Et en mathématiques

publicité
Module doctoral
« Objets des mathématiques, objets concrets, abstraits, objets historiques, objets informatiques : regards croisés de chercheurs sur l’enseignement »
Th. Hausberger
3 mars 2009
Plan de l'intervention
1) Questionnement épistémologique
2) Questionnement philosophique
3) Questionnement didactique
2) Questionnement philosophique
Qu'est-ce qui caractérise la science ? Qu'est-ce qui fait sa valeur ?
●Que dire sur la connaissance mathématique ? Est-ce un système organisé de
croyances ? Qu'est ce qui fait son efficacité ? Sa vérité ? Son objectivité ?
●Quelle est la part du culturel dans les mathématiques ? De l'universel ?
●Quelle est la nature des objets mathématiques ? Quels sont les rapports des
mathématiques avec le réel ? Avec la pensée ?
●
Mathématique et philosophie
Leibniz : Sans les mathématiques, on ne pénètre point au
fond de la philosophie. Sans la philosophie, on ne pénètre
point au fond des mathématiques. Sans les deux, on ne
pénètre au fond de rien.
Weil : Les lois non écrites de la mathématique moderne
interdisent de publier des vues métaphysiques de cette
espèce. Sans doute est-ce mieux ainsi ; autrement, on
serait accablé d'articles plus stupides, sinon plus inutiles,
que tous ceux qui encombrent à présents nos périodiques.
On parlera des principales philosophies des mathématiques
:
●Le
platonisme mathématique (Bolzano, Frege, Cantor,
Russell, le mathématicien idéal ?)
●Le logicisme (Frege, Russell, Carnap)
●Le
formalisme (Hilbert, Bourbaki, le mathématicien
contemporain ?)
●Le constructivisme ou intuitionnisme (Brouwer, Kronecker,
Poincaré, Weyl)
●Le quasi-empirisme (Lakatos, Putnam)
Mathématique et réalité
la question ontologique
R. Thom : « les idées mathématiques sont produites dans notre cerveau
dans la mesure où nous les pensons. Mais comme elles existent lorsque
nous ne pensons pas, alors elles existent quelque part, et pas seulement
dans notre mémoire.
Elles existent donc déjà avant même qu'on ne les ait découvertes ?
R. Thom : « Certainement ! Et elles se réalisent en un certain sens dans
tel ou tel cas, sur tel et tel matériau approprié. C'est la vieille idée de la
participation qui était déjà chez Platon.
L'objectivité des mathématiques ?
A. Connes : Les connaissances mathématiques ont évidemment un caractère
historique, tout comme l'exploration d'un continent. Devant la liste des
mathématiciens qui, au prix d'efforts héroïques, ont découverts les groupes
finis simples sporadiques, le profane n'a-t-il pas la même impression que
devant une liste d'explorateurs ? Mais une fois l'exploration achevée, ces
phénomènes culturels et sociaux s'effacent et seul reste un corpus
parfaitement stable qui épouse le mieux possible la réalité mathématique et
que nous nous efforçons d'enseigner aux générations futures.
Zoo topologique (Fomenko)
In this cavernous space, the gallery of a great austere castle, three beings watch from above as other creatures pass time in a menagerie of magnificent mathematical forms, each a different perturbation of physical space. Above and to the right, an animated polyhedron comes to life and begins to decompose itself, breaking down into its constituent parts, the scorpion­like shells of which it is made. Observe the tail of he revealing intuitive facets of the object's structure and form. See how the shell ultimately come together to create a single, infinite polyhedron. Meanwhile, in the center of the vast hall, a large torus, or donut­shaped object, is turning itself inside out, transforming itself and the space around. Interestingly, even though the torus, which has been cut, or punctured, twists in space and turns inside out, the new object is still a torus, although the inside and outside surfaces have interchanged.
At the lower left, bathed in the shadow of a great pillar, lies an object called Antoine's Necklace, quite familiar in topology. To it's right, in the lighted area, rests a soap film, which stretches across a circular wire. Composed by joining together an ordinary Möbius strip with a triple Möbius strip, this minimal surface is remarkable in that it can be contracted continuously along it's boundary without tearing. I can even be transformed to create another object known to topologists as a punctured Bing house. Finally, in the room's center, lies a large 2­adic solenoid. L'universalité des mathématiques ?
A. Connes : Le langage des mathématiques est le seul langage
universel. Indéniablement. Pour le comprendre, imaginons comment on
ferait pour communiquer avec une autre intelligence, une autre planète
ou un autre système solaire... Il est bien évident que ces « gens-là » ne
parleraient aucun des langages que nous pratiquons.
Mais pour que nous puissions communiquer avec eux, il faudrait qu'ils
aient la même mathématique que nous ?
A. Connes : J'en suis persuadé... Je pense même que les
mathématiques seraient le meilleur moyen de communiquer avec eux.
Nous leur communiquerions la liste des nombres entiers, disons de 1 à
100. A un niveau plus élevé, nous pourrions alors leur communiquer la
suite des nombres premiers, disons de 1 à 1000 et leur demander le
suivant.
Le platonisme mathématique
Principales affirmations :
●Toute question mathématique concerne des objets aussi réels que les
astres, les animaux ou les végétaux ; elle a donc une réponse affirmative
ou négative : adoption de la logique bivalente et du principe du tiers exclu.
●La notion d'ensemble, définie par Cantor comme un « groupement en un
tout d'objets bien distincts de notre intuition et de notre pensée » est
simple, primitive et suffit à fonder toutes les mathématiques. Par exemple,
le nombre 1 est défini par Russel comme l'ensemble de tous les
ensembles E non vides tels que
●L'existence simultanée de tous les êtres mathématiques exige de traiter
comme une unité achevée tout ensemble infini ; c'est la thèse de l'infini
actuel soutenue par Leibniz et étendue par Cantor :
« Je suis tellement pour l'infini actuel qu'au lieu d'admettre que la nature l'abhorre, je tiens qu'elle
l'affecte partout, pour mieux marque la perfection de son auteur. Aussi, je crois qu'il n'y a aucune
partie de la matière qui ne soit, je ne dis pas divisible, mais actuellement divisée, et, par conséquent,
la moindre particule doit être considérée comme un monde plein de créatures différentes » (Leibniz)
« Sans un petit grain de métaphysique, il n'est pas possible, à mon avis, de fonder une science
exacte. La métaphysique telle que je la conçois est la science de ce qui est, c'est-à-dire de ce qui
existe, donc du monde telle qu'il est en soi et pas tel qu'il nous apparaît » (Cantor).
« La plus haute perfection de Dieu est la possibilité de créer un ensemble infini et son immense
bonté le conduit à le créer » (Cantor)
Intemporalité des mathématiques ?
Le théorème chinois à travers les âges
Problème de Sunzi (280-473) :
Nous avons des choses dont nous ne
connaissons pas le nombre ; si nous les
comptons par paquet de 3, le reste est 2 ;
par paquet de 5, le reste est 3 ; de 7, il reste
2. Combien y a-t-il de choses ? Réponse : 23
La démonstration mathématique
Proposition XLVII (livre I des éléments d'Euclide)
Dans les triangles rectangles, le carré du côté opposé à l'angle droit est
égal aux carrés des côtés qui comprennent l'angle droit
Dans un espace Euclidien (un espace vectoriel muni d'un produit
scalaire), on a
si et
seulement si les vecteurs u et v sont orthogonaux.
Définitions :
1. Un point est ce dont la partie est nulle.
2. Une ligne est une longueur sans largeur.
3. Les extrémités d'une ligne sont des points. .
4. La ligne droite est celle qui est également placée entre ses points.
5. Une surface est ce qui a seulement longueur et largeur.
6. Les extrémités d'une surface sont des lignes.
7. La surface plane est celle qui est également placée entre ses droites.
8. Un angle plan est l'inclinaison mutuelle de deux lignes qui se touchent dans un plan, et qui ne sont
point placées dans la même direction.
15. Un cercle est une figure plane, comprise par une seule ligne qu'on nomme circonférence ; toutes
les droites, menées à la circonférence d'un des points placés dans cette figure, étant égales entre elles.
16. Ce point se nomme le centre du cercle,
23. Les parallèles sont des droites, qui, étant situées dans un même plan, et étant prolongées à l'infini
de part et d'autre, ne se rencontrent ni d'un côté ni de l'autre.
Demandes ou postulats :
1. Qu'il soit menée une ligne droite de tout point à tout point.
2. Et de prolonger continument en ligne droite une ligne droite limitée.
3. Et de décrire un cercle à partir de tout centre et au moyen de tout intervalle.
4. Et que tous les angles droits soient égaux entre eux.
5. Et que, si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs et du même côté plus petit que
deux droits, les deux droites, indéfiniment prolongées, se rencontrent du même côté où sont les angles
plus petits que deux droits.
Enoncé équivalent à :
5'. Pour toute droite D et pour tout point P' n'appartenant pas à D, il existe une unique droite parallèle D'
dans le plan déterminé par D et P.
5''. La somme des angles d'un triangle est égale à deux droits.
La rigueur mathématique
D. Hilbert : La géométrie, de même que l'arithmétique, n'a besoin pour
être édifiée convenablement que de quelques principes, simples et peu
nombreux. Ces principes s'appellent les axiomes de la géométrie. La
détermination des axiomes de la géométrie et l'étude de leur
interdépendance est une tâche qui, depuis Euclide, a été abordée dans
de nombreux et excellents traités de la littérature mathématique. Cette
étude se ramène à l'analyse logique de notre intuition spatiale.
La rigueur provient de la précision du langage, du processus de
vérification (la logique, le processus hypothéticodéductif), du travail de
fondement (cohérence de l'édifice). Nous questionnerons tout cela plus
loin.
●Le théorème des quatre couleurs : problème de la confiance en la
machine
●Le théorème de classification des groupes finis simples : problème de la
lisibilité d'une démonstration de 3000 pages : infaillibilité humaine ?
●
Axiomatisation de l'arithmétique
Frege (1848-1925) puis Peano (1858-1932) axiomatisent
l'arithmétique :
Existence : construction de von Neumann (à partir de l'ensemble vide) + axiome de l'infini
Unicité : à bijection près
Mathématique et langage
(J.-P. Petit, « le logotron »)
Nécessité d'un langage
formel
purement
mathématique :
soit E l'ensemble de tous les
entiers qui ne peuvent pas
être définis en moins de
seize mots. « Le plus petit
entier qui ne peut pas se
définir en moins de seize
mots » n'appartient pas à E !
E ne possède pas de plus
petit élément ?!
Critique du logicisme
L'incomplétude de l'arithmétique
Hilbert : Le but de ma théorie est d'établir une fois pour toutes la
certitude des méthodes mathématiques. L'état actuel des affaires,
où nous pourchassons les paradoxes, est intolérable. Si la pensée
mathématique est en défaut, où allons-nous trouver la vérité et la
certitude ?
●
Russell : Je voulais la certitude de la même manière que les gens
veulent la foi religieuse. Je pensais que la certitude se trouve bien
plus en mathématiques que partout ailleurs. Mais j'ai découvert que
beaucoup de démonstrations mathématiques, que mes professeurs
s'attendaient à me voir accepter, étaient pleines de sophismes, et
que, si la certitude était à découvrir en mathématique, elle le serait
dans un nouveau domaine des mathématiques, avec des
fondements plus solides que ceux qui avaient été considérés
comme sûrs jusqu'alors. Mais comme le travail continuait, je ne
pouvais cesser de penser à la fable de l'éléphant et de la tortue.
Ayant construit un éléphant sur lequel le monde mathématique
pouvait reposer, j'ai trouvé l'éléphant chancelant, et je me suis mis
à construire une tortue pour empêcher l'éléphant de chanceler.
Mais la tortue n'était pas plus sûre que l'éléphant, et après quelque
vingt ans de travail très ardu, j'en vins à la conclusion qu'on ne peut
rien faire de plus que ce que j'ai fait en vue de rendre la
connaissance mathématique indubitable.
●
Marvin Minsky : « without an intimate connection between our
knowledge and our intentions, logic leads to madness, not
intelligence ».
●
L'infini mathématique (vu par Fomenko)
Thousands of faces in a crowd cry out,
encircling a single ominous head.
Indeed, this image reflects a mathematician's
meditations on infinity, a concept that
accompanies many theories and appears in
various guises in geometry, logic, number
theory, and many other areas. Potential and
actual infinity, paradoxes of logic, unsolvable
problems, the continuum hypothesis and its
diverse versions, constructive mathematics,
intuitionism (in the spirit of Poincare)--al of
these come to life via the existence of
mathematical infinity, the study of which
presents fascinating philosophical problems
regarding knowledge of the world
around us. As for people, a suitable
homeomorphism can identify different human
beings from a geometric point of view,
beginning with a single ideal hero. Al of this
too recalls the many medieval artists who
tried to reflect their interpretations of physical
and moral infinites on canvasses devoted to
the sufferings of Jesus Christ.
La philosophie formaliste
Elle a été conçue par Hilbert et poussée à l'extrême par Bourbaki (voir
structuralisme plus loin). Le logicisme en fait parti et peut se décrire
comme une tentative de réduction des mathématiques à la logique.
Principales caractéristiques du mathématicien formaliste :
●Sa conception des objets mathématiques est nominaliste : réduction des
mathématiques au texte écrit, aux symboles.
●Il prône un idéal de rigueur (afin d'éviter les paradoxes, les contradictions)
et préconise le recours systématique à la méthode axiomatique.
●Il considère que la notion primitive à toute la mathématique est la théorie
des ensembles formalisée par ZFC.
●Il écarte les considérations métaphysiques ; la pensée du mathématicien
est un épiphénomène.
●Dans sa caricature, il évite le recours à la figure, à l'intuition.
L'existence en mathématique
démonstration dialectique / algorithmique
Existence de la racine carrée de 2 :
●Continuité de la fonction puissance de deux qui vaut 1 en x=1, 4 en x=2 ;
on utilise le théorème des valeurs intermédiaires
●Limite de la suite
Partage équitable d'une crêpe.
Exercice : généraliser à deux crêpes, éventuellement superposées...
La logique intuitionniste
Les intuitionnistes refusent le principe du tiers exclu (donc également le raisonnement par
l'absurde) et l'axiome du choix (qui implique le premier) qui sont des principes non
constructifs.
En logique intuitionniste,
signifie qu'il existe un procédé régulier, c'est-à-dire un
algorithme qui au bout d'un nombre fini d'étapes permet de construire un élément vérifiant
la propriété. Sont définis de même des connecteurs
« Cela revient à démembrer et mutiler notre science ; si nous suivions de tels
réformateurs, nous courrions le danger de perdre un grand nombre de nos trésors les
plus précieux » (Hilbert)
A l'inverse, les idées constructivistes ont également donné naissance à de nombreux
travaux en analyse constructive ou autour de la notion de calculabilité (correspondance
de Curry-Howard).
Théorème du point fixe (Brouwer) :
« dans mes travaux mathématiques exempts de philosophie, j'ai régulièrement utilisé les
anciennes méthodes, tout en m'efforçant de n'y dériver que des résultats dont je pouvais
espérer qu'après achèvement d'une construction systématique de la théorie intuitionniste
des ensembles, ils pourraient, éventuellement sous une forme modifiée, rouver une place
et prétendre à une valeur dans ce nouveau corps de doctrine » (Brouwer)
La philosophie intuitionniste-constructiviste
Pour le mathématicien constructiviste :
●Il n'y a pas de mathématique sans mathématicien.
●les êtres mathématiques n'existent que dans la pensée du mathématicien
et non dans un monde platonicien indépendant de l'esprit humain. Ils
apparaissent au moment où le mathématicien les définit et non
antérieurement à tout mathématicien.
●La mathématique se déroule dans le temps : celui du raisonnement, avec
une chronologie des étapes de la preuve.
●Les machines à calculer permettent d'effectuer des calculs dans un
temps raisonnable.
●S'il se donne la possibilité de pouvoir toujours continuer un calcul
inachevé (ce qui suppose l'immortalité du « mathématicien constructiviste
idéal »), de sorte que tous les nombres puissent être atteints, il croit en
l'infini potentiel et pas à l'infini actuel.
●Contrairement au formaliste et comme le platonicien, il reconnaît une
certaine réalité aux objets mathématiques, mais ne leur attribue que des
propriétés susceptibles d'être démontrées (une question reste donc sans
réponse si elle ne peut être tranchée par un algorithme à partir des
données primitives).
La définition en mathématique
« les mathématiques sont une science où l'on ne sait jamais de quoi l'on parle, ni si ce
que l'on dit est vrai » (boutade de Russell). Par exemple, le mot ligne droite n'a pas le
même sens dans la géométrie d'Euclide, de Riemann, de Lobatchevski, etc.
●A supposer que l'on précise bien le contexte, tous les objets sont-ils bien définis ? La
rigueur se construit, la définition va de paire avec la démonstration :
Définitions empiristes :
➔Hadamard : la ligne peut être considérée comme engendrée par un point qui se déplace
sur elle. La ligne droite est la plus simple des lignes dont le fil tendu nous donne l'image.
Référence au principe d'inertie.
Définitions ontologiques :
➔Euclide : une longueur sans largeur qui est également placée entre ses points.
➔Leibniz : ce qui est déterminé par la donnée de deux points est l'extensum le plus simple
passant par eux, que nous appellerons droite.
➔Legendre : le plus court chemin entre deux points
Définitions langagières :
➔Hilbert : points, droites et plans sont des termes primitifs qui n'ont pas à être définis !
Définitions équationnelles, définitions issues de l'algèbre linéaire, (etc ?)
●« Le » mathématicien recherche la « bonne » définition (qui dépend des questions que
l'on se pose...)
●
Qu'est-ce qu'une bonne question en
mathématique ?
D. Hilbert : Les tentatives pour démontrer l'inexistence de solutions
rationnelles aux équations diophantiennes de Fermat offrent un exemple
frappant de l'effet que peut avoir un problème particulier et en apparence
insignifiant.
Il est souvent impossible de juger correctement à l'avance de la valeur
d'un problème, car le mérite final dépend du gain que la science obtient
de sa solution.
L'hypothèse de Riemann
un problème à 1 million de dollars
Cette égalité contient le théorème
fondamental de l'arithmétique
Vérifié pour les 100 millions
premiers zéros... mais :
Good et Churchhouse : ce n'est
pas une bonne raison de croire que
l'hypothèse de Riemann est vraie.
Car dans la théorie très voisine de
la
distribution
des
nombres
premiers, on fait appel souvent au
logarithme itéré ln ln x dans les
formules asymptotiques, et cette
fonction
croît
extrêmement
lentement.
(si ln ln x=10 alors x vaut
approximativement 10 à la puissance
10 000 !)
Une heuristique
L'hypothèse de Riemann est équivalente à un résultat de croissance
sur la fonction mu de Möbius :
Or on observe que la table de valeurs de la fonction de Möbius
semble aléatoire : par exemple, le nombre de zéros de mu entre 1 et
33 000 000 est 112 938 407. En la modélisant comme une variable
aléatoire, on trouve
!
Or dans ce modèle, l'inégalité précédente est vraie par un résultat de
théorie des probabilités.
À titre de comparaison :
La conjecture de Goldbach : tout nombre pair est somme de deux
nombres premiers (6=3+3, 8=5+3, etc...)
●Aucune heuristique
●Aucun
lien, aucune conséquence sur les autres questions
mathématiques
●Est-ce une bonne question ? Est-ce un indécidable ?
Mathématique et utilité
L' « extraordinaire » efficacité des mathématique dans les sciences
de la nature. Quatre paramètres permettent de définir l'efficacité
d'une science : sa capacité descriptive, sa valeur prédictive, sa
puissance explicative, son potentiel heuristique. Une raison de
l'efficacité des mathématiques tient de son langage qui favorise un
couplage entre pensée, action, réel et langage (Dominique Lambert).
●
Jacobi (lettre à Legendre, 1830) : M. Fourier avait l’opinion que le
but principal des mathématiques était l’utilité publique et l’explication
des phénomènes naturels ; mais un philosophe comme lui aurait dû
savoir que le but unique de la science, c’est l’honneur de l’esprit
humain, et que sous ce titre, une question de nombres vaut autant
qu’une question du système du monde.
●
Hardy (1877-1947) : je n'ai jamais fait quelque chose d'« utile ».
Jugée par toutes les normes pratiques, la valeur de ma vie
mathématique est nulle. La seule défense de ma vie est la suivante :
que j'ai ajouté quelque chose aux connaissances, et aidé les autres à
en ajouter davantage, et que ces choses ont une valeur qui ne diffère
que par le degré, non par le genre, de celles des créations des
grands mathématiciens ou des autres artistes, petits ou grands, qui
ont laissé une sorte de souvenir derrière eux.
●
Les « retombées » des mathématiques fondamentales : exemple de
la cryptographie à base de courbes elliptiques
●
Les géométries non euclidiennes
Rappel (Hilbert au sujet des axiomes) : Cette étude se ramène à l'analyse
logique de notre intuition spatiale.
Beaucoup de mathématiciens jouèrent un rôle : Gauss, Lobatchevski,
Bolyai, Riemann,...
Père de Bolyai : pour l'amour de Dieu, renonces-y s'il te plaît. Ne le crains
pas moins que les passions sensuelles parce que lui aussi te prend tout
ton temps et te prive de la santé, de la paix de l'esprit et de la joie de vivre.
Axiome 5 (des parallèles) :
●Lobatchevski (géométrie hyperbolique) : il existe au moins deux droites
passant par P et parallèles à D.
●Riemann (géométrie sphérique) : il n'existe aucune droite.
Le monde des êtres à deux dimensions dans le modèle de Poincaré de la géométrie non euclidienne de
Lobatchevsky, selon Escher
Structuralisme
N. Bourbaki : Peut-être comprendrez-vous comment il est permis, aux
mathématiciens d'aujourd'hui, de proclamer le déclin de la « géométrie ».
Il n'y a plus de géométrie, comme le savait déjà Descartes. L'objet d'une
technique mathématique n'est défini que par les relations qui y figurent.
Dès le début du siècle dernier, on s'aperçut qu'il convenait d'instaurer
une classification rationnelle des propositions géométriques. Poussée à
des exigences extrêmes, cette classification aujourd'hui dite
« structurale », établit un primat incontesté de l'algèbre, qui est à la
mathématique entière ce que la mathématique est aux autres sciences.
Sous cette impitoyable clarté, la géométrie classique se fane
brusquement et perd son éclat.
Une courbe pour Zariski
Ce qu'est une courbe pour Chevalley
P. Cartier : Les Bourbaki étaient des puritains, et les puritains
sont fortement opposés aux représentations picturales des
vérités de leur foi.... Bourbaki est le fils spirituel de la
philosophie allemande. Il a été fondé pour développer et
propager les conceptions philosophiques allemandes sur la
science. Et il y avait cette idée qu'il y a une opposition entre
l'art et la science. L'art est fragile et mortel, parce qu'il en
appelle aux émotions, à la signification visuelle, et à des
analogies informulées.
S. Mandelbrojt : L'abstraction est belle et grande lorsqu'elle
est explicative, lorsqu'elle donne, j'ose le dire, un caractère
métaphysique au phénomène. En un mot, lorsque cette
abstraction indique le monde qui est propre au phénomène.
Mais si on perd le souci de la recherche de ce monde qui lui
est propre et qu'on cherche à généraliser uniquement pour le
gout de généralisation ou goût d'abstraction, on risque
d'entrer dans un monde formalisé. Or j'aime, dans une
théorie mathématique, la présence de la matière.
Le quasi-empirisme
Lakatos : le coeur de cette étude de cas interpellera le formalisme mathématique, mais il ne
sera pas un défi direct au dogmatisme mathématique dans ses derniers retranchements.
Son modeste projet est d'étudier en détail la thèse suivant laquelle les mathématiques non
formelles, quasi-empiriques, ne se développent pas dans un accroissement continu du
nombre des théorèmes indubitablement établis, mais dans l'amélioration incessante des
conjectures, grâce à la spéculation et à la critique, grâce à la logique des preuves et
réfutations.
L'hypothèse de Riemann : une vérité quasi-empirique ?
●Un énoncé du type : « la conjecture de Goldbach est vraie avec une probabilité plus
grande que 0,99999 et la démonstration complète pourrait être établie avec un budget de
10 milliards de dollars » ?
●L'adoption de l'axiome du choix : une « expérience » mathématique ?
●
Mathématiques et sciences expérimentales
Les mathématiques comme science sans objet : pas de confrontation
avec la « réalité mathématique » ? (calculs sur ordinateur). Pas de
confrontation avec la théorie dans le cadre des sciences expérimentales ?
(grandeurs non observables, faits virtuels issus de l'abstraction).
●Place de la démarche inductive et problème de l'induction dans les
sciences de l'empirie.
●Procédé de vérification : pas de recours à l'expérience en mathématique ;
vérités établies pour l'éternité.
●La place du formel dans les sciences expérimentales : dans ses rapports
avec les mathématiques, d'aucuns pensent que toute science passe par
les quatre stades : empirique, expérimentale, analytique et enfin
axiomatique.
●La place de l'expérimental dans les sciences mathématiques : le courant
quasi-empirique (fin années 70) met l'accent sur la pratique de la discipline
et emprunte aux sciences empirique des idées essentielles telles que celle
d'expérience mathématique, de fait mathématique, reconnaissance du rôle
de l'induction, de l'heuristique, importance du succès des théories comme
critère de vérité (quasi-empirique),...
●
3) Questionnement didactique
Conséquences de « ma » théorie épistémologique sur mon
enseignement :
●Si pour moi observer c'est simplement regarder attentivement, je
donnerai peu d'importance à mes présupposés ou à la grille de
lecture utilisée
●Si je pense qu'il y a une explication ultime à un phénomène, je ne
serai pas prêt à considérer plusieurs analyses possibles d'un même
incident
●Si je crois qu'une loi scientifique découle d'une observation, il y a
peu de chances que les élèves comprennent la conceptualisation
comme un processus d'imagination, de sélection, de décision
(conduisant à l'adoption d'un modèle...)
●Si pour moi les mathématiques sont essentiellement formelles, je
vais donner peu d'importance à l'heuristique, à l'intuition, aux
représentations et présenter les mathématiques comme plus ou
moins déconnectées du réel et du sujet connaissant
Conceptions véhiculées par l'école
(enseignants, manuels)
Selon les études des didacticiens, les élèves tendent à développer
des conceptions empiriste, inductiviste et internaliste de l'activité
scientifique.
D'autres études mettent en évidence l'impact du discours des
enseignants et des conceptions véhiculées par les manuels.
(Ph. Mathy : donner du sens au cours de science, de Boeck, 1997).
Des pistes pour y remédier :
●Souligner le caractère construit et humain des savoirs enseignés
●« problématiser » le savoir
●Favoriser un apprentissage de type constructiviste
●Susciter une réflexion sur la dimension éthique des savoirs
Approche empiriste d'un cours de science ou
version plus constructiviste
Vue empiriste
Vue constructiviste
Préconceptions des élèves
Non prise en compte
Point de départ de la démarche
Observation
Point de départ de la démarche
Confrontée aux préconceptions
Hypothèse (origine)
Elle découle des observations
Elle a de multiples sources
Modèle
Il est unique et immédiat puisqu'il
découle des faits
Il est une représentation d'un
phénomène qui en rend compte
dans une série de situations
Vision de la démarche scientifique
Absolue et rigoureuse, suivant un
schéma immuable. On prouve les
résultats pour les déclarer établis.
À la fois personnelle et collective,
intégrant le contexte. On teste les
résultats pour voir comment
améliorer le modèle.
Rôle de l'expérience
Vérifie une hypothèse
Teste les limites d'un modèle
Vision de la science
Absolue, rigoureuse. Elle est un
décodage du monde. Elle vise à
établir des vérités.
Relative. Elle est une
représentation négociée du
monde. Elle vise à construire des
modèles qu'on espère pertinents
et efficaces.
Approche socioconstructiviste de
l'apprentissage
Une telle approche suppose que :
●Chaque personne construit ses connaissances
●Les connaissances sont construites en interaction avec les autres
●Les connaissances visent à éclairer des situations, en vue d'en
parler ou d'agir
●Les savoirs scientifiques sont des représentations standardisées et
fiables, notamment parce que testées en fonction des projets
qu'elles rendent possibles et dans un débat de la communauté
scientifique
●Il vaut la peine pour chacune et chacun de s'interroger sur ce que
signifie « connaître » pour elle et pour lui
Et en mathématiques ?
Quelques travaux de didacticiens des mathématiques :
●La transposition didactique (Y. Chevallard)
●La théorie des situations (G. Brousseau)
●Le débat scientifique en cours de mathématiques (M.
Legrand)
●Mathématiques, mythe ou réalité : un point de vue
éthique sur l'enseignement scientifique (M. Legrand)
Mathématique et esprit critique
Le mathématicien Roger Godement propose, dans la préface à son fameux Cours
d'algèbre (Paris, Hermann, 1966), une opinion considérée par d'aucuns comme
scandaleuse : « il semble que, dans les grandes nations scientifiquement et
techniquement surdéveloppées où nous vivons, le premier devoir des mathématiciens, et
de beaucoup d'autres, serait plutôt de fournir ce qu'on ne leur demande pas – à savoir
des hommes capables de réfléchir par eux-mêmes, de dépister les arguments faux et les
phrases ambiguës, et aux yeux desquels la diffusion de la vérité importerait infiniment
plus que, par exemple, la télévision planétaire en couleurs et en relief : des hommes
libres, et non des robots pour technocrates. Il est tristement évident que la meilleure
façon de former ces hommes qui nous manquent n'est pas de leur enseigner les sciences
mathématiques et physiques, ces branches du savoir où la bienséance consiste, en
premier lieu, à faire semblant d'ignorer jusqu'à l'origine même des problèmes humains, et
auxquels nos sociétés hautement civilisées s'accordent, ce qui devrait paraître louche, la
première place. Mais, même en enseignant des mathématiques, on peut du moins
essayer de donner aux gens le goût de la liberté et de la critique, et les habituer à se voir
traités en êtres humains doués de la faculté de comprendre. »
Bibliographie
Panorama :
Philip Davis et Reuben Hersh : L'univers mathématique. Bordas, 1985.
Jean Dieudonné : Pour l'honneur de l'esprit humain. Hachette, 1987.
Michael Guillen : Invitation aux mathématiques. Albin Michel, 1992.
Histoire :
Philippe de la Cotardière : Histoire des Sciences : de l'antiquité à nos jours. Tallandier,
2004.
Amy Dahan-Dalmedico & Jeanne Peiffer : Une histoire des mathématiques. Seuil, 1986.
Jean Dieudonné : Abrégé d'histoire des mathématiques : 1700-1900. Hermann, 1996.
Epistémologie :
Alan F. Chalmes : Qu'est-ce que la science ? La découverte, 1987.
Gérard Fourez : La construction des sciences : les logiques des inventions scientifiques. De
Boeck, 2002.
Imre Lakatos : Preuves et réfutations, essai sur la logique de la découverte en mathématiques. Hermann, 1984.
Philosophie :
Jean-Pierre Changeux et Alain Connes : Matière à pensée. Odile Jacob, 2000.
Nathalie Chouchan : Les mathématiques, textes choisis. Flammarion, 1999.
Ouvrage collectif : Penser les mathématiques. Seuil, 1982.
IREM sous la direction de Evelyne Barbin et Maurice Caveing : Les philosophes et les mathématiques. Ellipses, 1996.
Albert Laumann : Les mathématiques, les idées et le réel physique. Vrin, 2006.
Dominique Lecourt : La philosophie des Sciences. Que sais-je ? PUF, 2006.
Frédéric Patras. La pensée mathématique contemporaine. PUF, 2001.
Jean-Michel Salanskis : Philosophie des mathématiques. Vrin, 2008.
Téléchargement