18 septembre 2014 Intervenants : Audrey GRANJON Anthony LECLERCQ LES TEMPS DE DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL La loi n°2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, introduit un nouvel article L.3121-4 du code du travail relatif aux temps de déplacement professionnel Les dispositions de cet articles qualifient les temps de déplacement professionnel des salariés et fixent un régime spécifique d'indemnisation de ces temps Dans la métallurgie, indépendamment de ce que prévoit la loi, 2 textes conventionnels prévoient le régime applicable aux temps de déplacement professionnel possibles dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Il s’agit de l’article 11 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 et de l’accord national du 26 février 1976 sur les conditions de déplacements Ces deux textes, qui n’envisagent pas l’ensemble des déplacements professionnels possibles, doivent être combinés avec les dispositions légales La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie a été étendue (arrêté du 27 avril 1973), elle s'impose à toutes les entreprises, adhérentes ou non, qui entrent dans le champ d'application des accords nationaux de la métallurgie défini par l'accord du 16 juillet 1979 A l’inverse, l'accord national du 26 février 1976 sur les conditions de déplacements n'est pas étendu, il s'impose donc aux seules entreprises adhérentes aux chambres syndicales territoriales DÉFINITION La notion de déplacement professionnel n’a pas de définition unique, il y a plusieurs sources Absence de définition légale Il peut se définir généralement comme le déplacement effectué par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail Définition L'article L. 3121-4 du code du Travail précise la nature juridique du temps passé à se déplacer : « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif » Définitions conventionnelles du déplacement Au sens de l’accord du 26 février 1976 (article 1.4) • Le déplacement professionnel a, par nature, un caractère temporaire • Le déplacement doit avoir pour objet l'accomplissement d'une mission professionnelle ( = toute prestation de travail effectuée en tout lieu extérieur au lieu d'attachement, c'est-à-dire l'établissement par lequel il est administrativement géré, ou au lieu de travail habituel, effectuée à la demande expresse de l'employeur ou résultant des impératifs liés à la fonction du salarié ) • Le déplacement professionnel entraîne, pour le salarié, une gêne particulière et des frais inhabituels Lorsque le salarié accomplit une mission temporaire de plus ou moins longue durée, sans entrainer pour autant une mutation ou affectation dans un autre établissement permanent de l’entreprise situé en France ou à l’étranger • Le déplacement doit avoir un caractère temporaire • Le déplacement ne doit pas entrainer de mutation ou d’affectation dans un autre établissement Définition Lorsque le salarié accomplit une mission extérieure à son lieu d’attachement qui l’amène à exécuter son travail dans un autre lieu d’activité (sans pour autant qu’il y ait mutation) ET à supporter, à cette occasion, une gêne particulière et des frais inhabituels Au sens de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 (art. 11, al. 1) Nature et régime juridique Le déplacement professionnel n’est pas du temps de travail effectif , mais il doit dans certains cas donner lieu à une contrepartie Du fait de la loi, du juge ou de toute autre norme applicable dans l’entreprise, de la jurisprudence, certains temps de déplacement professionnel sont assimilés à du temps de travail effectif Définition du temps de travail effectif = c’est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (L. 3121-1 du code du travail) Trois conditions : - Etre à la disposition de l'employeur - Se conformer à ses directives - Ne pas pouvoir vaquer à des occupations personnelles Conséquences le temps de travail effectif permet de déterminer : • Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires • Vérifier que les durées maximales journalières et hebdomadaires de travail soit respecter (temps de repos) La durée du déplacement PRINCIPE Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail ne constitue pas du temps de travail effectif et n’ouvre pas droit à rémunération (L. 3121-4 du code du Travail) EXCEPTION Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière » LA DURÉE DU DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL Application du principe Le trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel Le trajet entre le domicile et le lieu de travail non habituel (quelque soit le mode de transport utilisé) (hors horaire de travail) Il n’est pas considéré comme un déplacement professionnel et ne fait donc pas l’objet de dispositions conventionnelles ou légales notamment quant à son indemnisation Si le temps de déplacement < ou = au temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel = pas de contrepartie Si le temps de déplacement > au temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel = contrepartie pour le trajet excédentaire Le déplacement effectué par le salarié entre son domicile et un lieu de travail (habituel ou non): • n'entre donc pas dans le décompte de la durée du travail • ne doit pas être pris en compte pour vérifier le respect des durées maximales journalières et hebdomadaires • ne doit pas être pris en compte pour le décompte des heures supplémentaires La durée du déplacement Le temps de déplacement n’est pas assimilé à du temps de travail effectif LA DURÉE DU DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL Exceptions au principe Certains temps de déplacement professionnel peuvent être assimilés totalement ou partiellement à du temps de travail effectif Le temps de déplacement effectué lors d’une astreinte Le temps de déplacement qui coïncide avec l’horaire de travail La durée du déplacement Le temps de déplacement entre deux lieux de travail LA DURÉE DU DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL 2 situations sont envisagées : • Le trajet entre deux chantiers • Le trajet entre l’entreprise et le chantier Le trajet entre deux chantiers : Le temps passé entre deux lieux de travail (deux chantiers, deux agences, deux clients ...) est du temps de travail effectif Le trajet entre l’entreprise et le chantier, dans le cas du passage obligatoire par le siège avant d'aller sur chantier : Le temps de déplacement entre l'entreprise et un autre lieu de travail est un temps de travail effectif pour le salarié qui a l'obligation de passer au siège, notamment pour charger/transporter du matériel, prendre un camion (...), même si ce temps se situe en dehors de l'horaire habituel de travail (Cass.soc., 13 mars 2002 et 31 janvier 2012) La circulaire du ministère de l'Emploi et de la solidarité du 24 juin 1998 relative à la réduction du temps de travail précise que le passage volontaire, pour convenance personnelle, par le siège de l'entreprise n’est pas qualification de temps de travail effectif au temps de déplacement entre l'entreprise et un autre lieu de travail Conséquences : • assimilation totale à du temps de travail effectif ; • prise en compte du temps de déplacement dans le décompte de la durée du travail (avec le cas échéant des heures supplémentaires) ; • maintien intégral de la rémunération du salarié durant le déplacement La durée du déplacement Le trajet entre deux lieux de travail LA DURÉE DU DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL Le temps de déplacement qui coïncide avec l’horaire de travail Le temps de déplacement professionnel pendant les heures de travail ne doit pas entrainer de perte de salaire L’article L.3121-1 prévoit que « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » Exemple : temps de déplacement effectué à l’intérieur de l’entreprise durant lequel le salarié est sollicité par les clients (Cass.soc., 13 janvier 2009, pourvoi n° 07-40638) Le trajet effectué dans le cadre d'une astreinte depuis le domicile du salarié fait partie de l'intervention (Cass.soc., 31 octobre 2007). Conséquences : • assimilation totale à du temps de travail effectif même si le salarié se rend sur son lieu habituel de travail • prise en compte du temps de déplacement dans le décompte de la durée du travail (avec le cas échéant des heures supplémentaires) • maintien intégral de la rémunération du salarié Le temps de déplacement effectué lors d’une astreinte La durée du déplacement Le temps de déplacement répondant aux critères énoncés à l’article L. 3121-1 du code du Travail constitue du temps de travail effectif CONTREPARTIE DU TEMPS DE DÉPLACEMENT Les contreparties mises en place dans la métallurgie sont différentes selon la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié (cadre ou non cadre) Elles doivent être combinées avec les dispositions légales qui précisent que l'employeur doit prévoir une contrepartie financière ou en repos lorsque le temps de déplacement professionnel excède le temps normal de trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail habituel Une convention ou un accord collectif de travail ou, à défaut, une décision unilatérale doit prévoir la contrepartie dont bénéficie le salarié Pour les non cadres C’est l’accord national du 26 février 1972 qui s’applique pour les non cadres Nature des déplacements : L’accord national de 76 distingue deux types de déplacements : • Le petit déplacement • Le grand déplacement Contrepartie du temps de déplacement Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail ne constitue pas du temps de travail effectif et n’ouvre pas droit à rémunération (L. 31214 du code du Travail) Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière » (L 3121-4 du code du travail Le petit déplacement = temps de déplacement < 2h30 et/ou lieu de mission éloigné de moins de 50 kms du point de départ Petit déplacement (pendant horaire de travail ) Pas de perte de salaire Petit déplacement, hors horaire de travail <1h30 aucune contrepartie conventionnelle prévue Une contrepartie est légalement due (art. L3121-4) Il appartient donc à l'employeur de fixer une contrepartie en argent ou en repos >1h30 indemnisation du temps excédentaire Contrepartie du temps de déplacement Le temps de déplacement peut correspondre au temps de trajet qui est nécessaire pour se rendre, chaque jour ouvré, du lieu d'hébergement au lieu de travail, et inversement, ou le temps de transport qui est nécessaire pour se rendre, dans le cadre de l’horaire de travail de la journée, d’un chantier à un autre Le temps de trajet excédentaire est indemnisé sur la base du salaire minimal de la catégorie du salarié garanti par la convention collective territoriale applicable CONTREPARTIE DU TEMPS DE DÉPLACEMENT Le grand déplacement Il y a grand déplacement lorsque l'éloignement et le temps de voyage vers le lieu d'activité aboutissent à empêcher le salarié de rejoindre chaque soir son point de départ Grand déplacement Totalité du temps de déplacement indemnisé, pas seulement la partie excédant 2 heures 30 Il appartient à l'employeur de fixer le mode de transport public servant au calcul du temps normal de voyage ouvrant droit à la contrepartie, quand bien même le salarié utiliserait un autre moyen de transport Indemnisation sur la base du salaire réel du salarié, sans majoration ET sur la base du temps normal de voyage par le transport public fixé L'employeur ne doit verser au salarié en grand déplacement: • ni majorations pour heures supplémentaires ; • ni majorations d'incommodité pour travail de nuit, travail dominical ou travail un jour férié; • ni l'indemnité définie à l'article L. 3133-6 du code du Travail pour le travail du 1er mai. Contrepartie du temps de déplacement = Temps de déplacement aller/retour > 2h30 et lieu de mission éloigné de plus de 50 kms du point de départ Pour les cadres Articles 11 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 Contrepartie en repos ou argent Le cadre a droit à un repos compensateur d'une demi-journée lorsque ces 2 conditions cumulatives sont remplies : - Le déplacement doit avoir prolongé l’amplitude de la journée de travail d’au moins 4h ( « amplitude de la journée de travail » = plage horaire bornée par les horaires de début et de fin de travail sur une même journée comprenant ainsi les temps au cours desquels le salarié interrompt son travail pour prendre une pause, déjeuner, etc.) - le transport utilisé par le salarié ne doit pas lui avoir permis de bénéficier d'un confort suffisant pour se reposer ( = voyage en avion dans une classe autre que la 1ère classe ou une classe analogue à cette dernière, ainsi que le voyage en train de nuit sans couchette de 1ère classe ni wagon-lit) Mode de transport des cadres : L'employeur doit déterminer le mode de transport qui paraîtra le mieux adapté, ainsi que de la nature de la mission et des activités de l'intéressé Les voyages en train sont effectués: - de jour : en 1ère classe - de nuit : en couchette de 1ère classe ou en wagon-lit (sauf impossibilité) Les voyages en bateau ou en avion sont effectués sur les lignes régulières en classe normale, dénommée ordinairement classe économique ( le transport par avion doit se faire avec l'accord de l'intéressé) Contrepartie du temps de déplacement Le repos attribué au salarié en contrepartie du temps de déplacement professionnel excédant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail est nécessairement octroyé au salarié sur un temps au cours duquel il aurait dû travailler moins 4h mais > au temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail = l'employeur devra, en application de l'article L. 3121-4 du code du Travail, verser une contrepartie financière ou en repos au salarié Cas particuliers des cadres en forfait jour : Pour les ingénieurs et cadres bénéficiant de conventions de forfait en jours sur l'année, il est impossible de déterminer l'amplitude en heures de la journée de travail La condition d'octroi de la contrepartie en repos tenant au prolongement d'au moins 4 heures de l'amplitude de la journée de travail du salarié ne peut pas être vérifiée pour ces salariés Cette contrepartie en repos mise en place par l'article 11 de la convention, par principe, que les salariés dont le temps de travail est apprécié en heures L'employeur sera tout de même tenu d'accorder au salarié bénéficiant d'une convention de forfait en jours une contrepartie en argent ou en repos, en application de l'article L. 3121-4 du code du Travail, dès lors que son temps de déplacement professionnel excède son temps normal de trajet pour se rendre de son domicile à son lieu habituel de travail Contrepartie du temps de déplacement Si le temps de déplacement du cadre ne prolonge pas l’amplitude de la journée de travail d’au CONTREPARTIE DU TEMPS DE DÉPLACEMENT *: au sens de l’accord de 1976, et uniquement pour l’appréciation de la nature du déplacement Lorsque salarié passe obligatoirement par l’entreprise avant de se rendre sur le lieu inhabituel