La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 4 - juillet-août 2003
135
MISE AU POINT
indésirables (douleur abdominale, nausées, diarrhée, hématu-
rie) chez seulement 10 patients (0,9 %) dans les premiers jours
(9). Ces effets indésirables ont duré moins de 48 heures. Une
aggravation transitoire du prurit est possible dans les premiers
jours après le traitement d’une gale commune ou d’une gale
croûteuse, et ne doit pas faire craindre un échec du traitement
(7, 10). Les craintes concernant la toxicité potentielle de l’iver-
mectine chez les personnes âgées rapportées lors d’une étude
n’ont pas été confirmées depuis (7,10).Cependant, il a été sug-
géré que, dans certaines conditions où l’intégrité de la barrière
hémato-encéphalique pourrait n’être pas totale, comme chez
certains jeunes mammifères ou lors de l’administration d’une
dose élevée, la molécule pourrait entrer dans le système ner-
veux central (10). L’ivermectine est donc contre-indiquée chez
l’enfant de moins de cinq ans ou de moins de 15 kg, chez la
femme enceinte ou allaitante, en cas d’antécédents d’allergies
ou d’affections du système nerveux central.
INDICATIONS DANS LA GALE
Gale commune
La première étude réalisée au Mexique est une étude compa-
rant l’ivermectine 150 µg/kg en une dose unique à un placebo
(11). Cinquante-cinq patients ont été inclus ; à la première
visite, au 7ejour, 26 patients sur 29 (79 %) ont été considérés
comme guéris dans le groupe ivermectine contre 4 (26 %) dans
le groupe placebo. Quelques études ont comparé l’ivermectine
par voie générale aux traitements topiques classiques. Deux
études ont comparé une dose unique d’ivermectine au benzoate
de benzyl à 10 % chez 44 sujets dans l’une et 80 enfants âgés
de 6 mois à 15 ans dans l’autre (12, 13). Il n’y avait pas de dif-
férence significative en termes d’efficacité entre les traitements.
Deux études ayant comparé l’ivermectine au lindane n’ont pas
présenté de différence significative en termes d’efficacité entre
les traitements (14, 15). L’ivermectine 200 µg/kg a été compa-
rée à une pommade à la perméthrine à 5 % dans une étude ran-
domisée ouverte ; elle a montré une supériorité de la permé-
thrine lors de l’évaluation à deux semaines. Mais après une
seconde dose d’ivermectine au 15ejour, les deux traitements
avaient une efficacité équivalente (16). Malgré quelques cri-
tiques possibles sur le plan méthodologique (faible nombre de
sujets inclus, absence de double aveugle pour certaines, non-
stratification selon la gravité de la gale), ces études tendent à
montrer que l’ivermectine a une efficacité comparable à celle
des traitements topiques classiques.
Gale croûteuse et de l’immunodéprimé
La gale croûteuse (encore improprement appelée norvégienne)
est une forme rare de gale, particulièrement sévère, caractéri-
sée par une charge parasitaire très importante, et habituellement
associée à une immunodépression ou à une maladie neurolo-
gique (3). Dans cette forme clinique, le traitement est difficile
et nécessite, en général, plusieurs applications de scabicide
topique en plus de kératolytiques. Des observations de gale
croûteuse guérie grâce à l’ivermectine ont été rapportées
(17-19). Plusieurs schémas thérapeutiques ont été utilisés,
comme l’ivermectine en dose unique ou multiple, en associa-
tion éventuelle avec des scabicides topiques ou avec des kéra-
tolytiques. Il semble que l’utilisation de doses multiples d’iver-
mectine à la posologie de 200 µg/kg en association avec un sca-
bicide topique donne les meilleurs résultats.
Chez le patient immunodéprimé (en particulier au cours de l’in-
fection par le VIH), des résultats semblables ont été obtenus
grâce à l’utilisation de doses répétées d’ivermectine, en asso-
ciation avec des scabicides topiques (10, 18, 20).
Épidémie de gale en institution
L’apport le plus important de l’ivermectine s’observe au cours
d’épidémies de gale en institution, dans lesquelles l’éradica-
tion de la gale est souvent difficile. Les institutions particuliè-
rement touchées par ces épidémies de gale sont les maisons de
retraite, les services de long séjour, les établissements psy-
chiatriques, les prisons… Plusieurs articles ont montré l’inté-
rêt de l’ivermectine pour l’éradication de la gale dans ces situa-
tions (7, 9, 10, 21). Dans ces cas, l’ivermectine était généralement
distribuée à tous les sujets, symptomatiques ou non, et, dans
quelques cas, au personnel. Grâce à ce traitement, des épidé-
mies ayant duré plusieurs années dans ces établissements ont
pu être éradiquées.
L’IVERMECTINE : UN TRAITEMENT ORAL, ALTERNATIF
AU TRAITEMENT SYSTÉMIQUE ?
L’ivermectine est donc le seul traitement antiscabieux efficace
par voie orale. Son efficacité sous forme topique a également
été rapportée dans quelques études. Depuis octobre 2001, l’iver-
mectine a l’autorisation de mise sur le marché, et est commer-
cialisée sous le nom de Stromectol®(comprimés dosés à 3 mg).
Le Stromectol®est indiqué dans la gale sarcoptique humaine
lorsque le diagnostic est établi par la clinique et/ou l’examen
parasitologique (22). La sécurité d’emploi n’ayant pas été éta-
blie chez l’enfant de moins de 15 kg, non plus que chez la
femme enceinte et allaitante, l’ivermectine doit être évitée dans
ces situations.
Les principaux avantages de ce traitement systémique sont sa
facilité d’utilisation, avec une compliance maximale (posolo-
gie de 200 µg/kg, soit 4 comprimés pour un adulte de 60 kg),
et sa tolérance. Ce traitement offre une alternative au traitement
topique classique. Des résistances à certains traitements
topiques classiques sont possibles (surtout suspectées avec le
lindane). En outre, un traitement oral est particulièrement indi-
qué dans certaines formes très excoriées, où les traitements
topiques sont parfois responsables de dermite irritative, ainsi
que chez des personnes grabataires ou présentant un handicap
sévère, pour lesquelles le traitement topique est difficile.
Cependant, un certain nombre de questions restent en suspens.
En effet, les études sur l’ivermectine dans le traitement de la
gale sont peu nombreuses ; elles ont généralement concerné
peu de sujets, et ne permettent pas de répondre précisément à
toutes les questions. Ainsi, la plupart des auteurs s’accordent
pour proposer comme dose optimale 200 µg/kg, mais aucune