Marché et organisation : concurrence ou complémentarité?

Marché et organisation : concurrence
ou complémentarité?
Jean Magnan de Bornier
Table des matières
1 Le contraste marché-organisation 3
1.1 les deux types d’ordre chez HAYEK ......... 3
1.1.1 L’ordre créé et l’ordre spontané ....... 3
1.1.2 Les propriétés des ordres ........... 5
1.1.3 Le niveau d’analyse des ordres chez HAYEK 6
1.1.4 les niveaux intermédiaires .......... 7
1.1.5 Un cas pratique d’ordre spontané de marché :
les camps de prisonniers? .......... 8
1.2 Le contraste marché-hiérarchie : COASE ....... 12
1.2.1 La nature de la firme? ............ 12
1.2.2 Les coûts de transaction ........... 13
2 Complémentarité du marché et de l’organisation 15
2.1 Le tâtonnement walrasien ............... 15
2.2 L’équilibre edgeworthien ............... 19
1
ORGANISATIONS ET MARCHÉS I 2
2.3 Quelques modèles significatifs ............ 22
2.3.1 Recherche d’informations sur un marché . . 22
2.3.2 Marché et information sur la qualité ..... 24
2.3.3 Le théorème de Coase ............ 28
Introduction
Les débats économiques portent fréquemment sur la question du
mode de régulation ou de coordination du système économique : faut-
il laisser les marchés fonctionner seuls, sachant qu’ils sont efficaces et
préservent la liberté et la justice commutative; faut-il leur substituer
une direction centralisée (donc publique) qui assurera la cohérence
et la justice distributive; ou faut-il encore choisir une troisième voie,
celle de marchés fonctionnant sous la surveillance des pouvoirs pu-
blics qui sauraient limiter leurs excès en matière d’inégalités? Dans
de tels débats, le marché et l’organisation apparaissent clairement
comme deux pôles extrêmes et contraires.
Mais cette opposition, convaincante quand on recherche le bon
système économique, n’est pas nécessairement valide à d’autres ni-
veaux d’analyse, comme par exemple celui du fonctionnement de
l’économie de marché. C’est ce point de vue qu’on développera dans
la suite de ce texte : pour comprendre l’économie de marché, il ne suf-
fit pas de considérer le marché comme une catégorie abstraite, il est
indispensable de se pencher sur l’organisation concrète des marchés.
Ce premier chapitre est consacré à expliciter ce choix; on rappel-
lera tout d’abord, à titre de contraste, des analyses classiques centrées
sur l’opposition entre marché et organisation, et on précisera leur do-
maine de pertinence (section 1). On détaillera ensuite, par l’analyse
ORGANISATIONS ET MARCHÉS I 3
de quelques modèles et cas classiques, les raisons pour lesquelles on
juge importante l’analyse des modes d’organisation du marché/des
marchés (section 2).
1 Le contraste marché-organisation
Deux approches classiques qui contrastent le marché et l’orga-
nisation sont décrites dans cette section : la première est celle de
HAYEK qui a longuement étudié les mérites respectifs de ces deux
formes de coordination, en tant que systèmes économiques; la se-
conde se place à un niveau plus concret pour comparer la décentrali-
sation des décisions dans le marché à l’organisation hiérarchique de
la firme : c’est la théorie coasienne de la firme.
1.1 les deux types d’ordre chez HAYEK
1.1.1 L’ordre créé et l’ordre spontané
Une des préoccupations constantes de HAYEK a été de confronter
deux modes de coordination des activités économiques (ou autres) :
la planification socialiste d’un côté, l’économie de marché de l’autre.
Dans le premier cas, il s’agit d’un ordre créé par l’homme, dans le
second il s’agit d’un ordre spontané. Un ordre, social par exemple,
est selon lui
un état de choses où de multiples éléments de nature dif-
férente sont dans un tel rapport les uns aux autres que
nous puissions apprendre, en connaissant certaines com-
posantes spatiales ou temporelles de l’ensemble, à for-
ORGANISATIONS ET MARCHÉS I 4
mer des pronostics corrects concernant le reste; ou au
moins des pronostics ayant une bonne chance de s’avé-
rer corrects.
[7, p.42]
C’est encore la cohérence ou la permanence dans la vie sociale :
Qu’il existe un certain ordre, une cohérence et une per-
manence dans la vie sociale, cela est évident. S’il n’y en
avait pas, nul ne pourrait vaquer à ses affaires ou trouver
à satisfaire à ses besoins les plus élémentaires.
EVANS-PRITCHARD cité par HAYEK [7, page 42] La coopération so-
ciale, sans ordre, ne pourrait se réaliser, et on tomberait dans l’autarcie
où chacun ne travaillerait qu’à satisfaire ses propres besoins.
On parlera d’ordre créé pour désigner un arrangement délibéré,
qui a été pensé et décidé comme tel par une ou plusieurs personnes;
un tel ordre est imposé de l’extérieur, puisqu’il s’applique à l’ordre
économique à partir de consciences humaines qui ne sont pas elles-
mêmes des relations économiques : il est donc éxogène. HAYEK le
nomme Taxis. L’ordre spontané, ou Kosmos , est un type d’ordre qui
s’établit de lui-même, de manière endogène; les ordres spontanés
sont des structures ordonnées qui sont
le résultat de l’action d’hommes nombreux mais ne sont
pas le résultat d’un dessein humain.
ORGANISATIONS ET MARCHÉS I 5
1[7, p.43] Le marché (libre), mais aussi la morale et le langage,
sont des exemples typiques d’ordre spontané pour Hayek.
1.1.2 Les propriétés des ordres
Les propriétés des deux types d’ordre, Taxis et Kosmos, peuvent
être précisées ainsi :
Taxis est simple, il ne comporte qu’un nombre limité de variables,
de lois et d’interactions; en effet, il est conçu par un cerveau humain
et ne peut dépasser le niveau de complexité limité de ce cerveau. Au
contraire, Kosmos qui ne dépend d’aucune conscience est un type
d’ordre dont le niveau de complexité n’est pas limité; un ordre spon-
tané peut être extrèmement complexe (équilibre écologique d’une fo-
rêt), et bien sûr, il peut aussi être simple.
Taxis est concret, en ce sens que son existence en tant qu’ordre
peut être perçue intuitivement, ou par les sens (l’ordre des rayons d’un
supermarché est aisément perceptible).
Kosmos est abstrait, dans la mesure où les relations qui le consti-
tuent et le fondent ne peuvent qu’être reconstituées mentalement;
elles ne sont en aucun cas visibles. L’ordre du langage, par exemple,
ne peut être perçu qu’avec un minimum d’approfondissement en gram-
maire et en linguistique, disciplines abstraites et non messages senso-
riels directs.
1HAYEK s’inspire ici explicitement de l’expression classique de FERGUSON
(1767), qui évoque des phénomènes qui
sont, en vérité, le produit de l’action des hommes, et non le résultat
d’un dessein particulier [6, p.221]
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