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l’environnement, ce qui ne fait pas naître l’obligation de comparer les deux traitements différents. Mais dans le
second cas, le fait que les entreprises exercent leur activité dans le même secteur d’activité (les deux produisent
des machins) pourrait suffire à établir que les circonstances sont « analogues » et qu’il y a lieu de procéder à la
comparaison des traitements accordés aux investisseurs et aux investissements.
Dans l’affaire Pope & Talbot, le tribunal s’est livré à une vaste revue des « circonstances analogues » et il a
conclu que toute différence de traitement reliée à une politique gouvernementale rationnelle et non guidée par la
discrimination créait des « circonstances non analogues ». Toutefois, dans l’arbitrage Services de camionnage, le
groupe spécial a noté que les Parties convenaient que l’expression « dans des circonstances analogues » devait
avoir une signification semblable à l’expression « services et fournisseurs de services similaires » proposée par le
Canada et le Mexique dans les négociations9. L’approche retenue dans l’affaire Services de camionnage était plus
conforme à la jurisprudence classique du traitement national dans le cadre du GATT/OMC, qui compare des
produits similaires. Cependant, l’application de l’approche adoptée dans la jurisprudence de Services de
camionnage à une situation de traitement différencié en fonction de différences régionales en matière de
sensibilité environnementale mènerait vraisemblablement à conclure à des « circonstances analogues ».
L’approche de Pope & Talbot sur l’« analogie », dans ce cas, aurait abouti à la conclusion contraire. Nous
sommes d’avis que la situation qui vient d’être décrite ne devrait jamais donner lieu à une plainte en vertu de
l’article 1102. Néanmoins, les approches retenues dans ces deux affaires distinctes qui se penchent sur des
formulations presque identiques conduisent à des conclusions contraires lorsqu’on les applique à la même
situation de fait hypothétique.
Nonobstant ce qui précède, le secteur peut avoir de l’importance dans certains cas (quand la mesure contestée est
une mesure sectorielle plutôt que d’application générale) et l’étendue du secteur identifié peut être cruciale pour
établir si les circonstances sont «
analogues ». Par exemple, l’affaire Ethyl Corporation v. Government of
Canada (Ethyl) faisait intervenir une interdiction du commerce transfrontières du MMT. Or il n’y avait aucun
producteur de MMT au Canada10. Si la définition des « circonstances analogues » visait la branche des
« producteurs de MMT », il n’y aurait pas eu d’investisseurs ou d’investissements « dans des circonstances
analogues ». Par contre, si elle visait la branche des « remonteurs d’octane », il y avait alors des investisseurs et
des investissements canadiens dans des circonstances analogues, car il y avait en effet quelques producteurs
canadiens d’éthanol, produit utilisé comme le MMT à titre de remonteur d’octane.
2. Les buts et les effets de la politique gouvernementale
La question soulevée est ici d’établir jusqu’à quel point l’intention qui sous-tend les mesures visées et le
traitement différent qu’elles accordent devrait constituer un facteur pertinent dans l’analyse des « circonstances
analogues ».
(a) Les buts et les effets à la lumière de l’expérience du GATT/OMC
La notion des buts et des effets a connu une histoire compliquée dans la jurisprudence du GATT/OMC. Dans
plusieurs affaires, les groupes spéciaux constitués au titre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce de 1947 (GATT de 1947) ont utilisé « les buts et les effets » pour établir que les produits n’étaient pas
« similaires » et que, par conséquent, l’obligation d’accorder un traitement non moins favorable prévue à
9 Rapport du groupe spécial, paragraphe 249.
10 Y compris Ethyl elle-même, qui produisait le MMT aux États-Unis, ses filiales canadiennes se limitant à en faire la dilution
et la distribution. Il s’agit là, toutefois, d’une autre question. Voir le point B(3)4 ci-dessous.