requête - Barreau du Québec

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CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
COUR SUPÉRIEURE
C.S. no :
BARREAU DU QUÉBEC, personne morale
légalement constituée, ayant son siège au 445,
boulevard St-Laurent, Montréal, district judiciaire
de Montréal, province de Québec, H2Y 3T8
Requérant
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
ayant un bureau au 200, boul. René-Lévesque
Ouest, 9e étage, Montréal, district judiciaire de
Montréal, province de Québec, H2Z 1X4
Intimé
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, ayant
un bureau au 1, rue Notre-Dame est, bureau 8.00,
Montréal, district judicaire de Montréal, province
de Québec, H2Y 1B6
Mis-en-cause
________________________________________
REQUÊTE EN JUGEMENT DÉCLARATOIRE
(Art. 453 C.p.c., art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés
et art. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982)
À L’UN DES JUGES DE LA COUR SUPÉRIEURE, SIÉGEANT DANS LE DISTRICT
DE MONTRÉAL, LE REQUÉRANT EXPOSE RESPECTUEUSEMENT CE QUI SUIT :
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
3
LES PARTIES ET LA DEMANDE DU REQUÉRANT
3
LES MOTIFS
4
L’ADOPTION DE LA LOI, SON OBJET ET LES FAITS
4
LE CONTEXTE FACTUEL
5
La portée des modifications – exemples concrets
6
A.
LA PRIVATION DE LIBERTÉ EN VIOLATION DES
PRINCIPES DE JUSTICE FONDAMENTALE
9
La Cour suprême du Canada et les peines minimales
9
Les dispositions contestées sont contraires au principe de nécessité
10
Les dispositions contestées violent le principe de proportionnalité des peines
11
Les dérogations à l’article 7 de la Charte ne sont pas justifiées par
son article premier
14
B- LA VIOLATION DU DROIT À L’ÉGALITÉ
15
C- LA VIOLATION DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE L’INDÉPENDANCE
JUDICIAIRE ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS
16
L’INTÉRÊT POUR AGIR
19
CONCLUSION
22
LISTE DES PIÈCES
Onglets 1 à 5
AVIS DE PRÉSENTATION
2
INTRODUCTION
1. Le Barreau du Québec demande à la Cour supérieure de statuer sur la constitutionalité des
nouvelles dispositions de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012,
ch. 1, (ci-après la «Loi») qui portent sur les peines minimales en matière criminelle.
2. Le Barreau a constaté que cette initiative législative visant notamment à hausser certaines
peines minimales d’emprisonnement existantes et à imposer de nouvelles peines
minimales d’emprisonnement a fait l’objet de vives critiques tant au Québec que dans le
reste du Canada, et ce, non seulement de la part de la communauté juridique – dont fait
partie le Barreau du Québec – mais aussi de divers groupes intéressés au sort des victimes
et aux questions de sécurité publique.
3. Le Barreau est d’avis que les peines minimales que propose la Loi ne servent pas l’intérêt
public, ne répondent à aucun besoin réel, ne contribuent pas à protéger les citoyens et ne
permettent pas d’atteindre l’objectif de sécurité publique recherché.
4. Les dispositions de la Loi qui obligent les juges à imposer des peines minimales portent
atteinte aux droits des personnes inculpées en obligent les juges à écarter les principes de
proportionnalité et de l’individualisation de la peine, portent atteinte aux droit à l’égalité
des inculpés autochtones et constituent une intrusion non justifiable dans l’exercice du
pouvoir judiciaire.
5. Les peines minimales que propose la Loi risquent à long terme de miner la confiance du
public dans le système de justice pénale.
LES PARTIES ET LA DEMANDE DU REQUÉRANT
6. Le requérant est un ordre professionnel régi par le Code des professions, L.R.Q., ch. C-26,
et la Loi sur le Barreau, L.R.Q., ch. B-1, et a pour mission d’assurer la protection du
public, de maximiser les liens de confiance entre les avocats, le public et l’État, de
soutenir ses membres dans l’exercice du droit et de promouvoir la primauté du droit.
7. L’intimé est responsable de l’application des lois d’intérêt général au Canada et au
Québec dont notamment le Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. Le mis en cause est
responsable de l’application du Code criminel sur le territoire québécois.
8. Le requérant demande l’intervention du Tribunal afin qu’il déclare inapplicables
constitutionnellement les dispositions suivantes de la Loi sur la sécurité des rues et des
communautés, L.C. 2012, ch. 1 (loi C-10), « la Loi »:
•
Articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 22, 25, 26 et 27 – qui modifient les peines pour
les infractions prévues aux articles 155, 161, 172.1, 173, 271, 272 et 273 du Code
criminel en prescrivant des nouvelles peines minimales d’emprisonnement et aux
articles 151, 152, 153, 163.1 (2), 163.1 (3), 163.1 (4) et 163.1 (4.1) de Code criminel
en augmentant les peines minimales existantes ;
3
•
Articles 21 et 23 – qui créent des nouvelles infractions par l’ajout des articles 171.1 et
172.2 au Code criminel comportant des peines minimales d’emprisonnement ;
•
Articles 39, 40 et 41 – qui modifient les articles 5(3), 6(3), 7(3) et 7(4) de la Loi
réglementant certaines drogues et autres substances,(LRCDS) L.C. 1996, ch. 19, en
prescrivant de nouvelles peines minimales d’emprisonnement.
LES MOTIFS
9. Les motifs de cette demande sont les suivants :
I.
Les dispositions attaquées prévoient des peines d’emprisonnement arbitraires et
constituent une violation de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés
« la Charte ». Il n’existe aucun lien rationnel entre l’imposition et l’augmentation des
peines minimales pour ces infractions, et les objectifs invoqués par le gouvernement.
II.
Les dispositions attaquées obligeraient les juges à prononcer des peines qui pourraient
ne pas être proportionnelles à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du
délinquant. Elles enfreignent ainsi le principe de proportionnalité garanti par l’article
7 de la Charte et dans certains cas, pourraient constituer des peines cruelles et
inusitées en violation de l’article 12 de la Charte.
III.
Les dispositions attaquées portent atteinte au droit à l'égalité des autochtones en
violation de l'article 15 de la Charte.
IV.
Les dispositions attaquées ont pour effet de restreindre considérablement la discrétion
judiciaire qui est un attribut essentiel de la fonction judiciaire. Ces mesures
législatives portent atteinte à l’indépendance judiciaire en limitant la capacité des
tribunaux d’exercer les fonctions juridictionnelles qui leur sont dévolues par la
Constitution canadienne. De plus, ces mesures empiètent indûment sur les fonctions
essentielles de la magistrature et constituent une violation du principe constitutionnel
de la séparation des pouvoirs.
L’ADOPTION DE LA LOI, SON OBJET ET LES FAITS
10. Le 12 mars 2012, la Chambre des communes a adopté la Loi.
11. Le 13 mars 2012, cette loi a reçu la sanction royale.
12. Le 9 août 2012, les dispositions de la Loi qui concernent les peines minimales en matière
d’infractions d’ordre sexuel impliquant une personne de moins de 16 ans sont entrées en
vigueur, les dispositions qui modifient la Loi sur le système de justice pénale pour
adolescents sont entrées en vigueur le 23 octobre 2012 et les dispositions qui prévoient
des peines minimales pour certaines infractions à la Loi réglementant certaines drogues et
autres substances sont entrées en vigueur le 6 novembre 2012.
4
13. La Loi a pour objet de modifier plusieurs articles du Code criminel, en augmentant la
durée des peines d’emprisonnement minimales pour certaines infractions, et en créant des
peines d’emprisonnement minimales pour d’autres infractions, le tout tel qu’il appert de la
copie du Résumé législatif du projet de loi C-10 : 3 Modifications au Code criminel
(infractions d’ordre sexuelles à l’égard d’enfants) [C-10, partie 2 art. 10 à 31, 35 à 38
et 49 et 51 – ancien projet de loi C-54] produite comme pièce R- 1.
14. La Loi a également pour objet de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres
substances de manière à imposer des peines minimales obligatoires d’emprisonnement
pour certains actes criminels liés aux drogues, le tout tel qu’il appert de la copie du
Résumé législatif du projet de loi C-10 : 4 Modifications à la Loi réglementant
certaines drogues et autres substances [C-10, partie 2, art 32 et 33, 39 à 48, et 50 et 51
– ancien projet de loi S-10] produite comme pièce R- 2.
15. Les objectifs déclarés du gouvernement pour expliquer ces changements sont la protection
de la société contre les contrevenants dangereux et violents et la dissuasion, le tout tel
qu’il appert de la copie des Délibération du Comité sénatoriale permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles des 1er et 2 février 2012 produite comme pièce
R-3.
16. La Loi a été adoptée malgré le fait qu’en 2009, plus de 9 Canadiens sur 10 (93 %) se sont
dits satisfaits de leur sécurité personnelle relativement au crime, le tout tel qu’il appert de
la copie de l’article de Juristat (Statistique Canada) – Les perceptions des Canadiens à
l’égard de la sécurité personnelle et de la criminalité, 2009 produite comme pièce R-4.
LE CONTEXTE FACTUEL
17. L’objet même de la Loi, qui vise à assurer l’imposition de peines minimales
d’emprisonnement pour un ensemble d’infractions sans justification tangible et sans
fondement rationnel porte atteinte à la liberté et la sécurité de la personne et est contraire
aux principes de justice fondamentale.
18. Le requérant entend faire la preuve, notamment des faits suivants :
•
le taux de criminalité national affiche une baisse constante depuis 20 ans ;
•
en 2010, les services de police canadiens ont déclaré qu’il y avait 77 000 affaires
rattachées au Code Criminel de moins qu’en 2009 ;
•
l'indice de gravité des crimes violents a reculé de 6 % en 2010 ;
•
l’inefficacité des peines minimales d’emprisonnement comme facteur de
dissuasion ou de réduction de la criminalité.
5
19. La jurisprudence établit la gamme de peines requises pour atteindre l’objectif de
proportionnalité pour ces infractions et la réalité incontestable est que la Loi modifie
fondamentalement cette gamme de peines.
20. Ainsi, dans le mesure où un contexte factuel est nécessaire, il se dégage d’une analyse des
décisions judiciaires antérieures qui portent sur les peines imposées pour les infractions
visées par les nouvelles dispositions de la Loi et de la preuve que le requérant entend
présenter lors de l’audition sur le fond.
21. L’étude des décisions des tribunaux d’instances et d’appel permet de faire le constat que
le recours à des peines d’emprisonnement, lorsqu’elles sont indiquées, n’est pas exclu,
mais aussi que des peines autres que des peines d’emprisonnement permettent d’atteindre
les objectifs en matière d’imposition de la peine toute en respectant les obligations
constitutionnelles d’individualisation et de proportionnalité. Les peines minimales
d’emprisonnement prévues par la Loi privent les juges appelés à imposer des peines des
outils nécessaires au prononcé de peines appropriées.
La portée des modifications – exemples concrets
22. L’article 14 de la Loi prévoit une peine minimale de cinq ans pour l’inceste (article 155
du Code criminel) si l’une des personnes est âgée de moins de seize ans. L’inceste est
une infraction qui vise la protection des membres vulnérables de la famille alors qu’elle
prend sa source dans un tabou social fondé tant sur le risque génétique que sur les
conséquences sociales et psychologiques qui résultent de la relation sexuelle entre
membres d’une même cellule familiale.
R. c. G.R., [2005] 2 R.C.S. 371 aux paragraphes 18 et 19.
23. L’inceste peut être commis entre frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs ou entre
parents et enfants. Lorsque des parents ont des rapports sexuels avec leurs enfants
mineurs, il y a une situation de domination et d’abus. Par contre, quand un frère et une
sœur sont impliqués, même si une des deux parties est âgée de moins de 16 ans, la
situation n’est pas comparable à celle qui implique un parent. Les peines imposées pour
l’infraction d’inceste varient donc en fonction des faits et des personnes impliquées.
24. Dans R. c. M.J.W., un homme de 21 ans, sans antécédents judiciaires, a été déclaré
coupable d’avoir eu des relations sexuelles à trois reprises avec sa demi-sœur, âgée de
quinze ans. La victime avait consenti à tous les actes sexuels. En prononçant la peine, le
juge a déclaré :
« The Court recognizes that a great range exists in the sentencing authorities with
respect to penalties for incest. These authorities range from periods of suspended
sentence, as in the case of the children of C.J.F. in R. v. C.J.F. (1996), 149 N.S.R.
(2d) 91 at para. 4 (C.A.), to five-years' incarceration as reported in R. v. Goler
(1985), 67 N.S.R. (2d) 200 (A.D.).”
R. c. M.J.W., [2011] N.S.J. No. 323 (N.S. Prov. Ct.) au par. 19
6
25. En raison des circonstances de la commission de l’infraction, incluant l’immaturité du
contrevenant, le fait qu’il n’était pas dans une situation de confiance ou d’autorité envers
sa sœur et le consentement de cette dernière, la Cour a imposé une peine
d’emprisonnement avec sursis de 18 mois.
26. L’article 25 de la Loi prévoit une peine minimale d’un an pour une agression sexuelle
poursuivie par voie de mise en accusation lorsque la victime est âgée de moins de seize
ans (article 271 du Code criminel), ou de 90 jours quand la poursuite procède par voie
sommaire. Cet amendement exigera l’emprisonnement dans toutes les circonstances,
indépendamment de la nature de l’agression sexuelle et des circonstances dans lesquelles
elle est survenue.
27. Dans R. c. Epp, une peine de probation a été imposée dans un cas ou un homme dans la
cinquantaine a été déclaré coupable d’avoir agressé sexuellement sa voisine, âgée de
quinze ans. Le contrevenant avait défait le soutien-gorge de la jeune femme sans son
consentement. Le juge a constaté que le contrevenant n’avait pas persisté avec l’agression
après ce seul geste. Il s’agissait d’un contrevenant avec peu d’éducation, qui avait des
problèmes médicaux et mentaux, et qui avait deux antécédents pour avoir conduit avec les
facultés affaiblies.
R. v. Epp, [2005] S.J. No. 519 (Sask. Prov. Ct.)
28. L’article 22 de la Loi prévoit une peine minimale de 90 jours ou 1 an pour l’infraction de
leurre d’un enfant (article 172.1 du Code criminel). Dans R. c. El-Jamel, la Cour d’appel
d’Ontario a maintenu une peine d’emprisonnement avec sursis de 12 mois à l’encontre
d’un contrevenant qui croyait avoir communiqué avec une fille âgée de 12 ans. Il a tenté
de la rencontrer dans le but d’avoir des relations sexuelles. La Cour a noté que la juge de
première instance avait pris en considération tous les facteurs pertinents, à savoir l’âge du
contrevenant (24 ans), l’absence d’antécédents, la bonne possibilité de réhabilitation et le
fait qu’il avait une jeune famille qu’il soutenait financièrement. La Cour d’appel a noté
que la peine imposée n’était pas déraisonnable vu les circonstances de l’infraction et les
facteurs atténuants.
R. c. El-Jamel, [2010] O.J. No. 3737 (C.A.)
29. L’article 17 de la Loi augmente les peine minimales pour l’infraction d’avoir accédé à de
la pornographie juvénile (article 163.1 (4.1) du Code criminel) de 14 jours à 90 jours, si
l’accusation est poursuivie par voie sommaire, et de 45 jours à 6 mois quand la poursuite
est intentée par acte criminel. Et ce, malgré le fait qu’avant les amendements de 2005, les
tribunaux pouvaient parfois même prononcer des absolutions lorsque les circonstances
particulières rendaient une telle peine appropriée.
30. Dans R. c. Hamel, la Cour supérieure du Québec a maintenu la décision d’un juge de
première instance qui a accordé une absolution inconditionnelle à un enseignant reconnu
coupable sur déclaration sommaire d'avoir tenté d'accéder à de la pornographie juvénile.
Le contrevenant n’avait aucun antécédent. Depuis son arrestation, il avait été suspendu
sans solde de son emploi et vivait des difficultés financières importantes. De plus, il s’est
engagé de sa propre initiative dans une démarche thérapeutique. Le juge de première
7
instance a pris en considération le fait qu’un casier judiciaire nuirait à ses démarches pour
devenir agent immobilier. Comme explique la Cour :
« Il s'agit, pour le premier juge, d'un homme, pour qui un encadrement judiciaire
n'est pas nécessaire puisqu'il a "pris depuis et qu'il prend encore les moyens pour
avoir un comportement conforme à nos valeurs sociales et qu'il est en mesure de
jouer un rôle actif dans notre société." Le premier juge souligne qu'une récidive est
peu probable.»
R. c. Hamel, [2007] J.Q. no 13031 (C.S.Q.) au par. 25
31. L’article 41(1)(b) de la Loi impose une peine minimale de six mois pour possession de
cannabis pour des fins de trafic si le nombre de plantes et supérieur à cinq, d’un an si le
nombre de plantes est supérieur à 200, et de deux ans si le nombre de plantes est supérieur
à 500. La loi prévoit également l’augmentation de ces nouvelles peines minimales dans
certaines circonstances, notamment quand la production a créé un risque d’atteinte à la
sécurité publique dans un secteur résidentiel.
32. Dans R. c. Evers, la cour d’appel de la Colombie-Britannique a maintenu le sursis au
prononcé de la peine avec probation pour une femme qui cultivait de la marijuana
médicale sans permis et la fournissait à un « club compassion ». Elle était en possession
de 274 plantes et elle tirait une partie de son revenu de cette activité. En imposant la
peine, le juge d’instance a tenu compte du fait que la contrevenante n’avait aucun
antécédent judiciaire, malgré le désire de madame de devenir un martyr pour la cause de
la légalisation de cannabis.
R. v. Evers, [2011] B.C.J. No. 1441, (BCCA)
33. Dans R. c. Deschênes, la cour d’appel du Québec a imposé une peine d’emprisonnement
avec sursis de six mois pour une infraction de production de cannabis. La Cour a déclaré :
“De l'avis de la Cour, le juge de première instance a commis une erreur de droit en
écartant a priori le principe de l'individualisation des peines au motif de la
nécessité d'envoyer un message claire à tous ceux qui participent à la production
de substances prohibées dans le district de Joliette.
En ce faisant, il n'a pas tenu compte du degré de responsabilité de l'appelante, de
son âge, son absence d'antécédent judiciaire, du contexte dans lequel elle a accepté
de se rendre à la résidence utilisée comme plantation et de l'étendue de sa
participation. S'il avait tenu compte de ces facteurs et de l'absence de dangerosité
publique de l'appelante, le juge de première instance aurait dû conclure que la
peine de 6 mois d'emprisonnement proposée par les avocats des parties devait être
purgée dans la collectivité »
R. c. Deschênes, [2005] J.Q. No. 827 (QCCA) aux paras. 1 & 2
34. Dans R. c. Lake, une peine d’emprisonnement avec sursis de 8 mois a été imposée dans un
cas où un père de 43 ans, peu éduqué, avait une plantation de 20 plantes de cannabis chez
lui. Il y avait des indications qu’une grande partie de la marijuana était pour son usage
8
personnel. Le contrevenant avait des antécédents qui dataient de quatorze ans, et aucun
antécédent pour une infraction semblable.
R. c. Lake, [2005] N.J. No. 30, (Nfld. & Lbd. Prov. Ct.)
35. Dans tous les cas qui précèdent, les délinquants seraient nécessairement envoyés en prison
sans aucune autre justification que l’exigence arbitraire de la Loi.
A. LA PRIVATION DE LIBERTÉ EN VIOLATION DES PRINCIPES DE JUSTICE
FONDAMENTALE
La Cour suprême du Canada et les peines minimales
36. La Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionalité de certaines peines minimales
et ainsi reconnu qu’il est loisible pour le législateur d’y avoir recours dans certaines
circonstances. Tous ces arrêts ont été rendus en fonction du principe interdisant
l’imposition de peines cruelles et inusitées prévu à l’article 12 de la Charte.
37. Dans l’arrêt R. c. Goltz, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité d’une peine
minimale prescrite par l'alinéa 88(1)c) de la Motor Vehicle Act de la ColombieBritannique. La Cour a décidé que la peine minimale de sept jours d’emprisonnement
pour une première déclaration de culpabilité à une infraction de conduite sous le coup
d'une interdiction n’était pas une peine exagérément disproportionnée à l'infraction. En
statuant ainsi, la Cour a noté :
•
•
que le législateur avait identifié un problème social important,
qu’un petit nombre de mauvais conducteurs étaient disproportionnellement
impliqués dans un nombre d'accidents reliés à la circulation routière, et
• que la conclusion du législateur que cette infraction devait entraîner une peine
sévère avait un lien rationnel avec son objectif de dissuasion.
R. c. Goltz, [1991] 3 R.C.S. 485
38. Dans l’arrêt R. c. Morrisey, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité d’une peine
minimale de quatre ans pour l’infraction de négligence criminelle causant la mort dans le
contexte de l'usage d'une arme à feu. En concluant qu’il ne s’agissait pas d’une peine
exagérément disproportionnée, la Cour a tenu compte des facteurs suivants :
•
le juge du procès aurait condamné l'appelant à trois ans d'emprisonnement n'eût
été l'existence de la peine minimale ;
• en imposant une peine minimale le législateur répondait à un problème urgent qui
est celui de la mortalité liée à l'usage des armes à feu, compte tenu
particulièrement du fait qu'il s'agissait d'un problème grave depuis plus de 20 ans;
• le législateur ne peut prendre de telles mesures qu'en conformité avec les
principes existants de la détermination de la peine.
R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90
9
39. Dans l’arrêt R. c. Ferguson, la Cour a confirmé, comme dans l’affaire Morrisey, qu’une
peine minimale de quatre ans pour homicide involontaire impliquant l’usage d'une arme à
feu n’est pas une peine exagérément disproportionnée et ne constitue pas une peine
cruelle et inusitée interdite en vertu de l’article 12 de la Charte.
R. c. Ferguson, [2008] 1 R.C.S. 96
40. Ces arrêts ont deux choses en commun :
•
le débat portait sur la nature même des peines imposées et leur caractère
exagérément disproportionné eu égard au principe interdisant l’imposition de
peines cruelles et inusitées prévu à l’article 12 de la Charte ;
•
le législateur répondait à un problème social particulier qui justifiait l’imposition
de la peine minimale.
41. Ces éléments ne sont pas en cause dans le présent débat.
Les dispositions contestées sont contraires au principe de nécessité
42. Le requérant affirme que les peines minimales prévues par les dispositions contestées de
la Loi sont contraires aux principes de justice fondamentale prévus à l’article 7 de la
Charte.
43. L’article 7 de la Charte prévoit que « chacun a doit à la vie, à la liberté et à la sécurité de
sa personne ; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de
justice fondamentale ».
44. Les principes de justice fondamentale interdisent de porter atteinte à la liberté d’une
personne de manière arbitraire. Une restriction à la liberté est arbitraire lorsqu'elle n'a
aucun lien rationnel ou est incompatible avec l'objectif visé par la loi.
Rodriguez c. Colombie-Britannique, [1993] 3 R.C.S. 519 au par. 147-8 (juge
Sopinka pour la majorité) et 203 (juge McLachlin dissidente)
45. De plus, lorsqu’une mesure pénale entraînant une privation de liberté est en cause, les
principes de justice fondamentale exigent que le législateur adopte une réponse qui soit
mesurée et qui n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de la
loi, comme l’affirmait la Cour suprême dans l’arrêt Heywood :
« Si, dans un but légitime, l'État utilise des moyens excessifs pour atteindre cet
objectif, il y aura violation des principes de justice fondamentale parce que les
droits de la personne auront été restreints sans motif. »
R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761 au par. 49
46. Dans l’arrêt Suresh, la Cour suprême a également affirmé que :
« […] notre pays adhère également aux principes de justice fondamentale. La
notion de proportionnalité est un aspect fondamental de notre régime
10
constitutionnel. Par conséquent, nous devons nous demander si la mesure projetée
par le gouvernement est raisonnable par rapport à la menace. »
Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1
R.C.S. 3 au par. 47.
47. Le requérant ne nie pas l’importance d’objectifs gouvernementaux comme la réduction de
la criminalité et la protection des personnes vulnérables, notamment les enfants.
Cependant, rien ne démontre que les peines minimales imposées par les dispositions
contestées de la Loi sont nécessaires à l’atteinte de cet objectif. Pour reprendre les termes
de l’arrêt Suresh, ces peines minimales ne sont pas « raisonnables par rapport à la
menace » ou, pour reprendre ceux de l’arrêt Heywood, il s’agit d’une mesure
« excessive ».
48. Dans l’arrêt R. c. Wust, la juge Arbour, au nom de la Cour suprême, a mentionné ceci:
« Même s'il est possible de soutenir que des peines sévères et inappropriées
peuvent avoir un effet dissuasif considérable et que, en conséquence, de telles
peines servent toujours un objectif valable, il me semble que l'infliction de peines
injustement sévères risque davantage d'inspirer le mépris et le ressentiment que
d'inciter au respect de la loi. Selon un principe bien établi du système de justice
criminelle, le juge doit s'efforcer d'infliger une peine appropriée eu égard à l'affaire
dont il est saisi ».
R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455 au par. 21
49. Il n’y a aucun consensus scientifique à l’effet que les peines minimales obligatoires
augmentent l’effet dissuasif associé à une infraction pénale et on doit en conclure que les
dispositions existantes du Code criminel, qui reconnaissent la discrétion de la
magistrature dans l’imposition de la peine, assurent la réalisation des objectifs
gouvernementaux de dissuasion et de protection des personnes vulnérables aussi bien que
ne le feraient les dispositions contestées de la Loi.
50. Les peines minimales prévues par les dispositions contestées de la Loi ne constituent pas
une mesure nécessaire à l’atteinte des objectifs du législateur, puisque les dispositions
actuelles assurent le même degré de dissuasion et de protection.
51. Il en résulte que les peines minimales imposées par la Loi sont contraires à l’article 7 de la
Charte, puisqu’il s’agit d’une réponse excessive au problème qui intéressait le législateur.
Les dispositions contestées violent le principe de proportionnalité des peines
52. Le requérant soutient également que les dispositions contestées de la Loi violent le
principe de proportionnalité des peines et sont contraires à l’article 7 de la Charte.
53. Dans R. c. Ipeelee et R. c. Malmo-Levine, la Cour suprême a reconnu que le principe de
proportionnalité des peines est un principe de justice fondamentale. La proportionnalité
représente la condition sine qua non d'une sanction juste.
R. c. Ipeelee, [2012] 1 R.C.S. 433 aux par. 36 & 37;
11
R. c. Malmo-Levine ; R. c. Caine, [2003] 3 R.C.S. 571 au par. 169
54. Le principe de proportionnalité comporte deux volets : premièrement, la peine doit
refléter la gravité de l’infraction et, deuxièmement, elle ne doit pas excéder ce qui est
requis par le degré de culpabilité morale du délinquant.
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, article 718.1 ;
R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61 au par. 82;
R. c. Ipeelee, supra, au par. 38
55. La détermination de la peine est un processus individualisé, dans le cadre duquel le juge
dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour déterminer la peine appropriée. La
justification de cette approche individualisée réside dans le principe de proportionnalité.
R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61 au par. 82
56. Le principe de proportionnalité est inextricablement lié au concept qu’une peine doit
refléter la culpabilité morale du contrevenant. Dans le Renvoi sur la Motor Vehicle Act, le
juge Lamer a indiqué ceci :
« Il est essentiel, dans toute théorie des peines, que la sentence imposée ait un
certain rapport avec l'infraction. Il faut que la sentence soit appropriée et
proportionnelle à la gravité de l'infraction. Ce n'est que dans ce cas que le public
peut être convaincu que le contrevenant "méritait" la punition qui lui a été infligée
et avoir confiance dans l'équité et la rationalité du système. Cela ne revient pas à
dire qu'il y a un rapport essentiellement approprié entre une infraction particulière
et sa punition, mais plutôt qu'il y a un ordre de grandeur des infractions et des
punitions auquel l'infraction et la punition particulières doivent répondre. »
Renvoi sur la Motor Vehicle Act (Colombie-Britannique), s. 94(2), [1985] 2 R.C.S.
486 au par. 128
57. Les dispositions des articles 718 à 718.21 du Code criminel prévoient les éléments à être
considérés par le juge à l’étape de l’imposition de la peine. Dans R. c. Knott, le juge Fish
émet l’avis qu’il est «…légitime d’affirmer que l’objectif et les principes énoncés dans le
Code criminel en matière de détermination des peines sont censés intégrer l’impératif
correctionnel de l’individualisation de la peine».
R. c. Knott, 2012 CSC 42 au par. 47
58. Le requérant soutient que les articles contestés de la Loi empêchent les juges de donner
plein effet au principe de proportionnalité car les peines minimales imposées ne sont pas
adaptées à la gradation de la culpabilité du délinquant ni à la gravité de l’infraction.
59. En effet, les infractions associées aux nouvelles peines minimales imposées par la Loi
sont des infractions qui couvrent une vaste gamme de comportements, allant des plus
légers aux plus odieux. Ces infractions n’ont rien en commun avec les infractions qui
impliquent l’usage d’une arme à feu dans le cas de l’homicide involontaire ou de la
négligence criminelle causant la mort, pour lesquelles une peine minimale de quatre ans a
été jugée valide. Dans de tels cas, les peines minimales imposées par le législateur
s’apparentent aux peines déjà infligées par les tribunaux. Alors qu’au contraire, les
12
exemples jurisprudentiels cités plus haut démontrent que les infractions concernées par la
Loi peuvent recouvrir des comportements dont la gravité n’exige pas l’emprisonnement
du délinquant.
60. En ce qui concerne les articles qui ont pour effet d’imposer des nouvelles peines
minimales à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le législateur a
prévu à l’article 43(2) de la Loi (article 10 de LRCDAS) une disposition qui permet aux
juges de ne pas imposer la peine minimale à un contrevenant qui termine avec succès un
programme de traitement de la toxicomanie.
61. Le requérant reconnaît que cette exception permet aux juges d’exercer une certaine
discrétion, mais elle a surtout pour effet d’accorder un pouvoir important au poursuivant
dans le cas de personnes vulnérables aux prises avec un problème de toxicomanie.
62. Bien qu’une certaine discrétion soit attribuée aux juges en vertu de l’article 43(2) de la
Loi, le requérant est d’avis que cette exception à la révocation générale de la discrétion
judiciaire en matière d’imposition de la peine pour les infractions visées ne respecte
toujours pas le principe de proportionnalité.
63. Dans le cas où un poursuivant avise le contrevenant en vertu de l’article 42 de la Loi
(article 8 de LRCDAS) qu’une peine minimale est applicable et que le procureur entend
établir les circonstances justifiant son imposition, le juge n’aura que deux choix :
constater que le contrevenant a complété un programme de traitement de la toxicomanie
avec succès et exercer sa discrétion ou, à défaut, envoyer cette personne en prison. Les
principes applicables en matière de gradation des peines, selon les circonstances du crime
et du degré de responsabilité du contrevenant, sont ainsi toujours écartés.
64. En outre, en s’appliquant à un seul segment de contrevenants, les toxicomanes qui ont
commis une infraction reliée au trafic de drogues, cette mesure a pour effet d’écarter
d’autres contrevenants vulnérables qui sont aux prises avec des pathologies qui peuvent
conduire à la commission d’infractions reliées au trafic de drogues. Alors que la
discrétion judiciaire favorise l’imposition de peines proportionnelles en tenant compte des
vulnérabilités particulières de chaque contrevenant, quelle que soit leur nature, l’article
43(2) de la Loi vise un seul type de problème et est en conséquence trop limitatif.
65. En effet, l’imposition en bloc d’un grand nombre de peines minimales, sans discernement
et sans analyse, a pour effet de miner le principe de la proportionnalité en obligeant les
juges, pour des raisons non fondées, à imposer des peines minimales même quand les
circonstances de l’infraction ne le justifient pas.
66. Dans un sens général, les mesures proposées par la Loi obligent les juges à prononcer des
peines d’emprisonnement disproportionnelles et non individualisées. En conséquence, les
dispositions contestées constituent une privation de liberté qui ne respecte pas les
principes de justice fondamentale.
13
Les dérogations à l’article 7 de la Charte ne sont pas justifiées par son article premier
67. Le requérant soutient que les violations de la Charte qui découlent des dispositions
attaquées ne peuvent être justifiées dans une société libre et démocratique et ne
constituent pas des limites raisonnables au regard de l’article premier de la Charte.
68. L’article 1 de la Charte prévoit ce qui suit :
La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont
énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui
soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une
société libre et démocratique.
69. Dans R. c. Oakes, la Cour suprême a défini le cadre juridique pour l’application de
l’article 1 de la Charte. La Cour a établi les éléments qu’il faut satisfaire pour justifier les
restrictions apportées aux droits et libertés. Les facteurs sont les suivants :
Deux critères fondamentaux :
1 – l'objectif que poursuivent les mesures qui apportent une restriction à un droit
ou à une liberté garantis par la Charte, doit être suffisamment important pour
justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution,
2 – dès qu'il est reconnu qu'un objectif est suffisamment important, la partie qui
invoque l'article premier doit alors démontrer que les moyens choisis sont
raisonnables et que leur justification peut se démontrer.
Trois éléments pour déterminer si les moyens sont raisonnables et justifiés :
1 – les moyens doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif en question,
2 – le moyen choisi doit porter "le moins possible" atteinte au droit ou à la liberté
en question,
3 – il doit y avoir proportionnalité entre les effets des mesures restreignant un droit
ou une liberté garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme "suffisamment
important".
R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 aux par 69 à 71
70. En adoptant les dispositions contestées de la Loi, le législateur cherchait à réduire
l’incidence de certaines infractions à caractère sexuelle, à protéger des personnes
vulnérables et à réduire l’incidence du trafic de drogues dont notamment des éléments qui
rendent cette activité plus dangereuse. Il s’agit d’objectifs législatifs valides.
71. Cependant, le requérant soutient que la violation des droits garantis à l’article 7 de la
Charte par les peines minimales qui découlent de la Loi n’est ni raisonnable, ni justifiable.
14
72. La Cour suprême a reconnu que les droits protégés par l'art. 7 – la vie, la liberté et la
sécurité de la personne – constituent le fondement même de notre conception d'une
société libre et démocratique et à ce titre, peuvent difficilement être supplantés par des
intérêts sociaux divergents. En conséquence, les dérogations aux principes de justice
fondamentale sont difficiles à justifier en application de l'article premier.
Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2007] 1 R.C.S. 350 au par.
66.
73. En l’espèce, il n’y a pas de lien rationnel entre l’objectif et les moyens. Comme il est
soutenu plus haut, il n’y a aucun consensus scientifique à l’effet que les peines minimales
ont un effet dissuasif et qu’elles réduisent le taux de récidive chez les délinquants visés
par ces mesures.
74. Les peines minimales prévues par la Loi ne constituent pas une atteinte minimale aux
droits garantis par l’article 7. Ces dispositions n’assurent pas une meilleure dissuasion ni
une meilleure protection du public que les peines actuellement prévues par le Code
criminel et la LRCDS. Les peines prévues par le Code criminel et la LRCDS constituent
donc un moyen moins attentatoire aux droits garantis par l’article 7, moyen qui contribue
autant que les dispositions contestées à l’atteinte des objectifs du législateur.
75. Enfin, pour les raisons déjà évoqués, les peines minimales prévues par la Loi ne sont pas
proportionnées à l’objectif visé, puisqu’elles constituent une réponse excessive et
irrationnelle au problème identifié par le législateur.
B- LA VIOLATION DU DROIT À L’ÉGALITÉ
76. Le requérant soutient également que les dispositions contestées de la Loi violent le droit à
l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte, étant donné qu’elles privent les Autochtones
du bénéfice de l’article 718.2e) du Code criminel, tel qu’interprété par les arrêts Gladue et
Ipeelee.
R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688.
R. c. Ipeelee, [2012] 1 R.C.S. 433.
77. L’article 718.2e) a été adopté afin de réduire la surreprésentation des Autochtones au sein
du système carcéral.
78. La décision du Parlement de mentionner spécifiquement les Autochtones dans cet article
découle du constat que le fonctionnement du système de justice pénale donne lieu à de la
discrimination systémique envers les autochtones. L’article 718.2e) est donc une mesure
qui vise à remédier à une violation du droit à l’égalité qui a été constatée par le Parlement.
R. c. Gladue, supra, aux par. 61, 65.
R. c. Ipeelee, supra, aux par. 65, 67
R. c. King, [2007] 4 C.N.L.R. 248 (C.J. Ont.)
79. Les dispositions contestées de la Loi auront pour effet d’empêcher les tribunaux
d’appliquer l’article 718.2e) et les arrêts Gladue et Ipeelee aux délinquants autochtones
qui commettent des infractions visées par ces dispositions.
15
80. À titre d’exemple, dans l’arrêt Ittoshat, la Cour d’appel a imposé une peine de 18 mois
d’emprisonnement à purger dans la collectivité à un homme trouvé coupable d’agression
sexuelle à l’égard d’une jeune fille de 14 ans, en raison du long délai écoulé entre
l’infraction et la poursuite et du fait que le délinquant avait eu un comportement
irréprochable depuis lors. Les dispositions contestées de la Loi empêcheraient un juge
d’imposer une telle peine et priveraient donc le délinquant du bénéfice de l’article
718.2e).
Ittoshat c. R. (1999), 32 C.R. (5th) 371 (C.A.Q.)
81. Selon l’arrêt Withler, il y a une violation de l’article 15 de la Charte lorsque la loi
contestée crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue et que cette
distinction crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de
stéréotypes.
Withler c. Canada (P.G.), [2011] 1 R.C.S. 396 au par. 30
82. En particulier, le retrait d’une mesure destinée à réaliser l’égalité réelle ou à combattre la
discrimination constitue lui-même une violation de l’article 15.
Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., [2004] 3 R.C.S. 381 aux par. 38-51
83. Le fait de retirer aux délinquants autochtones la possibilité d’invoquer l’article 718.2e) ou
de les empêcher de recevoir toute la gamme de peines que l’application de cet article
autoriserait d’imposer constitue une discrimination raciale interdite par l’article 15 de la
Charte.
R. c. King, [2007] 4 C.N.L.R. 248 (C.J. Ont.)
84. Pour les raisons mentionnées plus haut au sujet de la violation de l’article 7, les
dispositions contestées de la Loi ne sont pas sauvées par l’article 1.
85. De plus, il est difficile d’affirmer que les dispositions contestées de la Loi constituent une
atteinte minimale au droit garanti par l’article 15, puisqu’il n’existe aucune preuve que le
législateur a considéré les répercussions de ces dispositions sur les délinquants
autochtones ni qu’il a cherché à les minimiser.
C- LA VIOLATION DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS DE L’INDÉPENDANCE
JUDICIAIRE ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS
86. Le requérant soutient que, pris dans leur ensemble, les articles contestés de la Loi sont
contraires aux principes constitutionnels de l’indépendance judiciaire et de la séparation
des pouvoirs.
87. L’indépendance judiciaire fait partie des principes constitutionnels du Canada qui sont
protégés tant par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 que par la Charte
canadienne des droits et libertés. Au même titre, la séparation des trois pouvoirs de l’État,
le législatif, l’exécutif et le judiciaire, est un aspect fondamental de la Constitution
canadienne.
16
La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, par. 27 et 28;
Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.),
[1997] 3 R.C.S. 3, par. 138.
88. La garantie d’indépendance judiciaire est essentielle au maintien du rôle des tribunaux de
protecteur de la constitution et des valeurs fondamentales qui y sont enchâssées. Elle est
aussi essentielle au règlement juste et équitable des litiges dans les affaires individuelles.
Le rôle des tribunaux en tant que défenseurs de la Constitution exige que ceux-ci soient
complètement séparés sur le plan des pouvoirs et des fonctions des autres participants du
système judiciaire, ce qui inclut le pouvoir législatif.
La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, par. 24 et 31;
89. Le respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs implique quant à lui
que chacun des trois pouvoirs de l’État exerce les fonctions qui lui sont propres sans
interférence de la part d’un autre pouvoir. En ce qui concerne la séparation entre le
pouvoir judiciaire d’une part, et les pouvoirs législatif et exécutif d’autre part, cette
séparation doit demeurer parfaitement étanche, ceci afin de permettre aux tribunaux de
s’acquitter en toute indépendance et impartialité des obligations fondamentales qui leur
sont imposées par la Constitution. De plus, contrairement aux rapports entre les pouvoirs
législatif et exécutif, les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire ne sont
pas fondés sur un lien hiérarchique.
New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l'Assemblée
législative), [1993] 1 R.C.S. 319 au par. 141 ;
Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation), 2003 CSC 62,
[2003] 3 R.C.S. 3, par. 108 et 109.
90. Les principes d’indépendance judiciaire et de séparation des pouvoirs s’appliquent avec la
même force et avec la même rigueur aux rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir
législatif, qu’aux rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Autrement dit,
une loi, tout autant qu’un acte posé par le pouvoir exécutif, peut porter atteinte à
l’indépendance judiciaire et au principe de la séparation du pouvoir judiciaire et des autres
pouvoirs.
Beauregard c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 56, par. 34;
Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.),
par. 138 à 140.
91. Bien que le pouvoir législatif a toute la compétence voulue pour édicter des lois, celles-ci
ne doivent pas faire obstacle, sous un aspect fondamental, à l’exercice des fonctions qui
relèvent du pouvoir judiciaire.
Colombie-Britannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2005] 2 R.C.S. 473,
par. 47 et 54 ; Babcock c. Canada, [2002] 3 R.C.S. 3 au par. 57
92. De la même façon que le principe de la séparation des pouvoirs interdit au pouvoir
judiciaire de s’approprier la compétence de surveiller l’application subséquente de ses
ordonnances, le principe de la séparation des pouvoirs interdit au pouvoir législatif
d’empiéter sur la fonction exclusive des tribunaux judiciaires de rendre des ordonnances
fondées sur le droit et la preuve.
17
Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation), par. 120.
93. La Cour suprême du Canada reconnaît que le statut constitutionnel du pouvoir judiciaire
exige que certaines fonctions soient réservées en exclusivité aux organismes judiciaires.
Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854,
par. 13
États-Unis d'Amérique c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283 au par. 38
94. L’imposition d’une peine lors d’une déclaration de culpabilité est une responsabilité qui
revient à la magistrature dans le cadre de notre système de justice pénale. La discrétion
judiciaire est intrinsèque à ce domaine et assure que les peines imposées respectent les
principes de proportionnalité. L’imposition d’une peine minimale limite indûment la
capacité du juge d’exercer son jugement judiciaire.
R. v. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500 au par. 91
95. En l’espèce, les mesures législatives imposent au juge de condamner un prévenu à une
peine minimale d’emprisonnement, sans considération de la preuve présentée devant la
cour concernant le caractère approprié et juste de la peine. Ce faisant, ces mesures
empiètent sur les fonctions juridictionnelles du juge qui comprennent celle d’apprécier les
faits et d’évaluer la preuve pour décider s’il doit ou non condamner un prévenu à une
peine d’emprisonnement. Plus particulièrement, les mesures législatives constituent une
usurpation du pouvoir discrétionnaire judiciaire.
Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, par. 24.
96. L’obligation faite au juge d’imposer une peine minimale lors de la déclaration de
culpabilité interfère donc de manière importante avec les fonctions constitutionnelles qui
lui sont attribuées dans le système de justice pénale au Canada. Parmi ces fonctions figure
celle de voir au respect des garanties juridiques contenues aux articles 7 à 14 de la Charte
canadienne des droits et libertés.
Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.),
par. 128.
97. En limitant indûment la discrétion judiciaire, l’imposition d’une peine d’emprisonnement
minimale constitue un empiètement du pouvoir législatif sur le mandat constitutionnel du
pouvoir judiciaire en matière de justice criminelle, soit celui de s’assurer du respect des
droits et libertés individuelles garantis par la Constitution canadienne dans tous les cas qui
lui sont soumis.
Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, par. 24.
98. Dans l’arrêt Liyanage, le Conseil privé a jugé invalide une loi du Ceylan qui modifiait
rétroactivement les lois pénales à la suite d’un coup d’État avorté et qui prévoyait, entre
autres, de lourdes peines minimales obligatoires. En se fondant sur les principes de base
de la constitution de ce pays, doté d’une constitution écrite inspirée de la tradition
britannique, le Conseil privé a affirmé que le Parlement ne pouvait pas usurper le pouvoir
judiciaire :
18
« In so far as any Act […] purports to usurp or infringe the judicial power it is
ultra vires. »
Liyanage v. The Queen, [1965] UKPC 1.
99. En particulier, le Conseil privé a affirmé que la restriction apportée à la discrétion des
juges en matière de détermination de la peine était un facteur très important pour parvenir
à la conclusion que le Parlement avait porté atteinte à un aspect fondamental de la
séparation des pouvoirs et usurpé le pouvoir judiciaire :
« The true nature and purpose of these enactments are revealed by their conjoint
impact on the specific proceedings in respect of which they were designed, and
they take their colour, in particular, from the alterations they purported to make as
to their ultimate objective, the punishment of those convicted. These alterations
constituted a grave and deliberate incursion into the judicial sphere. Quite bluntly,
their aim was to ensure that the judges in dealing with these particular persons on
these particular charges were deprived of their normal discretion as respects
appropriate sentences. They were compelled to sentence each offender on
conviction to not less than ten years' imprisonment, and compelled to order
confiscation of his possessions, even though his part in the conspiracy might have
been trivial. »
100.
En l’espèce, la mise à l’écart de la discrétion judiciaire dans l’imposition de la
peine, sans que la gravité intrinsèque de l’infraction n’entraîne une culpabilité morale qui
justifie l’imposition d’une peine minimale d’emprisonnement, constitue une atteinte
importante à un aspect fondamental du mandat constitutionnel confié au pouvoir
judiciaire.
Ell c. Alberta, [2003] 1 R.C.S. 857, par. 24.
101.
De plus, cette discrétion judiciaire est nécessaire pour que les juges puissent
rendre des décisions qui sont justes, ce qui constitue le fondement même de la légitimité
des tribunaux. Cette légitimité dépend de la confiance que le public accorde au système de
justice. Le maintien de cette confiance réside dans l’assurance que la justice est rendue
par des juges indépendants et impartiaux. Dans son interprétation des lois et de la
common law, la Cour suprême du Canada a toujours tendu à préserver la discrétion des
tribunaux afin d’éviter que ceux-ci soient tenus de rendre des décisions injustes.
Construction Gilles Paquette ltée c. Entreprises Végo ltée, [1997] 2 R.C.S. 299.
Cité de Pont-Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., [1978] 2 R.C.S. 516.
Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine (Village), [1991] 1 R.C.S. 326.
Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, [2003]
3 R.C.S. 371.
L’INTÉRÊT POUR AGIR
102.
Le requérant possède l’intérêt requis au sens du droit public pour contester la
validité des articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 39, 40 et 41 de la
Loi, et par conséquence les articles modifiés du Code criminel et les articles 5(3), 6(3),
19
7(3) et 7(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch.
19 car ces dispositions portent sur une matière de droit public et concenrent des principes
constitutionnels fondamentaux, d’importance nationale.
103.
Dans l’affaire Procureur général du Canada c. Downtown Eastside Sex Workers
United Against Violence Society la Cour Suprême a adopté une approche téléologique et
souple pour décider si une partie a la qualité pour agir dans l’intérêt public. La Cour décrit
les trois facteurs d’analyse de la façon suivante :
a. La question soulevée constitue-t-elle une question justiciable sérieuse ? L’action
est-t-il loin d’être futile?
b. Le demandeur a-t-il un intérêt réel dans les procédures ou est-il engagé quant aux
questions qu’elles soulèvent ?
c. La poursuite proposée constitue‑t‑elle, compte tenu de toutes les circonstances,
une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour ?
Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against
Violence Society, [2012] S.C.J. No. 45
104.
Cette requête soulève des questions sérieuses quant à la validité des dispositions
contestées de la loi. Il existe un risque réel que les dispositions contestées conduisent à
l’imposition de nombreuses peines inappropriées. Il ne s’agit pas d’un débat théorique
mais d’un débat de fond, mettant en cause les droits de milliers de citoyens et la sécurité
des citoyens.
105.
Les articles attaqués par le requérant mettent aussi en péril l’administration de la
justice dans un sens plus large et la capacité de nos tribunaux de remplir leurs fonctions et
de rendre justice.
106.
Le requérant a un intérêt véritable, réel et constant en ce qu’il joue une rôle
d’avant-plan dans tous les domaines relevant de la justice et de l’organisation des
tribunaux.
107.
Comme l’explique le juge André Rochon, alors juge de la Cour supérieure, dans
l’arrêt Barreau de Montréal c. Québec (Procureur général):
« La protection du public englobe certes le contrôle des membres du Barreau mais
ne s'y limite pas. En fait, les interventions publiques du Barreau ont constamment
porté sur les grands ensembles législatifs ayant un impact sur les citoyens. Le
ministère de la Justice a reconnu à maintes reprises le champ d'expertise
particulier du Barreau en sollicitant son avis, en l'invitant à des colloques de tout
ordre, en le faisant partie prenante de tous les sommets de la justice du Québec. »
Barreau de Montréal c. Québec (Procureur général), [1999] J.Q. no 5472 au par
37 ; confirmé sur ce point par la Cour d’appel, [2001] J.Q. no 3882 au par.14
20
108.
Depuis, le requérant est intervenu dans de nombreux débats judiciaires dans la
poursuite de sa mission de protection du public conformément à sa Politique
d’intervention aux débats judiciaires adoptée en 2009, produite comme pièce R-5.
109.
À titre d’illustration, le Barreau du Québec est intervenu ou a pris l’initiative de
d’introduire une requête pour l’obtention d’un jugement déclaratoire dans les affaires
d’intérêt public suivantes :
•
Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2008] CSC 33178;
•
Globe and Mail c. Groupe Polygone Éditeurs Inc, [2009] CSC 33097;
•
Premier ministre du Canada c. Khadr, [2009] CSC 33289 ;
•
Németh c. Ministre de la Justice du Canada, [2010] CSC 33016;
•
Seidel c. Telus Communication Inc, [2011] CSC 33154 ;
•
Renvoi Par le Gouverneur en conseil au sujet de la proposition concernant une loi
canadienne intitulée Loi sur les valeurs mobilières formulée dans le décret C.P.
2010-667 en date du 26 mai 2010, CSC 33178;
•
Reine c. Lamoureux, [2011] CSC 33970
•
N.S. c. R, [2012] CSC 33989
110.
Il existe ici une concordance des intérêts du public avec la mission fondamentale
de protection du public qui incombe au requérant.
111.
Enfin, le requérant a participé activement au processus consultatif ayant précédé
l’adoption de la Loi et qui fait l’objet du présent litige.
112.
La requête en jugement déclaratoire visant à obtenir une déclaration
d’inconstitutionnalité des dispositions litigieuses de la Loi, alors que la Loi a été adoptée
et que certaines des dispositions litigieuses ne sont pas encore en vigueur, est une manière
raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour. Cela permettra une résolution
du litige dans un délai raisonnable.
113.
Le présent recours permet, contrairement à une intervention du requérant dans
chacun des dossiers des citoyens accusés d’une infraction visée par les nouvelles
dispositions de la Loi, de fournir une solution judiciaire avant que ne soit consommée la
négation de quelque droit.
21
114.
Le jugement final établira le droit sans créer une impasse dans le fonctionnement
quotidien des tribunaux de première instance.
CONCLUSION
POUR TOUS CES MOTIFS, PLAISE AU TRIBUNAL :
D’ACCUEILLIR la présente requête ;
DÉCLARER invalides et inapplicables constitutionnellement les dispositions suivantes :
les articles 11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 39, 40 et 41 de la Loi sur
la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1 (loi C-10) et par conséquence
les articles 155, 161, 171.1, 172.1, 172.2, 173, 271, 272 et 273 du Code criminel en
prescrivant des nouvelles peines minimales d’emprisonnement et aux articles 151, 152,
153, 163.1 (2), 163.1 (3), 163.1 (4) et 163.1 (4.1) du Code criminel et les articles 5(3),
6(3), 7(3) et 7(4) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; , L.C.
1996, ch. 19
RENDRE toute ordonnance qu’il estime appropriée ;
LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.
Montréal, ce 23 novembre 2012
_________________________
Giuseppe Battista
Procureur du Barreau du Québec
22
LISTE DES PIÈCES
Pièce R-1 : Résumé législatif du projet de loi C-10 : 3 Modifications au Code
criminel (infractions d’ordre sexuelles à l’égard d’enfants) [C-10, partie 2 art. 10 à 31, 35
à 38 et 49 et 51 – ancien projet de loi C-54]
Pièce R-2 : Résumé législatif du projet de loi C-10 : 4 Modifications à la Loi
réglementant certaines drogues et autres substances [C-10, partie 2, art 32 et 33, 39 à
48, et 50 et 51 – ancien projet de loi S-10]
Pièce R-3 : Délibération du Comité sénatoriale permanent des Affaires juridiques et
constitutionnelles des 1er et 2 février 2012
Pièce R-4 : Les perceptions des Canadiens à l’égard de la sécurité personnelle et de
la criminalité, 2009 - article de Juristat (Statistique Canada)
Pièce R-5 : Politique relative à l’intervention du Barreau du Québec aux débats
judiciaires
23
Pièce R-1
Pièce R-2
Pièce R-3
Pièce R-4
Pièce R-5
AVIS
(119 C.p.c.)
________________________
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
200, boul. René-Lévesque Ouest
9e étage
Montréal, Québec
H2Z 1X4
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,
1, rue Notre-Dame est
bureau 8.00
Montréal, Québec
H2Y 1B6
PRENEZ AVIS que la partie demanderesse a déposé au greffe de la Cour Supérieure du district
judiciaire de Montréal la présente demande.
Pour répondre à cette demande, vous devez comparaître par écrit, personnellement ou par avocat,
au palais de justice de Montréal situé au 1, rue Notre-Dame à Montréal dans les 10 jours de la
signification de la présente requête.
La demande sera présentée devant le tribunal le 10 janvier 2013 à 9 heures en la salle 2.16 du
palais de justice de Montréal et le tribunal pourra, à cette date, exercer les pouvoirs nécessaires
en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance ou procéder à l'audition de la cause, à moins
que vous n'ayez convenu par écrit avec la partie demanderesse ou son avocat d'un calendrier des
échéances à respecter en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance, lequel devra être déposé
au greffe du tribunal.
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