1 Introduction
Le but de ce chapitre est d’introduire la théorie des matroïdes et des
matroïdes orientés en présentant les principales propriétés de ces structures
et les principaux liens qu’elles ont avec d’autres domaines classiques. Une
qualité remarquable de ces structures est d’avoir de nombreuses définitions
équivalentes, ayant chacune leur intérêt, et de se situer au confluent de plu-
sieurs structures mathématiques. De ce fait, ce chapitre est davantage conçu
comme un guide pratique exposant brièvement des directions variées et re-
liées entre elles, que comme un cours linéaire et progressif. Il nécessite un
prérequis minimal en théorie des graphes et en algèbre linéaire pour ce qui
concerne les exemples et applications.
Un matroïde - mot dérivé de “matrice” - est une structure combinatoire
qui peut être définie en retenant les principales propriétés ensemblistes de la
dépendance linéaire dans les espaces vectoriels. Un matroïde est ainsi natu-
rellement associé à un ensemble fini de points (ou d’hyperplans), et capture
les relations d’incidence (alignement, coplanarité, etc.) entre ces points. Ce-
pendant les propriétés définissant les matroïdes ne caractérisent pas les en-
sembles de points : les matroïdes constituent une classe d’objets beaucoup
plus vaste. DŠautres exemples naturels de matroïdes s’obtiennent à partir de
graphes, d’ensembles ordonnés, de corps, d’algorithmes gloutons, de fonc-
tions sous-modulaires, etc., donnant lieu à des applications variées, particu-
lièrement en optimisation discrète.
Un matroïde orienté est une structure combinatoire proche qui capture
- en plus - les relations de convexité entre les points en question plus haut,
en prenant cette fois en compte les signes dans les relations de dépendance
linéaire. Il correspond en toute généralité à un objet topologique : un arrange-
ment de pseudosphères (généralisation d’un ensemble fini d’hyperplans réels
dans lequel, grossièrement, les hyperplans peuvent être déformés, courbés).
La théorie des matroïdes orientés généralise la théorie des graphes orientés en
tant qu’espaces de cycles, constitue une abstraction combinatoire de l’algèbre
linéaire réelle, et fournit un langage approprié pour les relations d’incidence,
de convexité ou de positions relatives dans divers objets géométriques ou to-
pologiques : modèles 3D, configurations de points, polytopes, arrangements
de droites, de pseudodroites, d’hyperplans, de pseudohyperplans...
Les matroïdes et les matroïdes orientés satisfont de nombreuses axioma-
tiques équivalentes. Ils possèdent une notion fondamentale de dualité (qui
généralise de façon combinatoire la dualité des graphes planaires, l’orthogo-
nalité des espaces vectoriels, et la dualité de la programmation linéaire). Et ils
fournissent un cadre adéquat pour des notions classiques variées (en théorie
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