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l’innovation non technologique à l’innovation organisationnelle. Ainsi le manuel d’Oslo (2005) définit
l’innovation comme « la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou
sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode
organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation de travail ou les relations extérieures ». Le
caractère pragmatique de cette définition en facilite l’appropriation par les acteurs et notamment par les
professionnels du transfert de technologie entre recherche et industrie (en Languedoc-Roussillon, par
exemple Transferts), ainsi sensibilisés à un élargissement de leurs champs d’action potentiels.
Le second est issu de pratiques et de stratégies d’acteurs de terrain qui ont démontré et valorisé la capacité
des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS : associations coopératives, mutuelles et fondations) à
contribuer au développement de l’entrepreneuriat et de l’innovation, dans une dimension non
technologique. Ainsi l’action conjointe de l’URScop (union régionale des sociétés coopératives de
production) et de la CRESS (chambre régionale de l’ESS), organismes fédératifs, et leur engagement dans la
promotion de l’entrepreneuriat ont contribué à la reconnaissance des acteurs de l’ESS comme partie
prenante des dynamiques entrepreneuriales. L’élaboration progressive d’un dispositif cohérent combinant
une école de l’entrepreneuriat en ESS contribuant à la formation continue des dirigeants, un incubateur
d’innovation sociale (Alter’Incub) favorisant l’éclosion de projets et une pépinière dédiée au développement
des entreprises sociales en ont renforcé la légitimité en contribuant à l’émergence d’une filière complète de
l’accompagnement. Ils ont aussi créé une convention annuelle des entreprises de l’ESS, Conventis, dont la
première édition s’est tenue en décembre 2008. Cette convention d’entreprise, une première en France pour
l’ESS, a pour objectif d’intensifier les relations entre les différentes entreprises de l’ESS, de donner à voir les
dynamiques qui la caractérisent et sa contribution au processus d’innovations territorialisées.
Incontestablement, le fort ancrage entrepreneurial de l’URScop, sa réputation d’acteur économique et
territorial dynamique, et les réseaux dans lesquels elle s’insère et dont elle a contribué à assurer le
développement, lui ont permis de compter parmi les acteurs centraux du territoire et de détenir un pouvoir
de négociation important. Cette configuration ne trouve pas forcément d’équivalent dans d’autres régions.
Elle contribue à ancrer l’ESS dans une perspective entrepreneuriale.
Cet engagement entrepreneurial de l’ESS est venu rencontrer la volonté politique de la région. Elle a
intensifié son soutien à l’ESS, identifiée comme un acteur dynamique par ses capacités structurantes sur le
territoire, ainsi que par sa contribution à l’emploi. En effet l’ESS représente 12,3% de l’emploi régional, ce
qui situe le Languedoc-Roussillon au quatrième rang des régions françaises (CNCRESS 2009). Ce soutien
politique s’exprime par la création d’une délégation spécifique à l’ESS, l’inscription de l’ESS dans la
direction de l’économie et plus particulièrement du développement de l’entreprise, sa reconnaissance au
sein du schéma régional de développement économique et de l’emploi, dans le pacte régional et donc dans
la stratégie régionale de l’innovation. Une part de cet ancrage dans la politique régionale n’est pas
spécifique à Languedoc-Roussillon. En effet la plupart des régions françaises ont inscrit dans leur agenda le
soutien à l’ESS. L’originalité de la région Languedoc-Roussillon est de l’avoir pleinement positionné dans la
direction des entreprises et non dans celle de l’emploi, et d’avoir considéré les acteurs de l’ESS comme des
acteurs économiques parmi d’autres.
On observe donc que l’émergence d’une conception élargie de l’innovation dans le cadre de politiques
régionales est le résultat de deux dynamiques complémentaires. La première, impulsée par le haut et
l’échelon international est le fait de l’OCDE. La seconde de nature plus horizontale, en lien avec le terrain,
est le résultat d’interactions entre des acteurs locaux dotés d’une légitimité entrepreneuriale et de capacités
partenariales avérées, qui ont fait le choix de construire ensemble une stratégie de l’innovation. Cet
engagement dans une conception élargie de l’innovation renforce l’enjeu de mieux la caractériser.
1.2. Caractériser l’innovation sociale : le point de vue des acteurs
Il n’existe pas de définition standardisée et stabilisée de l’innovation sociale. Nous avons donc fait le choix
dans une première phase exploratoire de recueillir les représentations des acteurs de terrain quant à
l’innovation sociale. Dans le cadre d‘une démarche inductive et participative, nous avons animé quatre
groupes de travail collectif (une vingtaine de personnes) d’une demi journée autour de l’innovation sociale
réunissant majoritairement des acteurs de l’ESS, des techniciens de collectivités territoriales et des
représentants de dispositifs d’accompagnement. Les deux premiers se situaient en Languedoc-Roussillon, les
seconds en PACA. En moyenne, on a disposé d’un noyau stable de 60% des personnes (12) sur chacune des
régions (étape 1). Le recueil d’information s’est déroulé entre février 2009 et février 2010, donc sur une
période d’un an.