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LES DISCIPLINES ESSENTIELLES
DE L’OBLIGATION DE TRAITEMENT NATIONAL
DANS LE CADRE DU CHAPITRE 11 DE L’ALÉNA
par
Jon R. Johnson
Goodmans s.r.l.
Le 2 décembre 2001
La présente étude vise à décrire la portée et les disciplines essentielles de l’obligation de traitement national au
chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA)1. Elle est axée sur la définition des questions
qui se posent dans l’application de l’obligation de traitement national.
A. LA PORTÉE ET LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DE L'OBLIGATION DE
TRAITEMENT NATIONAL DANS L’ALÉNA
(1) Les paragraphes 1102(1), (2), (3) et (4)
Le paragraphe 1102(1) de l'ALÉNA s’applique aux investisseurs des autres Parties et est ainsi conçu :
« Chacune des Parties accordera aux investisseurs d’une autre Partie un
traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde, dans des circonstances
analogues, à ses propres investisseurs, en ce qui concerne l’établissement,
l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou
autre aliénation d’investissements. »
Le paragraphe 1102(2) de l'ALÉNA, de formulation similaire et qui s’applique aux investissements effectués par
les investisseurs des autres Parties, est ainsi conçu :
« Chacune des Parties accordera aux investissements effectués par les
investisseurs d’une autre Partie un traitement non moins favorable que celui
qu’elle accorde, dans des circonstances analogues, aux investissements effectués
par ses propres investisseurs, en ce qui concerne l’établissement, l’acquisition,
l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation
d’investissements. »
Le paragraphe 1102(3) de l'ALÉNA établit une règle spéciale pour l’application des paragraphes 1102(1)
et 1102(2) aux mesures des gouvernements infranationaux. Le paragraphe 1102(3) de l'ALÉNA est ainsi conçu :
« Le traitement accordé par une Partie en vertu des paragraphes 1 et 2 signifie, en
ce qui concerne un État ou une province, un traitement non moins favorable que
le traitement le plus favorable accordé par cet État ou cette province, dans des
circonstances analogues, aux investisseurs, et aux investissements effectués par
les investisseurs, de la Partie sur le territoire de laquelle est situé l’État ou la
province. »
1 Sauf indication contraire, les renvois à des chapitres et à des articles dans la présente étude s’entendent de renvois aux
chapitres et articles de l’ALÉNA.
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L’alinéa 1102(4)a) de l’ALÉNA interdit les exigences de participation minimale et l’alinéa 1102(4)b) interdit
d’obliger un investisseur d’une autre Partie, en raison de sa nationalité, à vendre ou à aliéner d’une autre façon un
investissement. Comme le paragraphe 1102(4) vise des situations particulières, il n’entre pas dans le cadre de la
présente étude.
(2) La portée et les éléments essentiels
1. Les investisseurs et les investissements
Les termes « investisseur », « investisseur d’une Partie », « investissement » et « investissement effectué par un
investisseur d’une Partie » sont tous définis à l’article 1139. Le terme « investissement » a une acception large et
comprend une vaste gamme d’éléments. La définition d’« investissement effectué par un investisseur d’une
partie » prévoit qu’un investissement peut être possédé indirectement. Par exemple, prenons le cas d’une société
par actions des États-Unis (un investisseur d’une Partie) qui possède une filiale en propriété exclusive constituée
au Canada, laquelle est propriétaire d’un immeuble à bureaux au Canada. La filiale (une « entreprise » selon
l’alinéa a) de la définition de l’« investissement »), les actions de la filiale (un « titre de participation d’une
entreprise » selon l’alinéa b) de la définition de l’« investissement ») et l’immeuble à bureaux (les « biens
immobiliers » selon l’alinéa g) de la définition de l’« investissement ») entrent tous dans la définition de
l’« investissement effectué par un investisseur d’une Partie ».
2. Accorder un traitement en ce qui concerne les investissements
Chacun des paragraphes 1102(1) et (2) vise le fait d’accorder un traitement « en ce qui concerne l’établissement,
l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou autre aliénation
d’investissements. » La disposition sur la portée et le champ d’application de l’alinéa 1101(1)a) a pour effet
d’imposer que le traitement soit accordé par la voie d’une « mesure » adoptée ou maintenue par une Partie2.
L’effet de la disposition sur la portée et le champ d’application de l’alinéa 1101(1)b) est le suivant :
(a) l’« investissement » auquel le traitement qui doit être accordé aux termes des deux paragraphes 1102(1) et
(2) doit être situé sur le territoire de la Partie qui accorde le traitement;
(b) les « investissements effectués par les investisseurs d’une autre Partie » visés au paragraphe 1102(2)
auxquels le traitement est accordé doivent également être situés sur le territoire de la Partie qui accorde le
traitement.
2 À cet égard cependant, on notera que les tribunaux constitués en vertu du chapitre onze ont tendance à interpréter le terme
« mesure » très libéralement. Voir Ethyl v. Government of Canada (Ethyl). Dans la Sentence sur la compétence, il est
mentionné que l’investisseur avait signifié sa Notification d’intention au moment où la mesure contestée (la Loi sur le MMT)
était encore un projet de loi, et au moment de la signification de la Notice d’arbitrage, la Loi sur le MMT n’avait pas encore
reçu la sanction royale. Même si l’article 1120 prescrit expressément comme condition pour soumettre une plainte « que
six mois se soient écoulés depuis les événements qui ont donné lieu à la plainte », le tribunal a estimé qu’il suffisait que la
Loi sur le MMT ait reçu par la suite la sanction royale. La logique de la sentence (telle qu’elle est formulée) suggère que les
événements qui ont donné lieu à la plainte (qui, selon le paragraphe 1120(1), doivent être survenus au moins six mois avant le
dépôt de la Notice d’arbitrage) devaient avoir eu pour fondement la « mesure » que constituait la Loi sur le MMT qui n’était
pas encore en vigueur.
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3. Le traitement accordé ne doit pas être moins favorable
Chacun des paragraphes 1102(1) et 1102(2) prescrit que le traitement accordé par une Partie aux investisseurs
d’une autre Partie (paragraphe 1102(1)) ou à leurs investissements (paragraphe 1102(2)) soit non moins favorable
que le traitement que la Partie accorde à ses propres investisseurs (paragraphe 1102(1)) ou aux « investissements
effectués par ses propres investisseurs (paragraphe 1102(2)). Cette formulation du traitement « non moins
favorable » est semblable à celle qui figure dans d’autres dispositions relatives au traitement national, notamment
à l’article 1202 (services) et aux paragraphes 1405(1) et (2) (services financiers), ainsi qu’à l’article III:4 de
l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT de 1994) et à l’article XVII de l’Accord
général sur le commerce des services (AGCS). On trouvera au point B(3) ci-dessous un certain nombre de
questions que soulève le « traitement non moins favorable ».
4. Dans des circonstances analogues
Pour que la comparaison de traitement prévue aux paragraphes 1102(1) et (2) entre les investisseurs d’une autre
Partie ou leurs investissements et les propres investisseurs ou investissements de la Partie soit prescrite, il faut que
le traitement soit accordé « dans des circonstances analogues ». Le concept de l’« analogie » est commun à toutes
les obligations de « traitement non moins favorable » mentionnées ci-dessus, mais sa formulation dans les
paragraphes 1102(1) et (2) diffère de celle de l’article III:4 du GATT de 1994 et de l’article XVII de l’AGCS. À
l’article III:4 du GATT de 1994, l’analogie est formulée sous la forme « produits similaires d’origine nationale »
et à l’article XVII de l’AGCS, sous la forme « ses propres services similaires et […] ses propres fournisseurs de
services similaires ». La jurisprudence de l’OMC sur l’analogie concernant ces dispositions aux formulations
différentes est difficile à appliquer aux paragraphes 1102(1) et (2).
On trouvera au point B(2) ci-dessous un certain nombre de questions que soulève l’application de l’expression
« dans des circonstances analogues ».
B. LES QUESTIONS ET PROBLÈMES D’APPLICATION DE L’OBLIGATION DE
TRAITEMENT NATIONAL
(1) Les circonstances analogues et la comparaison de traitement, dans quel ordre les traiter?
Dans la jurisprudence de l’OMC, on trouve de nombreux exemples où une série de décisions établissent l’ordre
précis selon lequel une disposition donnée doit être analysée3. La jurisprudence qui concerne l’article 1102 ne
fournit aucun ordre d’approche. Dans l’affaire S.D. Myers, Inc. and Government of Canada (Myers), le tribunal
s’est penché sur les « circonstances analogues » avant d’examiner la question du « traitement non moins
favorable »4 alors que dans l’affaire Pope & Talbot Inc. and The Government of Canada (Pope & Talbot) le
tribunal a procédé dans l’ordre inverse5. Quant au groupe spécial arbitral constitué selon le chapitre vingt dans le
3 Par exemple, s’agissant de l’article XX du GATT de 1994, l’Organe d’appel établit toujours si la mesure fait partie de l’une
des exceptions spécifiques mentionnées à l’article XX et si elle répond à la teneur de l’exception avant d’examiner si la
mesure satisfait aux conditions du chapeau de l’article XX.
4 Voir la décision partielle prise à la majorité (Décision partielle Myers), aux paragraphes 243 à 251 (circonstances
analogues) et aux paragraphes 252 à 257 (traitement).
5 Voir la sentence sur le bien-fondé de la deuxième étape (Sentence sur la phase 2 Pope & Talbot), aux paragraphes 33 à 72
(traitement) et 73 à 103 (circonstances analogues).
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différend Dans l’affaire des services transfrontières de camionnage (Services de camionnage)6, appelé à
examiner l’obligation de traitement national de l’article 1202 dans le cas des services transfrontières, il s’est
penché en premier lieu sur la question du traitement7.
La logique des paragraphes 1102(1) et (2) suggère que la comparaison du traitement accordé aux investisseurs et
aux investissements n’est obligatoire que lorsque le traitement est accordé « dans des circonstances analogues ».
Cela laisse entendre que l’examen des « circonstances analogues» devrait précéder la question du « traitement non
moins favorable », les situations où les circonstances ne sont pas « analogues » ne faisant naître aucune obligation
de traitement. Dans l’affaire Services de camionnage, comme le traitement accordé aux fournisseurs de services
transfrontières du Mexique était incontestablement moins favorable, la seule question soulevée était donc de
savoir si la comparaison de traitement était justifiée par des circonstances « analogues ». Par contre, dans l’affaire
Pope & Talbot, où on observait divers niveaux de traitement, les uns plus favorables que les autres, il s’agissait
essentiellement de savoir si le traitement moins favorable était accordé aux investisseurs des États-Unis (ou au
moins à l’un d’entre eux) et le traitement plus favorable, aux investisseurs du Canada. La décision aurait créé
beaucoup moins de confusion si le tribunal avait traité la question des « circonstances analogues » avant celle du
« traitement non moins favorable »8.
Dans la suite de l’étude, on examinera d’abord les problèmes qui concernent la question des « circonstances
analogues », puis ceux qui portent sur les questions reliées au « traitement non moins favorable ».
(2) Les questions concernant l’élément « dans des circonstances analogues »
1. De quelles « circonstances » s’agit-il : celles de l’investisseur, celles de
l’investissement ou celles de ceux qui accordent le traitement?
Pour diverses raisons, les gouvernements traitent souvent les entreprises de manière différente. Les entreprises qui
travaillent dans des secteurs construits ou des secteurs critiques au plan environnemental peuvent être assujetties à
des réglementations environnementales plus exigeantes (qui se traduisent en coûts supérieurs) que les entreprises
établies dans les autres secteurs. Les entreprise de taille inférieure à un certain niveau peuvent être classées
comme « petites entreprises » et bénéficier d’exemptions fiscales ou autres. Les entreprises qui choisissent des
secteurs économiquement défavorisés peuvent se voir accorder des avantages qui ne sont pas à la disposition
d’entreprises établies dans les autres secteurs.
L’une des questions que soulève l’expression « dans des circonstances analogues » est de savoir si l’« analogie »
s’applique aux circonstances dans lesquelles le traitement est accordé (qui peuvent embrasser un large éventail de
facteurs) ou si elle ne concerne que les circonstances des investisseurs et des investissements qui sont comparés.
Dans le premier cas, les différences qui proviennent de la région où se situe l’investissement, à titre d’exemple,
peuvent être considérées comme des « circonstances non analogues ». Les circonstances dans lesquelles un
traitement est accordé à une entreprise qui exerce son activité dans un secteur critique au plan environnemental
diffèrent de celles selon lesquelles on traite une autre entreprise identique dans un secteur non critique au plan de
6 Dossier du Secrétariat n° USA-MEX-98-2008-01. Cette affaire concernait des services transfrontières et non des
investissements, mais la structure de l’article 1202 est semblable à celle des paragraphes 1102(1) et (2).
7 Voir le Rapport du groupe spécial, paragraphe 248 et suivants.
8 En réalité, il était manifestement clair dans ce cas que des traitements différents étaient accordés dans des circonstances qui
n’étaient pas analogues, ce qui aurait dû régler la question.
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l’environnement, ce qui ne fait pas naître l’obligation de comparer les deux traitements différents. Mais dans le
second cas, le fait que les entreprises exercent leur activité dans le même secteur d’activité (les deux produisent
des machins) pourrait suffire à établir que les circonstances sont « analogues » et qu’il y a lieu de procéder à la
comparaison des traitements accordés aux investisseurs et aux investissements.
Dans l’affaire Pope & Talbot, le tribunal s’est livré à une vaste revue des « circonstances analogues » et il a
conclu que toute différence de traitement reliée à une politique gouvernementale rationnelle et non guidée par la
discrimination créait des « circonstances non analogues ». Toutefois, dans l’arbitrage Services de camionnage, le
groupe spécial a noté que les Parties convenaient que l’expression « dans des circonstances analogues » devait
avoir une signification semblable à l’expression « services et fournisseurs de services similaires » proposée par le
Canada et le Mexique dans les négociations9. L’approche retenue dans l’affaire Services de camionnage était plus
conforme à la jurisprudence classique du traitement national dans le cadre du GATT/OMC, qui compare des
produits similaires. Cependant, l’application de l’approche adoptée dans la jurisprudence de Services de
camionnage à une situation de traitement différencié en fonction de différences régionales en matière de
sensibilité environnementale mènerait vraisemblablement à conclure à des « circonstances analogues ».
L’approche de Pope & Talbot sur l’« analogie », dans ce cas, aurait abouti à la conclusion contraire. Nous
sommes d’avis que la situation qui vient d’être décrite ne devrait jamais donner lieu à une plainte en vertu de
l’article 1102. Néanmoins, les approches retenues dans ces deux affaires distinctes qui se penchent sur des
formulations presque identiques conduisent à des conclusions contraires lorsqu’on les applique à la même
situation de fait hypothétique.
Nonobstant ce qui précède, le secteur peut avoir de l’importance dans certains cas (quand la mesure contestée est
une mesure sectorielle plutôt que d’application générale) et l’étendue du secteur identifié peut être cruciale pour
établir si les circonstances sont «
analogues ». Par exemple, l’affaire Ethyl Corporation v. Government of
Canada (Ethyl) faisait intervenir une interdiction du commerce transfrontières du MMT. Or il n’y avait aucun
producteur de MMT au Canada10. Si la définition des « circonstances analogues » visait la branche des
« producteurs de MMT », il n’y aurait pas eu d’investisseurs ou d’investissements « dans des circonstances
analogues ». Par contre, si elle visait la branche des « remonteurs d’octane », il y avait alors des investisseurs et
des investissements canadiens dans des circonstances analogues, car il y avait en effet quelques producteurs
canadiens d’éthanol, produit utilisé comme le MMT à titre de remonteur d’octane.
2. Les buts et les effets de la politique gouvernementale
La question soulevée est ici d’établir jusqu’à quel point l’intention qui sous-tend les mesures visées et le
traitement différent qu’elles accordent devrait constituer un facteur pertinent dans l’analyse des « circonstances
analogues ».
(a) Les buts et les effets à la lumière de l’expérience du GATT/OMC
La notion des buts et des effets a connu une histoire compliquée dans la jurisprudence du GATT/OMC. Dans
plusieurs affaires, les groupes spéciaux constitués au titre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce de 1947 (GATT de 1947) ont utilisé « les buts et les effets » pour établir que les produits n’étaient pas
« similaires » et que, par conséquent, l’obligation d’accorder un traitement non moins favorable prévue à
9 Rapport du groupe spécial, paragraphe 249.
10 Y compris Ethyl elle-même, qui produisait le MMT aux États-Unis, ses filiales canadiennes se limitant à en faire la dilution
et la distribution. Il s’agit là, toutefois, d’une autre question. Voir le point B(3)4 ci-dessous.
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