CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL COUR SUPÉRIEURE C.S. no : BARREAU DU QUÉBEC, personne morale légalement constituée, ayant son siège au 445, boulevard St-Laurent, Montréal, district judiciaire de Montréal, province de Québec, H2Y 3T8 Requérant c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, ayant un bureau au 200, boul. René-Lévesque Ouest, 9e étage, Montréal, district judiciaire de Montréal, province de Québec, H2Z 1X4 Intimé et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, ayant un bureau au 1, rue Notre-Dame est, bureau 8.00, Montréal, district judicaire de Montréal, province de Québec, H2Y 1B6 Mis-en-cause ________________________________________ REQUÊTE EN JUGEMENT DÉCLARATOIRE (Art. 453 C.p.c., art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et art. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982) À L’UN DES JUGES DE LA COUR SUPÉRIEURE, SIÉGEANT DANS LE DISTRICT DE MONTRÉAL, LE REQUÉRANT EXPOSE RESPECTUEUSEMENT CE QUI SUIT : TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 3 LES PARTIES ET LA DEMANDE DU REQUÉRANT 3 LES MOTIFS 4 L’ADOPTION DE LA LOI, SON OBJET ET LES FAITS 4 LE CONTEXTE FACTUEL 5 La portée des modifications – exemples concrets 6 A. LA PRIVATION DE LIBERTÉ EN VIOLATION DES PRINCIPES DE JUSTICE FONDAMENTALE 9 La Cour suprême du Canada et les peines minimales 9 Les dispositions contestées sont contraires au principe de nécessité 10 Les dispositions contestées violent le principe de proportionnalité des peines 11 Les dérogations à l’article 7 de la Charte ne sont pas justifiées par son article premier 14 B- LA VIOLATION DU DROIT À L’ÉGALITÉ 15 C- LA VIOLATION DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS 16 L’INTÉRÊT POUR AGIR 19 CONCLUSION 22 LISTE DES PIÈCES Onglets 1 à 5 AVIS DE PRÉSENTATION 2 INTRODUCTION 1. Le Barreau du Québec demande à la Cour supérieure de statuer sur la constitutionalité des nouvelles dispositions de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1, (ci-après la «Loi») qui portent sur les peines minimales en matière criminelle. 2. Le Barreau a constaté que cette initiative législative visant notamment à hausser certaines peines minimales d’emprisonnement existantes et à imposer de nouvelles peines minimales d’emprisonnement a fait l’objet de vives critiques tant au Québec que dans le reste du Canada, et ce, non seulement de la part de la communauté juridique – dont fait partie le Barreau du Québec – mais aussi de divers groupes intéressés au sort des victimes et aux questions de sécurité publique. 3. Le Barreau est d’avis que les peines minimales que propose la Loi ne servent pas l’intérêt public, ne répondent à aucun besoin réel, ne contribuent pas à protéger les citoyens et ne permettent pas d’atteindre l’objectif de sécurité publique recherché. 4. Les dispositions de la Loi qui obligent les juges à imposer des peines minimales portent atteinte aux droits des personnes inculpées en obligent les juges à écarter les principes de proportionnalité et de l’individualisation de la peine, portent atteinte aux droit à l’égalité des inculpés autochtones et constituent une intrusion non justifiable dans l’exercice du pouvoir judiciaire. 5. Les peines minimales que propose la Loi risquent à long terme de miner la confiance du public dans le système de justice pénale. LES PARTIES ET LA DEMANDE DU REQUÉRANT 6. Le requérant est un ordre professionnel régi par le Code des professions, L.R.Q., ch. C-26, et la Loi sur le Barreau, L.R.Q., ch. B-1, et a pour mission d’assurer la protection du public, de maximiser les liens de confiance entre les avocats, le public et l’État, de soutenir ses membres dans l’exercice du droit et de promouvoir la primauté du droit. 7. L’intimé est responsable de l’application des lois d’intérêt général au Canada et au Québec dont notamment le Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. Le mis en cause est responsable de l’application du Code criminel sur le territoire québécois. 8. Le requérant demande l’intervention du Tribunal afin qu’il déclare inapplicables constitutionnellement les dispositions suivantes de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1 (loi C-10), « la Loi »: • Articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 22, 25, 26 et 27 – qui modifient les peines pour les infractions prévues aux articles 155, 161, 172.1, 173, 271, 272 et 273 du Code criminel en prescrivant des nouvelles peines minimales d’emprisonnement et aux articles 151, 152, 153, 163.1 (2), 163.1 (3), 163.1 (4) et 163.1 (4.1) de Code criminel en augmentant les peines minimales existantes ; 3 • Articles 21 et 23 – qui créent des nouvelles infractions par l’ajout des articles 171.1 et 172.2 au Code criminel comportant des peines minimales d’emprisonnement ; • Articles 39, 40 et 41 – qui modifient les articles 5(3), 6(3), 7(3) et 7(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances,(LRCDS) L.C. 1996, ch. 19, en prescrivant de nouvelles peines minimales d’emprisonnement. LES MOTIFS 9. Les motifs de cette demande sont les suivants : I. Les dispositions attaquées prévoient des peines d’emprisonnement arbitraires et constituent une violation de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés « la Charte ». Il n’existe aucun lien rationnel entre l’imposition et l’augmentation des peines minimales pour ces infractions, et les objectifs invoqués par le gouvernement. II. Les dispositions attaquées obligeraient les juges à prononcer des peines qui pourraient ne pas être proportionnelles à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Elles enfreignent ainsi le principe de proportionnalité garanti par l’article 7 de la Charte et dans certains cas, pourraient constituer des peines cruelles et inusitées en violation de l’article 12 de la Charte. III. Les dispositions attaquées portent atteinte au droit à l'égalité des autochtones en violation de l'article 15 de la Charte. IV. Les dispositions attaquées ont pour effet de restreindre considérablement la discrétion judiciaire qui est un attribut essentiel de la fonction judiciaire. Ces mesures législatives portent atteinte à l’indépendance judiciaire en limitant la capacité des tribunaux d’exercer les fonctions juridictionnelles qui leur sont dévolues par la Constitution canadienne. De plus, ces mesures empiètent indûment sur les fonctions essentielles de la magistrature et constituent une violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. L’ADOPTION DE LA LOI, SON OBJET ET LES FAITS 10. Le 12 mars 2012, la Chambre des communes a adopté la Loi. 11. Le 13 mars 2012, cette loi a reçu la sanction royale. 12. Le 9 août 2012, les dispositions de la Loi qui concernent les peines minimales en matière d’infractions d’ordre sexuel impliquant une personne de moins de 16 ans sont entrées en vigueur, les dispositions qui modifient la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents sont entrées en vigueur le 23 octobre 2012 et les dispositions qui prévoient des peines minimales pour certaines infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont entrées en vigueur le 6 novembre 2012. 4 13. La Loi a pour objet de modifier plusieurs articles du Code criminel, en augmentant la durée des peines d’emprisonnement minimales pour certaines infractions, et en créant des peines d’emprisonnement minimales pour d’autres infractions, le tout tel qu’il appert de la copie du Résumé législatif du projet de loi C-10 : 3 Modifications au Code criminel (infractions d’ordre sexuelles à l’égard d’enfants) [C-10, partie 2 art. 10 à 31, 35 à 38 et 49 et 51 – ancien projet de loi C-54] produite comme pièce R- 1. 14. La Loi a également pour objet de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances de manière à imposer des peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour certains actes criminels liés aux drogues, le tout tel qu’il appert de la copie du Résumé législatif du projet de loi C-10 : 4 Modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances [C-10, partie 2, art 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51 – ancien projet de loi S-10] produite comme pièce R- 2. 15. Les objectifs déclarés du gouvernement pour expliquer ces changements sont la protection de la société contre les contrevenants dangereux et violents et la dissuasion, le tout tel qu’il appert de la copie des Délibération du Comité sénatoriale permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles des 1er et 2 février 2012 produite comme pièce R-3. 16. La Loi a été adoptée malgré le fait qu’en 2009, plus de 9 Canadiens sur 10 (93 %) se sont dits satisfaits de leur sécurité personnelle relativement au crime, le tout tel qu’il appert de la copie de l’article de Juristat (Statistique Canada) – Les perceptions des Canadiens à l’égard de la sécurité personnelle et de la criminalité, 2009 produite comme pièce R-4. LE CONTEXTE FACTUEL 17. L’objet même de la Loi, qui vise à assurer l’imposition de peines minimales d’emprisonnement pour un ensemble d’infractions sans justification tangible et sans fondement rationnel porte atteinte à la liberté et la sécurité de la personne et est contraire aux principes de justice fondamentale. 18. Le requérant entend faire la preuve, notamment des faits suivants : • le taux de criminalité national affiche une baisse constante depuis 20 ans ; • en 2010, les services de police canadiens ont déclaré qu’il y avait 77 000 affaires rattachées au Code Criminel de moins qu’en 2009 ; • l'indice de gravité des crimes violents a reculé de 6 % en 2010 ; • l’inefficacité des peines minimales d’emprisonnement comme facteur de dissuasion ou de réduction de la criminalité. 5 19. La jurisprudence établit la gamme de peines requises pour atteindre l’objectif de proportionnalité pour ces infractions et la réalité incontestable est que la Loi modifie fondamentalement cette gamme de peines. 20. Ainsi, dans le mesure où un contexte factuel est nécessaire, il se dégage d’une analyse des décisions judiciaires antérieures qui portent sur les peines imposées pour les infractions visées par les nouvelles dispositions de la Loi et de la preuve que le requérant entend présenter lors de l’audition sur le fond. 21. L’étude des décisions des tribunaux d’instances et d’appel permet de faire le constat que le recours à des peines d’emprisonnement, lorsqu’elles sont indiquées, n’est pas exclu, mais aussi que des peines autres que des peines d’emprisonnement permettent d’atteindre les objectifs en matière d’imposition de la peine toute en respectant les obligations constitutionnelles d’individualisation et de proportionnalité. Les peines minimales d’emprisonnement prévues par la Loi privent les juges appelés à imposer des peines des outils nécessaires au prononcé de peines appropriées. La portée des modifications – exemples concrets 22. L’article 14 de la Loi prévoit une peine minimale de cinq ans pour l’inceste (article 155 du Code criminel) si l’une des personnes est âgée de moins de seize ans. L’inceste est une infraction qui vise la protection des membres vulnérables de la famille alors qu’elle prend sa source dans un tabou social fondé tant sur le risque génétique que sur les conséquences sociales et psychologiques qui résultent de la relation sexuelle entre membres d’une même cellule familiale. R. c. G.R., [2005] 2 R.C.S. 371 aux paragraphes 18 et 19. 23. L’inceste peut être commis entre frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs ou entre parents et enfants. Lorsque des parents ont des rapports sexuels avec leurs enfants mineurs, il y a une situation de domination et d’abus. Par contre, quand un frère et une sœur sont impliqués, même si une des deux parties est âgée de moins de 16 ans, la situation n’est pas comparable à celle qui implique un parent. Les peines imposées pour l’infraction d’inceste varient donc en fonction des faits et des personnes impliquées. 24. Dans R. c. M.J.W., un homme de 21 ans, sans antécédents judiciaires, a été déclaré coupable d’avoir eu des relations sexuelles à trois reprises avec sa demi-sœur, âgée de quinze ans. La victime avait consenti à tous les actes sexuels. En prononçant la peine, le juge a déclaré : « The Court recognizes that a great range exists in the sentencing authorities with respect to penalties for incest. These authorities range from periods of suspended sentence, as in the case of the children of C.J.F. in R. v. C.J.F. (1996), 149 N.S.R. (2d) 91 at para. 4 (C.A.), to five-years' incarceration as reported in R. v. Goler (1985), 67 N.S.R. (2d) 200 (A.D.).” R. c. M.J.W., [2011] N.S.J. No. 323 (N.S. Prov. Ct.) au par. 19 6 25. En raison des circonstances de la commission de l’infraction, incluant l’immaturité du contrevenant, le fait qu’il n’était pas dans une situation de confiance ou d’autorité envers sa sœur et le consentement de cette dernière, la Cour a imposé une peine d’emprisonnement avec sursis de 18 mois. 26. L’article 25 de la Loi prévoit une peine minimale d’un an pour une agression sexuelle poursuivie par voie de mise en accusation lorsque la victime est âgée de moins de seize ans (article 271 du Code criminel), ou de 90 jours quand la poursuite procède par voie sommaire. Cet amendement exigera l’emprisonnement dans toutes les circonstances, indépendamment de la nature de l’agression sexuelle et des circonstances dans lesquelles elle est survenue. 27. Dans R. c. Epp, une peine de probation a été imposée dans un cas ou un homme dans la cinquantaine a été déclaré coupable d’avoir agressé sexuellement sa voisine, âgée de quinze ans. Le contrevenant avait défait le soutien-gorge de la jeune femme sans son consentement. Le juge a constaté que le contrevenant n’avait pas persisté avec l’agression après ce seul geste. Il s’agissait d’un contrevenant avec peu d’éducation, qui avait des problèmes médicaux et mentaux, et qui avait deux antécédents pour avoir conduit avec les facultés affaiblies. R. v. Epp, [2005] S.J. No. 519 (Sask. Prov. Ct.) 28. L’article 22 de la Loi prévoit une peine minimale de 90 jours ou 1 an pour l’infraction de leurre d’un enfant (article 172.1 du Code criminel). Dans R. c. El-Jamel, la Cour d’appel d’Ontario a maintenu une peine d’emprisonnement avec sursis de 12 mois à l’encontre d’un contrevenant qui croyait avoir communiqué avec une fille âgée de 12 ans. Il a tenté de la rencontrer dans le but d’avoir des relations sexuelles. La Cour a noté que la juge de première instance avait pris en considération tous les facteurs pertinents, à savoir l’âge du contrevenant (24 ans), l’absence d’antécédents, la bonne possibilité de réhabilitation et le fait qu’il avait une jeune famille qu’il soutenait financièrement. La Cour d’appel a noté que la peine imposée n’était pas déraisonnable vu les circonstances de l’infraction et les facteurs atténuants. R. c. El-Jamel, [2010] O.J. No. 3737 (C.A.) 29. L’article 17 de la Loi augmente les peine minimales pour l’infraction d’avoir accédé à de la pornographie juvénile (article 163.1 (4.1) du Code criminel) de 14 jours à 90 jours, si l’accusation est poursuivie par voie sommaire, et de 45 jours à 6 mois quand la poursuite est intentée par acte criminel. Et ce, malgré le fait qu’avant les amendements de 2005, les tribunaux pouvaient parfois même prononcer des absolutions lorsque les circonstances particulières rendaient une telle peine appropriée. 30. Dans R. c. Hamel, la Cour supérieure du Québec a maintenu la décision d’un juge de première instance qui a accordé une absolution inconditionnelle à un enseignant reconnu coupable sur déclaration sommaire d'avoir tenté d'accéder à de la pornographie juvénile. Le contrevenant n’avait aucun antécédent. Depuis son arrestation, il avait été suspendu sans solde de son emploi et vivait des difficultés financières importantes. De plus, il s’est engagé de sa propre initiative dans une démarche thérapeutique. Le juge de première 7 instance a pris en considération le fait qu’un casier judiciaire nuirait à ses démarches pour devenir agent immobilier. Comme explique la Cour : « Il s'agit, pour le premier juge, d'un homme, pour qui un encadrement judiciaire n'est pas nécessaire puisqu'il a "pris depuis et qu'il prend encore les moyens pour avoir un comportement conforme à nos valeurs sociales et qu'il est en mesure de jouer un rôle actif dans notre société." Le premier juge souligne qu'une récidive est peu probable.» R. c. Hamel, [2007] J.Q. no 13031 (C.S.Q.) au par. 25 31. L’article 41(1)(b) de la Loi impose une peine minimale de six mois pour possession de cannabis pour des fins de trafic si le nombre de plantes et supérieur à cinq, d’un an si le nombre de plantes est supérieur à 200, et de deux ans si le nombre de plantes est supérieur à 500. La loi prévoit également l’augmentation de ces nouvelles peines minimales dans certaines circonstances, notamment quand la production a créé un risque d’atteinte à la sécurité publique dans un secteur résidentiel. 32. Dans R. c. Evers, la cour d’appel de la Colombie-Britannique a maintenu le sursis au prononcé de la peine avec probation pour une femme qui cultivait de la marijuana médicale sans permis et la fournissait à un « club compassion ». Elle était en possession de 274 plantes et elle tirait une partie de son revenu de cette activité. En imposant la peine, le juge d’instance a tenu compte du fait que la contrevenante n’avait aucun antécédent judiciaire, malgré le désire de madame de devenir un martyr pour la cause de la légalisation de cannabis. R. v. Evers, [2011] B.C.J. No. 1441, (BCCA) 33. Dans R. c. Deschênes, la cour d’appel du Québec a imposé une peine d’emprisonnement avec sursis de six mois pour une infraction de production de cannabis. La Cour a déclaré : “De l'avis de la Cour, le juge de première instance a commis une erreur de droit en écartant a priori le principe de l'individualisation des peines au motif de la nécessité d'envoyer un message claire à tous ceux qui participent à la production de substances prohibées dans le district de Joliette. En ce faisant, il n'a pas tenu compte du degré de responsabilité de l'appelante, de son âge, son absence d'antécédent judiciaire, du contexte dans lequel elle a accepté de se rendre à la résidence utilisée comme plantation et de l'étendue de sa participation. S'il avait tenu compte de ces facteurs et de l'absence de dangerosité publique de l'appelante, le juge de première instance aurait dû conclure que la peine de 6 mois d'emprisonnement proposée par les avocats des parties devait être purgée dans la collectivité » R. c. Deschênes, [2005] J.Q. No. 827 (QCCA) aux paras. 1 & 2 34. Dans R. c. Lake, une peine d’emprisonnement avec sursis de 8 mois a été imposée dans un cas où un père de 43 ans, peu éduqué, avait une plantation de 20 plantes de cannabis chez lui. Il y avait des indications qu’une grande partie de la marijuana était pour son usage 8 personnel. Le contrevenant avait des antécédents qui dataient de quatorze ans, et aucun antécédent pour une infraction semblable. R. c. Lake, [2005] N.J. No. 30, (Nfld. & Lbd. Prov. Ct.) 35. Dans tous les cas qui précèdent, les délinquants seraient nécessairement envoyés en prison sans aucune autre justification que l’exigence arbitraire de la Loi. A. LA PRIVATION DE LIBERTÉ EN VIOLATION DES PRINCIPES DE JUSTICE FONDAMENTALE La Cour suprême du Canada et les peines minimales 36. La Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionalité de certaines peines minimales et ainsi reconnu qu’il est loisible pour le législateur d’y avoir recours dans certaines circonstances. Tous ces arrêts ont été rendus en fonction du principe interdisant l’imposition de peines cruelles et inusitées prévu à l’article 12 de la Charte. 37. Dans l’arrêt R. c. Goltz, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité d’une peine minimale prescrite par l'alinéa 88(1)c) de la Motor Vehicle Act de la ColombieBritannique. La Cour a décidé que la peine minimale de sept jours d’emprisonnement pour une première déclaration de culpabilité à une infraction de conduite sous le coup d'une interdiction n’était pas une peine exagérément disproportionnée à l'infraction. En statuant ainsi, la Cour a noté : • • que le législateur avait identifié un problème social important, qu’un petit nombre de mauvais conducteurs étaient disproportionnellement impliqués dans un nombre d'accidents reliés à la circulation routière, et • que la conclusion du législateur que cette infraction devait entraîner une peine sévère avait un lien rationnel avec son objectif de dissuasion. R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485 38. Dans l’arrêt R. c. Morrisey, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité d’une peine minimale de quatre ans pour l’infraction de négligence criminelle causant la mort dans le contexte de l'usage d'une arme à feu. En concluant qu’il ne s’agissait pas d’une peine exagérément disproportionnée, la Cour a tenu compte des facteurs suivants : • le juge du procès aurait condamné l'appelant à trois ans d'emprisonnement n'eût été l'existence de la peine minimale ; • en imposant une peine minimale le législateur répondait à un problème urgent qui est celui de la mortalité liée à l'usage des armes à feu, compte tenu particulièrement du fait qu'il s'agissait d'un problème grave depuis plus de 20 ans; • le législateur ne peut prendre de telles mesures qu'en conformité avec les principes existants de la détermination de la peine. R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90 9 39. Dans l’arrêt R. c. Ferguson, la Cour a confirmé, comme dans l’affaire Morrisey, qu’une peine minimale de quatre ans pour homicide involontaire impliquant l’usage d'une arme à feu n’est pas une peine exagérément disproportionnée et ne constitue pas une peine cruelle et inusitée interdite en vertu de l’article 12 de la Charte. R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96 40. Ces arrêts ont deux choses en commun : • le débat portait sur la nature même des peines imposées et leur caractère exagérément disproportionné eu égard au principe interdisant l’imposition de peines cruelles et inusitées prévu à l’article 12 de la Charte ; • le législateur répondait à un problème social particulier qui justifiait l’imposition de la peine minimale. 41. Ces éléments ne sont pas en cause dans le présent débat. Les dispositions contestées sont contraires au principe de nécessité 42. Le requérant affirme que les peines minimales prévues par les dispositions contestées de la Loi sont contraires aux principes de justice fondamentale prévus à l’article 7 de la Charte. 43. L’article 7 de la Charte prévoit que « chacun a doit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». 44. Les principes de justice fondamentale interdisent de porter atteinte à la liberté d’une personne de manière arbitraire. Une restriction à la liberté est arbitraire lorsqu'elle n'a aucun lien rationnel ou est incompatible avec l'objectif visé par la loi. Rodriguez c. Colombie-Britannique, [1993] 3 R.C.S. 519 au par. 147-8 (juge Sopinka pour la majorité) et 203 (juge McLachlin dissidente) 45. De plus, lorsqu’une mesure pénale entraînant une privation de liberté est en cause, les principes de justice fondamentale exigent que le législateur adopte une réponse qui soit mesurée et qui n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de la loi, comme l’affirmait la Cour suprême dans l’arrêt Heywood : « Si, dans un but légitime, l'État utilise des moyens excessifs pour atteindre cet objectif, il y aura violation des principes de justice fondamentale parce que les droits de la personne auront été restreints sans motif. » R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761 au par. 49 46. Dans l’arrêt Suresh, la Cour suprême a également affirmé que : « […] notre pays adhère également aux principes de justice fondamentale. La notion de proportionnalité est un aspect fondamental de notre régime 10 constitutionnel. Par conséquent, nous devons nous demander si la mesure projetée par le gouvernement est raisonnable par rapport à la menace. » Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 au par. 47. 47. Le requérant ne nie pas l’importance d’objectifs gouvernementaux comme la réduction de la criminalité et la protection des personnes vulnérables, notamment les enfants. Cependant, rien ne démontre que les peines minimales imposées par les dispositions contestées de la Loi sont nécessaires à l’atteinte de cet objectif. Pour reprendre les termes de l’arrêt Suresh, ces peines minimales ne sont pas « raisonnables par rapport à la menace » ou, pour reprendre ceux de l’arrêt Heywood, il s’agit d’une mesure « excessive ». 48. Dans l’arrêt R. c. Wust, la juge Arbour, au nom de la Cour suprême, a mentionné ceci: « Même s'il est possible de soutenir que des peines sévères et inappropriées peuvent avoir un effet dissuasif considérable et que, en conséquence, de telles peines servent toujours un objectif valable, il me semble que l'infliction de peines injustement sévères risque davantage d'inspirer le mépris et le ressentiment que d'inciter au respect de la loi. Selon un principe bien établi du système de justice criminelle, le juge doit s'efforcer d'infliger une peine appropriée eu égard à l'affaire dont il est saisi ». R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455 au par. 21 49. Il n’y a aucun consensus scientifique à l’effet que les peines minimales obligatoires augmentent l’effet dissuasif associé à une infraction pénale et on doit en conclure que les dispositions existantes du Code criminel, qui reconnaissent la discrétion de la magistrature dans l’imposition de la peine, assurent la réalisation des objectifs gouvernementaux de dissuasion et de protection des personnes vulnérables aussi bien que ne le feraient les dispositions contestées de la Loi. 50. Les peines minimales prévues par les dispositions contestées de la Loi ne constituent pas une mesure nécessaire à l’atteinte des objectifs du législateur, puisque les dispositions actuelles assurent le même degré de dissuasion et de protection. 51. Il en résulte que les peines minimales imposées par la Loi sont contraires à l’article 7 de la Charte, puisqu’il s’agit d’une réponse excessive au problème qui intéressait le législateur. Les dispositions contestées violent le principe de proportionnalité des peines 52. Le requérant soutient également que les dispositions contestées de la Loi violent le principe de proportionnalité des peines et sont contraires à l’article 7 de la Charte. 53. Dans R. c. Ipeelee et R. c. Malmo-Levine, la Cour suprême a reconnu que le principe de proportionnalité des peines est un principe de justice fondamentale. La proportionnalité représente la condition sine qua non d'une sanction juste. R. c. Ipeelee, [2012] 1 R.C.S. 433 aux par. 36 & 37; 11 R. c. Malmo-Levine ; R. c. Caine, [2003] 3 R.C.S. 571 au par. 169 54. Le principe de proportionnalité comporte deux volets : premièrement, la peine doit refléter la gravité de l’infraction et, deuxièmement, elle ne doit pas excéder ce qui est requis par le degré de culpabilité morale du délinquant. Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, article 718.1 ; R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61 au par. 82; R. c. Ipeelee, supra, au par. 38 55. La détermination de la peine est un processus individualisé, dans le cadre duquel le juge dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour déterminer la peine appropriée. La justification de cette approche individualisée réside dans le principe de proportionnalité. R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61 au par. 82 56. Le principe de proportionnalité est inextricablement lié au concept qu’une peine doit refléter la culpabilité morale du contrevenant. Dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act, le juge Lamer a indiqué ceci : « Il est essentiel, dans toute théorie des peines, que la sentence imposée ait un certain rapport avec l'infraction. Il faut que la sentence soit appropriée et proportionnelle à la gravité de l'infraction. Ce n'est que dans ce cas que le public peut être convaincu que le contrevenant "méritait" la punition qui lui a été infligée et avoir confiance dans l'équité et la rationalité du système. Cela ne revient pas à dire qu'il y a un rapport essentiellement approprié entre une infraction particulière et sa punition, mais plutôt qu'il y a un ordre de grandeur des infractions et des punitions auquel l'infraction et la punition particulières doivent répondre. » Renvoi sur la Motor Vehicle Act (Colombie-Britannique), s. 94(2), [1985] 2 R.C.S. 486 au par. 128 57. Les dispositions des articles 718 à 718.21 du Code criminel prévoient les éléments à être considérés par le juge à l’étape de l’imposition de la peine. Dans R. c. Knott, le juge Fish émet l’avis qu’il est «…légitime d’affirmer que l’objectif et les principes énoncés dans le Code criminel en matière de détermination des peines sont censés intégrer l’impératif correctionnel de l’individualisation de la peine». R. c. Knott, 2012 CSC 42 au par. 47 58. Le requérant soutient que les articles contestés de la Loi empêchent les juges de donner plein effet au principe de proportionnalité car les peines minimales imposées ne sont pas adaptées à la gradation de la culpabilité du délinquant ni à la gravité de l’infraction. 59. En effet, les infractions associées aux nouvelles peines minimales imposées par la Loi sont des infractions qui couvrent une vaste gamme de comportements, allant des plus légers aux plus odieux. Ces infractions n’ont rien en commun avec les infractions qui impliquent l’usage d’une arme à feu dans le cas de l’homicide involontaire ou de la négligence criminelle causant la mort, pour lesquelles une peine minimale de quatre ans a été jugée valide. Dans de tels cas, les peines minimales imposées par le législateur s’apparentent aux peines déjà infligées par les tribunaux. Alors qu’au contraire, les 12 exemples jurisprudentiels cités plus haut démontrent que les infractions concernées par la Loi peuvent recouvrir des comportements dont la gravité n’exige pas l’emprisonnement du délinquant. 60. En ce qui concerne les articles qui ont pour effet d’imposer des nouvelles peines minimales à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le législateur a prévu à l’article 43(2) de la Loi (article 10 de LRCDAS) une disposition qui permet aux juges de ne pas imposer la peine minimale à un contrevenant qui termine avec succès un programme de traitement de la toxicomanie. 61. Le requérant reconnaît que cette exception permet aux juges d’exercer une certaine discrétion, mais elle a surtout pour effet d’accorder un pouvoir important au poursuivant dans le cas de personnes vulnérables aux prises avec un problème de toxicomanie. 62. Bien qu’une certaine discrétion soit attribuée aux juges en vertu de l’article 43(2) de la Loi, le requérant est d’avis que cette exception à la révocation générale de la discrétion judiciaire en matière d’imposition de la peine pour les infractions visées ne respecte toujours pas le principe de proportionnalité. 63. Dans le cas où un poursuivant avise le contrevenant en vertu de l’article 42 de la Loi (article 8 de LRCDAS) qu’une peine minimale est applicable et que le procureur entend établir les circonstances justifiant son imposition, le juge n’aura que deux choix : constater que le contrevenant a complété un programme de traitement de la toxicomanie avec succès et exercer sa discrétion ou, à défaut, envoyer cette personne en prison. Les principes applicables en matière de gradation des peines, selon les circonstances du crime et du degré de responsabilité du contrevenant, sont ainsi toujours écartés. 64. En outre, en s’appliquant à un seul segment de contrevenants, les toxicomanes qui ont commis une infraction reliée au trafic de drogues, cette mesure a pour effet d’écarter d’autres contrevenants vulnérables qui sont aux prises avec des pathologies qui peuvent conduire à la commission d’infractions reliées au trafic de drogues. Alors que la discrétion judiciaire favorise l’imposition de peines proportionnelles en tenant compte des vulnérabilités particulières de chaque contrevenant, quelle que soit leur nature, l’article 43(2) de la Loi vise un seul type de problème et est en conséquence trop limitatif. 65. En effet, l’imposition en bloc d’un grand nombre de peines minimales, sans discernement et sans analyse, a pour effet de miner le principe de la proportionnalité en obligeant les juges, pour des raisons non fondées, à imposer des peines minimales même quand les circonstances de l’infraction ne le justifient pas. 66. Dans un sens général, les mesures proposées par la Loi obligent les juges à prononcer des peines d’emprisonnement disproportionnelles et non individualisées. En conséquence, les dispositions contestées constituent une privation de liberté qui ne respecte pas les principes de justice fondamentale. 13 Les dérogations à l’article 7 de la Charte ne sont pas justifiées par son article premier 67. Le requérant soutient que les violations de la Charte qui découlent des dispositions attaquées ne peuvent être justifiées dans une société libre et démocratique et ne constituent pas des limites raisonnables au regard de l’article premier de la Charte. 68. L’article 1 de la Charte prévoit ce qui suit : La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. 69. Dans R. c. Oakes, la Cour suprême a défini le cadre juridique pour l’application de l’article 1 de la Charte. La Cour a établi les éléments qu’il faut satisfaire pour justifier les restrictions apportées aux droits et libertés. Les facteurs sont les suivants : Deux critères fondamentaux : 1 – l'objectif que poursuivent les mesures qui apportent une restriction à un droit ou à une liberté garantis par la Charte, doit être suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution, 2 – dès qu'il est reconnu qu'un objectif est suffisamment important, la partie qui invoque l'article premier doit alors démontrer que les moyens choisis sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. Trois éléments pour déterminer si les moyens sont raisonnables et justifiés : 1 – les moyens doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif en question, 2 – le moyen choisi doit porter "le moins possible" atteinte au droit ou à la liberté en question, 3 – il doit y avoir proportionnalité entre les effets des mesures restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme "suffisamment important". R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 aux par 69 à 71 70. En adoptant les dispositions contestées de la Loi, le législateur cherchait à réduire l’incidence de certaines infractions à caractère sexuelle, à protéger des personnes vulnérables et à réduire l’incidence du trafic de drogues dont notamment des éléments qui rendent cette activité plus dangereuse. Il s’agit d’objectifs législatifs valides. 71. Cependant, le requérant soutient que la violation des droits garantis à l’article 7 de la Charte par les peines minimales qui découlent de la Loi n’est ni raisonnable, ni justifiable. 14 72. La Cour suprême a reconnu que les droits protégés par l'art. 7 – la vie, la liberté et la sécurité de la personne – constituent le fondement même de notre conception d'une société libre et démocratique et à ce titre, peuvent difficilement être supplantés par des intérêts sociaux divergents. En conséquence, les dérogations aux principes de justice fondamentale sont difficiles à justifier en application de l'article premier. Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] 1 R.C.S. 350 au par. 66. 73. En l’espèce, il n’y a pas de lien rationnel entre l’objectif et les moyens. Comme il est soutenu plus haut, il n’y a aucun consensus scientifique à l’effet que les peines minimales ont un effet dissuasif et qu’elles réduisent le taux de récidive chez les délinquants visés par ces mesures. 74. Les peines minimales prévues par la Loi ne constituent pas une atteinte minimale aux droits garantis par l’article 7. Ces dispositions n’assurent pas une meilleure dissuasion ni une meilleure protection du public que les peines actuellement prévues par le Code criminel et la LRCDS. Les peines prévues par le Code criminel et la LRCDS constituent donc un moyen moins attentatoire aux droits garantis par l’article 7, moyen qui contribue autant que les dispositions contestées à l’atteinte des objectifs du législateur. 75. Enfin, pour les raisons déjà évoqués, les peines minimales prévues par la Loi ne sont pas proportionnées à l’objectif visé, puisqu’elles constituent une réponse excessive et irrationnelle au problème identifié par le législateur. B- LA VIOLATION DU DROIT À L’ÉGALITÉ 76. Le requérant soutient également que les dispositions contestées de la Loi violent le droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte, étant donné qu’elles privent les Autochtones du bénéfice de l’article 718.2e) du Code criminel, tel qu’interprété par les arrêts Gladue et Ipeelee. R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688. R. c. Ipeelee, [2012] 1 R.C.S. 433. 77. L’article 718.2e) a été adopté afin de réduire la surreprésentation des Autochtones au sein du système carcéral. 78. La décision du Parlement de mentionner spécifiquement les Autochtones dans cet article découle du constat que le fonctionnement du système de justice pénale donne lieu à de la discrimination systémique envers les autochtones. L’article 718.2e) est donc une mesure qui vise à remédier à une violation du droit à l’égalité qui a été constatée par le Parlement. R. c. Gladue, supra, aux par. 61, 65. R. c. Ipeelee, supra, aux par. 65, 67 R. c. King, [2007] 4 C.N.L.R. 248 (C.J. Ont.) 79. Les dispositions contestées de la Loi auront pour effet d’empêcher les tribunaux d’appliquer l’article 718.2e) et les arrêts Gladue et Ipeelee aux délinquants autochtones qui commettent des infractions visées par ces dispositions. 15 80. À titre d’exemple, dans l’arrêt Ittoshat, la Cour d’appel a imposé une peine de 18 mois d’emprisonnement à purger dans la collectivité à un homme trouvé coupable d’agression sexuelle à l’égard d’une jeune fille de 14 ans, en raison du long délai écoulé entre l’infraction et la poursuite et du fait que le délinquant avait eu un comportement irréprochable depuis lors. Les dispositions contestées de la Loi empêcheraient un juge d’imposer une telle peine et priveraient donc le délinquant du bénéfice de l’article 718.2e). Ittoshat c. R. (1999), 32 C.R. (5th) 371 (C.A.Q.) 81. Selon l’arrêt Withler, il y a une violation de l’article 15 de la Charte lorsque la loi contestée crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue et que cette distinction crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes. Withler c. Canada (P.G.), [2011] 1 R.C.S. 396 au par. 30 82. En particulier, le retrait d’une mesure destinée à réaliser l’égalité réelle ou à combattre la discrimination constitue lui-même une violation de l’article 15. Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., [2004] 3 R.C.S. 381 aux par. 38-51 83. Le fait de retirer aux délinquants autochtones la possibilité d’invoquer l’article 718.2e) ou de les empêcher de recevoir toute la gamme de peines que l’application de cet article autoriserait d’imposer constitue une discrimination raciale interdite par l’article 15 de la Charte. R. c. King, [2007] 4 C.N.L.R. 248 (C.J. Ont.) 84. Pour les raisons mentionnées plus haut au sujet de la violation de l’article 7, les dispositions contestées de la Loi ne sont pas sauvées par l’article 1. 85. De plus, il est difficile d’affirmer que les dispositions contestées de la Loi constituent une atteinte minimale au droit garanti par l’article 15, puisqu’il n’existe aucune preuve que le législateur a considéré les répercussions de ces dispositions sur les délinquants autochtones ni qu’il a cherché à les minimiser. C- LA VIOLATION DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS 86. Le requérant soutient que, pris dans leur ensemble, les articles contestés de la Loi sont contraires aux principes constitutionnels de l’indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs. 87. L’indépendance judiciaire fait partie des principes constitutionnels du Canada qui sont protégés tant par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 que par la Charte canadienne des droits et libertés. Au même titre, la séparation des trois pouvoirs de l’État, le législatif, l’exécutif et le judiciaire, est un aspect fondamental de la Constitution canadienne. 16 La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, par. 27 et 28; Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1997] 3 R.C.S. 3, par. 138. 88. La garantie d’indépendance judiciaire est essentielle au maintien du rôle des tribunaux de protecteur de la constitution et des valeurs fondamentales qui y sont enchâssées. Elle est aussi essentielle au règlement juste et équitable des litiges dans les affaires individuelles. Le rôle des tribunaux en tant que défenseurs de la Constitution exige que ceux-ci soient complètement séparés sur le plan des pouvoirs et des fonctions des autres participants du système judiciaire, ce qui inclut le pouvoir législatif. La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, par. 24 et 31; 89. Le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs implique quant à lui que chacun des trois pouvoirs de l’État exerce les fonctions qui lui sont propres sans interférence de la part d’un autre pouvoir. En ce qui concerne la séparation entre le pouvoir judiciaire d’une part, et les pouvoirs législatif et exécutif d’autre part, cette séparation doit demeurer parfaitement étanche, ceci afin de permettre aux tribunaux de s’acquitter en toute indépendance et impartialité des obligations fondamentales qui leur sont imposées par la Constitution. De plus, contrairement aux rapports entre les pouvoirs législatif et exécutif, les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire ne sont pas fondés sur un lien hiérarchique. New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l'Assemblée législative), [1993] 1 R.C.S. 319 au par. 141 ; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 108 et 109. 90. Les principes d’indépendance judiciaire et de séparation des pouvoirs s’appliquent avec la même force et avec la même rigueur aux rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif, qu’aux rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Autrement dit, une loi, tout autant qu’un acte posé par le pouvoir exécutif, peut porter atteinte à l’indépendance judiciaire et au principe de la séparation du pouvoir judiciaire et des autres pouvoirs. Beauregard c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 56, par. 34; Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), par. 138 à 140. 91. Bien que le pouvoir législatif a toute la compétence voulue pour édicter des lois, celles-ci ne doivent pas faire obstacle, sous un aspect fondamental, à l’exercice des fonctions qui relèvent du pouvoir judiciaire. Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 R.C.S. 473, par. 47 et 54 ; Babcock c. Canada, [2002] 3 R.C.S. 3 au par. 57 92. De la même façon que le principe de la séparation des pouvoirs interdit au pouvoir judiciaire de s’approprier la compétence de surveiller l’application subséquente de ses ordonnances, le principe de la séparation des pouvoirs interdit au pouvoir législatif d’empiéter sur la fonction exclusive des tribunaux judiciaires de rendre des ordonnances fondées sur le droit et la preuve. 17 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation), par. 120. 93. La Cour suprême du Canada reconnaît que le statut constitutionnel du pouvoir judiciaire exige que certaines fonctions soient réservées en exclusivité aux organismes judiciaires. Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, par. 13 États-Unis d'Amérique c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283 au par. 38 94. L’imposition d’une peine lors d’une déclaration de culpabilité est une responsabilité qui revient à la magistrature dans le cadre de notre système de justice pénale. La discrétion judiciaire est intrinsèque à ce domaine et assure que les peines imposées respectent les principes de proportionnalité. L’imposition d’une peine minimale limite indûment la capacité du juge d’exercer son jugement judiciaire. R. v. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500 au par. 91 95. En l’espèce, les mesures législatives imposent au juge de condamner un prévenu à une peine minimale d’emprisonnement, sans considération de la preuve présentée devant la cour concernant le caractère approprié et juste de la peine. Ce faisant, ces mesures empiètent sur les fonctions juridictionnelles du juge qui comprennent celle d’apprécier les faits et d’évaluer la preuve pour décider s’il doit ou non condamner un prévenu à une peine d’emprisonnement. Plus particulièrement, les mesures législatives constituent une usurpation du pouvoir discrétionnaire judiciaire. Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, par. 24. 96. L’obligation faite au juge d’imposer une peine minimale lors de la déclaration de culpabilité interfère donc de manière importante avec les fonctions constitutionnelles qui lui sont attribuées dans le système de justice pénale au Canada. Parmi ces fonctions figure celle de voir au respect des garanties juridiques contenues aux articles 7 à 14 de la Charte canadienne des droits et libertés. Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), par. 128. 97. En limitant indûment la discrétion judiciaire, l’imposition d’une peine d’emprisonnement minimale constitue un empiètement du pouvoir législatif sur le mandat constitutionnel du pouvoir judiciaire en matière de justice criminelle, soit celui de s’assurer du respect des droits et libertés individuelles garantis par la Constitution canadienne dans tous les cas qui lui sont soumis. Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, par. 24. 98. Dans l’arrêt Liyanage, le Conseil privé a jugé invalide une loi du Ceylan qui modifiait rétroactivement les lois pénales à la suite d’un coup d’État avorté et qui prévoyait, entre autres, de lourdes peines minimales obligatoires. En se fondant sur les principes de base de la constitution de ce pays, doté d’une constitution écrite inspirée de la tradition britannique, le Conseil privé a affirmé que le Parlement ne pouvait pas usurper le pouvoir judiciaire : 18 « In so far as any Act […] purports to usurp or infringe the judicial power it is ultra vires. » Liyanage v. The Queen, [1965] UKPC 1. 99. En particulier, le Conseil privé a affirmé que la restriction apportée à la discrétion des juges en matière de détermination de la peine était un facteur très important pour parvenir à la conclusion que le Parlement avait porté atteinte à un aspect fondamental de la séparation des pouvoirs et usurpé le pouvoir judiciaire : « The true nature and purpose of these enactments are revealed by their conjoint impact on the specific proceedings in respect of which they were designed, and they take their colour, in particular, from the alterations they purported to make as to their ultimate objective, the punishment of those convicted. These alterations constituted a grave and deliberate incursion into the judicial sphere. Quite bluntly, their aim was to ensure that the judges in dealing with these particular persons on these particular charges were deprived of their normal discretion as respects appropriate sentences. They were compelled to sentence each offender on conviction to not less than ten years' imprisonment, and compelled to order confiscation of his possessions, even though his part in the conspiracy might have been trivial. » 100. En l’espèce, la mise à l’écart de la discrétion judiciaire dans l’imposition de la peine, sans que la gravité intrinsèque de l’infraction n’entraîne une culpabilité morale qui justifie l’imposition d’une peine minimale d’emprisonnement, constitue une atteinte importante à un aspect fondamental du mandat constitutionnel confié au pouvoir judiciaire. Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, par. 24. 101. De plus, cette discrétion judiciaire est nécessaire pour que les juges puissent rendre des décisions qui sont justes, ce qui constitue le fondement même de la légitimité des tribunaux. Cette légitimité dépend de la confiance que le public accorde au système de justice. Le maintien de cette confiance réside dans l’assurance que la justice est rendue par des juges indépendants et impartiaux. Dans son interprétation des lois et de la common law, la Cour suprême du Canada a toujours tendu à préserver la discrétion des tribunaux afin d’éviter que ceux-ci soient tenus de rendre des décisions injustes. Construction Gilles Paquette ltée c. Entreprises Végo ltée, [1997] 2 R.C.S. 299. Cité de Pont-Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., [1978] 2 R.C.S. 516. Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S. 326. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, [2003] 3 R.C.S. 371. L’INTÉRÊT POUR AGIR 102. Le requérant possède l’intérêt requis au sens du droit public pour contester la validité des articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 39, 40 et 41 de la Loi, et par conséquence les articles modifiés du Code criminel et les articles 5(3), 6(3), 19 7(3) et 7(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19 car ces dispositions portent sur une matière de droit public et concenrent des principes constitutionnels fondamentaux, d’importance nationale. 103. Dans l’affaire Procureur général du Canada c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society la Cour Suprême a adopté une approche téléologique et souple pour décider si une partie a la qualité pour agir dans l’intérêt public. La Cour décrit les trois facteurs d’analyse de la façon suivante : a. La question soulevée constitue-t-elle une question justiciable sérieuse ? L’action est-t-il loin d’être futile? b. Le demandeur a-t-il un intérêt réel dans les procédures ou est-il engagé quant aux questions qu’elles soulèvent ? c. La poursuite proposée constitue‑t‑elle, compte tenu de toutes les circonstances, une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour ? Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, [2012] S.C.J. No. 45 104. Cette requête soulève des questions sérieuses quant à la validité des dispositions contestées de la loi. Il existe un risque réel que les dispositions contestées conduisent à l’imposition de nombreuses peines inappropriées. Il ne s’agit pas d’un débat théorique mais d’un débat de fond, mettant en cause les droits de milliers de citoyens et la sécurité des citoyens. 105. Les articles attaqués par le requérant mettent aussi en péril l’administration de la justice dans un sens plus large et la capacité de nos tribunaux de remplir leurs fonctions et de rendre justice. 106. Le requérant a un intérêt véritable, réel et constant en ce qu’il joue une rôle d’avant-plan dans tous les domaines relevant de la justice et de l’organisation des tribunaux. 107. Comme l’explique le juge André Rochon, alors juge de la Cour supérieure, dans l’arrêt Barreau de Montréal c. Québec (Procureur général): « La protection du public englobe certes le contrôle des membres du Barreau mais ne s'y limite pas. En fait, les interventions publiques du Barreau ont constamment porté sur les grands ensembles législatifs ayant un impact sur les citoyens. Le ministère de la Justice a reconnu à maintes reprises le champ d'expertise particulier du Barreau en sollicitant son avis, en l'invitant à des colloques de tout ordre, en le faisant partie prenante de tous les sommets de la justice du Québec. » Barreau de Montréal c. Québec (Procureur général), [1999] J.Q. no 5472 au par 37 ; confirmé sur ce point par la Cour d’appel, [2001] J.Q. no 3882 au par.14 20 108. Depuis, le requérant est intervenu dans de nombreux débats judiciaires dans la poursuite de sa mission de protection du public conformément à sa Politique d’intervention aux débats judiciaires adoptée en 2009, produite comme pièce R-5. 109. À titre d’illustration, le Barreau du Québec est intervenu ou a pris l’initiative de d’introduire une requête pour l’obtention d’un jugement déclaratoire dans les affaires d’intérêt public suivantes : • Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2008] CSC 33178; • Globe and Mail c. Groupe Polygone Éditeurs Inc, [2009] CSC 33097; • Premier ministre du Canada c. Khadr, [2009] CSC 33289 ; • Németh c. Ministre de la Justice du Canada, [2010] CSC 33016; • Seidel c. Telus Communication Inc, [2011] CSC 33154 ; • Renvoi Par le Gouverneur en conseil au sujet de la proposition concernant une loi canadienne intitulée Loi sur les valeurs mobilières formulée dans le décret C.P. 2010-667 en date du 26 mai 2010, CSC 33178; • Reine c. Lamoureux, [2011] CSC 33970 • N.S. c. R, [2012] CSC 33989 110. Il existe ici une concordance des intérêts du public avec la mission fondamentale de protection du public qui incombe au requérant. 111. Enfin, le requérant a participé activement au processus consultatif ayant précédé l’adoption de la Loi et qui fait l’objet du présent litige. 112. La requête en jugement déclaratoire visant à obtenir une déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions litigieuses de la Loi, alors que la Loi a été adoptée et que certaines des dispositions litigieuses ne sont pas encore en vigueur, est une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. Cela permettra une résolution du litige dans un délai raisonnable. 113. Le présent recours permet, contrairement à une intervention du requérant dans chacun des dossiers des citoyens accusés d’une infraction visée par les nouvelles dispositions de la Loi, de fournir une solution judiciaire avant que ne soit consommée la négation de quelque droit. 21 114. Le jugement final établira le droit sans créer une impasse dans le fonctionnement quotidien des tribunaux de première instance. CONCLUSION POUR TOUS CES MOTIFS, PLAISE AU TRIBUNAL : D’ACCUEILLIR la présente requête ; DÉCLARER invalides et inapplicables constitutionnellement les dispositions suivantes : les articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 39, 40 et 41 de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1 (loi C-10) et par conséquence les articles 155, 161, 171.1, 172.1, 172.2, 173, 271, 272 et 273 du Code criminel en prescrivant des nouvelles peines minimales d’emprisonnement et aux articles 151, 152, 153, 163.1 (2), 163.1 (3), 163.1 (4) et 163.1 (4.1) du Code criminel et les articles 5(3), 6(3), 7(3) et 7(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; , L.C. 1996, ch. 19 RENDRE toute ordonnance qu’il estime appropriée ; LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS. Montréal, ce 23 novembre 2012 _________________________ Giuseppe Battista Procureur du Barreau du Québec 22 LISTE DES PIÈCES Pièce R-1 : Résumé législatif du projet de loi C-10 : 3 Modifications au Code criminel (infractions d’ordre sexuelles à l’égard d’enfants) [C-10, partie 2 art. 10 à 31, 35 à 38 et 49 et 51 – ancien projet de loi C-54] Pièce R-2 : Résumé législatif du projet de loi C-10 : 4 Modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances [C-10, partie 2, art 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51 – ancien projet de loi S-10] Pièce R-3 : Délibération du Comité sénatoriale permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles des 1er et 2 février 2012 Pièce R-4 : Les perceptions des Canadiens à l’égard de la sécurité personnelle et de la criminalité, 2009 - article de Juristat (Statistique Canada) Pièce R-5 : Politique relative à l’intervention du Barreau du Québec aux débats judiciaires 23 Pièce R-1 Pièce R-2 Pièce R-3 Pièce R-4 Pièce R-5 AVIS (119 C.p.c.) ________________________ PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA 200, boul. René-Lévesque Ouest 9e étage Montréal, Québec H2Z 1X4 PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, 1, rue Notre-Dame est bureau 8.00 Montréal, Québec H2Y 1B6 PRENEZ AVIS que la partie demanderesse a déposé au greffe de la Cour Supérieure du district judiciaire de Montréal la présente demande. Pour répondre à cette demande, vous devez comparaître par écrit, personnellement ou par avocat, au palais de justice de Montréal situé au 1, rue Notre-Dame à Montréal dans les 10 jours de la signification de la présente requête. La demande sera présentée devant le tribunal le 10 janvier 2013 à 9 heures en la salle 2.16 du palais de justice de Montréal et le tribunal pourra, à cette date, exercer les pouvoirs nécessaires en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance ou procéder à l'audition de la cause, à moins que vous n'ayez convenu par écrit avec la partie demanderesse ou son avocat d'un calendrier des échéances à respecter en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance, lequel devra être déposé au greffe du tribunal.