Chapitre 1. Les grandes questions que se posent les économistes INTRODUCTION Si l’on regarde (par exemple dans un journal quotidien) les sujets dont parlent les économistes, on peut distinguer quelques domaines qui les intéressent particulièrement : la production, la consommation et la distribution des biens et des services, ainsi que tous les mécanismes monétaires et financiers qui permettent leur existence. Cependant, il serait très incomplet de résumer l’économie à ces questions essentielles. Car l’économie est une réflexion générale sur les activités humaines qui dépasse les seules questions de production et de consommation. En fait, la science économique s’est construite sur plus de deux siècles. D’abord intéressée par l’étude des ressources disponibles que les individus utilisent pour satisfaire leurs besoins, elle est peu à peu devenue une façon d’analyser ces mêmes phénomènes. On peut dire désormais que LA science économique est en réalité constituée de plusieurs façons de faire de l’économie qui sont toutes complémentaires. C’est parce que la réalité économique est complexe que les méthodes ou les questions que la science économique se pose sont nombreuses. Cela explique l’existence de plusieurs théories parfois contradictoires. Mais si toutes ces théories peuvent être qualifiées de science, c’est parce qu’elles ne sont pas de simples opinions formulées « au hasard », mais des analyses reposant sur des méthodes de raisonnement. En effet, les analyses économiques s’appuient sur l’étude de causalités ou de corrélation entre différents faits observés statistiquement afin d’établir des régularités pouvant servir de modèles, et leurs auteurs pratiquent des raisonnements hypothéticodéductifs (c’est-àdire des déductions tirées d’hypothèses clairement définies). Au final, si elles ne proposent pas toutes les mêmes réponses aux mêmes questions, chacune des théories ou analyses économiques permet de comprendre dans une certaine mesure la réalité économique. Biens : _____________________________________________ __________________________________________________ Services : ___________________________________________ __________________________________________________ Modèle : ___________________________________________ __________________________________________________ Théorie : ___________________________________________ __________________________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Réponses aux questions du doc 1 p.22 et doc 2 p.23 I/ Une science de la production de richesses : (dossier 5) Pendant une longue période, qui va des penseurs grecs aux philosophes du moyen-âge (dont aucun ne se disait « économiste », car le terme n’existait pas) les prix et la monnaie étaient au cœur de la réflexion économique. Puis, au XVIII° siècle, les premiers économistes français (qui se nommaient eux-mêmes les « physiocrates » et toujours pas « économistes ») ont cherché à mesurer pour le Roi la quantité de ressources dont disposait la Nation. Ils ont ainsi mis en place le premier système de mesure de la production, que François Quesnay, leur chef de file, intitulera le Tableau Economique. Dans ce document statistique, on pouvait trouver une représentation simplifiée de toute la richesse du Royaume et de son origine (l’activité des différents groupes de producteurs ou de consommateurs). Cette façon de poser les questions économiques a perduré jusqu’à aujourd’hui et c’est pour cela que l’on définit souvent la science économique par l’étude de la production, de la distribution et de la consommation des biens et services. C’est une façon très descriptive de faire de l’économie. De nos jours la comptabilité nationale reprend la logique du tableau économique des physiocrates pour donner une mesure (imparfaite et critiquable) de la richesse produite. En France, l’Insee fait les comptes des ressources de la Nation (tous les biens et services dont le pays dispose pendant un an) et des emplois de la Nation (c’est-à-dire les différents usages possibles de ces ressources, la façon dont elles sont utilisées ou « employées »). Production :__________________________________________ __________________________________________________ Consommation finale : ___________________________________ __________________________________________________ Formation Brute de Capital Fixe :____________________________ __________________________________________________ Exportations : _________________________________________ __________________________________________________ Importations : ________________________________________ __________________________________________________ Distribution : _________________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Réponses aux questions du doc 1 p.36 et doc 2 p.37 II/ Une science de la répartition des richesses : (dossier 3) Adam Smith, économiste anglais, après avoir rencontré les physiocrates français, va publier sa propre analyse d’économie politique, qui inaugurera un nouveau type de réflexion qui ne porte plus seulement sur la mesure de la production mais sur l’étude des mécanismes qui expliquent la création de richesses. Il intitule d’ailleurs son grand ouvrage « Recherche sur la nature et les causes de la Richesse des Nations », qu’il publie en 1776 (On l’appelle depuis longtemps « La Richesse des Nations », pour gagner du temps…. ) La nature de la richesse des nations (ce qui est produit), il la trouve dans les tableaux des physiocrates. Mais les causes (pourquoi certains pays ou certains groupes produisent plus que d’autres ?) il les expose lui-même. Et il les trouve dans deux idées très neuves pour l’époque : 1°/ Tous ceux qui transforment des biens créent de la richesse (ce qu’on nommera plus tard la Valeur ajoutée) 2°/ C’est la division du travail qui permet d’augmenter la production sans augmenter les biens de production utilisés (ce qu’on nommera la productivité). Avec Smith va véritablement naître la science économique. Parce qu’il a posé les questions les plus essentielles de la science économique, on dit que Adam Smith en est le père fondateur (et le premier des économistes « classiques », comme ont le dit des premiers grands compositeurs de musique « classique »). Parce qu’il est le premier à réfléchir systématiquement sur les mécanismes (les « causes ») qui permettent l’enrichissement des nations et des individus, il fera de l’économie une science de la causalité, dans laquelle on se demande pourquoi et comment les phénomènes économiques s’entrainent mutuellement, aussi bien en appliquant un raisonnement logique basé sur des hypothèses qu’à travers l’observation empirique des faits statistiques. Production marchande : ___________________________________ __________________________________________________ Production non marchande : ______________________________ __________________________________________________ Consommations intermédiaires :____________________________ __________________________________________________ Valeur Ajoutée : _______________________________________ __________________________________________________ PIB : ________________________________________________ __________________________________________________ Causalité : ___________________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Notes sur l’animation « De la VA au PIB » (recopier la dernière diapo) III/ Une science de l’échange : (dossier 2) David Ricardo, économiste classique anglais du début du XIX° siècle, a repris et développé les idées d’Adam SMITH sur l’échange. Ce dernier avait montré que la division du travail aboutissait à la spécialisation des producteurs, ce qui entrainait chacun à échanger ce qu’il produit contre ce que les autres savent faire pour moins cher que lui. La grande idée de Ricardo est d’avoir démontré que même si un producteur ne sait rien produire pour moins cher que les autres, il existe toujours un domaine dans lequel il est « relativement » plus productif, et c’est dans ce domaine qu’il doit se spécialiser pour s’insérer dans les échanges. Ainsi, tout le monde peut échanger et l’échange est profitable à tous. A partir de Ricardo, la question des échanges en économie va devenir primordiale, plus encore que celle de production. L’économie devient alors la science de l’allocation optimale des ressources rares. Depuis que la mondialisation s’est accélérée (début des années 1990), cette question est redevenue essentielle : les économistes (penseurs ou décideurs) se demandent en effet qui, dans le monde, doit produire quoi et vendre à qui ? Une grande partie des économistes ont adhéré depuis longtemps à l’idée que c’est la liberté des échanges (ce qu’on appelle le libéralisme économique dans un pays, ou le libre-échange des marchandises entre les pays) qui permet la meilleure affectation possible des ressources, c’est-à-dire la meilleure utilisation des travailleurs et des capitaux. Ils s’appuient encore sur la démonstration de Ricardo, même si elle a été largement discutée et précisée depuis. Libre-échange :________________________________________ __________________________________________________ Productivité :_________________________________________ __________________________________________________ __________________________________________________ Coût d’opportunité :____________________________________ __________________________________________________ __________________________________________________ Avantages comparatifs :___________________________________ __________________________________________________ __________________________________________________ Productivité :_________________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Réponses aux questions du doc 1 p.30 et doc 6 p.45 IV/ Une science du comportement : (dossier 1) A la fin du XIX° siècle, divers économistes libéraux vont reprendre les analyses des classiques pour les formaliser, c’est-à-dire les rédiger sous une forme qui se veut plus scientifique. Alors que Smith présentait ses réflexions de façon littéraire, les néo-classiques vont la présenter sous forme mathématique et graphique. Leur but est d’établir des lois économiques aussi indiscutables que des démonstrations de sciences physiques. Le plus connu d’entre eux est Alfred Marshall, né en 1885 et enseignant à Cambridge, une célèbre université anglaise. Celui-ci va imposer certaines représentations graphiques, comme l’équilibre des marchés à travers des courbes d’offre et de demande (que nous verrons plus tard). Mais pour étudier comment les ressources se répartissent sur les marchés, il a dû étudier les choix que doivent faire les individus entre travailler ou se reposer, produire avec des travailleurs ou des machines, consommer de la viande ou du poisson, etc. Pour cela, il développera la notion d’utilité, qui est une façon de désigner le plaisir que procure la consommation d’un bien (ou le fait de ne pas travailler). Cependant, l’étude des comportements des travailleurs, des consommateurs et des producteurs ne peut se faire que si ces comportements sont prévisibles. Les néo-classiques ont donc dû supposer que les agents économiques font des choix selon des critères rationnels, c’est-à-dire répondant à une certaine logique : les consommateurs achètent ce qui est le moins cher (à qualité égale) car ils ont un budget limité, les producteurs cherchent à faire le maximum de profit, etc. Comme les néo-classiques disent « comment » sont censés se comporter les individus (s’ils sont conformes à leurs hypothèses), on dit que leur théorie est normative (elle dit ce qui doit être) et non pas descriptive (elle dit ce qui est). Cette façon de faire de l’économie a eu tant de succès (Marshall pensait même qu’il n’y en avait pas d’autre possible) que les économistes ont depuis appliqué cette méthode d’analyse des comportements à de nombreux domaines qui ne sont pas particulièrement économiques, comme le mariage, le travail scolaire, etc. Ils ont montré que la rationalité en finalité (c’est-àdire selon un objectif précis) guide la plupart des comportements humains, et que l’on comprend mieux de cette façon les mécanismes sociaux plutôt qu’en cherchant les raisons « morales » (ou rationalité en valeur) que se donnent les individus après coup pour justifier leurs actions. Utilité :_____________________________________________ __________________________________________________ Contrainte budgétaire :___________________________________ __________________________________________________ Prix relatif :_________________________________________ __________________________________________________ Productivité :_________________________________________ __________________________________________________ Productivité :_________________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Réponses aux questions du doc 2 p.29 et doc 4 p.44 V/ Une science de la redistribution des revenus (dossier 4) Au XX° siècle, John Maynard Keynes, qui fut l’élève d’Alfred Marshall, remettra l’accent sur l’importance de la création de richesse nationale en encourageant la généralisation et la modernisation de la méthode des physiocrates sous la forme d’une comptabilité nationale. Mais c’est surtout la répartition des revenus (issus de la création de richesses) qui intéressera Keynes, car son but était de résorber les grands déséquilibres économiques, notamment celui du marché du travail qui générait un chômage de masse dans les années 1930. Depuis la sortie de sa « Théorie générale » (en 1936) la part de la richesse qui est redistribuée par l’Etat a été de plus en plus grande, notamment sous l’influence des idées keynésiennes. Les disciples de Karl Marx, économiste du XIX° siècle, même s’ils sont opposés au système de production capitaliste qui intéresse la grande majorité des économistes (dont Keynes lui-même), encouragent les salariés à se réapproprier la richesse créée, dont ils estiment être les propriétaires, contrairement aux capitalistes qui ne produisent pas. Les premiers syndicats, souvent inspirés par les analyses marxistes, vont tirer leurs revendications de cette question sur le partage des richesses qu’ils souhaitent orienter en faveur des salariés. Cette question de la répartition des richesses reste d’une grande actualité au cœur de la grande crise du début du XXI° siècle. Elle pose la question des choix que font les individus, mais à un niveau macro-économique et plus seulement micro-économique. Pour les néoclassiques, en effet, ce sont les choix des consommateurs et des producteurs qui déterminent les équilibres économiques, alors que pour Keynes, ce sont les choix politiques de l’Etat et des partenaires sociaux qui déterminent la répartition des richesses (en corrigeant les imperfections de la distribution inégalitaire qu’on observe dans un système libéral). Autrement dit, pour les néoclassiques la richesse d’un individu dépend de ses décisions en tant que travailleur, producteur ou consommateur, alors que pour les keynésiens, sa richesse dépend beaucoup des décisions de l’Etat qui saura (ou pas) stimuler l’activité économique globale et inciter les agents à prendre les meilleures décisions possibles pour la société. Macro-économie :______________________________________ __________________________________________________ Micro-économie :_______________________________________ __________________________________________________ Revenus primaires :_____________________________________ __________________________________________________ __________________________________________________ Revenus secondaires :____________________________________ __________________________________________________ Revenus disponibles :____________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Questions du doc 2 p.35 (à recopier) et doc 7 p.45 CONCLUSION : y’a-t-il d’autres façons de faire de l’économie ?… Toutes ces approches de l’économie ne font pourtant pas le tour des problèmes économiques. De plus, l’émergence en 2007 d’une crise sans équivalent depuis celle de 1929 a donné en partie raison à certains économistes qui n’adhéraient pas aux thèses très optimistes et normatives des économistes néolibéraux sur les bienfaits de l’économie de marché. Ces critiques sont inévitables et même souhaitables et sont dans la continuité de l’histoire de la pensée économique. La science économique ne cesse de s’enrichir au fil du temps. Depuis les années 1970, de nombreuses critiques ont été adressées aux économistes sur leur façon de mesurer la richesse de façon exclusivement monétaire : toute richesse non évaluable monétairement ne rentre pas dans les statistiques du PIB, ce qui exclue une grande partie de la production non marchande. Plus grave encore, des activités nuisibles pour l’environnement ou la santé humaine sont comptabilisées comme des créations de richesses. Cette critique a été entendue par certains économistes qui mettent en place des évaluations plus axées sur le développement des sociétés, comme le fait l’IDH. La notion de développement durable, dont le succès médiatique est très grand depuis son émergence en 1987, oblige les économistes à mieux prendre en compte les impacts à long terme des activités économiques, ce qui n’apparaissait pas dans les systèmes traditionnels de comptabilité nationale. Mais la recherche de mesures plus justes de la réalité économique aboutit forcément à des résultats plus complexes à analyser (et toujours discutables). Malgré ses limites, le PIB reste un indicateur pertinent et facile à utiliser. D’autres critiques portent sur la vision trop utilitariste que les économistes ont des comportements humains. Inaugurée en France par Marcel MAUSS (le neveu d’Emile Durkheim, fondateur de la sociologie), la socio-économie vise à mieux intégrer l’analyse sociologique aux phénomènes économiques, en évitant de faire des agents économiques de simples calculateurs rationnels (un stade d’évolution de l’espèce humaine que l’on pourrait nommer Homo œconomicus). Ils sont vus par la socio-économie comme des acteurs qui interagissent de façon humaine et complexe (et parfois inattendue et imprévisible) avec leur entourage et leur environnement, poussés par des habitudes sociales (traditionnelles ou institutionnelles) ou par des sentiments moraux comme la jalousie, la haine ou pourquoi pas la sympathie. Cette dernière piste de réflexion ne fait que reprendre celle qu’avait lancée il y a plus de deux siècles un professeur de philosophie nommé… Adam SMITH, dans sa « Théorie des sentiments moraux », alors qu’il n’était pas encore devenu le fondateur de l’économie. IDH :_____________________________________________ __________________________________________________ Développement durable :__________________________________ __________________________________________________ Homo œconomicus:_____________________________________ __________________________________________________ Institutions sociales :____________________________________ __________________________________________________ Page de droite -> Réponses aux 5 questions de la page 41 PROGRAMME officiel 1.1 Dans un monde aux ressources limitées, comment faire des choix ? Utilité, contrainte budgétaire, prix relatif À partir d'exemples simples (choix de forfaits téléphoniques, formule « à volonté » dans la restauration, utilité de l'eau dans divers environnements, etc.), on introduira les notions de rareté et d'utilité marginale, en insistant sur la subjectivité des goûts. On s'appuiera sur une représentation graphique simple de la contrainte budgétaire pour caractériser les principaux déterminants des choix, sans évoquer les courbes d'indifférence. Il s'agit d'illustrer la démarche de l'économiste qui modélise des situations dans lesquelles les individus sont confrontés à la nécessité de faire des choix de consommation ou d'usage de leur temps (par exemple). 1.2 Pourquoi acheter à d'autres ce que l'on pourrait faire soi-même ? Échange marchand, spécialisation, gain à l'échange On montrera que l'échange permet de mettre à profit les différences entre individus et entre nations. On introduira, à partir d'exemples simples d'échanges entre individus (l'avocate et son secrétaire selon Samuelson), les notions d'avantage absolu et d'avantage comparatif, afin de montrer que l'échange engendre des gains dont la répartition peut être inégale et qu'il favorise la division du travail. En s'interrogeant sur les raisons qui conduisent à se procurer sur le marché ce que l'on pourrait faire soi-même (plats cuisinés, services à domicile, etc.) ou à acheter à l'étranger ce que l'on pourrait produire chez soi, on mettra en évidence les avantages (compétitivité des entreprises ou variété des biens et services) du développement des échanges, notamment entre nations. 1.3 Que produit-on et comment le mesure-t-on ? Production marchande et non marchande, valeur ajoutée On sensibilisera les élèves à la diversité des modes de production des biens et services et de leur mise à la disposition des consommateurs. On s'intéressera aux problèmes posés par la mesure de la valeur ajoutée. 1.4 Comment répartir les revenus et la richesse ? Salaire, profit, revenus de transfert La production engendre des revenus qui sont répartis entre les agents qui y contribuent par leur travail ou leur apport en capital. On introduira la distinction entre cette répartition primaire des revenus et la répartition secondaire qui résulte des effets de la redistribution. 1.5 Quels sont les grands équilibres macroéconomiques ? Équilibre emplois/ressources La mesure et l'analyse de l'activité d'une économie nationale et de ses principales composantes seront présentées simplement. On présentera l'équilibre emplois-ressources, en économie ouverte, et on pourra évoquer les sources de possibles déséquilibres.