bioaccumulation de métaux lourds chez la tomate et la laitue

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Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2009, 148, 77-92
BIOACCUMULATION DE MÉTAUX LOURDS
CHEZ LA TOMATE ET LA LAITUE
FERTILISÉES PAR LES BOUES D’UNE
STATION D’ÉPURATION (*)
Hanan KASSAOUI (1,3), Mustapha LEBKIRI (1), Ahmed LEBKIRI (1),
El Houssine RIFI (1), Alain BADOC (2), Allal DOUIRA (3)
Les boues résiduaires de la station de traitement des eaux
usées de la ville de Béni Mellal (Maroc) présentent des teneurs
appréciables en éléments fertilisants azotés et phosphorés, une
importante quantité de matière organique et un pH légèrement
acide (6,7). Leur apport au sol sableux de la Mamora entraine une
légère augmentation de l’acidité et de la salinité, a un effet négatif
sur la germination des graines, mais augmente
proportionnellement les rendements de la Laitue et de la Tomate.
Cependant, ces amendements intensifient les teneurs en métaux
lourds des racines, feuilles et fruits. L’accumulation du chrome
apparait l’une des contraintes majeures à leur valorisation.
(*)
(1)
(2)
(3)
Manuscrit reçu le 3 novembre 2007.
Laboratoire de Synthèse Organique et Procédés d’Extraction, Université Ibn
Tofaïl, Faculté des sciences, BP133, 14000 Kénitra, Maroc. [email protected],
[email protected], [email protected], [email protected]
Laboratoire de Sciences végétales, Mycologie et Biotechnologie, GESVAB – EA
3675, UFR Pharmacie, Université Victor Segalen Bordeaux 2, ISVV, 210, Chemin
de Leysotte, CS 50008, 33882 Villenave-d’Ornon. [email protected]
Laboratoire de Botanique et de Protection des Plantes, Université Ibn Tofaïl,
Faculté des Sciences, BP 133, 14000 Kénitra, Maroc. [email protected]
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INTRODUCTION
La quantité croissante de boues produites au cours du traitement des
eaux usées pose le problème de leur devenir. Malgré leur apport fertilisant
(N, P, K, Ca, etc.), les boues urbaines ne peuvent être épandues si elles
contiennent des métaux lourds en quantité supérieure aux normes autorisées
en agriculture (Arrêté du 8 janvier 1998 / France), qui pourraient entrainer
une contamination des sols et par là de la chaine alimentaire [15] et de la
santé humaine [13].
S’il est prouvé que l’épandage des boues favorise la productivité des
cultures, elle s’accompagne d’une accumulation de métaux lourds (Cd, Cu,
Ni, Pb et Zn) [2,12], comme chez le Ray-grass [6,8]. Ces boues doivent alors
être incinérées, mises en décharge ou utilisées en partie dans une filière de
compostage [16].
Dans le présent travail, l’effet de la dose de boue d’une station de
traitement des eaux usées incorporée au substrat de culture a été étudié sur
la croissance, le rendement et l’accumulation de métaux lourds chez deux
espèces maraichères.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Sol
Le sol de la forêt de la Mamora a été utilisé. Il est très sablonneux,
de structure meuble, de pH légèrement basique (7,53). Il présente 0,7 % de
matière organique avec 0,14 % de carbone organique, ce qui en fait un sol
riche. Ses teneurs en métaux lourds le rendent propre à une utilisation en
agriculture (Tableau I). Avant les essais, le sol a été homogénéisé à l’air
libre et tamisé.
79
Tableau I :
Caractéristiques physicochimiques du sol de la Mamora (moyennes de
trois répétitions).
Paramètres
Argile (%)
Limon fin (%)
Limon grossier (%)
Sable fin (%)
Sable grossier (%)
Calcaire total (%)
Carbone organique (%)
Matière organique (%)
Azote total (%)
pH-eau
salinité (mg/l)
Phosphore total (‰)
Phosphore assimilable (Olsen)
Calcium (mEq /100 g)
Magnesium (mEq /100 g)
Sodium (mEq /100 g)
Potassium (mEq /100 g)
Capacité d’échange cationique
Cadmium (ppm)
Zinc (ppm)
Cuivre (ppm)
Plomb (ppm)
Nickel (ppm)
Chrome (ppm)
Manganèse (ppm)
Résultats
4,8
2,7
0,8
66,6
24,5
0,8
0,14
0,7
0,05
7,53
0,1
1,39
0,048
6,3
0,2
0,3
0,15
7,0
non détecté
279
25
34
44
73
626
Boue
La boue provient d’une station d’épuration (STPE) des eaux
résiduaires de la ville de Beni-Mellal au Maroc, construite en 1984 et située
à 6 km au nord de la ville entre Bazzaza et Sidi Jaber. La station comprend
des ouvrages destinés au prétraitement biologique des eaux et des boues
avec une aération prolongée.
Sept échantillons ont été prélevés à différents endroits soit un total
de 500 kg de boue en mai 2005. Ils ont été séchés à l’air libre, broyés, puis
passés sur un tamis avec une maille de 2 mm.
80
Son pH légèrement acide, de 6,57 (Tableau II), correspond aux
nouvelles recommandations du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de
France (CSHPF), qui demande un pH < 6 pour servir d’amendement. Elles
sont riches en matière organique (22 % du poids de matière sèche) avec des
teneurs élevées en composés azotés (2,1 %) et phosphorés (1,2 %). Le
rapport C/N, compris entre 9 et 11, indique une bonne minéralisation de la
matière organique. Les teneurs en zinc, cuivre, plomb et nickel et leur
somme sont au dessous des normes de la CEE.
Cependant, la conductivité électrique élevée, de l’ordre de 6 ms/cm,
pourrait nuire aux cultures sensibles aux sels et les teneurs en chrome
(1971 ppm) sont supérieures aux valeurs limites de la CEE (10001750 ppm).
Tableau II :
Caractéristiques physicochimiques d’un échantillon de boue (moyennes
de trois répétitions).
Paramètres
pH-eau
Carbone organique (%)
Matière organique (%)
Azote total (%)
N/C
Phosphore total (‰)
Phosphore assimilable (Olsen) (‰)
CE (ns/kg)
Cadmium (ppm)
Zinc (ppm)
Cuivre (ppm)
Plomb (ppm)
Nickel (ppm)
Chrome (ppm)
Manganèse (ppm)
Zn + Cu + Ni + Cr
Résultats
6,57
20,56
22,4
2,11
9,74
1,16
1,66
5,8
limite de détection
775
134
155
35
1971
237
2915
Normes CEE [5]
20
3000
1000
800
200
1000
1000-1750
Matériel végétal
Deux plantes, une Laitue, Lactuca sativa var. longifolia et une
Tomate, Solanum lycopersicum ‘Campbell 33’, ont été retenues comme
indicatrices de la valeur fertilisante et des risques de toxicité par les métaux
lourds par accumulation dans les feuilles ou les fruits destinés à la
consommation humaine.
81
Test de germination
Les semences de Laitue et de Tomate sont désinfectées par trempage
quinze minutes dans l’eau de Javel à 10 %, puis séchées sur papier buvard et
placées par vingt dans des pots remplis de mélanges sol de la Mamora et de
boue résiduaire, avec des volumes secs de boue de 0, 25, 50, 75 et 100 %.
Le pourcentage de germination est calculé après quinze jours d’incubation
pour la Tomate et 12 pour la Laitue dans une étuve à 25°C à l’obscurité. Le
test est répété trois fois.
Conditions de culture
Des semences de Laitue et de Tomate, désinfectées comme
précédemment puis séchées sur papier buvard, ont été mises à germer en
pépinière dans des cuvettes remplies de tourbe.
Les plantules âgées de trois semaines (présentant alors environ
quatre feuilles) ont été repiquées dans des pots de 400 cm2 préalablement
désinfectés par trempage 30 min dans l’eau de Javel à 10 % et percées à leur
base pour permettre une percolation en cas d’excès d’arrosage sur un
mélange de sol de la Mamora additionné avec des volumes secs de boue de
0, 30, 50, 70 et 100 %. Les essais à raison de cinq pots contenant quatre
plantes ont été conduits dans une serre de culture avec un arrosage
journalier à l’eau de robinet, sans répétition.
Paramètres mesurés
Les plantes ont été récoltées après trois mois de culture, soit à la
maturité des fruits pour la Tomate et avant la floraison pour la Laitue. Cinq
paramètres ont été déterminés : hauteur des parties aériennes, nombre de
feuilles par pied, nombre de feuilles présentant une coloration jaunâtre et,
dans le cas de la Tomate, nombre de fruits et poids des fruits. Juste après la
récolte, les parties souterraines et aériennes (tiges + feuilles + fleurs) ont été
pesées et leur poids de matière sèche a été estimé après séchage 72 h à
l’étuve à 70°C.
Les paramètres physicochimiques du sol (pH, carbone organique,
azote total, phosphore organique, phosphore assimilable, conductivité
électrique, granulométrie, capacité d’échange cationique, dosage du CaCO3)
ont été obtenus selon la méthode d’analyse des sols [1].
82
La minéralisation du sol et de la boue a été réalisée selon la norme
AFNOR N°31-151. Ainsi, 1 g d’échantillon de sol ou de boue fine a été mis
dans une capsule en porcelaine et calciné à 450°C dans un four à moufle de
type Nabertherm pendant deux heures. L'échantillon a été repris par 10 ml
d'acide fluorhydrique à 50 % et séché à nouveau dans un bécher en téflon
sur un bain de sable. La dissolution du résidu obtenu se fait addition de
7,5 ml d'acide chlorhydrique et 2,5 ml d’acide nitrique purs. Le bécher est
recouvert d’un verre de montre puis mis à sec sur plaque chauffante jusqu’à
disparition des vapeurs rousses synonyme d’une minéralisation complète.
La solution obtenue est complétée à 10 ml par de l'eau distillée. Des blancs
de minéralisation ont été menés conjointement.
La méthode de Tauzin et Juste [17] a été utilisée pour la Tomate et la
Laitue. Elle consiste à calciner 1 à 2 g de tiges, feuilles, fruits ou racines
broyés dans un four à moufle à 450°C pendant quatre heures. Les cendres
obtenues sont minéralisées par l’eau régale (25 % HNO3 et 75 % HCl), puis
ramenées à sec jusqu'à décoloration du minéralisat sur un bain de sable. Le
résidu est redissout dans 10 ml d’HCl 5 %, puis filtré sur papier Wattman
0,45 µm, complété à 20 ml avec HCl 5 %.
Les métaux lourds ont été ensuite dosés par spectrométrie d’émission
atomique de plasma d’argon à couplage inductif (ICP-AES) au laboratoire
de l’Office national des hydrocarbures et des mines de Rabat. L’appareil
utilisé est un spectromètre JY-38 et permet le dosage de fortes comme de
faibles concentrations.
Analyses statistiques
L’analyse de la variance et le test LSD pour la comparaison multiple
de moyennes à 5 % ont été effectués à l’aide du logiciel Statistica.
83
RÉSULTATS
Effet de l’incorporation de boue sur le sol de la Mamora
Le pH du substrat diminue progressivement avec l’augmentation de
la dose de boue par rapport au témoin (Figure 1). Il passe de 7,25 à 30 % à
6,94, 6,78 et 6,6 pour 50, 70 et 100 %, respectivement.
Fig. 1 : Effet de l’apport de boue sur le pH du sol de la Mamora.
La comparaison de l’effet des différents traitements sur la
conductivité du sol est illustrée dans la Figure 2. Les concentrations testées
entrainent une augmentation de la salinité du sol par rapport au témoin. À
30 % de concentration, on constate une légère augmentation de la salinité.
Les valeurs maximales 252, 259 et 289 µs/cm ont été obtenues à 50, 70 et
100 % respectivement.
84
Fig. 2 : Effet de l’apport de boue sur la salinité du sol de la Mamora.
Test de germination
La Laitue germe plus rapidement que la Tomate. La germination des
deux espèces est maximale avec la tourbe (Tableau III). L’apport de boues
diminue relativement peu la germination de la Laitue contrairement à celle
de la Tomate ‘Campbell 33’.
Tableau III :
Influence de l’apport de boue au sol de la Mamora sur le taux de
germination (%) des semences de Tomate ‘Campbell 33’ après quinze
jours, et de Laitue après douze jours.
% de boues
Témoin
tourbe
0
25
50
75
100
Tomate
85,0
70,2
65,4
71,7
64,8
65,5
Laitue
93,0
77,8
35,2
23,6
21,6
15,0
85
Effet de l’apport de boue sur la croissance de la Tomate
L’incorporation de boue dans le substrat de culture influence
favorablement la croissance. La hauteur des pieds, le nombre de feuilles
croissent significativement (Tableau IV), alors que le nombre de feuilles
jaunâtres n’augmente significativement qu’avec 100 % de boue.
Tableau IV :
Effet de l’apport de boue au sol de la Mamora sur la croissance de la
Tomate ‘Campbell 33’.
% de boues
30
50
70
35,2c
51,1b
51,7b
66,7a
69,1a
Nombre de feuilles
9,8c
12,95b
12,95b
13,35b
20,5a
Nombre de feuilles jaunâtres
4,1b
4,3b
4,85b
4,45b
6,5a
Poids de matière fraiche des
tiges, feuilles et fleurs (g)
18,83d
35,63c
38,90c
54,48b
86,42a
Poids de matière sèche des
tiges, feuilles et fleurs (g)
3,32c
7,21b
8,13b
8,60a
20,39a
Nombre de fruits
0,95c
1,55bc
1,95b
2,1b
2,85a
Poids de matière fraiche des
fruits (g)
8,96c
39,35b
41,98b
70,45a
Hauteur (cm)
0
30,62b
100
Pour un même paramètre, deux résultats accompagnés d’une même lettre ne diffèrent pas
significativement au seuil de 5 %.
L’addition de boues améliore les poids de matière fraiche et sèche
des pieds de Tomate (tiges et feuilles). L’amélioration est six fois supérieure
avec 100 % de boues et 2 à 2,5 fois pour les autres traitements.
L’apport de boue augmente significativement le nombre et le poids
des fruits. Avec 100 % de boues, on obtient trois fois plus de fruits avec huit
fois plus de poids de matière fraiche.
Bioaccumulation de métaux lourds chez la Tomate
L’apport de boues entraine une augmentation significative de la
concentration en cuivre par rapport au témoin (Tableau V). La concentration
est supérieure au seuil de toxicité de 15 ppm (OMS) dans les fruits dès un
apport de 50 % de boues.
86
Tableau V :
Influence de l’apport de boue au sol de la Mamora sur l’accumulation
de cinq métaux lourds (ppm) chez la Tomate ‘Campbell 33’.
% de boues
0
30
50
70
100
Cu
feuille
racine
tige
fruits
4,6
11,7
10,1
12,0
8,1
18,5
17,8
12,8
9,2
29,9
17,3
15,7
9,2
33,0
17,1
15,2
Cd
feuille
racine
tige
fruits
nd
nd
nd
nd
nd
0,9
nd
nd
nd
nd
nd
nd
nd
nd
nd
nd
Cr
feuille
racine
tige
fruits
3,3
8,5
1,7
0,3
5,8
200,6
4,6
1,5
8,9
281,9
3,2
2,5
14,9
386,9
2,1
3,2
14,1
260,1
4,8
2,6
Ni
feuille
racine
tige
fruits
4,2
5,8
2,6
6,3
1,4
6,3
4,1
6,9
1,4
6,9
1,9
7,8
6,4
7,6
3,5
7,9
7,4
6,5
5,4
7,9
Mn
feuille
racine
tige
fruits
92,5
122,6
34,5
4,6
78,4
75,6
40,1
3,4
76,5
96,2
49,3
2,7
74,7
75,1
35,5
2,3
38,3
40,8
26,0
1,0
9,3
44,7
17,7
20,1
nd
nd
nd
nd
nd : non détecté
La teneur en cadmium n’a été détectée qu’une fois dans les racines.
Le chrome s’accumule d’une manière significative au niveau des racines et
de manière moindre dans les feuilles. Sa bioaccumulation apparait faible
dans les fruits. Pour le nickel, on note au contraire une concentration non
négligeable dans les fruits.
La bioaccumulation du manganèse concerne surtout les racines,
suivies des feuilles et des tiges. Les teneurs sont élevées dans le témoin sol
de la Mamora.
87
Effet de l’apport de boue sur la croissance de la Laitue
L’apport de boue au sol de la Mamora favorise la croissance de la
Laitue (Tableau VI). La taille des pieds tout comme les poids de matières
fraiche et sèche des parties aériennes augmentent significativement avec le
pourcentage de boue. Le nombre de feuilles n’est pas significativement
augmenté au delà de 50 % de boue. Aucune feuille jaunissante n’a été
observée sur les plants de Laitue.
Tableau VI :
Effet de l’apport de boues sur la croissance de la Laitue.
% de boues
0
30
50
70
100
Hauteur (cm)
14,7d
20,5c
24,7b
26,9ab
27,2a
Nombre de feuilles
16,9c
20,4b
22,4a
22,8a
24,1a
Poids de matière fraiche
des parties aériennes (g)
17,40d
33,33bc
53,13c
60,76ab
94,90a
Poids de matière sèche
des parties aériennes (g)
1,19d
2,49c
3,03bc
3,79ab
4,02a
Pour un même paramètre, deux résultats accompagnés d’une même lettre, ne diffèrent pas
significativement au seuil de 5 %.
Bioaccumulation de métaux lourds chez la Laitue
L’accumulation du cuivre se fait préférentiellement au niveau de la
partie souterraine (Tableau VII). Les teneurs maximales sont atteintes à
50 % de boues. Les teneurs en cadmium ne sont détectables que pour les
parties souterraines et sont maximales pour 50 et 70 % de boues. Le chrome
est bioaccumulé préférentiellement dans les parties racinaires. La teneur est
maximale avec 50 % de boues pour les parties racinaires et 70 % pour les
parties aériennes. Le taux le plus élevé de nikel (6,4 ppm) est enregistré
pour la partie aérienne en présence de 70 % de boues et est deux fois
supérieur à la valeur obtenue chez les pieds témoins ; les autres conditions
ne sont pas significativement différentes du témoin. Le manganèse est
accumulé dans les parties aériennes comme souterraines avec un maximum
avec 30 et 50 % de boues.
88
Tableau VII :
Influence de l’apport de boues sur la teneur en cinq métaux lourds
(ppm) des parties aériennes avant floraison et souterraines de Laitue.
0
30
50
70
100
5,1
14,6
11,8
32,5
12,4
38,8
10,8
34,8
12,0
24,9
nd
nd
nd
0,9
nd
1,4
nd
1,0
nd
0,9
2,6
4,4
19,8
170,2
15,9
264,7
31,9
185,6
17,7
156,8
3,5
4,4
3,7
4,6
3,3
5,7
6,4
5,5
4,4
5,3
35,0
46,3
56,5
56,0
56,5
56,0
42,2
48,2
47,5
47,5
Cu
Parties aériennes
Parties souterraines
Cd
Parties aériennes
Parties souterraines
Cr
Parties aériennes
Parties souterraines
Ni
Parties aériennes
Parties souterraines
Mn
Parties aériennes
Parties souterraines
nd : non détecté
DISCUSSION ET CONCLUSION
Les teneurs en métaux du sol de la Mamora et des boues de la station
d’épuration de Béni-Mellal sont en conformité avec les normes
internationales à l’exception du chrome qui présente une forte teneur
(1971 ppm) dans les boues.
Ces boues présentent des quantités appréciables en éléments
fertilisants azotés et phosphorés, une importante quantité de matière
organique et un pH légèrement acide (6,7) qui permettent de prévoir une
amélioration du sol de la Mamora. Néanmoins, la présence du chrome en
grande quantité est une contrainte à cette valorisation.
L’apport au sol de la Mamora de ces boues acides et riches en sels
minéraux entraine une diminution du pH et une augmentation de la salinité
en mélange. La conductivité électrique croît avec l’augmentation de
l’incorporation de boue.
89
La tourbe donne une meilleure germination des semences de Tomate
‘Campbell 33’ et de Laitue que le sol de la Mamora. La laitue germe plus
rapidement. L’apport de boues a un effet négatif sur la germination, qui
diminue plus fortement pour la Laitue. Ce phénomène s’explique par
l’augmentation de la salinité et par une tolérance à la salinité plus faible de
la Laitue. La salinité retarde le processus de germination par diminution de
la disponibilité en eau, ce qui inhibe le gonflement de la graine et entraine
des changements enzymatiques.
L’apport de boues améliore tous les paramètres de croissance et le
rendement des deux cultures, à mettre en rapport avec le pouvoir fertilisant
des boues (N, K, P, etc.). Cependant, le nombre de feuilles jaunissantes chez
la Tomate qui augmente avec l’apport de boues traduit un déficit en
manganèse.
Les teneurs en Cu, Cr et Ni des organes de la Tomate et de la Laitue
augmentent avec l’apport des boues. Les maxima ont été obtenus pour 50,
70, 100 % d’apport.
Les teneurs en Cu chez la Tomate dépassent 15 ppm, seuil de début
de toxicité fixé par l’OMS. Cette augmentation est due à l’abondance du
cuivre dans la boue de l’ordre de 134 ppm. La diminution du cuivre à 70 et
100% de boues est probablement due à la forte adsorption des ions Cu2+ sur
les surfaces organiques et minérales chez la Tomate. Ceci confirme les
résultats notés par Echab [6 ]. D’après Hooda et Alloway [9], les boues
résiduaires peuvent jouer le rôle de source des métaux et de matrice
adsorbante.
La teneur du cadmium est souvent inférieure à la limite de détection
de l’appareil en raison de la quasi-absence de ce métal dans le sol de la
Mamora et dans les boues. La détection dans les seules parties souterraines
de cadmium chez la Laitue contredit les résultats de Davies et White [4] qui
ont observé un transport du cadmium vers les parties aériennes. La facilité
de transfert du Cd est liée entre autre à sa grande mobilité dans le sol par
rapport aux autres métaux [9]. Sa biodisponibilité et sa mobilité sont liées à
sa solubilité et à sa forme géochimique [11].
La concentration en chrome bioaccumulé chez la Tomate peut être
expliquée par l’existence d’une forte teneur en chrome dans la boue. Ces
valeurs dépassent les teneurs naturelles trouvés chez les végétaux (0-3 ppm).
Les teneurs en nikel rencontrées dans les différents organes de la
Tomate restent inférieures aux valeurs extrêmes (8 mg/kg), rencontrées chez
les végétaux [7]. Les teneurs du Ni rencontrées dans les pieds de Laitue sont
90
inférieures à la dose minimale toxique fixée par l’OMS (8 mg/kg). Malgré
les concentrations de Ni plus ou moins élevées dans le sol (35 ppm) et la
boue (44 ppm), on peut dire que la Laitue est une culture qui ne tolère pas le
nickel.
De même, on a constaté une diminution de l’absorption du
manganèse par les plantes, due probablement à la présence d’une quantité
importante de matière organique dans le substrat étudié, ce qui influence la
disponibilité en manganèse. Les teneurs en manganèse de la Tomate
demeurent inférieures à 50-150 mg/kg, teneurs rencontrées chez les
végétaux [3]. Ce déficit en Mn se manifeste par une coloration jaunâtre des
feuilles. En effet, le manganèse intervient dans l’activation de certaines
enzymes, la synthèse de la chlorophylle, la photosynthèse, la réduction des
nitrates, la synthèse des acides aminés et des protéines [10]. Les feuilles sont
normalement les parties les plus riches en manganèse [14].
RÉFÉRENCES
1-
Aubert (G.) - Méthodes d’analyse des sols. Marseille : G.R.D.P.,
1978, 191 p.
2-
Boukhars (L.), Rada (A.) - Plant exposure to cadmium in Moroccan
calcareous salty soils treated with sewage sludges and wastewaters. Environ. Technol., 2000, 21(6), 641-652.
3-
Coïc (Y.), Coppenet (M.) - Les oligo-éléments en agriculture et
élevage. Incidences sur la nutrition humaine. Paris : INRA Ed., 1989,
114 p.
4-
Davies (B.E.), White (H.M.) - Trace elements in vegetables grown on
soils contaminated by base metal mining. - J. Plant Nutr., 1981, 3,
387-396.
5-
Dudkowski (A.) - L’épandage agricole des boues de stations
d’épuration d’eaux usées urbaines. - Courr. Environ., 2000, (41),
134-135. http://www.inra.fr/dpenv/lesboues.htm
91
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ABSTRACT
Bioaccumulation of heavy metals in tomato and lettuce fertilised with
sludge from a wastewater treatment plant
The sludge present in the waste waters of a treatment plant in Beni
Mellal, Morocco, showed significant quantities of fertilizing nitrogenised
and phosphated elements, a large quantity of organic matter and a slightly
acidic pH (6.7). Their addition to the sandy soil of the Mamora gave a slight
increase in acidity and salinity of the substratum. It had a negative effect on
the germination rate but proportionally increased lettuce and tomato yields.
However, these amendments increased the heavy metal levels of roots,
leaves and fruits. This was especially true for chromium, which represents
one of the major pitfalls to their use.
Key-words:
heavy metal, Lactuca sativa, lettuce, Solanum lycopersicum,
tomato, waste sludge.
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