CANADA COUR SUPÉRIEURE
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
C.S. no :
BARREAU DU QUÉBEC, personne morale
légalement constituée, ayant son siège au 445,
boulevard St-Laurent, Montréal, district judiciaire
de Montréal, province de Québec, H2Y 3T8
Requérant
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
ayant un bureau au 200, boul. René-Lévesque
Ouest, 9
e
étage, Montréal, district judiciaire de
Montréal, province de Québec, H2Z 1X4
Intimé
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, ayant
un bureau au 1, rue Notre-Dame est, bureau 8.00,
Montréal, district judicaire de Montréal, province
de Québec, H2Y 1B6
Mis-en-cause
________________________________________
REQUÊTE EN JUGEMENT DÉCLARATOIRE
(Art. 453 C.p.c., art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés
et art. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982)
À L’UN DES JUGES DE LA COUR SUPÉRIEURE, SIÉGEANT DANS LE DISTRICT
DE MONTRÉAL, LE REQUÉRANT EXPOSE RESPECTUEUSEMENT CE QUI SUIT :
2
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 3
LES PARTIES ET LA DEMANDE DU REQUÉRANT 3
LES MOTIFS 4
L’ADOPTION DE LA LOI, SON OBJET ET LES FAITS 4
LE CONTEXTE FACTUEL 5
La portée des modifications – exemples concrets 6
A. LA PRIVATION DE LIBERTÉ EN VIOLATION DES
PRINCIPES DE JUSTICE FONDAMENTALE 9
La Cour suprême du Canada et les peines minimales 9
Les dispositions contestées sont contraires au principe de nécessité 10
Les dispositions contestées violent le principe de proportionnalité des peines 11
Les dérogations à l’article 7 de la Charte ne sont pas justifiées par
son article premier 14
B- LA VIOLATION DU DROIT À L’ÉGALI 15
C- LA VIOLATION DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE L’INDÉPENDANCE
JUDICIAIRE ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS 16
L’INTÉRÊT POUR AGIR 19
CONCLUSION 22
LISTE DES PIÈCES Onglets 1 à 5
AVIS DE PRÉSENTATION
3
INTRODUCTION
1. Le Barreau du Québec demande à la Cour supérieure de statuer sur la constitutionalité des
nouvelles dispositions de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012,
ch. 1, (ci-après la «Loi») qui portent sur les peines minimales en matière criminelle.
2. Le Barreau a constaté que cette initiative gislative visant notamment à hausser certaines
peines minimales d’emprisonnement existantes et à imposer de nouvelles peines
minimales d’emprisonnement a fait l’objet de vives critiques tant au Québec que dans le
reste du Canada, et ce, non seulement de la part de la communauté juridique dont fait
partie le Barreau du Québec – mais aussi de divers groupes intéressés au sort des victimes
et aux questions de sécurité publique.
3. Le Barreau est d’avis que les peines minimales que propose la Loi ne servent pas l’intérêt
public, ne répondent à aucun besoin réel, ne contribuent pas à protéger les citoyens et ne
permettent pas d’atteindre l’objectif de sécurité publique recherché.
4. Les dispositions de la Loi qui obligent les juges à imposer des peines minimales portent
atteinte aux droits des personnes inculpées en obligent les juges à écarter les principes de
proportionnalité et de l’individualisation de la peine, portent atteinte aux droit à l’égalité
des inculpés autochtones et constituent une intrusion non justifiable dans l’exercice du
pouvoir judiciaire.
5. Les peines minimales que propose la Loi risquent à long terme de miner la confiance du
public dans le système de justice pénale.
LES PARTIES ET LA DEMANDE DU REQUÉRANT
6. Le requérant est un ordre professionnel régi par le Code des professions, L.R.Q., ch. C-26,
et la Loi sur le Barreau, L.R.Q., ch. B-1, et a pour mission d’assurer la protection du
public, de maximiser les liens de confiance entre les avocats, le public et l’État, de
soutenir ses membres dans l’exercice du droit et de promouvoir la primauté du droit.
7. L’intimé est responsable de l’application des lois d’intérêt général au Canada et au
Québec dont notamment le Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. Le mis en cause est
responsable de l’application du Code criminel sur le territoire québécois.
8. Le requérant demande l’intervention du Tribunal afin qu’il déclare inapplicables
constitutionnellement les dispositions suivantes de la Loi sur la sécurité des rues et des
communautés, L.C. 2012, ch. 1 (loi C-10), « la Loi »:
Articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 22, 25, 26 et 27 qui modifient les peines pour
les infractions prévues aux articles 155, 161, 172.1, 173, 271, 272 et 273 du Code
criminel en prescrivant des nouvelles peines minimales d’emprisonnement et aux
articles 151, 152, 153, 163.1 (2), 163.1 (3), 163.1 (4) et 163.1 (4.1) de Code criminel
en augmentant les peines minimales existantes ;
4
Articles 21 et 23 qui créent des nouvelles infractions par l’ajout des articles 171.1 et
172.2 au Code criminel comportant des peines minimales d’emprisonnement ;
Articles 39, 40 et 41 qui modifient les articles 5(3), 6(3), 7(3) et 7(4) de la Loi
réglementant certaines drogues et autres substances,(LRCDS) L.C. 1996, ch. 19, en
prescrivant de nouvelles peines minimales d’emprisonnement.
LES MOTIFS
9. Les motifs de cette demande sont les suivants :
I. Les dispositions attaquées prévoient des peines d’emprisonnement arbitraires et
constituent une violation de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés
« la Charte ». Il n’existe aucun lien rationnel entre l’imposition et l’augmentation des
peines minimales pour ces infractions, et les objectifs invoqués par le gouvernement.
II. Les dispositions attaquées obligeraient les juges à prononcer des peines qui pourraient
ne pas être proportionnelles à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du
délinquant. Elles enfreignent ainsi le principe de proportionnalité garanti par l’article
7 de la Charte et dans certains cas, pourraient constituer des peines cruelles et
inusitées en violation de l’article 12 de la Charte.
III. Les dispositions attaquées portent atteinte au droit à l'égalité des autochtones en
violation de l'article 15 de la Charte.
IV. Les dispositions attaquées ont pour effet de restreindre considérablement la discrétion
judiciaire qui est un attribut essentiel de la fonction judiciaire. Ces mesures
législatives portent atteinte à l’indépendance judiciaire en limitant la capacité des
tribunaux d’exercer les fonctions juridictionnelles qui leur sont dévolues par la
Constitution canadienne. De plus, ces mesures empiètent indûment sur les fonctions
essentielles de la magistrature et constituent une violation du principe constitutionnel
de la séparation des pouvoirs.
L’ADOPTION DE LA LOI, SON OBJET ET LES FAITS
10. Le 12 mars 2012, la Chambre des communes a adopté la Loi.
11. Le 13 mars 2012, cette loi a reçu la sanction royale.
12. Le 9 août 2012, les dispositions de la Loi qui concernent les peines minimales en matière
d’infractions d’ordre sexuel impliquant une personne de moins de 16 ans sont entrées en
vigueur, les dispositions qui modifient la Loi sur le système de justice pénale pour
adolescents sont entrées en vigueur le 23 octobre 2012 et les dispositions qui prévoient
des peines minimales pour certaines infractions à la Loi réglementant certaines drogues et
autres substances sont entrées en vigueur le 6 novembre 2012.
5
13. La Loi a pour objet de modifier plusieurs articles du Code criminel, en augmentant la
durée des peines d’emprisonnement minimales pour certaines infractions, et en créant des
peines d’emprisonnement minimales pour d’autres infractions, le tout tel qu’il appert de la
copie du Résumé législatif du projet de loi C-10 : 3 Modifications au Code criminel
(infractions d’ordre sexuelles à l’égard d’enfants) [C-10, partie 2 art. 10 à 31, 35 à 38
et 49 et 51 – ancien projet de loi C-54] produite comme pièce R- 1.
14. La Loi a également pour objet de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres
substances de manière à imposer des peines minimales obligatoires d’emprisonnement
pour certains actes criminels liés aux drogues, le tout tel qu’il appert de la copie du
Résumé législatif du projet de loi C-10 : 4 Modifications à la Loi réglementant
certaines drogues et autres substances [C-10, partie 2, art 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51
– ancien projet de loi S-10] produite comme pièce R- 2.
15. Les objectifs déclarés du gouvernement pour expliquer ces changements sont la protection
de la société contre les contrevenants dangereux et violents et la dissuasion, le tout tel
qu’il appert de la copie des Délibération du Comité sénatoriale permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles des 1
er
et 2 février 2012 produite comme pièce
R-3.
16. La Loi a été adoptée malgré le fait qu’en 2009, plus de 9 Canadiens sur 10 (93 %) se sont
dits satisfaits de leur sécurité personnelle relativement au crime, le tout tel qu’il appert de
la copie de l’article de Juristat
(Statistique Canada)
Les perceptions des Canadiens à
l’égard de la sécurité personnelle et de la criminalité, 2009 produite comme pièce R-4.
LE CONTEXTE FACTUEL
17. L’objet même de la Loi, qui vise à assurer l’imposition de peines minimales
d’emprisonnement pour un ensemble d’infractions sans justification tangible et sans
fondement rationnel porte atteinte à la liberté et la sécurité de la personne et est contraire
aux principes de justice fondamentale.
18. Le requérant entend faire la preuve, notamment des faits suivants :
le taux de criminalité national affiche une baisse constante depuis 20 ans ;
en 2010, les services de police canadiens ont déclaré qu’il y avait 77 000 affaires
rattachées au Code Criminel de moins qu’en 2009 ;
l'indice de gravité des crimes violents a reculé de 6 % en 2010 ;
l’inefficacité des peines minimales d’emprisonnement comme facteur de
dissuasion ou de réduction de la criminalité.
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