité pour les ressources de son sous-sol. Le
Sahara est ainsi un centre d'enjeux économiques et politiques, à la fois pour les pays de la région
mais également et de plus en plus pour les puissances extérieures.
Quels sont les enjeux géostratégiques de l'ensemble saharien au regard des ressources
qu'il recèle ?
I – Un espace de contraintes disposant de ressources convoitées:
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un espace de contraintes :
Le Sahara se situe dans le nord du continent africain. Il s'étend de l'océan Atlantique à la mer
Rouge et sépare l'Afrique du Nord de l'Afrique sub-saharienne. Mais ce n'est que la partie
africaine, il se poursuit en réalité jusqu'en Mongolie sous la forme d'une diagonale sèche et sous
d'autres noms. « Sahara » est dérivé du mot arabe « ashar », la couleur ocre.
Le Sahara présente les contraintes des déserts chauds : les conditions de vie y sont rudes du fait
d'une aridité importante (hyperaridité), où les précipitations sont presque nulles et où les
températures varient fortement pendant l'année et la journée. Températures très élevées (entre 40
et 50°C à l’ombre), des années sans pluies, des vents desséchants permanents font que la
végétation ne peut survivre en dehors des points d’affleurement de l’eau. 80 % de l'eau qui tombe
s’évapore, 15 % ruisselle et seulement 5 % s’infiltre.
Le Sahara est un milieu hostile à l'installation sédentaire permanente des hommes en dehors des
zones de sources (oasis) ou d’accumulation des eaux au pied des montagnes.
Au Nord et au Sud, des sahels (rivages en arabe) servent de liaison avec le monde tropical au sud
et méditerranéen au nord. Ces zones de transition sont plus humides et traditionnellement utilisées
par les éleveurs (dromadaires, moutons, chèvres au nord et bovins au sud) et par des paysans
cultivant des céréales grâce à l’irrigation.
Les paysages sahariens sont essentiellement pierreux (regs), et à superficie égale sableux (ergs)
et montagneux. Le sel venant de l’évaporation des anciens lacs est partout présent dans les sols,
l’eau et l’air.
Une autre contrainte réside dans la répartition déséquilibrée de la population en faveur des
littoraux méditerranéen et atlantique et en défaveur du Sahara où les populations se concentrent
dans les oasis comme Gardhaïa (Algérie) ou Chinguetti (Mauritanie).
La population saharienne a connu une forte croissance en l’espace d’un demi-siècle. Elle comptait
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près de 2 millions de personnes au milieu des années 1950, pour plus de 7 millions aujourd’hui
(les chiffres sont sujets à discussion en fonction de la comptabilité des populations nomades et
des salariés des entreprises d'exploitation des ressources du sous-sol).
Les villes sahariennes témoignent de cette augmentation de la population, notamment au Sahel.
Ainsi, Nouakchott, capitale de la Mauritanie certes située au bord de l’océan mais sur des terres
sahariennes, a été fondée en 1956. Elle est passée de 135000 habitants en 1977 à plus de 850
000 en 2008. Au Sahel, N’Djamena, capitale du Tchad, est passée de près de 20 000 habitants en
1950 à 127 000 en 1970 et à 995 000 en 2010.
D’une manière plus générale, on ne comptait en 1950 qu’une seule ville saharienne de plus de 50
000 habitants, Biskra, au pied de l’Atlas algérien et donc aux limites du désert. En 2010, une
trentaine de villes dépassent les 100 000 habitants.
Cette croissance influe sur le poids de la population saharienne dans la population totale de
chaque pays, sans être dominante : en Libye, la population saharienne représentait 4,5 % de la
population totale du pays en 1964, 5,9 % en 1984 et 6,5 % à la fin des années 1990.
Véritables villes-champignons, les villes sahariennes doivent leur exceptionnelle vitalité à la
croissance de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et la réduction de la mortalité
infantile, dans un contexte de maintien de la fécondité à des niveaux élevés. Mais la croissance
urbaine s'explique également par l'afflux de migrants qui ont convergé vers ces centres urbains
depuis les années 1960. La croissance de Nouakchott s’explique en grande partie par ce
phénomène, tout comme celle des villes sahéliennes qui ont vu converger dans les années 1970
des populations touchées par la sécheresse et la famine et qui se sont ensuite sédentarisées.
La volonté des États sahariens de mieux contrôler leur territoire induit la présence accrue de
militaires et de fonctionnaires vivant en ville en famille. Enfin, l’exploitation des ressources du sol et
du sous-sol saharien a accru la population saharienne.
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un espace disposant de ressources :
Les ressources du Sahara sont les hydrocarbures, le potentiel d’énergie solaire, l’uranium et les
nappes phréatiques.
Les ressources d'eau sont des ressources vitales, certaines fossiles, les nappes aquifères (ne se
renouvelant pas ou peu à l'échelle humaine).
C’est en Algérie et en Libye que les ressources en hydrocarbures sont les plus abondantes, mais
on en trouve également en Égypte et au Soudan. Le Niger possède des ressources d'uranium, le
Maroc des phosphates et la Mauritanie du fer.
Mais le Sahara présente surtout un grand potentiel en énergie solaire qui en fait une zone
stratégique pour l'avenir, malgré les nombreux nombreux obstacles techniques :conditions d’aridité
extrême, difficultés de transport de l’électricité produite.
Pour exploiter les différentes ressources des infrastructures ont été mises en place :
routes,oléoducs, gazoducs, centrales solaires, canalisations, réservoirs...
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L'exploitation de ces ressources met en contact des acteurs publics et privés. Les États jouent un
rôle important , mais de grands groupes privés investissent et sont en concurrence.
Cependant, l'exploitation des ressources énergétiques ne bénéficie pas ou peu aux populations
sahariennes. Exploitées par des FTN étrangères, souvent européennes (Areva, BP...) mais de plus
en plus originaires des pays émergents (Chine, Inde...) ces ressources sont destinées à
l’exportation (minerais et hydrocarbures) ou aux populations littorales (hydrocarbures peu chers).
Elles sont ainsi peu génératrices d’emploi pour les locaux ou de construction d’équipements qui
bénéficieraient à l'ensemble de la population.
Les États, de plus intéressés par les ressources de la région, courtisent les pays sahariens en
pratiquant une « politique du cadeau », en finançant par exemple des infrastructures (Soudan,
Algérie).
De ce fait, ces ressources jouent un rôle-clé dans le revenu des États, formant une « économie de
rente ». La rente pétrolière soutient les économies algérienne et libyenne, et l'uranium représente
le 1/3 des exportations du Niger. Mais face à la corruption et à la faible diversification de
l'économie, elle profite peu aux populations locales. Ainsi, le Niger, malgré ses ressources est l'un
des plus pauvres au monde (la ½ de la population est en situation de pauvreté).
II : Un ensemble politique fractionné mais parcouru par de nombreux flux :
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un ensemble qui s'étend sur 10 pays
Le Sahara est un espace politiquement instable. Il est divisé en 10 États dont aucun n'est
entièrement saharien, avec une différence majeure entre les pays du nord (arabes, berbères et
musulmans) aux États plus structurés et aux économies plus développées, pourvus d'une façade
maritime, et les États saharo-sahéliens du sud, plus fragiles et pauvres.
Les frontières, tracées par les puissances coloniales, ont artificiellement divisé un espace qui
fonctionnait comme un ensemble (commerce très actif depuis le Moyen-Age à partir des routes
caravanières jalonnées d'oasis).
Certains peuples sont séparés par des frontières : les Touaregs sont ainsi divisés entre Algérie,
Libye, Mali et Niger.
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Un espace parcouru par un nombre croissant de flux :
Pour intégrer le Sahara au territoire national, les États ont amélioré l'encadrement administratif et
multiplié les équipements : routes bitumées, voies ferrées et aéroports. La route joue un rôle
majeur dans le développement des réseaux, de l'échelle locale à l'échelle mondiale.
Dans ce nouveau contexte, les échanges transsahariens sont réactivés depuis les années 1990.
Ils profitent des différences de richesses et de réglementation entre États maghrébins et États
sahéliens : produits de consommation courante et carburants du nord sont échangés contre bétail,
produits agricoles et contrebande venus du sud.
L'essor des trafics a pris une ampleur inégalée. Des acteurs locaux cherchent à bénéficier de la
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circulation des hommes et des marchandises en créant des activités illicites. Certaines villes,
comme Tamanrasset sont devenues les plaque-tournantes de ces trafics de drogue, d'armes, de
contrebande mis en œuvre par des réseaux mafieux.
Face à la fermeture des frontières européennes, une nouvelle route migratoire contourne la
Méditerranée pour passer par la Turquie et la Grèce. Les conflits alimentent de nouveaux flux :
drogue vers l'Europe via le Maghreb, réfugiés fuyant le Darfour et le nord du Mali, armes et
combattants venus de Libye pour alimenter Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ou Boko
Haram .
Ces frontières sont difficiles à contrôler du fait de leur longueur, du milieu désertique et de
l'absence de peuplement dans ces régions. Certains États sahariens (Mali, Niger) sont trop fragiles
politiquement et militairement pour en assurer la surveillance.
III : Un espace soumis à de multiples tensions et conflits :
Le Sahara est l'objet de tensions et de conflits armés du fait de son intérêt économique et
stratégique et du contexte géopolitique régional trouble (printemps arabes, groupes islamistes
comme AQMI..).
La Libye de Kadhafi était un partenaire commercial et financier essentiel du Mali et du Niger. Sa
chute a accéléré la déstabilisation économique de la région entre Mali, Niger et Algérie, devenue
une « zone grise » (zone contrôlée par une autre autorité que l’État et intégrée à la mondialisation
par des flux illégaux) aux mains de groupes armés.
C'est dans cet espace que se développe le djihadisme, dans un contexte de mal-développement
et d'impuissance des États. Le nord du Mali est passé depuis 2012 sous le contrôle des rebelles
touaregs alliés d'AQMI. Le Nord-Est du Nigeria est contrôlé par Boko Haram (qui a fait allégeance
à Daech).
On peut ainsi distinguer dans cet ensemble, 3 types de conflits :
•
Les conflits liés à la mise en valeur des ressources, souvent dus à la répartition des profits
entre États et FTN. Mais il peut aussi s'agir de conflits entre États : partage des eaux du Nil
entre Égypte, Soudan et Éthiopie, conflits d'usage entre agriculteurs sédentaires et
éleveurs nomades...
Le contrôle des ressources réactive parfois d'anciens conflits : les partisans de
l'indépendance du Sahara occidental contestent l'exploitation des phosphates par le Maroc.
Cette question du contrôle des ressources bloque le processus de paix avec les Touaregs
au Mali et provoque de nouveaux conflits (Soudan/Soudan du Sud).
Dans la partie sahélienne, les conflits d'usage entre éleveurs et cultivateurs, pour l'accès à
l'eau se multiplient.
•
Les conflits liés aux frontières contestées : guerre des sables entre l'Algérie et le Maroc
(1963), guerre entre Tchad et Libye (1986-1987), Sahara occidental depuis 1991...
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Les conflits liés à l'établissement récent de bases terroristes islamistes dont le
développement a été favorisé par l'immensité et la vacuité du Sahara, la pauvreté et la
faiblesse des États sahéliens, la désagrégation de l’État libyen.
Presque tous les États sahariens ont connu un conflit dans les 20 dernières années.
Des interventions étrangères ont lieu pour tenter de réguler les conflits. L'ONU assure des
opérations de maintien de la paix au Sahara occidental et au Darfour. L'armée française intervient
au Mali depuis la rébellion touarègue de 2012. Ces interventions cherchent à rétablir la sécurité au
Sahara, devenu une base arrière du terrorisme et à s'assurer la maîtrise des ressources.
Ce contexte d'insécurité entraîne une certaine remise en cause des investissements et entrave le
développement économique.
En dépit de ses faibles densités et de son extrême aridité, le Sahara est devenu un espace
stratégique international, à la fois pour les États d’Afrique du Nord et du Sahel, mais aussi pour les
pays émergents et les autres grandes puissances. Mais son développement économique et social
est encore faible malgré des mutations en cours.
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