3
Synthèse
La médecine du travail est en danger. D’ici 5 ans, si rien n’est fait pour aider les
professionnels de la santé au travail à anticiper les départs à la retraite des praticiens et des
enseignants hospitalo-universitaires, ce dispositif unique au monde, qui concerne en France près de
16 millions de salariés, pourrait s’éteindre, faute d’expertise et de perspectives. La discipline est en
crise. Elle est depuis longtemps jugée peu attractive, et aujourd’hui les étudiants en médecine
s’interrogent sur son avenir. Les médecins du travail, qui pâtissent d’une image sociale peu
flatteuse, désespèrent d’un métier dont ils connaissent pourtant les atouts et mesurent les
potentialités. Déjà confrontés à l’impossibilité de remplir l’ensemble des missions que leur a confié
le code du travail, certains ne reconnaissent pas le métier qu’ils ont choisi dans ce qu’ils vivent ou
ne se reconnaissent pas dans les évolutions annoncées. Beaucoup enfin se sentent atteints dans leur
conscience professionnelle de ne pas pouvoir consacrer le temps qui leur paraît nécessaire aux
salariés qui en ont le plus besoin.
La situation n’est pas meilleure dans le domaine de la recherche en santé au travail. Le
déficit en la matière est criant depuis plusieurs années, au point que le manque d’experts pourrait
mettre en péril les intérêts de la France dans les dossiers stratégiques défendus au niveau
international ou européen, comme l’application de la réglementation REACH1.
Pourtant, rarement la question de la santé des travailleurs s’est posée avec autant d’acuité.
L’intensification du travail, les risques psycho-sociaux, les troubles musculo-squelettiques, les
pathologies à effets différés, les risques nouveaux induits par des technologies en perpétuelle
évolution, rendent nécessaire l’intervention coordonnée, au service de la prévention et du maintien
dans l’emploi, d’une équipe de professionnels de la santé au travail, qu’ils ou elles soient médecins,
infirmières, assistantes médicales, ergonomes, psychologues, toxicologues ou ingénieurs de
sécurité. La médecine du travail a tout pour s’imposer comme une médecine moderne, à l’interface
entre l’homme et son environnement, associant dans une démarche globale l’approche collective
des risques professionnels et le suivi clinique individuel. Des freins et des obstacles subsistent à cet
accomplissement, ils ont été dûment analysés par les rapports et avis qui se sont échelonnés entre
2007 et 2008. La profession s’interroge sur le contenu de la réforme annoncée, sur sa capacité à
mettre en phase son organisation et ses missions.
C’est dans ce contexte que le Ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la
solidarité et de la ville, le Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et le Ministre de
la santé et des sports nous ont confié une mission de réflexion portant sur la formation des
professionnels de la santé au travail et l’attractivité de ses métiers.
A l’issue des auditions, auxquelles plus d’une centaine de personnes ont participé, nous
avons formulé plus d’une quarantaine de propositions, qui traduisent huit préoccupations
principales :
- Une approche intégrée pour un travail d’équipe :
La formation d’une culture interdisciplinaire et d’une communauté d’objectifs partagée entre
les professionnels travaillant dans les services de santé au travail est indispensable pour éviter que
la pluridisciplinarité ne se réduise à une juxtaposition des compétences et pour que tous
concourent, de manière coordonnée, à une prise en charge globale des risques en matière de santé
au travail.
1 Registration, evaluation and authorisation of chemicals