C Mi C FD re T e rre Solidai Les richesses autrement Guide d’animation di n -P o l yré il s s nées Rou Réfléchir Animer Stimuler Région Midi-Pyrénées Roussillon 28, rue de l’Aude - 31500 Toulouse Objectifs du guide d’animation Réfléchir : Le guide a pour objectif principal d’accompagner et de nourrir une démarche de réflexion sur la théma- tique du « bien vivre des peuples sur leurs territoires » en privilégiant pour l’année 2013-2014 l’axe « Les richesses autrement ». Le présent guide regroupe un certain nombre d’informations et d’outils pour faciliter la réflexion. Sa conception permet de reprendre des éléments de réflexion du CCFD-Terre Solidaire, des outils d’animation déjà existants et des témoignages de partenaires, de bénévoles et d’alliés. Sur cette base, il s’agit de se poser quelques questions permettant aux lecteurs de dessiner leur chemin dans ce débat et d’en saisir l’importance et les enjeux. Animer : Par l’exercice de réflexion proposé, associé à la démarche de formation qui sera proposée dans la région Midi- Pyrénées Roussillon, un deuxième objectif se dessine, celui d’agir. Ainsi, le guide espère contribuer à vous aider à proposer des animations ou à construire une formation sur le sujet des « richesses autrement ». Bénévoles et/ou animateurs, vous pouvez sélectionner les parties qui vous semblent pertinentes pour répondre à vos besoins et profiter des ressources documentaires à votre disposition. Stimuler : Le guide souhaite être un outil de plus pour stimuler les échanges entre les membres du CCFD-Terre Solidaire, la société civile française et les partenaires et de faciliter l’émergence d’idées pour renforcer à la fois le rapprochement réseau-partenaire, le plaidoyer local et l’éducation au développement. Contenu du guide Edito par Hélène CETTOLO, déléguée de la Région Midi-Pyrénées Roussillon p. 3 Introduction proposant à grands traits quelques constats : Inégalités croissantes des revenus et de la répartition des richesses dans un monde diversifié La domination absolue du capital financier Partie 1 - Les conceptions de la richesse Qu’est-ce que la richesse ? L’autre richesse L’Economie Sociale et Solidaire ou l’opportunité de revisiter les conceptions de la richesse Et pour nous, chrétiens, qu’est-ce que la richesse ? Partie 2 - La mesure de la Richesse Quels indicateurs alternatifs au PIB ? Les indicateurs de richesse : un enjeu citoyen Quels modèles et quelle mesure pour quel progrès ? Partie 3 - Les ressources d’un avenir durable 2 p. 4-5 p. 6-7 p. 8-9 p. 10-11 p. 12-13 p. 14-15 p. 16-17 p. 18-19 p. 20-21 Des richesses naturelles pour quel(s) développement(s) ? Repenser le lien social et la vie « à taille humaine » Le patrimoine matériel et immatériel Temps de vivre et sobriété p. 22-23 p. 24-25 p. 26-27 p. 28-29 Des conclusions p. 30-31 édito par Hélène CETTOLO, déléguée de la Région Midi-Pyrénées Roussillon Nous vivons dans une « société de croissance » marquée par la « démesure de l’accumulation des richesses et du pouvoir », par « la richesse matérielle – et en particulier monétaire – à tout prix ». La sphère économique et financière y occupe une place centrale. La plupart des modèles de développement concentrent leurs analyses autour des conditions nécessaires à la croissance, ainsi présentée comme une condition nécessaire à l’amélioration des conditions de vie. En outre, ces modèles économiques se basent sur la compétition et la financiarisation sans limite. L’illusion de la croissance éternelle, de l’accumulation de la richesse n’a pas produit les effets escomptés en termes de « Bien Vivre des peuples sur leurs territoires ». Au contraire, elle débouche sur la concentration et le renforcement des inégalités entre et au sein des pays. Ce modèle continue de s’imposer malgré l’épuisement des ressources et l’impasse dans laquelle il conduit l’humanité. Le CCFD-Terre Solidaire déplore cette situation et décide d’agir pour que nos sociétés s’interrogent sur les finalités de l’activité économique. Il s’agit de remettre la personne au cœur de l’économie. Le CCFD-Terre Solidaire réfléchit et agit pour permettre la mise en place de modèles économiques nouveaux. Il est donc nécessaire de questionner notre approche de la richesse. C’est ce que nous vous proposons cette année autour « des richesses autrement ». Quand on questionne la notion de richesses – et par là les logiques qui structurent nos échanges économiques –, quand on cherche à savoir « ce qui compte » pour chacun-e d’entre nous, et en fin de compte, ce qui oriente, souvent inconsciemment, notre façon de vivre, c’est aussi au fonctionnement de notre monde, à la manière de « faire société » que nous souhaitons réfléchir. Malgré ou à cause de la logique de la démesure, avec les conséquences que l’on sait ici mais aussi là-bas, des collectifs d’hommes et de femmes et des mouvements sociaux cherchent à redéfinir ce qu’est la richesse ou du moins à en proposer de nouveaux indicateurs. Au cœur des crises, les sociétés civiles n’attendent pas que les réponses viennent des gouvernements ; elles s’organisent un peu partout dans le monde pour pouvoir ainsi améliorer leurs conditions de vie et leur dynamisme aujourd’hui montre « la voie ». Comme l’écrit Edgar Morin : « Tout est à réformer et à transformer. Mais tout a déjà commencé sans qu’on le sache encore. Des myriades d’initiatives fleurissent un peu partout sur la planète. [...] ». Testées à petite échelle pour répondre localement aux besoins des populations locales, ces initiatives montrent ainsi qu’il est possible de produire de la richesse autrement tout en nourrissant la réflexion sur le développement, qu’il est possible de mettre en place de nouveaux indicateurs, de nouvelles boussoles qui puissent véritablement guider politiques publiques et activité économique en les « indexant » sur d’autres critères que seulement celui de la croissance économique aveugle (produire toujours plus) ou de la rentabilité à court terme. Et elles influencent également les gouvernements, comme le montre l’exemple de certains pays d’Amérique latine qui ont inscrit le bien-être collectif et la reconnaissance de l’économie plurielle dans leur constitution. Ces nouvelles alliances États/sociétés civiles donnent des résultats au niveau local ou régional et sont autant de raisons d’espérer. Bonne lecture de ce guide d’animation. Un outil qui donnera des pistes pour éveiller les publics que vous inviterez et leur donner envie de devenir acteurs de solidarité ! Dans chaque bloc, différents sujets sont approfondis. Vous y trouverez les rubriques suivantes : Partenaires Actions du CCFD-Terre Solidaire Comprendre Alliés Outils pour animer Aller plus loin 3 Inégalités croissantes des revenus et de la répartition des richesses dans un monde diversifié à l’heure où la crise financière révèle la démesure d’un modèle économique centré sur l’accumulation, le creusement exponentiel des inégalités sociales atteint des sommets au-delà de l’acceptable. Le CCFD-Terre Solidaire dénonce un « modèle de développement mondialisé qui met en péril la planète, surexploite et gaspille ses ressources, conditionne la circulation des personnes à la satisfaction des besoins des marchés licites ou illicites, et n’est viable que par l’existence, le maintien et l’aggravation des inégalités entre les peuples et au sein même de chaque pays, une concentration de richesses aux mains d’un groupe restreint d’acteurs économiques et financiers ». (Action Mondiale Contre la Pauvreté – AMCP – OMD 2015 – Propositions pour un socle commun de principes dans le cadre des réflexions « Post-2015 »). [ccfd-terresolidaire.org/IMG/pdf/soclecommun2015amcp.pdf] Le monde change, mais est devenu plus inégal La croissance des pays développés a cessé en raison des crises, celle des pays émergents s’est poursuivie, et le monde a pris conscience de ce changement. L’essor du Sud, considéré dans le monde en développement comme un rééquilibrage nécessaire, s‘est produit à une vitesse sans précédent. Mais plus de croissance économique, c’est mieux que quoi ? En tout cas, celle-ci ne s’accompagne pas d’une amélioration des conditions de vie pour tous. La richesse des nations reste mal répartie. Comprendre L’article d’Alternatives Economiques hors-série N° 97 – Rubrique Repères – avril 2013. © CCFD-Terre Solidaire / Hélène Marty Le DVD Le Dessous des Cartes « Richesse et pauvreté des nations » proposé par Jean-Christophe Victor – ARTE Editions – avril 2011. 4 8 % de la population mondiale détient 82 % du patrimoine mondial, alors que 3 % vont à 70 % des habitants. L’Amérique du Nord et l’Europe en possèdent 67 %. [Données du Crédit Suisse – Rapport Global Wealth Databook 2012] Le Nord a un Sud et le Sud a un Nord Les pauvres s’appauvrissent et les riches s’enrichissent. Ce constat n’est pas nouveau ! Le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Croissance et inégalités : Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE » 2008, vient sans surprise confirmer ce phénomène, en démontrant que la pauvreté et les inégalités salariales se sont accentuées dans trois quarts des trente pays de l’OCDE au cours des vingt dernières années. Une répartition inégale des ressources Un des exemples les plus frappants de la répartition inégale des ressources sur la planète est l’existence, dans certaines parties du monde, de la faim. En 2011, ce sont 846 millions de personnes qui souffraient de la faim dans le monde dont 89 % vivaient en Asie ou en Afrique. On estime que la faim touche plus d’un tiers de la population dans 15 pays africains. La majeure partie des 75 millions de personnes nouvellement touchées par la sous-alimentation proviennent de la région AsiePacifique (+ 41 millions), suivie de l’Afrique sub-saharienne (+ 24 millions) et de l’Amérique latine (+ 6 millions). Le ProcheOrient et l’Afrique du Nord ferment la marche avec une augmentation de 4 millions. La FAO souligne régulièrement, concernant la capacité de la planète à nourrir la population mondiale, qu’au-delà des défis agronomiques, la faim est avant tout une question politique et a des causes multiples : manque d’investissement dans l’agriculture de plus en plus marqué ; politiques publiques de soutien au développement agricole et rural déficientes, voire simplement supprimées après les ajustements structurels ; règles commerciales instaurant une concurrence « libre et non-faussée » entre pays riches et pauvres, entre agrimanagers et petits paysans ; mainmise de plus en plus forte par les grandes firmes multinationales et les acteurs financiers sur les marchés agricoles non seulement mondiaux, mais aussi locaux ; concentration croissante des ressources naturelles ou monétaires entre les mains de quelques-uns plutôt que pour l’intérêt général... aller plus loin à partir de l’exemple très significatif de la production d’huile de palme en Indonésie, vous pouvez prendre un temps en équipe pour discuter autour du sujet « mondialisation et partage des richesses ». Voir article « Huile de palme, danger mortel ! » Revue Okapi, Disponible dans les délégations diocésaines. Inégalités de développement, dégradations environnementales et catastrophes naturelles Les inégalités de développement humain, et plus exactement la pauvreté monétaire, conduisent parfois à de graves dégradations environnementales (épuisement des ressources naturelles, les atteintes majeures à la biodiversité) ou exposent les populations des pays à des conséquences aggravées à la suite des catastrophes dites « naturelles ». Les capacités d’adaptation au changement climatique sont intimement liées au développement économique et social alors que celui-ci n’est pas réparti de manière équitable entre et au sein des sociétés (Rapport de synthèse GIEC, 2007). outils pour animer • Vidéo thème d’animation – Le partage des richesses financières – Séquence public adulte, disponible dans vos DD. • Jeu « L’injuste prix », Disponible sur solidarnet et dans vos DD. • Jeu « Le goûter insolent », Disponible dans vos DD. • Jeu « Un pas en avant », Disponible sur solidarnet et dans vos DD. 5 La domination absolue du capital financier La transformation du système économique depuis trente ans a consacré la domination absolue du capital financier. Sur les marchés financiers, la part des transactions qui correspondent à des biens et à des services réels représente moins de 3 % des échanges financiers et la part spéculative à 97 %. Cet exemple révèle au grand jour les dérives d’un système financier émancipé du pouvoir politique et déconnecté de l’économie réelle ne remplissant plus que partiellement son rôle au service du progrès social. Comprendre • Dossier thème d’année 2009-2010 Le partage des richesses financières. Disponible sur solidarnet et dans les DD. • Merckaert et Nelh, « L’économie Déboussolée. Multinationales, Paradis fiscaux et Captation des richesses », rapport du CCFD-Terre Solidaire, décembre 2010. • CCFD-Terre Solidaire – « Biens mal acquis, à qui profite le crime ? » 2009 (Rapport actualisé après un premier rapport publié en 2007) Face à la montée des inégalités dans le partage des richesses financières, le CCFDTerre Solidaire s’est d’abord engagé dans l’annulation de la dette. L’engagement sur la fiscalité et la fuite illicite des capitaux en est un prolongement naturel. L’impôt est l’instrument privilégié de financement de politiques publiques décidées librement et peut aussi avoir une fonction déterminante pour assurer une meilleure répartition des richesses. Les pays du Nord, leurs entreprises et leurs intermédiaires financiers ont une lourde responsabilité dans la fuite illicite des capitaux (évasion fiscale, détournements, mise en concurrence des fiscalités, argent du crime). Le CCFD-Terre Solidaire cherche depuis plusieurs années à approfondir ses intuitions et à faire valider ses propositions. C’est un combat qu’il mène avec ses partenaires au sujet des biens mal acquis. C’est aussi un combat qui questionne le rôle des entreprises multinationales. Enfin, c’est un combat pour une réforme en profondeur de la finance. Paradis fiscaux et captation des richesses La question des paradis fiscaux, judiciaires et réglementaires, est au cœur des règles du jeu actuelles de la mondialisation. En effet, ces territoires au régime fiscal faible, à la justice et aux règles de prudence financière peu strictes, biaisent les mécanismes de répartition des richesses. Les acteurs majeurs de l’économie mondiale que sont les banques et les firmes multinationales profitent d’un système qui leur permet de « loger » de manière artificielle leurs bénéfices à peu près où ils le veulent. Cette localisation de l’activité économique des entreprises dans des lieux opaques est un miroir déformant de la géographie de l’économie réelle mondiale. En outre, l’existence de paradis fiscaux et l’évasion des capitaux contribuent à restreindre les budgets des états du Sud comme ceux du Nord. 6 Comprendre • Tax Toy Comprendre les paradis fiscaux. CCFD-Terre Solidaire. Outil illustré simple, pratique et didactique pour comprendre le fonctionnement des paradis fiscaux et l’évasion fiscale massive des multinationales depuis les pays du Sud. Disponible sur Solidarnet • Paradis fiscaux : Bilan du G20 en 12 questions – Rapport du CCFD-Terre Solidaire – Avril 2010 Mais, les principales victimes sont les pays en développement. On estime que 800 milliards d’euros par an partent dans ces trous noirs de la finance mondiale. Autrement dit, c’est plus de 10 fois ce que ces pays reçoivent avec l’aide publique au développement. Les grandes entreprises génèrent à elles seules un manque à gagner de plus de 125 milliards d’euros pour les caisses des états des pays du Sud. Selon des estimations, éliminer la faim dans le monde coûterait 30 millions d’euros par an. Ce qui revient à fermer les paradis fiscaux durant 37 jours seulement ! L’affaire Cahuzac a remis cette thématique au cœur de l’actualité d’où elle s’était quelque peu effacée depuis 2009 et le G20 de Londres. Ainsi, en 2009, l’OCDE a établi une liste grise de 42 paradis fiscaux. Aujourd’hui, elle n’en compte plus que 8 alors que Tax Justice Network, un réseau indépendant de chercheurs, a établi une liste de 60 territoires opaques. Le décalage entre ces estimations est révélateur du laxisme des états sur cette question. C’est pourquoi la plateforme « Paradis Fiscaux et judiciaire » dont fait partie le CCFD-Terre Solidaire recommande : Aller plus loin • d’établir une liste des paradis fiscaux et judiciaires efficace, • d’établir des mesures de transparence comptable, • de mettre fin aux sociétés écrans : trusts et autres, • d’établir une coopération fiscale efficace au profit des pays du Sud. • de mondialiser la justice : renforcer les sanctions contre la criminalité économique et financière. Bien que décomplexée, la relation moderne de l’individu à l’argent n’a pas fait disparaître le malaise qu’il suscite, bien au contraire. Si la société regarde avec suspicion la richesse facile, l’argent exerce toujours une attraction individuelle forte qui tend à la fascination. L’argent ne doit pas servir de fin en soi. Les ressources financières doivent être mobilisées pour le développement. Chaque état doit pouvoir disposer des ressources financières nécessaires au développement économique et social de sa population. Comment réinventer une économie au service de l’Humain ? Ne faut-il pas aujourd’hui repenser les conditions de la création de richesse, en envisageant la valorisation du rôle sociétal, social et écologique de l’entreprise (RSE) ? La gestion de l’argent peut-elle complètement échapper au contrôle des états, gardiens des intérêts nationaux et de la démocratie économique ? La crise d’endettement global qui touche tous les pays exige-t-elle que nous réinventions notre modèle de croissance ? Actions du CCFD-Terre Solidaire Les questions soulevées par la rémunération dans le secteur financier, les produits financiers complexes et les paradis fiscaux demeurent ouvertes, et nous obligent à nous interroger sur l’éthique de la finance et son efficacité à servir l’intérêt général. La campagne de plaidoyer sur l’encadrement des investissements. Outils pour animer Les investissements internationaux des entreprises ont pour but de créer, développer ou maintenir une filiale à l’étranger. Alors qu’ils sont nécessaires au développement des pays, le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires dénoncent l’existence d’investissements néfastes pour les populations les plus pauvres. Cette campagne de plaidoyer défend l’idée que ces flux financiers doivent réellement contribuer au développement. Pour cela, les populations doivent être au cœur des choix d’investissement. Le CCFD-Terre Solidaire demande à l’Etat français et à travers lui, à l’Union Européenne d’être exemplaires sur leur encadrement et de poser des exigences plus fortes à l’égard des entreprises. • Faire le grand jeu de l’apéritif international. Sur www.bougetaplanete.org/educateurs, dans la rubrique « Ressources pédagogiques », télécharger le dossier « éducateurs ». En page 4, suivre les consignes. • Dossier Animateurs 2009-2010 – Le partage des richesses financières. Disponible sur solidarnet et dans les DD. • Exposition : « Comprendre les paradis fiscaux », « Le partage des richesses financières » (2009-2010), disponible dans vos DD. • Vidéo : « Comment aider Mr argent ? » et son livret pédagogique, disponible sur solidarnet. • Visuel d’ARACABAS, « le baiser de Judas » et « les trente deniers », Vivre le Carême 2010, disponible sur solidarnet. Dès octobre 2013, le réseau se mobilisera autour de cette campagne ! 7 PARTIE 1 Les conceptions de la richesse Qu’est-ce que la richesse ? Les crises mondiales nous révèlent la nécessité et l’urgence de repenser le modèle de développement dominant et de le réorienter vers ce qui fait réellement richesse. Mais qu’est-ce que la richesse ? La question mérite d’être posée et débattue. Richesse, valeur, utilité : redonner du sens aux mots Il serait faux de penser qu’une réflexion sur le sens de la richesse est une préoccupation actuelle. Nos prédécesseurs, sans connaître la société de consommation actuelle, ont longtemps discuté sur les multiples dimensions de cette notion. Richesse Les économistes classiques ont « construit » le concept de richesse avec lequel nous vivons encore aujourd’hui. Ils consacrent une vision de la richesse assimilée à une production marchande matérielle. « Un homme est riche ou pauvre selon les moyens dont il dispose pour se procurer les biens nécessaires, commodes et agréables à la vie humaine. » (Adam Smith, 1776 : 47). Valeur La richesse est un ensemble de biens qui ont une valeur ; elle est mesurée par la somme de la valeur des objets dont elle se compose. Le courant économique dominant a fini par réduire la valeur à ce que les Anglo-Saxons nomment : « Value for money ». On est passé ainsi de sociétés où « ce qui a vraiment de la valeur n’a pas de prix » à des sociétés de marché où ce qui n’a pas de prix n’a pas réellement de valeur. « Le prix est la mesure de la valeur des choses et leur valeur est la mesure de l’utilité qu’on leur a donnée ». (Say, 1841 : 58) On est conduit à tout monétariser. Utilité Le langage économique dominant a nommé « utilité », à la suite de Jean-Baptiste Say, ce qu’il conviendrait en réalité de nommer « désirabilité ». « Pourquoi, écrit-il, l’utilité d’une chose fait-elle que cette chose a de la valeur ? Parce que l’utilité qu’elle a la rend désirable et porte les hommes à faire un sacrifice pour la posséder ». On peut lui répondre qu’il y a des choses « qui ont de la valeur et n’ont pas d’utilité, mais qui sont désirables (un diamant par exemple), et d’autres qui sont très utiles, voire vitaux (air, eau …), dont l’utilité au sens économique sera considérée comme faible. Comprendre • Revue Projet, « Qui décide de ce qui compte ? » 2012/6 n° 331, CERAS. • Revue Alternatives Economiques – « La richesse autrement » Hors-Série n° 48- mars 2011 • Alain Caillé, L’idée même de richesse, Éditions La Découverte, collection « cahiers libres », 2012, 140 p. • Dominique Meda, Qu’est-ce que la Richesse ?, Paris, Alto Aubier. 1999. • Patrick Viveret, Reconsidérer la richesse, La Tour d’Aigues, Ed. de l’Aube. 2003 8 L’évolution des conceptions de la richesse dans la pensée économique invite à la réflexion… Depuis le xvie siècle, les explications concernant les sources de la richesse ont considérablement varié selon les courants de pensée et les époques. Ainsi on est passé des métaux précieux à l’idée d’utilité et de rareté d’un bien, en passant par la terre ou encore la valeur travail. L’histoire du concept de richesse est déterminante pour saisir notre conception actuelle qui minimise la valeur des services non marchands et non monétaires et leur utilité sociale. Les différents courants de pensée économique ont façonné nos représentations et par conséquent notre système de comptabilité nationale. Jusqu’il y a peu, cette conception de la richesse s’est avérée principalement matérielle. aller plus loin à partir de ce constat, vous êtes invités à réfléchir aux questions suivantes afin de déterminer quel progrès, selon nous, il faudrait mesurer. De quoi sommes-nous riches ? Qu’est ce qui nous appauvrit ? Qu’est ce qui, pour moi, a de la valeur ? Qu’est ce qui, pour la société, a de la valeur ? Est-ce que le fonctionnement de la société est en accord avec nos convictions ? Quelle part avons-nous à prendre dans le fonctionnement de la société ? Les questions proposées ci-dessus sont celles qui ont été posées au peuple de Sarayaku dans la forêt amazonienne équatorienne afin de déterminer ensemble les trois piliers qui fondent leur conception de la vie en harmonie (le territoire, l’environnement et les ressources naturelles). Sources : Revue Projet, « Qui décide de ce qui compte ? » 2012/6 n° 331, CERAS. p. 50. Finalement, ce travail nous permet de voir que la conception actuelle de la valeur est partielle au regard de notre idéal de bien vivre. « L’Homme doit être au centre de l’économie. Il faut savoir renoncer au profit maximum pour prendre en compte le bien commun et le travail pour tous. Il nous faut protéger notre planète. » Benoit XVI, le 18 août 2011, aux JMJ de Madrid. 9 PARTIE 1 Les conceptions de la richesse L’autre richesse Dans le contexte mondial de crise économique, environnementale, démocratique et sociale profondes, les modèles économiques d’accumulation capitaliste et de mesure du progrès font plus que jamais débat. Le modèle de société de marché cantonne le progrès à l’augmentation de l’indicateur de croissance, le PIB. Pourtant, les défis environnementaux, sociaux, démocratiques et économiques actuels demandent de repenser l’idée même de richesse, en la sortant de son carcan matérialiste. La richesse ne se réduit pas à la richesse monétaire et il faut prendre en compte à travers sa mesure, ses dimensions multiples et qualitatives plutôt que quantitatives. Qui est riche ? Comment ? De quoi ? Si le bien-être se constitue par l’accumulation des biens, accumulation par laquelle hommes et femmes voient une garantie de survie, cette satisfaction n’est pourtant pas suffisante au bonheur. L’être humain a aussi besoin de liens interpersonnels, d’échanges et de savoirs, de confiance envers autrui. Autant d’éléments qui échappent à la loi économique. De nombreuses activités qui contribuent au bien-être ne sont pas comptées dans le PIB tel que le bénévolat et le travail domestique. Pourtant ces activités et ces temps partagés sont extrêmement importants pour le développement, la stabilité et la pérennité de notre société mais également pour notre épanouissement personnel, notre bonheur individuel. Si l’on part du principe que chaque individu aspire à la meilleure vie possible, toutes les Comprendre activités cognitives, qui lui procurent du plaisir, peuvent, dès lors, être considérées comme • Alain Caillé, une source de richesses. L’idée même de richesse, Paris, La Découverte, coll. Cahiers libres, 2012, 140 p. • Isabelle Cassiers, Repenser la richesse et sa mesure, La Vie des idées, 20 septembre 2012. • Isabelle Cassiers et alii, Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, Aube 2011. Alain Caillé dans « L’idée même de richesse » propose de placer le don et la gratuité au centre d’une définition élargie de la richesse : « Est riche le pays qui permet au plus grand nombre de ses habitants et citoyens de recevoir en percevant qu’ils reçoivent effectivement un don et non un dû, et de développer leurs capacités d’agir, de donner et de s’adonner, et d’accéder ainsi à la reconnaissance qu’ils recherchent ». Mais « donner à qui, s’adonner à quoi, être reconnu par qui et pour quoi ? » C’est à ces questions qu’il faut maintenant tenter de répondre. partenaires Daniel Santi, représentant du peuple Sarayaku en Equateur, nous parle de sa conception de la richesse : « La richesse ne se fonde pas juste sur la croissance économique. La véritable richesse se fonde sur la vie, sur l’équilibre avec la nature et l’équilibre avec tous les êtres vivants qui habitent sur cette planète. De nombreux pays se croient « riches » du point de vue matériel et économique, mais ces pays sont pauvres de beaucoup de choses. (…) La richesse se concentre non seulement dans la valeur monétaire ou matérielle mais aussi dans la valeur spirituelle, la valeur de la vie en harmonie avec la nature et aussi dans la co-responsabilité. Je pense que c’est la richesse fondamentale ». Les Sarayaku défendent leur mode de vie et leur environnement face à des compagnies pétrolières en Amazonie. (voir p. 19 de ce guide) Voir vidéo : http://vimeo.com/69739411 Richesse, monnaie sociale et société du bien vivre Cette autre approche de la richesse et de la monnaie est au cœur d’une économie et d’une politique « au service de l’humain » comme l’Economie Sociale et Solidaire le répète dans tous ses textes. Mais cette perspective qui conduit à travailler à l’émergence de ces « sociétés du bien vivre » évoquées dans les forums sociaux mondiaux ne va pas de soi. Pour les êtres humains « passer du logiciel ego-compétitif au logiciel alter-coopératif » (cf Edgar Morin) suppose des changements de posture tout à la fois personnels et collectifs. Les systèmes de référence et de mesure du développement doivent s’émanciper du seul critère de croissance économique. L’exemple de la monnaie est intéressant de ce point de vue. Il peut être source de difficultés (celle du choix du standard ou de l’étalon d’échange, celle de la construction d’une communauté de confiance…) mais c’est aussi l’opportunité de travailler sur le cœur des enjeux d’une autre approche de l’économie et du politique et au-delà de la question clef du « bien vivre ensemble ». 10 ©CCFD-Terre Solidaire /Karine Esteves Les monnaies complémentaires locales seraient-elles une réponse à la crise financière ? Alors qu’une majorité des flux financiers sont absorbés par la spéculation, les monnaies locales visent à investir 100 % des montants dans l’économie réelle en redonnant du sens à l’argent pour relocaliser les échanges, favoriser l’emploi et créer du lien. « Muse » d’Angers, « Luciole » d’Ardèche, « Bogue » d’Aubenas, « Violette » de Toulouse… Ces noms poétiques fleurissent aux quatre coins de la France sur de nouveaux billets fraîchement créés par les citoyens eux-mêmes. Ces monnaies locales complémentaires permettent à une plus grande partie de la richesse créée par le travail local de rester sur place, d’où un effet bénéfique pour le développement de l’économie locale. Plus de 30 monnaies locales circulent à ce jour sur le territoire alors qu’elles n’existaient pas il y a seulement trois ans. Dans le reste du monde, on constate le même phénomène : en Allemagne, une soixantaine de communes vivent au rythme des monnaies locales. à Ithaca, une petite ville de l’état de New-York, « l’Ithaca hours » fonctionne depuis presque 20 ans auprès de 1500 boutiques et entreprises. Au total, dans le monde, une cinquantaine de pays y auraient recours. Au Brésil, grâce aux « Palmas », les habitants des favelas font désormais leurs courses dans leur quartier, favorisant l’emploi local et le pouvoir d’achat. Banco de Palma : micro finance dans un quartier populaire de Fortaleza (Brésil) Témoignage de Mireille et André Héraudeau, bénévoles au CCFD-Terre Solidaire 81 et membres de la SIDI. Comprendre • Altermondes, « Monnaies, indicateurs : et si on réinventait la richesse ?», hors-série, n° 14, nov. 2012. Dans les années 1970, Joachim Melo a 23 ans et se laisse saisir par la situation des habitants d’un quartier de Fortaleza au Nordeste du Brésil, « las Palmas ». Cette population de 30 000 habitants des bidonvilles côtiers a été expulsée du littoral pour laisser le champ libre à la construction de complexes touristiques. Relégués à 15 km dans un quartier périphérique sans infrastructures, ils ont, à force de démarches, d’actions et de revendications, obtenu l’électricité et l’eau, mais beaucoup, ne pouvant pas payer ces services de base, étaient contraints de quitter le quartier. C’est ainsi que Joachim Melo, étudiant en théologie, et 4 autres personnes ont pris la situation en main. Ils ont réalisé une étude sur les dépenses de cette population : chaque mois, un million de Réals étaient dépensés, dont 80 % à l’extérieur du quartier. Avec l’aide d’investisseurs locaux, ils ont commencé à créer des acti• QCM sur les Monnaies locales complémentaires : vités locales : artisanat, restaurant www.spirale.attac.org/sites/spirale.attac.org/files/QCM-A5 monnaies locales.pdf communautaire, confection, créant ainsi une activité économique. En • « La double face de la monnaie » – Un film de JEROME POLIDOR et VINCENT GAILLARD (2006 France, 54 mn), www.lamare.org/double_face 1998, la première banque communautaire a été créée. La banque • Documentaire de 50 min sur la naissance du SOL-Violette fait par les Zooms Verts, Palmas permet de développer les leszoomsverts.fr/index.php/productions/93-sol-violette-le-film échanges internes et de sortir de la pauvreté. Aujourd’hui 57 Banco Palmas existent dans le Nordeste brésilien. Ces associations apportent du micro-crédit, un accompagnement et des formations. Depuis 2010, le CCFD-Terre Solidaire soutient « Banco Palmas » et la banque centrale du Brésil, après avoir voulu condamner ce système, l’a reconnu comme outil indispensable de ces quartiers pauvres. outils pour animer 11 PARTIE 1 Les conceptions de la richesse L’Economie Sociale et Solidaire ou l’opportunité de revisiter les conceptions de la richesse Une part importante de la crise résulte d’une vision réductrice de la richesse. Un certain nombre de collectivités territoriales et l’état lui-même commencent à découvrir l’importance d’une vision renouvelée de la richesse. L’économie sociale et solidaire a longtemps été anticipatrice (et seule) sur cette question. Ce n’est pas un hasard si plusieurs auteurs1 qui ont travaillé sur une autre conception de la richesse s’intéressent à l’économie Sociale et Solidaire. Vers une économie solidaire ? Peut-on concilier économie et solidarité ? Contrairement à l’économie marchande dont le but est la recherche de profit et l’accumulation de capitaux, l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) place l’humain au centre de ses préoccupations et actions. Plongeant ses racines dans les premières expériences collectives, l’ESS regroupe des initiatives diverses qui reposent sur des projets collectifs, prônant des valeurs humanistes, et ayant pour ambition le bien commun. Interview de Pierre Chastrusse, bénévole au CCFD-Terre Solidaire 31 et membre de la SIDI. Que sont les Chambres Régionales de l’Economie et de la Solidarité (CRESS) ? à la différence des Chambres du Commerce et de l’Industrie (CCI), plus anciennes, et qui s’inscrivent dans l’économie classique, les CRESS sont des associations représentatives et transversales qui ont vocation à réunir les acteurs de l’économie sociale et solidaire de leur région (les associations, les mutuelles, les coopératives...). L’économie sociale et solidaire fait référence à des structures qui se définissent comme des sociétés de personnes et non de capitaux. Elles ont un fonctionnement démocratique et solidaire. Autrement dit, dans ces structures, un homme ou une femme correspond à une voix. Quels sont les principes majeurs de l’économie sociale et solidaire ? Il y a d’abord un principe de coopération à travers la volonté de travailler ensemble, de s’entraider, à la différence d’une logique de concurrence guidée par le profit. Ensuite, ces entreprises recherchent l’utilité sociale. Enfin, elles agissent au bénéfice de ceux qui sont exclus comme Habitat et Humanisme dans le logement par exemple. Comment le CCFD-Terre Solidaire participe-t-il à ces initiatives de solidarité ? Le CCFD ne fait pas partie du CRESS pour des raisons historiques. Mais, il est représenté à travers la société SIDI (Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement), créée en 1983 pour prolonger et diversifier son action dans le domaine économique. alliés La SIDI, Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement, est une société anonyme solidaire créée en 1983 par le CCFD-Terre Solidaire. Elle contribue à la promotion d’une économie sociale et solidaire, par la consolidation d’activités économiques individuelles ou collectives, initiées localement, dans les pays du Sud et de l’Est. Elle propose un appui financier et technique aux Structures de Financement de Proximité (SFP), qui offrent des services financiers adaptés aux populations exclues des circuits bancaires traditionnels. L’objectif est de favoriser la consolidation de ces structures, afin qu’elles proposent des services (d’épargne, de crédit, de formation, d’accès au marché et de mutualisation des risques) durables. 12 La SIDI a obtenu le label Finansol chaque année depuis sa création. Ce label est délivré à des associations/produits qui ont des critères d’éthiques et de solidarité. Comment fonctionne la finance solidaire ? Ce sont des gens qui, à un moment donné ont de l’argent et le prêtent. On distingue 4 secteurs principaux vers lesquels se dirige l’épargne solidaire. Il s’agit premièrement de la création d’emploi. Par exemple, à Toulouse, IéS (Initiative pour une économie Solidaire) fait de l’accompagnement à la création d’entreprises. Ensuite, elle permet l’insertion par le logement (Habitat et Humanisme) ou la santé. Le volet environnemental est un troisième aspect développé par la finance solidaire. Enfin, on retrouve ce type de projet dans le secteur de la solidarité internationale comme on l’a vu avec la SIDI. 1 Viveret, Gadrey, Morin, Jany-Catrice, Kempf, Coutrot, Perret… Quelle autre vision de la richesse apportent les principes de l’économie sociale et solidaire et ceux de la finance solidaire ? La finance solidaire conteste la vision étriquée de la richesse comme monnaie. La richesse se joue avant tout dans la relation : c’est la richesse humaine. C’est pourtant vieux comme concept économique. Au xvie siècle, Jean Bodin affirmait par exemple qu’il n’est de richesse que d’Homme. Pour la finance solidaire, l’argent est un bon serviteur (sans, on ne ferait pas grand-chose), mais elle conteste la course au profit et elle participe au soutien des plus démunis. Autrement dit, elle agit pour réparer les dégâts (c’est l’unique institution à le faire avec l’état) et elle conteste l’omniprésence du profit et le mauvais usage de l’argent. Un dernier aspect important de la finance solidaire, c’est qu’elle est à la portée de tout le monde. Elle veut à la fois faire une éducation à la consommation et elle veut privilégier l’éthique et l’utilité sociale. Elle promeut donc l’idée que la finance est un OUTIL. © CCFD-Terre Solidaire /Claude Hure L’économie Sociale et Solidaire ou l’opportunité de revisiter les conceptions de la richesse La finance solidaire s’inscrit dans l’action du CCFD-Terre Solidaire. Elle prend aujourd’hui toute sa pertinence, car elle réinjecte de la solidarité dans l’économie, valeur qu’une finance déréalisée, basée sur la recherche de profits rapides et maximum, a oubliée. Comprendre • Finansol : www.finansol.org • SIDI : www.sidi.fr/ • Alternatives Economiques (2005), Donnons un sens à la finance, n° 242 bis, déc. • Alternatives Economiques (2008), Les placements éthiques et solidaires, Guide Pratique n° 35, sept. Actions du CCFD-Terre Solidaire • Finansol (2008), Le baromètre des finances solidaires, (publication Finansol – La Croix – Ipsos) – www.finansol.org/docs/barometrefinances-solidaires-2008.pdf Le CCFD-Terre Solidaire soutient le Fond Coopératif au Laos depuis 2004. Au Laos, l’accès au financement reste globalement très limité ainsi que le développement du secteur privé. Beaucoup de zones sont caractérisées par une faible monétarisation des systèmes de production ruraux. Le Fond Coopératif, crée en 2002 avec le soutien de la SIDI, apporte un soutien financier aux petites entreprises et aux coopératives de producteurs notamment par l’octroi de prêt (microcrédit). Il contribue ainsi au développement des activités génératrices de revenus (agriculture, petit commerce, artisanat…) au niveau des districts ruraux et périurbains, pour l’amélioration des conditions de vie dans les différentes régions du Laos. Plus de 1900 micro entrepreneurs et paysans bénéficient de ses services financiers. Tembeka Créé en 1996, Tembeka signifie « digne de confiance ». Tembeka soutient et conseille des institutions de micro-finances, avec pour objectif de faciliter l’accès au crédit pour les créateurs d’activités génératrices de revenus. Alors que l’Afrique du Sud produit à elle seule le quart des ressources du continent africain, le tiers de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Partenaire du CCFD-Terre Solidaire, Tembeka travaille aussi étroitement avec la SIDI. Cette organisation « d’investissement social » s’est donné pour mission de lutter contre la pauvreté en facilitant l’accès au micro crédit pour des Sud-Africains de milieux défavorisés. Pour cela, elle prête de l’argent à des institutions de micro finance qui travaillent directement avec les destinataires. L’objectif final de cette chaîne de solidarité est de permettre aux Sud-Africains défavorisés de développer des activités économiques rémunératrices et d’améliorer les conditions de vie des habitants. Par exemple, Vivian, maitresse d’école, finance son projet de rénovation d’école grâce à une institution locale, Tetla, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire et financée par Tembeka. Aujourd’hui, Tembeka réfléchit à la manière de faire prendre de l’ampleur au mouvement alors qu’il existe seulement trois grandes institutions de micro finance et que, sur 5 millions de personnes pauvres, seules 200 000 ont été atteintes. Outils pour animer • Calza,Maret, Mibet, Pet, Roulin et Sen, (2007), « Des bulles dans la finance : 4 histoires sur le microcrédit », Grad & les auteurs (ed.). • Grand jeu « Pour une poignée de Zars », disponible dans votre DD. • Vidéo « Pourquoi et comment Monsieur Argent ? Séquence 7 » Disponible dans votre DD. • Bande dessinée Shamira. Disponible dans votre DD. • Vidéo thème 2009-2010 « L’Afrique du Sud, pays riche ou pauvre ? », public jeune et public adulte, disponible dans votre DD. 13 PARTIE 1 Les conceptions de la richesse Et pour nous, chrétiens, qu’est-ce que la richesse ? Nous le savons très bien et je n’apprendrai rien : l’écart entre riches et pauvres ne fait que s’accroître, y compris à l’intérieur d’un même pays. Les scandales financiers ne manquent pas : appât du gain, l’argent pour l’argent, détournement de fonds… le veau d’or est toujours debout, on encense sa puissance, comme il est chanté dans le Faust de Gounod ! La valeur d’une personne, d’un groupe, d’une entreprise se mesure à son poids financier et la personne humaine n’a de valeur qu’à partir de son correspondant en euros ou en dollars… Cet attrait de l’argent est une réalité vieille comme le monde, nous le savons et l’évangile aura toujours une fonction contestataire, voire révolutionnaire dans notre société. Nous pouvons passer pour des naïfs, nous pouvons même être ridiculisés, peu importe… le monde va à sa perte s’il ne met pas la personne humaine au centre sociétal… L’histoire s’est déjà chargée de nous le dire, mais nous sommes amnésiques ! Que nous dit donc l’évangile dans son appel radical ? Va, vends tout ce que tu as et suis-moi !... Il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu…Ce sont des textes connus, y compris des incroyants, mais qu’est-ce que ça change ? Tant que l’écriture ne devient pas Parole Vivante, elle reste un beau discours intellectuel, qui peut toucher le cœur, certes, mais qui reste lettre morte si elle ne fait pas passer aux travaux pratiques ! Qu’est-ce qui nous fait vivre ? demande un personnage du Pavillon des cancéreux de Soljénitsyme ? Oui, qu’est-ce qui nous fait vivre ? à l’ère de la mondialisation où l’espionnage industriel, militaire et même politique ne manque pas, nous devons vivre au cœur de la complexité de ce monde. Il n’y a pas à fuir ce monde pas plus que la complexité géo-socio-économico-politique… Attelons-nous à une meilleure compréhension de notre monde avec tous les outils dont nous disposons pour que l’homme revienne au centre, à la tête de nos préoccupations… pas de naïveté, pas d’attitude de l’autruche, Dieu nous a créés avec une intelligence… Travaillons et agissons pour que le minimum vital de la personne humaine soit donné et respecté, et pas seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan de l’éducation, de la culture… le CCFD s’est attelé à cette tâche depuis sa naissance voulue par les évêques de France. L’expérience du rassemblement magnifique Diaconia de 12 000 personnes à Lourdes en est un beau témoignage… comment allons-nous prolonger cette dynamique de façon permanente ? Question que nous nous posions dernièrement à la maison diocésaine d’Auch dans une relecture de l’événement Ascension 2013. Et nous, comment allons-nous prolonger… cette manière de vivre nos diverses richesses, mais autrement ? Dans sa troisième encyclique Caritas in veritate, le pape Benoit XVI rappelait les conditions indispensables de travail pour avancer sur le chemin de l’amour et de la vérité, je cite : « Je voudrais rappeler à tous, et surtout aux gouvernants engagés à donner un nouveau profil aux bases économiques et sociales du monde, que l’Homme, dans son intégrité, est le premier capital à sauvegarder et à valoriser… » N’est-ce pas ce que le CCFD s’évertue à réaliser depuis sa naissance ? Merci de ce travail et bonne route à tous ! Le trésor de la société et du monde, c’est bien l’Homme, qu’il retrouve sa place, sa vraie place avec un enrichissement mutuel grâce à la diversité des langues, des cultures, des religions, des philosophies… c’est grâce à la diversité de ces couleurs que l’arc-en-ciel peut exister et n’est-il pas l’alliance noachique, première alliance de Dieu avec les hommes après le déluge ? © CCFD-Terre Solidaire /Karine Esteves Mgr Maurice Gardès 14 Que nous disent les textes bibliques d’aujourd’hui ? Quelle Parole de Dieu font-ils naître pour nous, maintenant? Les richesses et le Royaume aller plus loin Que retenir des différents enseignements sur la richesse que Luc a réunis ici ? Plus nous avançons sur le chemin du service, celui du Serviteur, le Christ, plus les exigences du Royaume se font précises. Les disciples doivent préférer le Christ à tout : l’argent, les richesses que l’on a et les biens que l’on possède ; sinon, il est impossible de suivre le Christ. Jésus et le riche notable (Luc 18, 18-30) Il te reste encore une chose à faire : vends tout ce que tu possèdes, distribue le produit de la vente aux pauvres, et tu auras un trésor au ciel. Puis viens et suis-moi ! Quand l’autre entendit cela, il fut profondément attristé, car il était très riche. (Luc 18.22-23). En le voyant ainsi abattu, Jésus dit : — Qu’il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu (Luc 18.24). Les auditeurs s’écrièrent : — Mais alors, qui peut être sauvé ? Jésus leur répondit : — Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Alors Pierre lui fit remarquer : — Et nous ? Nous avons abandonné tout ce que nous avions pour te suivre. Jésus leur dit : — Vraiment, je vous l’assure, si quelqu’un quitte, à cause du royaume de Dieu, sa maison, sa femme, ses frères, ses parents ou ses enfants, il recevra beaucoup plus en retour dès à présent, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. (Luc 18.26-30). La parabole du riche insensé : Luc 12, 13-21 Ce passage nous rappelle la double dimension de la vie humaine. D’un côté la gestion du quotidien : partager l’héritage, engranger la récolte, démolir les greniers, faire des réserves, se reposer, manger, boire, jouir de l’existence… La difficulté réside dans le fait que ces éléments lui font facilement oublier ou marginaliser son autre dimension, tout aussi importante : la vie ne dépend pas de ses richesses. Elle est plus grande et créative que celle qui s’exprime dans ses soucis quotidiens. Car chaque être humain est porteur d’une réalité infinie qui le dépasse, et en qui le christianisme reconnaît le Christ ressuscité et son Esprit. Tout le travail de la foi est de donner valeur aller plus loin à ces deux dimensions et de les mettre en relation. Comment tenir ensemble ces deux éléments, en apparence contradictoires ? • Sur Luc 12, 16-21 : en quoi cet homme est-il un insensé ? Qu’aurait-il dû faire ? « Quelqu’un de la foule lui dit : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Il lui dit : « Homme, qui m’a établi pour être votre juge ou régler vos • Quel éclairage sur les richesses ce texte nous partages ? » Puis il leur dit : « Attention ! Gardez-vous de toute cupidité, car, au sein apporte-t-il ? même de l’abondance, la vie d’un homme n’est pas assurée par ses biens. » Il leur dit alors une parabole : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Et il se demandait en lui-même : Que vais-je faire ? Car je n’ai pas où recueillir ma récolte. Puis il se dit : Voici ce que je vais faire : j’abattrai mes greniers, j’en construirai de plus grands, j’y recueillerai tout mon blé et mes biens, et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, fais la fête. Mais Dieu lui dit : Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l’aura ? Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s’enrichir en vue de Dieu. » (Luc 12.13-21) 15 PARTIE 2 LA MESURE DE LA RICHESSE Quels indicateurs alternatifs au PIB ? Avec la montée des inégalités et des crises actuelles, les outils de mesures économiques – principalement le Produit Intérieur Brut – subissent de nombreuses critiques. Depuis près de trente ans, de nouveaux indicateurs de richesses se développent dans le champ académique, associatif et politique. Ces indicateurs alternatifs deviennent un des moyens principaux d’oeuvrer à la transition vers un modèle qui allierait progrès économique, social et écologique. Le Produit Intérieur Brut (PIB) ou un thermomètre à reconsidérer Le PIB est la somme des richesses créées dans un pays donné, sur une période donnée. Il mesure donc le revenu collectif, de tous les citoyens, de toutes les entreprises, de toutes les collectivités. Chaque fois qu’un échange économique dégage de la valeur ajoutée, de la richesse nouvelle ou des revenus au sein d’un pays, le PIB augmente. Toutes les politiques socioéconomiques sont orientées par et pour cet objectif de croissance économique. Car il témoignerait de la bonne ou mauvaise santé d’une économie, et plus largement d’une société. Il serait synonyme d’amélioration d’emploi, permettrait de lutter contre les inégalités et de financer les politiques publiques. Cette idée repose pourtant sur une conception discutable de la richesse, très restrictive et peu adaptée aux défis de notre temps. Comprendre Sur Internet • www.oecd.org/progress : le site du programme « Mesurer le progrès des sociétés » de l’OCDE. • www.beyond-gdp.eu : le site de la conférence internationale «Au-delà du PIB». Voir notamment la rubrique «Fact Sheets» pour la présentation d’une vingtaine d’indicateurs alternatifs. • Le site de la commission Stiglitz : www.stiglitzsen-fitoussi.fr/fr/index.htm • «Les indicateurs du développement durable et l’empreinte écologique», rapport du Conseil économique social et environnemental, 2009. Disponible sur www.conseileconomique-et-social.fr/rapport/doclon/09060215.pdf • www.idies.org/index.php?category/FAIR : le site de Fair, le Forum pour d’autres indicateurs de richesse. Ouvrages • CHAROLLES V., Et si les chiffres ne disaient pas toute la vérité, par Valérie Charolles, éd. Fayard, 2008. Le regard d’une économiste doublée d’une philosophe des sciences sur l’usage des chiffres dans notre société. • GADREY J. et JANY-CATRICE F., Les nouveaux indicateurs de richesses, La Découverte, Coll. « Repères », 2005. Un tour d’horizon très clair des indicateurs de richesse alternatifs • MEDA D., Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, Flammarion, Coll. «Champs-Actuel», 2008. • PERRET B., Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives, Rapport au Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale, Janvier 2002. Les Limites du PIB. La croissance du PIB n’équivaut pas nécessairement avec la croissance du bien-être social et écologique. Quelques exemples concrets suffisent à comprendre les limites du PIB. Un tremblement de terre qui détruit des milliers d’habitations et tue des milliers de personnes est source de croissance économique. Pour déblayer, reconstruire, soigner, etc. C’est le fameux « effet Kobe » du nom du tremblement de terre qui secoua la ville du même nom au Japon. Une limite est liée au périmètre des activités et situations considérées comme des sources de richesses. Cette critique apparaît dans la comparaison de deux « foyers » identiques. Si dans l’un d’eux, le ménage est fait par un des membres du foyer à titre gratuit, l’apport pour la croissance sera nul. Une autre limite : le PIB est indifférent aux inégalités. Enfin, le PIB met l’accent sur les quantités et pas sur les qualités et ne rend pas compte des gains ou des pertes de durabilité ou de soutenabilité environnementale. Qu’est ce qui compte ? Comment faire pour tenir compte du patrimoine naturel ? Comment représenter la cohésion sociale ? Face à ces critiques, les comptables et économistes répondent habituellement que l’outil de mesure du PIB est imparfait et n’a pas vocation à apprécier l’évolution du bien-être des individus ni même à être l’outil central des politiques. En 2008, l’ancien chef de l’état français, Nicolas Sarkozy, créait la Commission de mesure de la performance économique et du progrès social dirigée par deux prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz (président) et Amartya Sen (conseiller du président). La commission était chargée d’examiner les limites du PIB en tant qu’indicateur des performances économiques 16 outils pour animer Les nouveaux indicateurs • « Les indicateurs alternatifs du bien-être », Romina Boarini, Asa Johansson et Marco Mira d’Ercole, OCDE, septembre 2006 www.oecd.org/fr/std/cn/37883038.pdf • « Mesurer le bonheur, un progrès ? », un dossier de la banque des savoirs du conseil général de l’Essonne : www.savoirs.essonne.fr/ thematiques/les-hommes/economie/mesurer-le-bonheur-un-progres • Mesurer le bonheur : des indicateurs pertinents pour la France ? de Raphael Wintrebert, Fondation pour l’innovation politique www.fondapol.org • Observatoire international du bonheur : www.oib-france.com/fr et du progrès social. Faisant suite à la nomination de la « commission Stiglitz », le collectif FAIR (Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse) a été créé début 2008 pour que les réflexions sur le progrès sociétal et sur ses indicateurs soient l’affaire de tous. Il rassemble des hommes et des femmes de terrain, des collectifs de citoyens, des philosophes, des sociologues, des économistes et des chercheurs. Aujourd’hui de nouveaux indicateurs tel que le BIB (Bonheur intérieur brut) sont en vigueur. Des méthodes innovantes Depuis 1997 et l’adoption du principe de cohésion sociale, le Conseil de l’Europe a cherché à mettre au point une méthode participative de construction et d’utilisation d’indicateurs mesurant le bien-être et son évolution. La méthodologie SPIRAL (Social Progress Indicators and Responsabilities for ALl), cherche à initier une réflexion collective. Pour ce faire, les citoyens sont répartis en plusieurs petits groupes de travail homogènes de 8 à 10 personnes. Chacun de ces groupes a une couleur pour faciliter la reconnaissance. Les groupes doivent alors répondre individuellement (en écrivant sur des post-its) à trois questions : pour vous, qu’est-ce que le bien-être? Qu’est-ce que le mal-être? Que faites-vous ou êtes-vous prêt à faire pour être bien ? Les réponses sont regroupées au sein de grandes dimensions du bien-être. Les groupes se réunissent alors pour exposer leurs conclusions formant ainsi un groupe commun lors d’une séance « arc-en-ciel » hétérogène. Une des idées fortes développées par la méthode SPIRAL est celle de la synthèse inclusive : la mise en commun des critères et la discussion doivent se faire en n’excluant aucune parole ou critère, chaque groupe ayant les siens propres. à partir de ces critères, des indicateurs de situation sont élaborés pour définir un chemin du progrès concernant les dimensions du bien-être. L’idée est de définir ce qu’est une mauvaise situation, une moyenne et situation idéale à atteindre ensemble. Il s’agit de voir où on se situe pour définir les actions pour passer à une situation meilleure. Le passage à une situation meilleure est de la responsabilité de tous et pas seulement des décideurs politiques. Source : Alternatives économiques – Hors-série poche n° 48 – mars 2011 Le Bhoutan, le Royaume du bonheur ? Outils pour animer • Extrait du reportage « Faut pas rêver » de France 3 (du 22/03/2013) sur « Le bonheur national brut ». www.france3.fr/emissions/faut-pas-rever/ reportage-le-bonheur-national-brut _35441 Ce petit royaume, passé de la monarchie absolue à la monarchie parlementaire il y a quelques années, intrigue et fascine. Connu en Occident pour gouverner en fonction de l’indice du Bonheur National Brut (BNB), le Bhoutan n’a pas fini de nous surprendre. • Film « Indices » de Vincent Glenn, Ce petit état bouddhiste de 700 000 habitants enclavé entre l’Inde et la Chine email : [email protected] est longtemps resté dans l’isolement. Son ancien roi, Jigme Singye Wang• Quizz c’est quoi le bonheur chuck déclarait en 1972 : « le bonheur national brut est plus important que - Dossier éducateur 2009/2010 le produit national brut. » Ce BNB, qui n’est pas chiffré, s’appuie sur quatre « Le partage des richesses financières» grands principes : croissance et développement économique, conservation de Fiche 9, disponible sur solidarnet et dans vos DD. la culture, sauvegarde de l’environnement et gouvernance responsable. Des mesures concrètes ont été prises comme l’interdiction de vendre du tabac, l’amélioration de l’accès aux soins et à l’eau potable, de la qualité des routes ainsi qu’une éducation pour tous. Sur ceraller plus loin tains points, ce pays a donc tenu son pari. Reste que le Bhoutan figure parmi les pays Que penser de cette les moins développés de la planète. 40 % de la population est analphabète et le repli expérience, quelles sont sur soi s’est traduit par l’absence de télévision et d’Internet jusqu’en 1999, de presse les limites d’une telle privée jusqu’en 2006. Mais une transition s’est opérée. Viser un maximum de biendémarche ? être matériel, psychologique et spirituel dans un pays victime d’une pauvreté endéQuels impacts réels sur mique, ce n’est pas rien. Mieux, en 2011, le taux de croissance du PIB s’élevait à 8 %. le bien vivre de ce peuple sur son territoire ? Voir article Revue Projet – n° 331 – décembre 2012, p. 44-48. 17 PARTIE 2 LA MESURE DE LA RICHESSE Les indicateurs de richesse : un enjeu citoyen La question des nouveaux indicateurs de richesses se pose au niveau international comme au niveau local. Elle constitue un véritable enjeu citoyen. En effet, définir des indicateurs, c’est faire des choix en termes de projet de société. D’autres indicateurs de richesse au service des politiques publiques : les collectivités territoriales s’en saisissent Interview de Fiona Ottaviani économiste, doctorante au Centre de Recherche En économie de Grenoble (CREG) à l’UPMF. Pourquoi a-t-on besoin de territorialiser les indicateurs? Le pouvoir accru des collectivités locales suite au mouvement de décentralisation, le développement de la contractualisation des politiques publiques ainsi que l’évaluation de celles-ci expliquent que de nouveaux besoins d’informations émergent à l’échelle locale, poussant les acteurs du territoire à s’intéresser à ce type de données. Construire des indicateurs alternatifs à cette échelle peut permettre de jeter un éclairage différent sur certaines politiques publiques (politique de développement économique, politique de la ville, etc.) en permettant de pointer les besoins et les manques des populations, les ressources monétaires et non monétaires dont celles-ci disposent et ainsi de poser à l’échelle d’un quartier, d’une ville ou d’une agglomération la question du bien-être des personnes sur un territoire mais également celle de la soutenabilité sociale et environnementale des modes de vie. Pourquoi est-ce important de déterminer des indicateurs ensemble et non pas laisser ces choix seulement aux experts? Derrière le vernis de scientificité et de neutralité du chiffre se trouve un ensemble de conventions qui ont présidé à sa mesure. Ce que l’on décide de mesurer et la manière dont on le mesure n’est pas neutre et préside de choix délibérés ou inconscients qui engagent des systèmes de valeurs, à la fois statistiques mais aussi souvent politiques et éthiques. Dès lors, si l’on reconnaît que la mesure n’est pas neutre et que dans le cadre de ses usages elle a un impact performatif sur les représentations des acteurs et les modes de structuration de l’action publique, il apparaît nécessaire que la définition de ce qui compte ne soit pas simplement le fait de l’expert mais provienne d’une expression plurielle de ce qui a de la valeur pour les individus et la société. Par exemple, dans le cadre de la politique de la ville, l’utilisation d’indicateurs très négatifs mettant en avant le taux de chômage, le taux de personnes aux RSA, le taux de non diplômés, etc. contribue à dresser un tableau noir des quartiers prioritaires et à stigmatiser les populations de ces territoires sans nous renseigner toujours très clairement sur les leviers d’action permettant une amélioration de la situation de ces personnes. Un autre élément important concernant cette implication des acteurs autres qu’experts dans le processus de construction de la donnée tient au fait qu’on observe aujourd’hui un décalage important entre les producteurs et les utilisateurs de la donnée chiffrée, ce qui contribue à la méconnaissance du caractère conventionnel de la mesure et aux mésusages des indicateurs. Ainsi, la participation d’une pluralité d’acteurs (citoyens, élus, experts) au processus de construction des indicateurs peut participer à la légitimation des indicateurs crées et répond à une exigence démocratique. De quelle façon mesurer, autrement qu’à travers le PIB, la richesse des territoires ? Telle est la question que se posent de plus en plus de collectivités. Depuis le début des années 2000, certaines collectivités ont conçu de nouveaux indicateurs de richesse à l’échelle locale. POUR QUI ? Les nouveaux indicateurs sont destinés aussi bien aux régions qu’aux départements et aux communes afin qu’elles orientent leurs politiques publiques non plus seulement vers « l’avoir » mais aussi « l’être ». 18 POURQUOI ? Pour mettre fin à la dictature du PIB, cet indicateur économique qui, certes, permet de mesurer l’accroissement de la production dans un pays, mais pas de juger l’état de bien être d’une société. COMMENT ? à travers la conception de nouveaux indicateurs alternatifs au PIB et la consultation des populations pour une meilleure appropriation. L’expérience participative de Rhône-Alpes : IBEST Depuis 2002, les habitants de Grenoble participent à la formulation d’indicateurs de bien-être : c’est le projet IBEST (Indicateurs de Bien-Etre Soutenable Territorialisés). Au départ centré sur les quartiers populaires, le travail a élargi son champ à l’ensemble du territoire d’agglomération, pour tenter de faire progresser la mesure de la richesse non monétaire ou du bienêtre. C’est un projet innovant qui interroge les acteurs grenoblois au niveau global comme local et qui met en œuvre une méthode participative. Le but de cette expérience est de bâtir des indicateurs traduisant le bien-être social, la qualité de la vie ou une nouvelle façon de considérer les richesses territoriales, afin que ces éléments soient pris en compte pour fixer des objectifs de politique publique. Dans la région Rhône-Alpes, le CCFD-Terre Solidaire prend part à cette réflexion à travers sa participation à un réseau de réflexion sur les nouveaux indicateurs de richesse. Projet ISBET, indicateurs sociaux de bien-être territorialisés. Ce projet, démarré en 2008, a pour objet de faire le lien entre toutes les parties prenantes concernées par les politiques territoriales (collectivités locales, citoyens, associations, acteurs économiques) et des chercheurs autour de l’élaboration d’indicateurs de bien-être et de progrès social sur le territoire. (www.lafabriquedusocial.fr/initiatives/38-isbet.html) «Sumak Kawsay», une alternative de développement local des communautés quechuas Depuis plus de 20 ans, le peuple Sarayaku, en Amazonie équatorienne, lutte pour défendre son territoire, sa biodiversité et son patrimoine immatériel, contre l’intrusion des exploitants pétroliers. Pour mieux faire connaitre et faire comprendre son combat, il a développé ses propres indicateurs de richesse, autour d’un concept, le « Sumak kawsay » (la vie en harmonie). Toujours en chantier, la définition précise d’indicateurs tend à présenter des données quantifiées autour du bien-vivre en harmonie. à partir des analyses sur la pauvreté et la richesse, les Sarayaku ont mis en place « un plan de vie » orienté vers le renforcement du « Sumak kawsay ». Les objectifs sont clairs : la continuité de la vie du peuple Sarayaku selon son propre mode de vie, sa culture et ses principes philosophiques, la régénération perpétuelle de la « forêt vivante ». Cela se traduit par la mise en place d’une économie solidaire sur la base de la chacra (petits espaces pour l’agriculture), de l’artisanat, de la chasse, de la pêche, etc., avec une monnaie solidaire et un système original d’accumulation des richesses fondé sur les connaissances. Mais attention, ce mode de vie ne rejette pas en bloc la modernité. Le défi est de faire le lien entre le savoir ancien et le savoir de la modernité. Les Sarayaku tiennent à préserver leur système d’éducation afin de transmettre et valoriser les connaissances et de maintenir un système économique essentiellement agricole fondé sur la solidarité, la réciprocité et la sécurité alimentaire de tous. Ce plan de vie établi donne une vision de l’avenir que les Sarayaku souhaitent construire mais il ne fige pas le chemin à suivre pour la génération actuelle et future. outils pour animer • DVD « SARAYAKU, le Peuple du Milieu du Jour », 3 films documentaires inédits réalisés en Amazonie, 1 livret de 16 pages sur la lutte de ce peuple indien, Les interviews des parrains de la Frontière de vie : Gilles Clément, Danielle Mitterand, Pierre Rabhi, Jean-Marie Pelt… Commande pour la France : [email protected] De plus, les Sarayaku ont décidé de concrétiser un projet à vocation internationale et de portée universelle afin de constituer une preuve vivante qu’un autre développement, basé sur la vie en harmonie ou le « Bien Vivre », est possible et bénéfique. Il s’agit de planter, sur tout le pourtour de leur territoire, soit sur plus de 300 km de long, de vastes cercles d’arbres à fleurs de couleurs. Cette canopée de fleurs deviendra visible du ciel et marquera ainsi la présence de l’homme dans la forêt, la volonté des peuples autochtones de préserver leurs territoires et de maintenir la forêt intacte. Source : Revue Projet – n° 331 – décembre 2012, p. 50. 19 PARTIE 2 LA MESURE DE LA RICHESSE Quels modèles et quelle mesure pour quel progrès ? Si la réflexion sur des indicateurs alternatifs se multiplie dans les territoires, les méthodes retenues (monétarisation, indicateurs composites etc.), et la manière de les construire (les méthodes « participatives », le volet subjectif du bien-être), ne sont pas sans poser un certain nombre de difficultés. « Les indicateurs de richesse enrichissent-ils la réflexion ? » Si les indicateurs alternatifs permettent de réinterroger notre modèle de développement et enrichissent la réflexion sur la richesse, ils ont aussi leurs limites. aller plus loin Les indicateurs alternatifs ne viennent-ils pas aujourd’hui s’inscrire dans un paradigme de la mesure généralisée ? Faut-il toujours mesurer ? Voir à ce propos l’argumentaire du séminaire « Les indicateurs de richesse enrichissent-ils la réflexion ? », coordonné par Florence Jany-Catrice (économie, CLERSE), Paul Cary (sociologie, CERIES) et Frédéric Dumont (géographie, TVES) « Les indicateurs de richesse enrichissent-ils la réflexion ? », Séminaire, Calenda, Publié le vendredi 01 mars 2013, http://calenda.org/240556 « D’abord, la prise en compte de dimensions non marchandes va parfois de pair avec une monétarisation de celles-ci. L’économie de l’environnement, souvent appelée à la rescousse dans la construction de ces indicateurs, s’appuie sur des prix fictifs (puisque la « nature » et les services qu’ils rendent n’ont souvent pas de prix) à partir de valeurs monétaires construites. Celles-ci sont élaborées à partir d’estimations des gains et pertes écologiques. Le problème est qu’en raisonnant ainsi, l’idée est véhiculée d’une compensation monétaire (toujours) possible de la dégradation de l’environnement (l’équateur a ainsi récemment demandé des compensations financières à la communauté internationale pour ne pas exploiter un gisement de pétrole). Qu’est-ce qui compte le plus pour une société de nos jours ? Ensuite, l’émergence d’indicateurs complémentaires ou substitutifs au PIB ne fournit pas nécessairement des visions renouvelées de la situation sociale et environnementale. Ainsi l’indice que l’OCDE a élaboré lui permet d’affirmer que : « le bien-être a augmenté en moyenne au cours des quinze dernières années : les gens sont plus riches et plus susceptibles d’être employés ; ils bénéficient de conditions de logement de meilleure qualité et sont exposés à des niveaux de pollution inférieurs ; ils vivent plus longtemps et sont plus instruits ; ils sont également exposés à moins de crimes », contre toutes les évidences en matière environnementale, par exemple. Enfin, ces nouveaux indicateurs sont des moyens de justifier des politiques économiques et environnementales qui ne permettent pas d’envisager une soutenabilité forte. C’est notamment le cas dans les pays du Sud et particulièrement au Brésil ». Comment évaluer et mesurer la richesse de nos entreprises ? Vers d’autres indicateurs Quelle est la richesse réelle des entreprises ? Comme pour les grands agrégats nationaux (PIB et PNB), il y a un écart grandissant entre, d’un côté les chiffres qui mesurent la rentabilité et la croissance des entreprises et la réalité des progrès humains et environnementaux qu’elles génèrent. Comment évaluer à sa juste valeur, et avec quels indicateurs (reporting, comptabilité, capital immatériel), la contribution extra financière des entreprises ? 20 Comprendre • Guide « Inscrire l’utilité sociale au cœur des politiques locales », ARF et RTES (Associations des Régions de France et Réseau des Collectivités Territoriales pour une économie solidaire), mars 2012 Bâti sur des expériences et des témoignages de collectivités locales, outil d’aide à la décision pratique et méthodologique, pour les collectivités souhaitant intégrer les questions d’utilité sociale dans leurs politiques. http://rtes.fr/Sortie-du-guide-Inscrire-l-utilite • Colloque « Evaluer l’impact social : de l’ambition aux pratiques », Institut de l’Innovation et de l’entrepreneuriat social de l’ESSEC, 2011, compte-rendu https://sites.google. com/a/essec.edu/pole-entrepreneuriat-social/ colloques-et-seminaires/colloque-2011 Parmi les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), nombreux sont ceux qui produisent de telles richesses, moins visibles, voire invisibles, mais très efficaces, utiles et sociétales. On parle ainsi de l’utilité sociale des associations, des organisations car ces structures particulières apportent un plus qui ne se mesure pas en terme purement économiques : utilité sociale, cohésion sociale, exercice de la citoyenneté, démocratie, dynamique participative, collective, mutualisation, coopération, bien-être sociétal, solidarité, ancrage territorial, innovation sociale, … © CCFD-Terre Solidaire / Francoise Larsonneur Dans le contexte actuel, quelle est la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ? Conférence de Guy Aurenche, Président du CCFD-Terre Solidaire, à Clermont-Ferrand le 9 avril 2013 S’ouvrir aux signes sacrés d’une naissance, et inviter les entreprises à contribuer à ces naissances dans la justice et dans l’humanité, fait partie de notre devoir. Ce travail, nous n’allons pas le faire seul. Nous partons avec Florence de la région du Kivu en République Démocratique du Congo. Elle a été chargée par la Commission Justice et Paix de l’Église catholique et par une Commission épiscopale d’études sur les recherches minières, de faire la recension de tous les problèmes que connaît la région du Sud Kivu à la suite de la découverte de minerais extrêmement précieux. Florence m’avait beaucoup impressionné et en la quittant il y a quelques mois je me demandais si je la reverrais car elle était exposée à des menaces et à des violences à la suite des informations qu’elle avait le courage de transmettre. Au sujet du travail de cette jeune femme je ne peux omettre ce que déclarait récemment en France Monseigneur Maroy, Archevêque de Bukavu et responsable du service que Florence dirige. Il explique : « Cela fait vingt ans que notre pays est en proie à des guerres qui ont fait des millions de morts. On dit en Occident que la guerre au Congo est une guerre civile, ou interethnique, tribale. Mais ce n’est pas vrai. Il ne s’agit pas non plus de conflits liés à la religion. Frontaliers de neuf autres pays, nous sommes en proie à un capitalisme à outrance qui ne tient plus compte de la vie humaine pour s’approprier les richesses de notre sous-sol. » Et l’évêque ajoutait devant le public français : « Le problème c’est que nous ne savons pas au service de qui sont ces pilleurs (des richesses minières) : multinationales, grandes puissances étrangères, pays voisins ? Même les mineurs ne savent pas qui les exploite. C’est vraiment compliqué. D’autant plus que nous n’en sommes qu’au début de la construction de nos souverainetés nationales, que nous sommes l’école des états de droits, de la démocratie. » Mais il nous faut partir aussi avec les nombreux laïcs militants, chrétiens ou non, qui sont engagés dans la lutte contre les excès d’une surexploitation de la terre aujourd’hui. Je pense en particulier aux amis Dayak de la région de Bornéo en Indonésie. Ils luttent contre l’expansion systématique des plantations de palmiers à huile. C’est pour eux un danger mortel. L’agriculteur Nopianos déclarait : « On nous a volé nos terres. Avant je récoltais le latex de nos hévéas. Mais Sinar Mas, une énorme entreprise a coupé tous les arbres. Certains terrains qu’elle n’a pas pu acheter au gouvernement sont en friches. La plupart des Dayaks exploitent la forêt. Mais comme nous ne possédons pas de titres de propriété, le gouvernement vend nos terres. Certains résistent. Moi j’ai cédé la mienne en échange d’un travail car je venais de me marier et j’avais besoin de plus de revenus. Je me suis fait avoir. Je touche 50 euros par hectare cultivé depuis 4 ans, ce qui est peu et on était censés gagner 30 % des bénéfices de l’exploitation de nos terres. On vient de nous annoncer que ce paiement était encore repoussé. Nous sommes devenus des esclaves sur nos propres terres ». Étudions la RSEE aux côtés […] d’autres acteurs qui réagissent contre ces abus. Parfois aussi avec tous les responsables d’entreprise qui sont bien décidés à faire avancer les choses dans le sens le « l’humanisation ». Avant de poursuivre cette étude je ne peux pas ne pas penser à tous les jeunes Français et Européens qui ont accepté de participer à la grande campagne lancée par le collectif éthique sur l’étiquette autour du thème « Il est mortel ce jean ». Pour donner aux jeans leur aspect vintage très tendance, certaines marques ont recours à la technologie du « sablage », qui consiste à projeter du sable à très forte pression sur le tissu. Les ouvriers qui pratiquent cette technique travaillent souvent dans de petits ateliers clandestins sans équipement de protection ni de sécurité. Ils inhalent des poussières de silice extrêmement toxiques, libérées par le sable qui provoquent la silicose, une maladie respiratoire grave. Quarante-sept travailleurs sont déjà morts de la silicose en Turquie. Plus de cinq mille autres pourraient être touchés. Beaucoup plus à travers le monde. Oui, pour eux, ces jeans sont vraiment « mortels ». Grâce à la mobilisation des jeunes et des adultes contre ces pratiques, la société Auchan a décidé de supprimer la fabrication de ces jeans et de renoncer à les commercialiser. C’est une victoire et c’est la preuve que nous pouvons avancer ensemble dans l’amélioration de la RSEE. Je sais qu’il reste beaucoup de travail à faire. C’est une question de décision à la fois citoyenne, personnelle, éthique et politique au sens général. […] 21 PARTIE 3 Les ressources d’un avenir durable Des richesses naturelles pour quel(s) développement(s) ? Matières premières pour les produits, moyen de production dans les industries ou source d’énergie, les ressources naturelles sont au cœur du modèle de développement actuel basé sur une société de consommation à outrance. Elles sont indispensables à l’activité humaine mais elles sont surexploitées aujourd’hui alors que notre modèle de développement malgré la prise de conscience, depuis les années 1970, des limites physiques de la planète et de ses ressources. Les dimensions sociale, environnementale et culturelle passent toujours au second plan, en particulier le respect des droits humains et la gestion soutenable des écosystèmes. Les ressources naturelles des pays du Sud : une triste richesse Les pays du Sud sont riches. Une provocation ? Non, un constat. L’hémisphère Sud abrite les plus grandes zones forestières, l’essentiel des gisements de minerais et une extraordinaire biodiversité. Pour son plus grand malheur ! Car, en l’absence d’une gestion durable des ressources naturelles, les inégalités écologiques viennent renforcer les inégalités sociales.… Cf. Article de GUILLAUME LANNERÉE – ALTERMONDES Hors-série n° 9 Raréfaction, accaparement des ressources et conflits sociaux ou armés. La tension croissante sur la disponibilité des ressources naturelles dans le monde, et en particulier dans les pays du Sud, les transforme en objets de convoitise. Il semble que tous les moyens sont permis pour s’accaparer les ressources, jusqu’à la militarisation et la guerre. Ces conditions peuvent aggraver la violation des droits humains et des libertés des citoyens dans des régimes peu démocratiques. Des ressources naturelles qui tuent Créée en 2007, la Cern, la Commission épiscopale ad hoc pour les ressources naturelles en République Démocratique du Congo, dénonce les conséquences de l’exploitation, souvent sauvage. Coco Mbangu, secrétaire adjoint de la Cern, nous parle plus particulièrement de celle des minerais, dans la région du Kivu. Dans quel contexte se fait cette exploitation ? La région du Kivu est parcourue par des bandes armées, arrivées après le génocide au Rwanda et qui ne sont jamais reparties. Il y a aussi des militaires congolais et des forces d’autodéfense populaire locales. Tous ces gens-là ont compris qu’ils pouvaient se faire beaucoup d’argent très facilement avec les minerais (Ndlr : coltan, wolframite, cassitérite, or...). Lesquels seront ensuite revendus à des grandes firmes internationales qui en ont besoin pour fabriquer des téléphones, des ordinateurs ou des fusées. Et ces grands financiers, pour avoir le minerai à vil prix, préfèrent laisser la région dans cet état de non droit afin de mieux imposer leurs prix. Quelles sont les problèmes soulevés par ces exploitations minières ? C’est d’abord le problème de l’exploitation de l’homme. Imaginez-vous ces gens qui creusent des trous à la pelle et entrent sous terre pour y chercher ces ressources naturelles. Il y a des éboulements, des gens ensevelis. Il y a aussi la question de l’environnement. Là où il y a la forêt et où l’on a découvert le minerai, on déboise, on creuse des trous et, dès qu’on a les métaux, on va les laver dans les rivières, et les polluer. D’autre part, avec tous ces trous partout, il n’y a plus moyen de faire les champs et cela a également des répercussions au niveau agricole pour la population locale… Source : www.ccfd-terresolidaire.org 22 Actions du CCFD-Terre Solidaire Plaidoyer : en Inde, bataille pour le respect des droits de l’homme et de la nature. Au sud de l’Inde, la construction d’un parc industriel décidé par l’état du Tamil Nadu sans consultation de la population, détruit la forêt collective indispensable à la survie des communautés alentours. L’aménagement de la zone a déjà causé la disparition de 450 hectares de forêt et menace les sources d’approvisionnement en eau pour l’agriculture locale. Malgré les protestations des populations locales et les sollicitations répétées du CCFDTerre Solidaire, l’entreprise française Michelin est la première entreprise à s’y être installée. Cinq organisations, dont le CCFD-Terre Solidaire, ont saisi le Point de contact national de l’OCDE chargé de faire respecter les principes directeurs à l’intention des multinationales. En France, la plainte est jugée recevable. Parallèlement, en Inde, des procédures judiciaires sont engagées en particulier à l’encontre de l’Etat du Tamil Nadu. Des conséquences désastreuses Les dégradations causées à la planète, et en particulier le réchauffement planétaire, ne sont que la conséquence de la gestion excessive des ressources naturelles. Par exemple, près de 20 % des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) sont liées au déboisement : exploitation forestière souvent illégale et sans bénéfice pour les populations locales, défrichage de terres agricoles pour les agrocarburants (palComprendre mier à huile en Indonésie et • Dossier Thème, Educateur, en Malaisie), le soja (en ArgenAnimateur de l’année tine, au Brésil), les plantations 2008-2009 : la Responsabilité Sociale et Environnementale de monocultures d’arbres des acteurs économiques, (eucalyptus en Uruguay). disponible dans vos DD. La Pachamama L’Amérique Latine est probablement l’une des régions du monde où les discussions sur les conceptions de la nature sont les plus vives. Tandis que, dans les pays industrialisés, l’environnement devient de plus en plus artificiel, des zones sauvages ou peu modifiées par l’être humain subsistent dans de nombreuses régions du Sud. Cette richesse écologique s’accompagne d’une diversité culturelle qui s’exprime notamment dans différentes manières de concevoir l’environnement. Parmi celles-ci, on peut distinguer les conceptions andines de la Pacha Mama. Il s’agit d’approches qui se sont largement répandues, ont irrigué de nombreux groupes environnementalistes, et ont débouché sur les nouvelles constitutions ou plans de développements en Bolivie et en Équateur par exemple. Cela signifie, en effet, que la Pachamama, déesse mère des peuples autochtones andins, qui est une combinaison de la terre et de la nature, possède effectivement des droits. Qu’est-ce que la PachaMama ? Cette notion puise ses racines dans la manière dont les cultures des Andes centrales d’Amérique du Sud conçoivent l’environnement et le rôle qu’y jouent les humains. Dans cette vision du monde, les personnes font partie de l’environnement et celui-ci n’est pas perçu seulement de manière biologique ou physique, mais également sociale. Dans cette conception de l’environnement, dominer ou contrôler la nature n’a pas de sens, on coexiste avec la Pacha Mama. La relation se fonde sur des liens de réciprocité, de complémentarité et d’interdépendances entre les humains et l’environnement. Comment se traduit cette approche ? La Bolivie est devenue, sous le leadership d’Evo Morales, un des premiers pays à demander en toute urgence le développement intégral en harmonie avec la nature. En Equateur, avec la nouvelle Constitution de 2008, la nature y est devenu un sujet de droit ce qui représente un changement radical par rapport à l’éthique occidentale prédominante. En effet, au lieu d’être valorisée en fonction de son utilité pour des personnes, elle acquiert des valeurs propres désormais reconnues. Sources : Eduardo Gudynas, « Géographie de la critique-La Pacha Mama des Andes : plus qu’une conception de la nature », www.revuedeslivres.fr/geographie-de-la-critique-lapacha-mama-des-andes-plus-qu’une-conception-de-la-nature-par-eduardo-gudynas © CCFD-Terre Solidaire /Fanny Vandecandelaere 23 PARTIE 3 Les ressources d’un avenir durable Repenser le lien social et la vie « à taille humaine » Le chantier de réflexions qui s’ouvre à nous est de parvenir à définir des modèles de développement qui permettent de vivre avec tout ce que l’on a acquis de positif en un siècle et demi de croissance sans mettre en danger l’épanouissement du lien social. Ce qui compte c’est aussi la solidarité, le lien social… Il n’y a qu’à se tourner vers les réseaux d’économie solidaire pour en être persuadé. Ces initiatives (circuits courts, jardins partagés, réseau d’échanges de savoirs font de la réciprocité le principe moteur de l’économie et sont à la source d’une croissance centrée sur le « vivre-ensemble ». En effet, la consommation ne doit pas uniquement être perçue comme un moyen de satisfaire ses besoins, mais comme un moyen d’entrer en relation avec autrui. Extrait d’un témoignage de Pedro Velasco, anthropologue et philosophe mexicain, témoignage recueilli par Jean Merckaert et paru dans la revue Projet, n° 331 Lors de son séjour parmi les Tarahumaras, communauté du nord du Mexique, Pedro Velasco découvre qu’il y a deux options fondamentales pour l’homme afin de protéger et d’impulser la vie humaine : • privilégier l’accumulation individuelle de bien • privilégier les relations communautaires et le partage Quand on lui demande ce qu’il conteste dans l’éthique libérale, l’anthropologue parle de l’individualisme radical. Pour lui, « on ne se rend plus compte que ce sont les autres qui me donnent non seulement la reconnaissance et la certitude de ma vie, mais ma vie même ». De plus, quand ce qui permet de gérer la distribution des richesses de façon équitable est le mérite, il se demande si celui qui ne travaille pas ne doit donc pas manger. Chez les Tarahumaras, la source de la vie humaine est la communauté. à la question « Les droits humains ne sont-ils donc pas le fondement de toute éthique ? », P. V. répond qu’il n’y a pas de droit à la vie, elle est un don. De même, il n’y a pas de droit à l’amour, c’est gratuit. C’est parce que nous avons été voulus, aimés, que nous avons la vie et des droits. C’est aussi de cette gratuité que vient la vie et l’éthique : nous acceptons la morale si et parce que nous voulons vivre. Sinon, la morale n’a pas de sens. La dynamique fondamentale de la réalité humaine est donc la gratuité. Plus de 98 % des choses dont nous disposons sont gratuites, données par les autres ou par la réalité (environnement, langue, ville, culture…). Toutes nos réalités sont un don. Mais, tous ces dons sont à travailler et à s’approprier, bien sûr, non pas en les séquestrant mais en les partageant. Et si la crise était « une chance pour réinventer le lien » ? C’est cette idée, à contre-courant du discours dominant que l’économiste Elena Lasida défend. Alors que la crise souligne les déficiences du marché, elle ravive les initiatives de solidarité. Alors, pourquoi ne pas en profiter ? Réciprocité, un réseau d’échange réciproque des savoirs (RERS) Si les SEL (Système d’échange locaux) se basent sur l’échange de biens, de services et de savoirs (par l’intermédiaire d’une monnaie fictive ?), les RERS se concentrent sur le partage et la mise en circulation des savoirs des participants. Caroline et Rachel, ont créé une antenne de Réciprocité à Toulouse dans les quartiers des Ponts Jumeaux et des Sept Deniers. Depuis quelques mois, une trentaine de personnes s’organisent et se mettent en relation pour se transmettre des savoirs, de la cuisine au cours d’échec. Qu’est ce qui les attire ? Les rencontres, la gratuité, la culture pour tous et aussi, la possibilité d’une alternative aux relations économiques actuelles. www.rers-asso.org/r_e_r_s/ou_31tlse-recipro_2013.html 24 « Partager ce n’est pas se sacrifier, c’est s’enrichir mutuellement » « Partager plus pour vivre plus » (thème des années 2011-2013). Avec ce slogan, le CMR nous invite à nous transformer et à transformer la société. Pour l’association, au-delà de l’aspect économique du partage, il doit être considéré comme un épanouissement. Christian Casals, le chargé de mission national explique que si je perds un peu en donnant, je gagne quelque chose d’autre et finalement, je grandis en humanité, je vis plus. La richesse naît donc du partage. Pour comprendre cela, on doit « décoloniser nos imaginaires », comme le dit le sociologue Serge Latouche. C’est ce propose le CMR : transformer la société en changeant soi-même. Le CMR nous propose 3 pistes pour partager plus : 1 Associer les personnes concernées, les impliquer dans la réflexion, penser ensemble pour les rendre acteurs. 2 Conserver ou créer des lieux de respiration pour partager des expériences, mais aussi se soutenir mutuellement. 3 Développer les solidarités de proximité dans la vie ordinaire (à travers les relations comme les jardins partagés, le covoiturage, les fêtes de voisins, les AMAP…) Comprendre • Elena Lasida, « Le gout de l’autre – la crise, une chance pour réinventer le lien » Albin Michel, 2011. aller plus loin JE parle de ma vie • De quelle manière j’entre en relation avec les autres ? • Est-ce que je me sens concerné par l’idée d’une éthique de la gratuité ? Comment ? Qu’est ce qui, dans mon mode de vie, suscite des interrogations ? NOUS nous laissons interpeller • Dans ma ville, mon village, mon quartier de quelle manière se manifestent des liens de réciprocité entre les habitants ? Qu’est ce qui est mis en œuvre pour les favoriser ? © CCFD-Terre Solidaire / Nicolas Fabbri • Quelle part avons-nous à prendre dans la mise en œuvre de ces initiatives ? 25 PARTIE 3 Les ressources d’un avenir durable Le patrimoine matériel et immatériel Le patrimoine culturel, matériel et immatériel représente aujourd’hui un véritable outil de « développement » La valorisation, la gestion et la protection du patrimoine culturel représentent un enjeu culturel, social et économique. Ces actions contribuent à lutter contre la pauvreté, à améliorer la qualité de vie des habitants et à renforcer la cohésion sociale à travers le renforcement du sentiment d’appartenance et de fierté des populations locales, la création d’emplois et de revenus dans certains secteurs (par exemple, le tourisme). Du tourisme de masse au tourisme éthique ATG Palestine Alors que la Palestine bénéficie d’un patrimoine riche, c’est une zone délaissée par les touristes du fait de sa situation politique. Crée en 1995, Le Centre de Tourisme Alternatif (ATG) est une association qui a pour objectif de développer cette activité en Palestine. Les touristes sont hébergés dans les familles. Au-delà de la découverte de la Terre Sainte, c’est une opportunité de partage avec la population palestinienne qui leur est offerte. Soutenue par le CCFD-Terre Solidaire, ATG met en œuvre un tourisme culturel et plus humain qui établit un équilibre des revenus générés par le secteur touristique. Source : www.ccfd-terresolidaire.org La ressource territoriale Actions du CCFD-Terre Solidaire La notion de ressource a été développée par les géographes et les économistes travaillant sur le développement. Elle désigne les moyens dont dispose un individu ou un groupe pour mener à bien une action, pour créer de la richesse. Ainsi, une ressource n’existe que si des hommes et des femmes lui attribuent une valeur d’usage. Pour les spécialistes du développement local, la notion de ressource renvoie à des facteurs de compétitivité immatériels, expliquant le développement de certains territoires : la coordination des acteurs favorise la coopération, l’innovation, la flexibilité et la réactivité permettant aux entreprises de s’adapter sans cesse au marché. Enfin, les travaux plus récents concernant les produits agroalimentaires de qualité et le développement territorial ont investi la notion de ressource d’une finalité de qualification ou de différenciation du territoire et/ou des produits. Bernard Pecqueur et de Hervé Gumuchian ont développé la notion de ressource territoriale. Ils la définissent comme « une caractéristique construite d’un territoire spécifique et ce, dans une optique de développement. » (Gumuchian et Pecqueur, 2007, p. 5). Quand un vin de terroir rencontre un café péruvien. « Je considère l’amitié égale au vin. Brute pour commencer, puis mûrissant avec les années… » Cette citation de Thomas Jefferson s’applique parfaitement à l’histoire des liens tissés entre la coopérative de viticulteurs du village de Camplong dans l’Aude et le CCFD-Terre Solidaire. En 1992, la coopérative dont le caviste est bénévole au CCFD-Terre Solidaire, baptise sa première cuvée « Terre d’avenir ». L’idée est de reverser les bénéfices des ventes à un partenaire. D’abord en partenariat avec l’Iredec, à Madagascar, la Cuvée Terre d’Avenir soutient aujourd’hui une coopérative péruvienne de café : la CAC Florida. Cette collaboration permet de tisser des liens entre les deux populations et surtout de confronter leurs réalités pour s’apercevoir finalement qu’ils ont des problématiques similaires. Pour preuve, la coopérative a une démarche environnementale intéressante pour les viticulteurs de Camplong qui ont eux-mêmes une conduite raisonnée en matière de production et ont en 2012 fait une première récolte bio. 26 © CCFD-Terre Solidaire / Karine Esteves Les oignons de Montauban Au-delà d’un produit local valorisé au bénéfice du CCFD-Terre Solidaire, voici présentée ici une démarche qui associe engagement et convivialité. Interview d’Agnès Alaux, présidente du CCFD-Terre Solidaire 82 Je vais vous parler de « nos oignons » ! L’idée est venue dans les équipes locales du CCFD-Terre Solidaire où on comptait bon nombre de personnes du CMR. Nos revenus nous limitaient, par contre nous avions de la terre. C’est ainsi que le projet a démarré il y a une trentaine d’années. Comment cela fonctionne-t-il ? C’est très simple, un paysan propose une parcelle de terre gratuitement; des volontaires viennent planter, entretenir la culture : sarcler, enlever les mauvaises herbes, récolter, mettre en sacs et vendre. Cela suppose qu’une personne coordonne les opérations et appelle les volontaires. Plusieurs chantiers avaient démarré, par manque de renouvellement du personnel, seuls deux fonctionnent encore. Quelle est l’organisation d’un chantier type ? Je vais vous parler du chantier le plus important ; c’est celui où je vais travailler. Le coordinateur est Joseph Miquel, 87 ans, et sa femme Lisette. Il appelle une équipe de 5 ou 6 personnes pour préparer le terrain et planter 100 kg de petits oignons! Pour entretenir le terrain, il convoquera 15 à 20 personnes. Pour la récolte nous serons une quarantaine. Pour l’épluchage et la mise en sacs, nous serons 70 à 80 personnes. Nous organisons ce jour-là un repas convivial et un membre de l’équipe d’animation donne des nouvelles du CCFD-Terre Solidaire. Ensuite c’est « la course » pour distribuer les sacs pour la vente. Nous sommes présents au sortant des messes, aux différentes réunions, dans les jardineries, et chez quelques personnes qui acceptent un dépôt chez elles. Joseph arrive à en caser chez son kiné, chez son dentiste et il a même réussi à faire venir le rhumatologue de l’hôpital pour la récolte. Il est resté toute la matinée très discrètement ! Les oignons que vous proposez sont-ils bio ? Ont-ils un label ? Les oignons produits par le CCFD-Terre Solidaire ne sont pas bio, car les parcelles de terre qui sont prêtées pour la culture n’ont pas la certification bio. Je dirais qu’ils font partie de l’agriculture raisonnée. Ils n’ont pas de label mais ils ont une certaine renommée au point que pour certains le CCFD-Terre Solidaire, c’est les oignons ! D’ailleurs, on pourrait leur donner un label « solidaire ! » Par contre, la distribution s’inscrit dans le schéma des circuits courts. Nous ne vendons jamais à un grossiste et nous n’allons pas sur les marchés pour ne pas faire de concurrence aux personnes qui cultivent et vendent leurs oignons. Peut-on parler de richesse avec les oignons ? C’est une richesse gastronomique mais, avant cela, je mettrai surtout en avant la richesse de la convivialité. Il y a des personnes de tout bord qui sont contents d’être là ! Il y a quelques familles avec des enfants mais elles sont de moins en moins nombreuses. La récolte se fait après le 15 août et il y a encore des familles en vacances. Quel lien avec les partenaires ? Le lien avec là-bas, c’est à travers la recette ; autour de 9 000 euros ! Souvent, nous amenons nos partenaires visiter le champ. Contact : [email protected] 27 PARTIE 3 Les ressources d’un avenir durable. Temps de vivre et sobriété Pratiquer la simplicité volontaire, c’est choisir de vivre autrement, plus frugalement, avec moins de consommation, moins de technologie et moins de soumission à des normes. C’est avant tout faire le choix du souhaitable et du désirable afin de rompre avec le mythe du « toujours plus » de la croissance et de la consommation devenue addiction. Le temps est-il la plus grande richesse? Tout le monde connaît et utilise l’expression « le temps, c’est de l’argent ». Le temps est aujourd’hui mesurable et monnayable. De plus, nous vivons dans une époque marquée par l’accélération du temps et le culte de l’efficacité. La maîtrise du temps et le respect des contraintes temporelles étant aussi important que les résultats. Globalement, le temps demeure tout de même compartimenté, comptabilisé, exproprié par toutes sortes d’obligations. L’usage répété d’Internet et des réseaux sociaux alimente également la vision accélérée du monde. Simultanéité et instantanéité donnent l’impression d’une accélération du temps. La problématique des temps sociaux se situe dans cette perspective. Quel est pour moi le temps qui produit de véritables richesses ? Le développement durable est donc pour la foi chrétienne une double chance qui nous interroge et nous décentre. Celle-ci peut être déclinée en trois dimensions, trois enjeux essentiels de la problématique du développement durable qui ouvrent des espaces pour penser une manière particulière d’être au monde en tant que chrétiens : la représentation de l’avenir, la représentation de l’humain et la représentation de la transcendance. Revisiter notre représentation de l’avenir Le développement durable met en cause notre idée de l’avenir. Les risques environnementaux auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés transforment l’avenir en menace de mort : si nous continuons à produire et à consommer, à nous déplacer et à nous développer comme nous le faisons aujourd’hui, il est sûr que nous allons droit dans le mur et que nous condamnons à mort les générations futures. Face à cet horizon de mort, comment dire la vie ? Au milieu des menaces qui tombent de partout, comment entendre et faire entendre une promesse ? Devant le discours fataliste dominant, comment parler d’un nouveau possible ? Comment dire la vie face à la mort assurée sans être taxé d’angélisme et d’« idyllisme » ? Je crois que nous sommes ici renvoyés au fondement même de la foi chrétienne et de la vie humaine. Nous nous trouvons en effet aujourd’hui face à des limites qui bloquent notre avenir. Or la limite est sans doute l’une des expériences les plus humaines qu’on puisse vivre. Nous sommes tout au long de la vie confrontés à des limites : des difficultés pour réaliser nos projets, des échecs, des pertes de capacités. Face à la limite, nous avons deux attitudes possibles : soit une approche négative qui regarde surtout ce qu’elle empêche, ce qu’elle entrave, ce qu’elle bloque ; soit une approche positive, qui essaye de voir ce qu’elle rend possible, ce qu’elle met en mouvement, ce qu’elle libère. Dans le premier cas, nous vivons la limite par le moins ; dans le deuxième, la limite par le plus. Ce texte est un extrait d’une conférence d’Elena Lasida donnée en 2007 aux Semaines sociales de France. www.ssf-fr.org Penser la qualité de vie en dehors du seul accès aux biens matériels, c’est penser une éthique de la limite. 28 Sobriété heureuse En reliant les deux aspects de l’acceptation des limites face à la démesure d’un côté et la question du bien-vivre de l’autre côté, on est au cœur la sobriété heureuse. Comprendre • François Bal, L’Évangile du partage des biens, Ed. Fidélité, 2008, 144 p. • Dominique Bourg, Philippe Roch (dir.), Sobriété volontaire. En quête de nouveaux modes de vie, Labor et fides, 2012, 224 p. • Alain Renaut, Un monde juste est-il possible ? Contribution à une théorie de la justice globale, Stock, 2013, 408 p. Selon Pierre Rabhi, la sobriété heureuse « implique ce lien mécaniste comme la décroissance (on ne peut prélever plus que l’on a) mais [également] un élément moral et éthique. […] La sobriété implique donc de savoir comment équilibrer la nécessité d’avoir, car nous sommes dans un monde matériel et que nous sommes matériels et qu’il y a des besoins de survie strictement matériels, mais comment faire pour que la dimension intérieure soit aussi nourrie, et non pas occultée, ou bien complètement liée avec des compensations aléatoires qui cherchent à combler un vide qui en fait n’est jamais comblé » Retranscription de la vidéo : Vers la sobriété heureuse, par Pierre Rabhi , mouvement colibris : www.dailymotion.com/video/xa... « Question éminemment politique » selon Patrick Viveret, la sobriété heureuse est un concept qui surgit face au constat de la convergence des crises, dans une réflexion sur nos modes de vie, et pour faire en sorte de satisfaire nos besoins en faisant le choix de la simplicité et d’un « art de vivre affranchi de sa boulimie consommatrice », tout en conciliant des exigences de justice sociale et de réduction de notre impact en termes énergétique et environnemental. Simplicité volontaire, frugalité, simplicité Quels que soient les mots employés et les qualificatifs qui les accompagnent, ils nous interpellent et nous appellent à réduire notre train de vie. Nous sommes nombreux déjà à faire des « petits gestes ». Mais avons-nous engagé une véritable démarche de décroissance individuelle et avons-nous réfléchi à l’emploi des ressources ainsi dégagées ? La simplicité volontaire consiste à adopter un mode de vie moins dépendant de l’argent qui vise à satisfaire ses vrais besoins, c’est-à-dire tracer la ligne entre ses besoins et ses désirs. On parle aussi parfois de frugalité alliés Exemples de remise en cause de ses habitudes « Vivre autrement » en tant qu’Homme et chrétien… Les Campagnes « Vivre Autrement » sont initiées par un collectif d’associations, de mouvements et de services chrétiens dont le CCFD-Terre Solidaire fait partie. Elles ont pour but de travailler à une prise de conscience de notre responsabilité individuelle et collective de chrétiens sur l’environnement à travers nos modes de vie qu’il nous faut « convertir ». Depuis Noël 2005, 15 campagnes ont eu lieu. Pour Noël 2012, le collectif a décidé d’amplifier les initiatives pour réfléchir à un autre développement. « Ensemble mettons le cap sur l’espérance », promeut un monde où le respect pour les humains est inséparable de respect pour toutes les formes de vie sur notre planète. 29 Des conclusions Outil d’évaluation auprès du public « Evaluation main » (évaluation individuelle) : Cet outil permet de recueillir les impressions et commentaires du public. Vous pouvez distribuer une main par personne à compléter en fin d’animation. © CCFD-Terre Solidaire / Francoise Larsonneur Comment je me suis senti Ce qui était trop court Ce qui ne m’a pas plu Ce que je retiens Ce qui m’a plu 30 « Evaluation silhouette » (évaluation collective) : Dans le lieu de l’animation, une ou deux grandes affiches bien située(s), sont mises en place. Une silhouette est dessinée sur chacune d’entre elles avec trois questions : • au niveau de la tête : « Quelle question vous vous posez ? » • au niveau du cœur : « Qu’est-ce qui vous a touché ? » • au niveau des bras et des jambes : « Que pensez-vous faire ? » Pour les organisateurs Les participants se sont-ils appropriés le sujet « les richesses autrement », les concepts ? Sont-ils sont capables de les utiliser, de les illustrer ? Quelle(s) animation(s) avez-vous mise(s) en place ? Les animations ont-elles permis de prendre conscience des dysfonctionnements du monde et de leurs conséquences graves sur la vie de populations entières ici comme là-bas ? Les animations nous ont-elles invités à construire des solutions ensemble et dans l’articulation ici/là-bas ? Demain L’objectif de cette mutualisation est de connaître et partager non pas les résultats des évaluations (cf ci-contre) mais les démarches et outils d’animation mis en œuvre afin de permettre à d’autres de s’en inspirer, voire de se les réapproprier dans le cadre de l’année prochaine. Des retours d’expériences Sur une page libre : décrivez-nous une expérience d’animation qui vous semble être une réussite et essayez d’expliquer les raisons de cette réussite. Si possible, merci de joindre un document qui nous permettra d’appréhender cette expérience. QUELLES PROPOSITIONS FERIEZ-VOUS POUR LE GUIDE D’ANIMATION ANNEE 2 ? 31 Thème de l’année 2013-2014. Conception : CCFD-Terre Solidaire, région Midi-Pyrénées Roussillon / http://blog.ccfd-terresolidaire.org/mpr/ Coordination rédactionnelle : Hélène Cettolo et Karine Esteves Rédaction : Adeline Trouche, Laurane Demoinet Ont contribué au document : Pierre Chastrusse, Agnès Alaux, André et Mireille Héraudeau, Fiona Ottaviani, Mgr Gardès, Bernard Olivier. Conception graphique : Bertrand Loquet Impression : COREP, Toulouse ©CCFD-Terre Solidaire / Walter Prysthon Les richesses autrement