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sont-ils des bénéficiaires collatéraux, ou bien leurs enjeux ont-ils au contraire été
placés au cœur de la réforme ? Dans la conception de son pilier quantitatif, le
choix de ses principes et de ses métriques, dans ses conséquences opérationnelles
sur le pilotage des compagnies, Solvabilité 2 représente-t-elle une régulation
prudentielle améliorant la protection des assurés, ou bien une régulation de
marché à des fins d’analyse financière ?
Une présentation usuelle questionnable
Au niveau quantitatif, le contraste entre Solvabilité 1 et Solvabilité 2 est double :
il porte d’une part sur le bilan, c’est-à-dire l’évaluation des engagements, des
actifs et des fonds propres disponibles, ainsi que, d’autre part, sur la
détermination de l’exigence de capital, c’est-à-dire sur le montant minimal de
fonds propres requis.
Du point de vue bilanciel, le discours usuel oppose un bilan Solvabilité 1
« comptable », terme chargé d’opprobre, à qui il est reproché d’être
conventionnel et partant erroné, à un bilan Solvabilité 2 dit « économique », en
valeur de marché, réputé représenter une vision juste, c’est-à-dire
intrinsèquement pertinente, objective, non biaisée.
Du point de vue de l’exigence de capital, le discours commun oppose les
traditionnelles exigences de Solvabilité 1, considérées comme non risk-based,
donc arbitraires, à une vision censée être fondée sur le risque, donc par principe
préférable tant en termes d’efficacité économique (les assurés bénéficient tous
de la même protection, les compagnies plus risquées devant immobiliser
davantage de fonds propres) que de morale sociale (celui qui est joueur doit payer
en immobilisant davantage de capital).
Ces deux évolutions sont synthétisées dans un des tout premiers paragraphes de
la directive, qui indique :
(15) Conformément aux derniers développements des travaux de l'Association
internationale des contrôleurs d'assurance, du Conseil des normes comptables
internationales et de l'Association actuarielle internationale concernant la gestion
des risques, ainsi qu'à l'évolution récente observée dans les autres secteurs
financiers, il convient d'adopter une approche économique fondée sur le risque […].(EPC,
2009, je souligne)
Le caractère intrinsèquement positif de cette approche est internalisé par les
acteurs promouvant Solvabilité 2. Ainsi, D. Kessler, P-DG de la Scor, affirme
que :
« Solvabilité 2 permet l’introduction de cette dimension économique et basée sur
les risques. Pour un assureur, on ne peut pas imaginer un système plus
intelligent ». (14 octobre 2014, Journée Scor Global Life – Solvabilité 2)