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N°48 • octobre 2015
Au global, cette généralisation de la complémentaire santé ne bénéficiera quasiment
pas aux jeunes à la fois parce que près des deux tiers d’entre eux ne sont pas en
emploi
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, parce que parmi les jeunes en emplois sont souvent en dehors du champ
des dispositions de l’ANI
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et que ceux qui seront dans le champ de l’ANI auront
intérêt à ne pas avoir recours aux droits qu’il confère.
Plus fondamentalement, la solidarité entre les générations qui préside à
l’organisation du marché de la complémentaire santé ne devrait pas faire obstacle
au développement de solutions adaptées aux jeunes non couverts. Notre système
butte à cet égard sur plusieurs problèmes de cohérence :
Les étudiants, lorsqu’ils s’affilient à la Sécurité sociale, sont spontanément orientés
vers les organismes complémentaires adossées au Régime étudiant de sécurité
Sociale (RESS), mais ils ne sont que 15 % à y adhérer en raison de la faiblesse de
ces contrats
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; plus encore, parmi les jeunes concernés (1,7 M chaque année), ils
sont 15 % à renoncer à s’assurer auprès d’un organisme ;
Les jeunes perdent la qualité d’ayant droit du contrat de leur parent entre 16 ans
et 18 ans (prolongé jusqu’à 20 ou 21 ans selon les contrats lorsqu’ils poursuivent
des études
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) ;
Ils n’ont pas le bénéfice à titre personnel de la CMU-C ou de l’ACS car ils sont
rattachés jusqu’à l’âge de 25 ans au foyer de leur parent pour l’examen de ces
droits
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.
Pour corriger ces difficultés, on peut proposer permettre aux jeunes de moins de
25 ans d’adhérer à titre personnel à la CMU-C, dès lors qu’ils sont affiliés en leur
nom au régime obligatoire. Les jeunes bénéficieraient ainsi d’une complémentaire
santé de qualité, avec pour contrepartie le versement d’une cotisation mensuelle
forfaitaire. On peut envisager de fixer ce montant afin d’assurer que la mesure
soit à coût nul pour les finances publiques. Il se situerait alors dans une fourchette
comprise entre 10 et 20 euros
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. Cette estimation suffit à montrer que le dispositif
serait très attractif pour les jeunes.
LE PALUD (DREES), Comment les organismes complémentaires fixent leurs tarifs, Études et résultats n° 850,
septembre 2013.
4 35,2 % des 16-25 ans sont en emploi, 10 % au chômage et 54,7 % sont inactifs (dont 47,1 % encore en scolarité
parmi les jeunes en emploi, DARES, Tableau de bord, Activité des jeunes et politiques d’emploi, juillet 2015).
http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/tbt_act_jeunes_et_pol_emploi_-_23_juillet.pdf
5 En particulier 27 % des jeunes sont en emploi (dont 28,7 % sous la forme d’un emploi aidé).
6 IGAS-IGF, les coûts de gestion de l’Assurance maladie, 2013, Annexe II.
7 La condition minimale fixée par l’ANI du 11 janvier pour définir la qualité d’ayant droits est 16 ans (21 ans pour
les jeunes qui poursuivent des études) ; à 22 ans, les jeunes perdent par ailleurs la possibilité d’être rattachés au
régime de sécurité social de leurs parents.
8 Les jeunes de moins de 25 ans n’ont aujourd’hui accès à la CMU-C ou à l’ACS que s’ils ont des enfants, s’ils
bénéficient d’une aide d’urgence du CROUS ou s’ils cumulent trois conditions fixées par voie réglementaire (R861-2
CSS) :
- Ne pas habiter chez leurs parents ;
- Ne pas figurer sur la dernière déclaration de revenus de leurs parents ;
- Ne percevoir aucune pension alimentaire de leur part.
9 La dépense moyenne annuelle par bénéficiaire de la CMU-C est de 446 euros, soit 37 euros par mois. On sait que
les décomptes moyens sont, pour le régime obligatoire, sept fois moins importants pour les étudiants consommant
des soins que pour le reste de la population (474 euros par an contre 3376 euros) ; 20 % des jeunes ne consomment
aucun soins dans l’année (contre 5 % dans le reste de la population).