Financer la lutte contre les changements climatiques

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Briefing mars 2009
Financer la lutte contre les changements climatiques :
la responsabilité internationale de l’Union européenne.
En janvier 2009, la Commission européenne a publié sa « Communication
Copenhague ». Ce texte présente des propositions initiales pouvant permettre de
générer un afflux de fonds vers les pays en développement dans le cadre du futur
accord de Copenhague sur la lutte contre le dérèglement climatique. L’objectif est de
soutenir les investissements pour des énergies vertes, la protection des forêts
tropicales et les mesures d’adaptation aux impacts déjà inévitables des changements
climatiques.
Les chefs d’État européens, qui se réunissent le 19 et 20 mars à Bruxelles, sont
censés apporter leur soutien à un mécanisme solide de financement et s’engager sur
des montants concrets. Greenpeace présente ici une synthèse de ses attentes à
l’égard des dirigeants européens.
L’accord de Copenhague doit canaliser des ressources publiques pour les pays en
développement d’un montant minimum de 110 milliards d’euros d’ici à 2020. Les pays
industrialisés et les nouveaux pays industrialisés (NPI)1 doivent y apporter une
contribution équitable, ce qui signifie, pour l’Union européenne, 35 milliards d’euros par
an d’ici à 2020.
Greenpeace demande aux États membres de l’Union européenne de :
- proposer la conception d’un nouveau mécanisme robuste de financement dans le
cadre de l’accord de Copenhague qui exigera des pays qu’ils paient une part de leur
budget annuel d’émissions de gaz à effet de serre ;
- reconnaître le besoin financier des pays en développement en matière
d’investissements en énergies vertes d’au moins 40 milliards d’euros par an d’ici à
2020 ;
- reconnaître la nécessité de créer un fonds doté d’au moins 30 milliards d’euros par an
d’ici à 2020 pour la lutte contre la déforestation ;
- assumer la responsabilité des dégâts causés dans les pays en développement, et
contribuer au fonds pour l’adaptation à hauteur minimum de 40 milliards d’euros par an
d’ici à 2020.
La responsabilité de l’Union européenne et sa capacité à agir
Pour obtenir un accord satisfaisant à Copenhague, l’Union européenne doit ouvrir la
marche et lancer dès aujourd’hui un signal fort au reste du monde. Le commissaire
européen à l’Environnement Stavros Dimas a ainsi résumé la situation en janvier
dernier : « Pas d’argent, pas d’accord ».
Les besoins de financement des pays en développement doivent d’abord être
reconnus pour qu’on puisse attendre d’eux qu’ils conçoivent des stratégies de
développement durable. Ces négociations ouvertes et constructives ne pourront
débuter sérieusement que lorsque l’UE aura mis de l’argent sur la table.
1
Les nouveaux pays industrialisés (NPI) sont les nations dont le PIB par habitant était supérieur à
15 000 dollars US (à parité de pouvoir d’achat, ppa) en 2005, à l’exception des États insulaires vulnérables.
Parmi ces pays on trouve l’Arabie saoudite, la Corée du Sud, Singapour, le Koweit, Taïwan, etc.
1
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Soutenir financièrement les pays en développement dans le domaine des technologies
d’énergies propres et de l’adaptation redynamisera la demande internationale pour des
produits tels que les systèmes d’irrigation, les cellules photovoltaïques, les biogaz et les
constructions de protection du littoral. Cela relancera la croissance et l’emploi aussi bien
dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.
Les contributions financières de l’UE envers les pays en développement ne doivent en aucun
cas être considérées comme de la charité mais plutôt comme le remboursement d’une dette
historique. Les pays industrialisés sont conjointement responsables à 64 % de la crise
climatique actuelle, en raison de l’énorme quantité de gaz à effet de serre émise depuis leurs
révolutions industrielles, au 19e siècle. Le principal responsable historique reste les ÉtatsUnis, suivis de près par l’UE.2
L’Union européenne et les autres pays industrialisés doivent donc assumer leur
responsabilité en soutenant les pays en développement pour qu’ils puissent s’adapter aux
impacts déjà inévitables des changements climatiques et se développer d’une manière plus
durable. Greenpeace considère que les nouveaux pays industrialisés (NPI) doivent
contribuer de manière significative à ces efforts.
Les pays en développement les plus pauvres devront également mener des actions
autonomes, mais, jusqu’en 2020, les nations industrialisées doivent la marche.
L’énergie verte
Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (Giec) considère
que les pays en développement devraient réduire leurs émissions de 15 à 30 % d’ici à 2020
par rapport à un scénario « business as usual » pour empêcher que le réchauffement des
températures ne dépasse le seuil critique des 2°C et maintenir le dérèglement du climat à
des niveaux maitrisables.3
Les pays en développement ont d’ores et déjà beaucoup de difficultés à rendre leurs
sociétés plus durables. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) considère que les
investissements pour subvenir aux besoins habituels en électricité s’élèveront à eux seuls à
165 milliards de dollars US (131 milliards d’euros) jusqu’en 2010. Dans le cadre des
politiques actuelles, moins de la moitié de ce montant est pour l’instant disponible.4
Mais des investissements bien plus importants seront nécessaires pour permettre de
maintenir le dérèglement climatique sous contrôle. Ce n’est pas « mission impossible », mais
il faut de toute urgence que ces pays investissent dans des énergies propres et efficaces
pour générer un développement rapide et durable, à condition que les nations industrialisées
apportent une aide financière massive.
Le marché international des énergies renouvelables connaît une croissance régulière et
contribue déjà au développement d’économies stables et concurrentielles. En 2007,
l’industrie des énergies renouvelables a enregistré un chiffre d’affaire global de plus de 70
milliards de dollars US (56 milliards d’euros), soit presque le double de l’année précédente.
Les technologies des renouvelables sont à des stades différents d’avancement économique
et technique, mais cette variété est sans aucun doute suffisamment grande pour offrir des
options intéressantes, aussi bien aux nations industrialisées qu’aux pays en développement.
Greenpeace appelle les pays à investir dans les technologies des énergies renouvelables
2
Müller et. al. (2007). « Differentiating (Historic) Responsibilities for Climate Change ».
http://www.oxfordclimatepolicy.org/publications/DifferentiatingResponsibility.pdf
3
Le Giec précise également que les pays industrialisés devraient réduire leurs émissions de 25 à 40 % d’ici à
2020, par rapport aux niveaux de 1990. Greenpeace exhorte l’Union européenne à s’engager à atteindre l’objectif
de 40 % de réduction (dont 30 % de réductions domestiques).
4
AIE, World Energy Outlook, 2006.
2
Briefing mars 2009
pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles et créer des emplois hautement
qualifiés.
Bien que la plus grande part du financement nécessaire à rendre propres les secteurs de
l’industrie et de l’énergie devrait provenir des entreprises elles-mêmes, les pays
industrialisés doivent apporter une aide financière pour rendre possible ce changement et
créer les conditions nécessaires à un développement rapide des technologies renouvelables
et efficaces.
Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) estime que la conception
de systèmes énergétiques rejetant peu de carbone dans les pays en développement coûtera
25 à 50 milliards de dollars US par an (20 à 40 milliards d’euros) d’ici à 2020.5 Le rapport
Stern précise que le financement public pour la R&D, la phase des démonstrations et le
déploiement des technologies s’élèvera à 66 milliards de dollars US (50 milliards d’euros)
par an d’ici à 2030.6 La Commission européenne a présenté des résultats modélisés plus
détaillés dans l’étude d’impact accompagnant sa « Communication de Copenhague ». Elle a
estimé les investissements dans les secteurs énergétiques et industriels dans les pays en
développement à 71 milliards d’euros par an d’ici à 2020 (prix 2005).7 Ce chiffre prend en
compte les revenus générés par les marchés du carbone (soit 38 milliards d’euros).
Au vu des résultats de ces études, Greenpeace demande à l’Union européenne, aux autres
pays industrialisés et aux nouveaux pays industrialisés (NPI) de s’engager sur des
financements publics à hauteur d’au moins 40 milliards d’euros par an d’ici à 2020, pour
développer les renouvelables et l’efficacité énergétique dans les pays en développement
(en-dehors des sommes générées par les mécanismes du marché international du carbone).
La protection des forêts
La protection des forêts devra significativement contribuer à la réduction de la croissance
des émissions de gaz à effet de serre des pays en développement (déviation par rapport au
scénario « business as usual »). La déforestation est responsable d’environ 20 % des
émissions de gaz à effet de serre planétaire, soit plus que les émissions totales des ÉtatsUnis. Or Greenpeace estime que la déforestation dans un pays comme le Brésil peut être
stoppée d’ici à 2015.8
Des plans de réduction de la déforestation doivent être développés dans les autres pays et
régions touchés par la destruction des forêts tropicales. Greenpeace demande à l’Union
européenne de s’engager sur un objectif « zéro déforestation brute » dans les pays en
développement d’ici à 2020.
Greenpeace soutient la proposition de la Commission européenne de créer un fonds
multilatéral pour la protection des forêts, alimenté par des financements publics additionnels
à l’aide publique au développement (APD) actuelle et fondé sur un nouveau mécanisme de
financement international.9
5
Pnud (2008), « Rapport sur le développement humain, lutte contre le réchauffement climatique : solidarité
humaine dans un monde divisé », page 153.
6
Sir Nicholas Stern (2006), « Rapport Stern sur l’économie du changement climatique ».
7
Commission européenne (2009) « Document de travail du personnel de la Commission », page 13.
8
Greenpeace (2007), « Accord de reconnaissance de la valeur des forêts et de l’intérêt à stopper la déforestation
de l’Amazone », www.greenpeace.org/raw/content/international/press/reports/amazon-deforestationagreement.pdf
9
Greenpeace (2008), « Des forêts pour le climat : développer une approche hybride pour Redd »,
www.greenpeace.org/raw/content/international/press/reports/forestforclimate2008.pdf
3
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Le contrôle public de l’allocation de ressources financières est essentiel, afin de cibler en
priorité les mesures les plus à même d’assurer la protection des forêts, tout en optimisant les
bénéfices pour la biodiversité et les populations qui dépendent de ces forêts.
L’Union européenne doit suivre les recommandations de la Commission en s’opposant à la
commercialisation de « crédits forêts » de compensation sur les marchés du carbone. La
réduction des émissions dues à la déforestation doit intervenir en supplément – et non se
substituer – à la réduction des émissions dans les pays industrialisés. Dans sa
Communication relative à la lutte contre la déforestation, parue en octobre 2008, la
Commission a estimé que réduire de moitié la déforestation d’ici à 2020 coûterait de 15 à
25 milliards d’euros.10
Greenpeace demande aux pays industrialisés et aux nouveaux pays industrialisés de
contribuer à hauteur d’au moins 30 milliards d’euros par an, d’ici à 2020, afin de mettre un
terme à la déforestation brute dans les pays en développement à cette date.
Mesures d’adaptation
Greenpeace considère que les pays industrialisés et les nouveaux pays industrialisés
doivent contribuer à hauteur de 20 milliards d’euros aux mesures d’adaptation aux
changements climatiques (telles que la protection du littoral ou les systèmes d’irrigation) d’ici
à 2013, et passer ensuite progressivement à au moins 40 milliards d’euros par an d’ici à
2020 (50 milliards de dollars US).11
La Commission européenne présente un chiffre inférieur (10 milliards d’euros d’ici à 2020)
parce qu’elle considère que certains des coûts d’adaptation seraient couverts par les profits
supplémentaires générés par les mesures d’adaptation (telles que l’augmentation de la
production grâce à l’irrigation), les financements du secteur privé et la contribution des
contribuables dans les pays en développement.
Greenpeace considère que les efforts d’adaptation relèvent de la responsabilité publique qui,
l’expérience l’a montré, ne peut être assumée de manière efficace par le secteur privé. Les
gouvernements et les ménages des pays en développement ne devraient pas non plus être
mis à contribution dans le financement des mesures d’adaptation en grande partie mises en
place à cause des émissions des pays industrialisés.
Qui devrait payer quoi ?
En additionnant les besoins en financement public pour soutenir le développement des
énergies vertes (40 milliards d’euros par an d’ici à 2020), la protection des forêts (30 milliards
d’euros par an d’ici à 2020) et les mesures d’adaptation (40 milliards d’euros par an d’ici à
2020), Greenpeace estime que l’accord de Copenhague doit générer au moins 110 milliards
d’euros d’ici à 2020.
Greenpeace exhorte les gouvernements de l’Union européenne et des autres pays
industrialisés à s’engager à fournir la majeure partie de ces fonds dans le cadre des
négociations de Copenhague. Les nouveaux pays industrialisés devraient également
apporter leur contribution, en fonction de leur part de responsabilité et de leurs capacités de
financement.
10
Commission européenne (2007), « Communication sur la déforestation », octobre 2007.
Oxfam International (2007) « Adaptation au changement climatique : ce dont ont besoin les pays pauvres et qui
devrait payer ».
11
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Il est d’une importance cruciale que l’Union européenne se réfère à des chiffres précis et
concrets lors de la conférence de Copenhague. Se référer à des engagements financiers
concrets ne signifie pas céder les outils de négociation de l’UE. Ouvrir le débat financier
permettra d’ouvrir des négociations réelles et constructives sur la protection du climat.
Au total, l’accord de Copenhague devrait canaliser des ressources annuelles vers les pays
en développement d’au moins 110 milliards d’euros d’ici à 2020. Ce qui signifie qu’au regard
de sa responsabilité et de ses capacités de financement, l’Union européenne devrait
apporter une contribution d’environ 35 milliards d’euros par an d’ici à 2020.
Le maillon manquant : un mécanisme de financement international
Pour financer de manière adéquate les mesures de protection du climat, il est crucial
d’apporter des garanties aux gouvernements et aux investisseurs privés des pays en
développement. Le soutien financier public doit rester stable et fiable, et compléter l’aide
publique au développement existante (APD). La conception d’un nouveau mécanisme de
financement indépendant et solide est une condition sine qua non pour pourvoir respecter
ces critères. Greenpeace demande aux États membres de l’UE de soutenir l’acquisition de
budgets d’émissions annuels au prix fixé par le marché international du carbone en tant que
principal nouveau mécanisme de financement international. Ce mécanisme, qui exige
principalement que les pays payent le droit de polluer, est connu sous le nom de
« proposition norvégienne ».
Il est crucial de développer la confiance entre les pays industrialisés et les pays en
développement. Un mécanisme indépendant de financement géré par un organe
international dans le cadre de la CNUCC peut gérer les fonds en accord avec les critères
convenus de gouvernance, au lieu de laisser les ressources servir à financer les caprices
quotidiens des décideurs politiques nationaux des pays industrialisés comme des pays en
développement. Greenpeace demande aux États membres de l’UE de soutenir la conception
d’un nouveau mécanisme de financement exigeant des pays qu’ils paient une part de leurs
budgets annuels d’émissions de gaz à effet de serre.
L’accord de Copenhague doit canaliser des ressources publiques pour les pays en
développement d’un montant minimum de 110 milliards d’euros d’ici à 2020. Les pays
industrialisés et les nouveaux pays industrialisés (NPI) doivent y apporter une contribution
équitable, ce qui signifie, pour l’Union européenne, 35 milliards d’euros par an d’ici à 2020.
Greenpeace demande aux États membres de l’Union européenne de :
- proposer la conception d’un nouveau mécanisme robuste de financement dans le cadre de
l’accord de Copenhague qui exigera des pays qu’ils paient une part de leur budget annuel
d’émissions de gaz à effet de serre ;
- reconnaître le besoin financier des pays en développement en matière d’investissements
en énergies vertes d’au moins 40 milliards d’euros par an d’ici à 2020 ;
- reconnaître la nécessité de créer un fonds doté d’au moins 30 milliards d’euros par an d’ici
à 2020 pour la lutte contre la déforestation ;
- assumer la responsabilité des dégâts causés dans les pays en développement, et
contribuer au fonds pour l’adaptation à hauteur minimum de 40 milliards d’euros par an d’ici
à 2020.
Pour plus d’informations, contacter :
Karine Gavand, campagne Climat, Greenpeace France : 06 77 04 61 90
Jérôme Frignet, campagne Forêts, Greenpeace France : 06 79 93 15 30
Sylvain Trottier, Communication, Greenpeace France : 06 30 23 52 78
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