La communication des émotions dans les échanges médiatisés par

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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
La communication des émotions dans les échanges médiatisés par ordinateur :
bilan et perspectives
Nadia Gauducheau
Université de technologie de Troyes
Equipe Tech-CICO/ ICD, CNRS FRE 2848
12 rue Marie Curie, BP 2060, 10010 Troyes cedex
[email protected]
Résumé :
L’objectif de cet article est de déterminer si les dispositifs de Communication Ecrite Médiatisée par Ordinateur
(CEMO), tels que le courrier électronique ou les forums, rendent difficiles ou non l’expression et la compréhension
des émotions. Pour traiter cette question, nous nous appuierons sur des travaux portant sur la communication
émotionnelle en situation de face-à-face et de CEMO. Deux thèses contradictoires sont mises en évidence. Selon la
première, la CEMO engendre des incompréhensions sur la dimension émotionnelle. Selon la seconde, la CEMO est
favorable à la communication émotionnelle, les échanges étant perçus comme intimes et les individus manifestant
leurs émotions par divers procédés. A partir d’une analyse critique de ces travaux, nous proposons d’expliquer ces
contradictions et avançons quelques principes méthodologiques qui pourraient permettre de les dépasser.
Mots-clés : communication médiatisée par ordinateur, communication non verbale, émotion, interactions
sociales
INTRODUCTION
Depuis quelques années, les dispositifs de Communication Médiatisée par Ordinateur (CMO)
sont massivement utilisés, aussi bien dans les activités professionnelles que personnelles. Ces
dispositifs permettent à des participants distants physiquement de communiquer. La plupart
implique une Communication Ecrite Médiatisée par Ordinateur (CEMO) : forums, chat, courrier
électronique, messagerie instantanée. Les participants ne s’entendent pas et ne se voient pas1
mais peuvent communiquer par l’envoi de messages écrits, qui combinent généralement
certaines caractéristiques des registres écrit et oral (Marcoccia, 2000a ; Marcoccia et
Gauducheau, 2007 ; Riva, 2001). Les dispositifs peuvent être distingués selon le caractère
synchrone ou asynchrone de la communication. Dans un dispositif synchrone, les participants
sont connectés au même moment et peuvent réagir aux messages en temps réel (par exemple, le
chat, la messagerie instantanée). Dans un dispositif asynchrone, les participants ne sont pas
nécessairement connectés au même moment. L’envoi d’un message, sa consultation et la réponse
à ce message peuvent être différés (par exemple, le courrier électronique et les forums de
discussion).
L’impact de la CEMO sur les relations sociales fait l’objet de recherches depuis une dizaine
d’années, portant notamment sur la construction de relations intimes (Hian, Chuan, Trevor et
Detenber, 2004 ; Walther, 1996), sur la conscience de soi et la prégnance des normes sociales
(Joinson, 2001 ; Postmes, Spears et Lea., 1999).
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Sauf dans le cas de la visioconférence qui ne sera pas traité dans cet article.
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
La dimension émotionnelle des échanges est souvent abordée dans ces travaux mais ne fait pas
réellement l’objet d’études spécifiques. Pourtant, l’expression des émotions joue un rôle central
dans la régulation des interactions humaines et dans la construction des relations sociales
(Dindia, 2002 ; Keltner et Haidt, 1999). Par ailleurs, le partage d’émotions est une activité
courante dans les situations de CEMO (Preece, 1999). Il suffit pour s’en persuader de noter le
nombre important de sites et forums dédiés aux rencontres (par exemple, Meetic) et à l’entraide
(par exemple, Doctissimo).
L’objectif de cet article est d’analyser l’impact de la CEMO sur la communication des émotions.
Pour mener ce projet, il paraît intéressant de faire une synthèse des études consacrées à ce sujet,
même si, bien souvent, la dimension émotionnelle des échanges y est traitée de façon indirecte
(par exemple en étudiant l’intimité). Ces études nous permettent de disposer de données
intéressantes, bien qu’hétérogènes et contradictoires. Cette synthèse a donc pour objectif
d’organiser ces données afin de dégager quelques éléments pour aborder cette question de
l’influence de la CEMO sur la communication des émotions, de comprendre les contradictions
repérées et de proposer un cadre d’analyse pour aborder cette question. Par ailleurs, l’intérêt de
cette synthèse est qu’elle présente des travaux encore peu diffusés dans les revues de
psychologie en français.
Dans la première partie de l’article, nous proposons un rappel sur le rôle des émotions dans les
interactions sociales en face-à-face et décrivons les mécanismes impliqués dans la production et
la compréhension des émotions : le non verbal et le contexte social.
La deuxième partie présente une synthèse des travaux concernant l’effet de la CEMO sur la
communication des émotions et partent d’une même observation : la communication des
émotions en CEMO est problématique car il s’agit d’un mode de communication écrit et
décontextualisé. Selon une première approche, ces caractéristiques ont un effet négatif sur
l’expression et, plus encore, sur la compréhension des états psychologiques et des émotions
d’autrui. Selon une seconde approche, ces mêmes caractéristiques n’empêchent pas l’expression
et la compréhension des émotions, et peut même les favoriser. Les échanges sont perçus comme
intimes ; les individus utilisent divers procédés pour manifester leurs émotions.
Nous ferons alors, dans la troisième partie, un bilan critique des travaux défendant ces deux
thèses, en présentant les problèmes méthodologiques qu’ils posent et les questions qu’ils
n’arrivent pas à résoudre.
Nous exposerons, dans la dernière partie de l’article, quelques perspectives méthodologiques
pour dépasser ces problèmes et les contradictions entre les deux thèses. Ainsi, nous proposons
d'analyser l’expression et la compréhension des émotions conjointement, en intégrant le rôle des
normes expressives, et en tenant compte de la fonction des émotions dans les échanges, par
rapport à une activité et à un contexte particulier.
EMOTION ET INTERACTIONS
Fonctions de l’expression des émotions dans les interactions sociales
L’émotion est une réaction complexe de l’individu face à un état de l’environnement ou
un évènement. C’est un processus comportant plusieurs composantes : une composante
d’évaluation cognitive des situations, une composante d’activation physiologique, une
composante d’ébauche d’action et de préparation du comportement, une composante
d’expression motrice et faciale et enfin une composante d’expérience subjective (Scherer, 1984).
Pour Frijda (1986), les émotions constituent un état de préparation à exécuter un certain type
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d’action, à accomplir un changement relationnel ou maintenir une certaine relation avec
l’environnement.
Les expressions émotionnelles d’un individu fournissent des informations sur ses états mentaux
(intentions, sentiments, croyances, désirs), et permettent ainsi les ajustements interindividuels et
la coordination avec autrui (voir par exemple, Bretherton, Fritz, Zahn-Waxler et Ridgeway,
1986; Keltner et Haidt, 1999). La signification accordée aux comportements expressifs varie
selon la définition que chaque théorie propose de la nature du phénomène émotionnel. Par
exemple, dans le cadre des théories cognitives, les comportements expressifs révèlent les
traitements cognitifs réalisés par l’individu sur la situation, et l’évaluation qu’il fait de cette
situation (Scherer, 1992). Pour le face-à-face, Tcherkassof (1996), qui s’appuie sur la théorie de
Frijda (1986), montre que les comportements expressifs faciaux renseignent sur la tendance à
l’action de l’individu : par exemple, l’expression faciale de peur exprime une tendance à s’enfuir
(évitement). Hess et Kirouac (2000) considèrent que la fonction de l’émotion ne se limite pas à
manifester un état mental mais constitue aussi une demande envers autrui et suscite des réactions
de la part du partenaire. Par exemple, manifester de la tristesse informe du sentiment éprouvé,
signale que la situation est perçue comme incontrôlable et peut inciter à offrir de l’aide ou du
réconfort.
Une autre fonction des émotions serait de maintenir ou renforcer les liens sociaux par des
mécanismes d’empathie. C’est ce que montrent notamment les travaux menés par Rimé (voir
Rimé, 2005, pour une synthèse), qui portent spécifiquement sur les récits d’expériences
émotionnelles. Ces récits concernent aussi bien des émotions positives que négatives, des
évènements traumatiques que des évènements de la vie quotidienne. Les personnes écoutant ces
récits ressentent également des émotions (Christophe et Rimé, 1997) et manifestent du soutien
social principalement sous forme verbale (réconfort, manifestation d’un accord). Les
destinataires de ces récits sont essentiellement des personnes proches (ami, famille, conjoint)
mais le partage social peut aussi jouer un rôle dans la construction de nouveaux liens sociaux.
Selon Rimé (2005), le partage social des émotions peut aussi conduire à modifier les rapports et
instaurer un rapprochement affectif entre des personnes qui ne possèdent pas de liens préalables.
La diminution de la distance physique est alors un élément important pour expliquer le
rapprochement affectif (Pennebaker, Zech et Rimé, 2001). Cependant, cette dynamique
interpersonnelle positive a des limites : les effets bénéfiques du partage d’expériences
émotionnelles dépendent de la qualité de la relation interpersonnelle (Christophe et Giacomo,
2003). Par ailleurs, dans certains cas, l’auditeur n’est pas disposé à écouter le récit. Rimé (2005)
explique ce refus par l’érosion de l’intérêt (lassitude à écouter les mêmes récits) et, dans le cas
des émotions négatives, par un malaise de l’auditeur qui les ressent également.
En outre, de nombreuses théories en psychologie sociale montrent que l’expression des émotions
est impliquée dans la construction de relations sociales, à travers le dévoilement de soi (Berger,
2002). Le dévoilement de soi est défini comme le processus par lequel une personne révèle
verbalement des informations sur elle même à autrui, concernant ses pensées, ses sentiments, ses
expériences (Dindia, 2002). Ce partage d’informations affectives personnelles (sentiments,
expériences affectives) permet de construire une relation intime marquée par une connaissance
mutuelle et une satisfaction (Dindia, 2002).
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Expression et compréhension des émotions dans les interactions sociales
D’autres travaux s’intéressent spécifiquement à l’expression et à la compréhension des émotions,
dans les interactions en face-à-face. Le plus souvent, ces études, mettent en avant le rôle central
des comportements non verbaux (Cosnier, 1994 ; Feyereisen et de Lannoy, 1985). Ainsi, les
expressions faciales constituent des indices privilégiés des états émotionnels (Ekman, 1989, Hess
et Blairy, 2001 ; Russell et Fernandez-Dols, 1997). D’autres comportements non verbaux comme
les gestes et postures peuvent jouer ce même rôle (Wallbott, 1998). Le langage verbal est
également impliqué dans l’expression des émotions (Pennebaker et coll., 2001). Par exemple,
selon Fussell et Moss (1998), le langage figuratif, notamment les métaphores, est un procédé
important pour décrire des expériences émotionnelles. En outre, pour Pennebaker (1997), le fait
d’expliciter ses pensées et émotions par écrit (dans un journal intime) constitue une forme
d’adaptation (coping) face à des situations difficiles (traumatismes, maladies). L’explicitation du
vécu permet en effet de réorganiser l’univers symbolique du sujet en y intégrant l’expérience
émotionnelle bouleversante. Ces recherches sur la communication émotionnelle écrite sont en
fait assez rares dans le champ de la psychologie, en comparaison du nombre de travaux
consacrés au canal non verbal (Cosnier, 1994). C’est assez logiquement dans le champ de la
linguistique que l’on trouve des travaux sur l’expression émotionnelle par des moyens verbaux :
lexique émotionnel, suffixes diminutifs à valeur affective, interjections, actes de langage
expressifs, etc. (Kerbrat-Orecchioni, 2000).
D’autres travaux portent sur la manière dont les manifestations émotionnelles sont modulées,
adaptées en fonction du contexte social. Dans cette perspective, Ekman et Friesen (1969) ont
proposé la notion de règles de manifestation des émotions (display rules) pour rendre compte des
normes de contrôle des émotions propres à chaque culture. Les normes en vigueur concernent le
type d’émotion qu’il est acceptable de manifester dans une situation et l’intensité de l’émotion
exprimée. De manière générale, la présence d’autrui va accentuer l’expression des émotions
positives et diminuer l’expression d’émotions négatives (Fischer, Manstead et Zaalberg, 2003).
De manière plus nuancée, Delelis (2004) affirme qu’un individu s’engage dans un processus de
partage de ses émotions (affiliation) ou, au contraire, dans un processus d’isolement en fonction
de la réaction supposée de son interlocuteur.
Le type de relation entre les personnes est également un facteur important pour comprendre les
manifestations émotionnelles. Jakobs, Manstead et Fischer (1999) montrent que les individus
manifestent davantage d’émotions positives avec un ami qu’avec un inconnu. Cette étude montre
en fait que le type de relation entre les individus est un critère qui se combine avec un autre
critère : la possibilité qu’ont ces individus d’être en situation d’interaction. Ainsi, un individu
manifeste plus d’émotions avec un ami lorsque la situation permet l’échange (face-à-face versus
enregistrement vidéo montré par la suite au partenaire). Les manifestations émotionnelles
seraient donc médiatisées par les intentions sociales. Par exemple, c’est l’intention de partager
une expérience positive avec un proche qui suscite la manifestation émotionnelle.
La connaissance du contexte joue également un rôle dans le processus d’interprétation des
émotions d’autrui, qui n’est pas qu’une opération de déchiffrage. En effet, pour interpréter les
émotions d’autrui, un individu mobilise ses connaissances des situations émotionnelles, par
exemple de l’évènement déclencheur de l’émotion (Nakamura, Buck et Kenny, 1990). Il
s’appuie également sur ses connaissances des normes sociales et de son partenaire (Hess et
Kirouac, 2000).
Le rappel que nous proposons n’est évidemment pas exhaustif. L’objectif est de pointer quelques
éléments importants de la communication émotionnelle dans les interactions sociales afin
d’examiner quels problèmes peut engendrer la CEMO pour la communication des émotions.
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Ces recherches montrent la complexité des manifestations émotionnelles : diversité des indices
émotionnels produits (non verbal, langage…), variation en fonction du contexte (caractéristiques
du partenaire, de la situation, normes sociales). Or, les situations de CEMO se révèlent assez
particulières sur ces deux points : l’accès au contexte est parfois restreint (par exemple, l’accès à
l’identité du partenaire ou à l’activité en cours) et l’expression des émotions est possible
uniquement par le canal verbal. C’est pourquoi il est légitime d’examiner en quoi ces
caractéristiques de la CEMO sont ou non problématiques pour la communication émotionnelle.
EMOTION ET COMMUNICATION ECRITE MEDIATISEE PAR ORDINATEUR
Quels problèmes posent la CEMO pour la communication des émotions ?
L’absence des comportements non verbaux et l’anonymat sont les deux caractéristiques les plus
souvent évoquées pour rendre compte de l’impact de la CEMO sur la communication
émotionnelle (par exemple, Sproull et Kiesler, 1986 ; Walther, 1996). Il faut noter cependant
qu’il existe de nombreux dispositifs qui combinent échanges de texte et vidéo (par exemple,
messagerie instantanée avec Webcam). De la même manière, l’incertitude sur l’identité d’autrui
et le degré de connaissance entre les participants sont en fait variables selon les dispositifs.
Certains permettent à des personnes se connaissant au préalable de communiquer à distance (par
exemple, courrier électronique). D’autres offrent la possibilité de communiquer avec des
partenaires inconnus auparavant, de façon anonyme et dans un cadre public, par exemple, dans
les forums de discussion ou les chats.
L’anonymat et l’absence du canal non verbal posent au moins trois problèmes pour la
communication des émotions.
D’une part, la CEMO ne limite-t-elle pas la tendance des individus à manifester leurs émotions ?
Le fait de ne pas connaître son partenaire semble peu propice au dévoilement émotionnel. En
effet, même si la connaissance d’autrui n’est pas un préalable, le partage d’expériences
émotionnelles concerne principalement les personnes proches. Par ailleurs, la faible
connaissance de son partenaire peut rendre les normes sociales en vigueur plus incertaines. Il
peut être difficile dans ce cas d’identifier les émotions pouvant être manifestées dans le contexte
de l’échange, et leurs conséquences.
D’autre part, si les participants souhaitent manifester leurs émotions, de quels moyens disposentils pour le faire en situation de CEMO ? L’absence des comportements non verbaux prive les
individus d’un des registres possibles pour exprimer leurs émotions. Il s’agit d’un problème
important si l’on accorde au registre non verbal un rôle majeur dans l’expression et la
compréhension des émotions (par exemple, Ekman 1989).
Enfin, comment sont identifiées et évaluées les émotions d’autrui en situation de CEMO ? Les
individus disposent de peu d’informations contextuelles et d’aucune information visuelle pour
produire ou renforcer leurs interprétations : faible connaissance du partenaire et incertitude sur
son identité (sexe, âge, appartenance sociale), absence des indices non verbaux. Cela peut
influencer la justesse des inférences produites mais également la sincérité accordée aux
manifestations observées (adéquation entre ce qui est exprimé et ce qui est ressenti). On sait
qu’en face-à-face, les participants peuvent s’appuyer sur les indices non verbaux pour évaluer la
sincérité des états émotionnels exprimés verbalement (par exemple, en examinant la cohérence
entre ces deux sources d’information). Les comportements non verbaux sont considérés par les
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individus comme des indices fiables des états affectifs en raison de leur caractère inconscient2
(ils trahissent nos pensées, attitudes, états internes…).
Selon cette première analyse, la CEMO serait plutôt peu favorable à l’expression et au partage
des émotions. Si c’est le cas, des conséquences négatives peuvent apparaître sur la régulation des
échanges et les ajustements : compréhension mutuelle difficile, conflits, perception d’autrui
erronée. Par ailleurs, une communication émotionnelle pauvre semble être un obstacle à la
construction de liens sociaux.
Ces hypothèses sur l’inadéquation de la CEMO pour la communication émotionnelle sont
fondées sur des arguments cohérents avec l’état des connaissances sur les émotions en
psychologie. Cependant, elles sont contradictoires avec les discours habituels sur Internet, sa
capacité à faciliter les échanges professionnels comme personnels, à permettre le lien social et à
faire émerger des communautés virtuelles3. Ainsi, il existe des dispositifs sur Internet présentés
comme supportant spécifiquement la dimension relationnelle et émotionnelle des échanges, par
exemple les forums d’entraide et de rencontre (Preece, 1999). De plus, il semble difficile
d’imaginer que les échanges médiatisés par ordinateur soient dénués de dimension émotionnelle
alors que les émotions, de fait, sont impliquées dans les interactions humaines.
En fait, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) présentent à première
vue un paradoxe : elles sont censées élargir les possibilités de communication et favoriser le lien
social mais les contraintes qu’elles imposent pourraient avoir un effet négatif sur la qualité des
échanges et leur dimension émotionnelle. Il semble donc important d’examiner plus en détails
cette question de l’impact de la CEMO sur l’expression et la compréhension des émotions. Pour
cela, nous présenterons la manière dont cette question est traitée dans le champ des CMC studies.
La question des émotions dans les CMC studies
Présentation des études
La plupart des travaux traitant de la communication des émotions en CEMO sont publiés dans
des revues de psychologie anglo-saxonnes consacrées aux nouvelles technologies. Quelques
articles sont issus de revues généralistes de psychologie. Une autre partie des travaux est publiée
dans des revues interdisciplinaires. Dans les pays anglo-saxons, la communication médiatisée par
ordinateur (Computer-Mediated Communication, ou CMC) fait l’objet d’un domaine à part
entière (CMC studies), étudié conjointement par plusieurs disciplines des sciences humaines et
sociales (Lea, 1992). Parmi ces publications, nous avons sélectionné celles qui traitent de la
dimension psychosociale de la CEMO et qui sont représentatives de cette problématique (études
très souvent citées et théories de référence). L’appartenance disciplinaire de certains travaux est
floue (psychologie sociale, psychologie cognitive, sciences de l’information et de la
communication), les revues étant orientées par objet d’étude et non par découpage disciplinaire
ou par approche méthodologique. Cependant, les travaux sélectionnés sont assez orthodoxes par
rapport aux méthodes de la psychologie sociale ou cognitive. Les méthodologies utilisées sont
essentiellement l’analyse des messages sur les forums (analyse de contenu), les enquêtes auprès
2
Ce qui n’est pas toujours le cas, puisque par exemple, les expressions faciales peuvent faire l’objet d’un contrôle
(Ekman et Friesen, 1969).
3
La notion de communauté s’inscrit dans le domaine de la sociologie, elle est beaucoup utilisée pour analyser les
groupes sur Internet. Les définitions du terme communauté sont variées. Le lecteur peut trouver un aperçu des
travaux sur les communautés virtuelles dans Jones (1998).
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
d’internautes et la méthode expérimentale (comparaison des situations de face-à-face avec des
situations de CEMO). Par ailleurs, les concepts mobilisés sont en grande majorité des concepts
de psychologie sociale (réduction de l’incertitude, attraction interpersonnelle, intimité,
conscience de soi).
Deux théories permettent de traiter spécifiquement la communication des émotions et défendent
des positions contradictoires : la théorie du filtrage des indices sociaux (Sproull et Kiesler, 1986)
et la théorie du renforcement des indices sociaux (Walther, 1996).
La théorie du filtrage des indices sociaux
Selon la théorie du filtrage des indices sociaux (cue-filtered-out theory) de Sproull et Kiesler
(1986), la communication des émotions sur Internet est perturbée voire impossible. L’anonymat
et l’absence du canal non verbal conduisent les individus à focaliser leurs échanges sur la
dimension informationnelle au dépend de la dimension socio-émotionnelle (Sproull et Kiesler,
1986). Les inférences sociales sont difficilement réalisables (impressions, inférences sur
l’appartenance sociale et les émotions) puisque les individus disposent de peu d’informations
sociales et émotionnelles sur autrui. Les normes sociales sont moins prégnantes, ce qui entraine
des conduites conflictuelles, agressives voire déviantes.
Cette théorie est confortée par certaines études dont les résultats mettent en évidence une
perception plus négative du partenaire sur Internet que dans les situations de face-à-face. Dans
une étude de Hebert et Vorauer (2003), les participants, invités à évaluer un essai produit par un
autre participant non familier, lui communiquent cette évaluation en face-à-face ou bien par
courrier électronique. L’analyse des messages par des experts révèle que les évaluateurs
communiquant par courrier électronique expriment un jugement plus négatif sur la qualité du
travail que les évaluateurs en situation de face-à-face. Fischer-Lokou, Guéguen et Lépy (2004)
montrent également que, dans une tâche de négociation, les participants ont une représentation
du partenaire plus négative lorsqu’ils utilisent la messagerie électronique que lorsqu’ils sont en
face-à-face (par exemple, ils le considèrent plus agressif et rigide).
Par ailleurs, la CEMO serait peu efficace pour faire comprendre à autrui ses états mentaux. Dans
l’étude de Hebert et Vorauer (2003), les participants perçoivent leur évaluation plus
négativement que ce que déclarent les évaluateurs, lorsque cette évaluation est faite par courrier
électronique. En fait, les experts considèrent les jugements exprimés par les évaluateurs moins
clairs en situation de CEMO qu’en situation de face-à-face. De même, Kruger, Epley, Parker et
Ng (2005) observent un décalage important entre ce que l’auteur d’un message pense
communiquer (tonalité du message : humoristique, sérieuse, triste ou de colère) et ce qui est
perçu par le destinataire. Le décalage diminue lorsque les participants disposent d’indices non
verbaux : message transmis par un enregistrement audio ou en face-à-face.
Dans ces trois études, les auteurs font référence à la théorie du filtrage des indices sociaux et
expliquent donc l’impact négatif de la CEMO par l’absence du canal non verbal, qui rendrait
difficile l’expression des états mentaux et des attitudes (dimension socio-émotionnelle non
présente ou message ambigu). Kruger et coll. (2005) font l’hypothèse que les participants ont
une confiance trop élevée en l’efficacité de leurs messages : ils n’ont pas conscience de leur
ambiguïté et ne réussissent donc pas à anticiper correctement l’interprétation que peut en faire
autrui. Ainsi, lorsqu’ils sont conduits à se décentrer (en lisant leur message avec une intonation
contraire à l’intention de départ), la perception qu’ils ont du message converge davantage avec
celle du destinataire.
Si les individus ne parviennent pas à comprendre les états mentaux de leur partenaire sur
Internet, diverses dimensions des échanges devraient être affectées. Par exemple, l’étude de
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Kato, Kato et Akahori (2007) indique que, dans une situation de CEMO, le décalage entre
émotions exprimées et émotions perçues par autrui conduit les participants à ressentir davantage
d’émotions négatives. De même, Fischer-Lokou et coll. (2004) observent que les participants ont
plus de difficultés à obtenir un consensus et à dépasser le conflit en situation de CEMO qu’en
face-à-face. Jettmar et Rapp (1996) considèrent que même les relations durables comme l’amitié
sont affectées par le manque d’informations non verbales. Ces auteurs ont réalisé une enquête
auprès d’étudiants déclarant avoir des amis rencontrés en face-à-face et par Internet. Evaluant la
qualité de leurs relations amicales dans ces deux contextes, ces étudiants perçoivent leurs
relations comme moins satisfaisantes avec les amis virtuels, et les degrés d’intimité et
d’attraction interpersonnelle moins élevés. Toutefois, ces résultats peuvent être nuancés car la
méthode employée soulève quelques problèmes : les réponses risquent d’être biaisées par les
représentations sociales sur les TIC et d’être en décalage par rapport aux comportements. Par
ailleurs, il est difficile de s’assurer du caractère comparable des relations amicales considérées
par les participants pour répondre au questionnaire : peu d’informations sont recueillies sur leurs
caractéristiques.
La théorie du renforcement des indices sociaux
– Présentation de la théorie
En développant une théorie du renforcement des indices sociaux (social information processing),
Walther (1996) s’oppose à la théorie du filtrage des indices sociaux et considère que la CEMO
peut transmettre des informations socio-émotionnelles. Walther (1996) fait l’hypothèse que
l’absence d’indices non verbaux perturbe la communication socio-émotionnelle mais ne
l’empêche pas : les individus chercheraient à réduire l’incertitude sur autrui et à établir des
relations intimes, même si le média est peu propice. Ils vont en fait adapter leurs comportements
langagiers et développer des stratégies pour représenter la dimension sociale et relationnelle, par
exemple en utilisant des smileys ou en se dévoilant au partenaire.
Selon Walther (2007), la CEMO présente des caractéristiques qui sont en fait favorables à la
mise en œuvre de ces stratégies. En effet, les participants disposent de temps pour produire le
message, ils peuvent le modifier, l’améliorer pour qu’il soit le plus proche possible de l’attitude
qu’ils souhaitent manifester. La CEMO leur permettrait de contrôler leur image, leur attitude et
les émotions manifestées plus facilement qu’en situation de face-à-face. Selon Walther (1996), la
communication sur Internet serait donc plus personnelle ; il parle même de communication
hyperpersonnelle.
Ainsi, Walther et Boyd (2002) affirment que la CEMO favorise le dévoilement des expériences
émotionnelles négatives. Ces auteurs analysent les motivations des participants à des forums de
soutien social (essentiellement des forums pour des personnes faisant face à des problèmes de
santé). Pour ce type de situation où les participants exposent des émotions négatives, l’anonymat
serait particulièrement favorable au dévoilement émotionnel car les participants peuvent être plus
distanciés par rapport au jugement possible d’autrui. Caplan et Turner (2007) partagent cette
analyse : l’exposition d’émotions négatives serait moins menaçante en situation d’anonymat.
Deux types de données empiriques confortent la théorie du renforcement des indices sociaux :
l’observation de procédés visant à manifester des émotions et l’existence de relations intimes
entre internautes4.
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L’intimité peut être considérée comme un indicateur de la qualité de la communication émotionnelle puisque par
définition, elle implique un partage affectif entre les participants.
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
– Procédés d’expression des émotions sur Internet
L’utilisation des smileys et le dévoilement de soi sont les procédés expressifs les plus typiques de
la manifestation des émotions sur Internet (Riva, 2001).
L’utilisation des smileys dans les messages permettrait de remplacer au moins en partie la
dimension non verbale (Derks, Bos et von Grumbkow, 2007 ; Marcoccia, 2000a ; Utz, 2000).
Les smileys sont particulièrement intéressants pour l’expression des émotions puisqu’il s’agit
d’une séquence de caractère représentant des mimiques faciales (cf. tableau 1). L’utilisateur peut
produire cette figure à partir des touches de son clavier ou bien parfois les sélectionner
directement dans l’interface et ensuite les insérer dans le message.
Tableau 1. Exemples de smileys (dans Riva, 2001)
:-)
Signification
supposée
Joie,
humour et
parfois
sarcasme
;-)
Sarcasme
:-(
Tristesse
et colère
:-D
8-O
Rire
Stupéfaction
:-<
Grande
tristesse
La production des smileys dans les messages semble répondre à des règles sociales comparables
à celles de la production des expressions faciales émotionnelles. Notamment, la variabilité de
l’expressivité en fonction du sexe et du contexte social, observée en face-à-face (Fischer et coll.,
2003), se vérifie également pour l’utilisation des smileys. Ainsi, Witmer et Katzman, (1997)
constatent que les femmes utilisent davantage les smileys que les hommes. Derks et coll. (2007)
observent que l’usage des smileys est plus fréquent dans une activité orientée vers le partage
social (discussion avec un ami pour trouver un cadeau) que dans une activité orientée vers une
tâche (projet scolaire avec un pair).
La fonction expressive des smileys est pourtant discutable. Ainsi, Walther et D’Addario (2001)
remettent en cause cette fonction expressive et l’importance des smileys dans la compréhension
des messages. Cette étude, à l’inverse de celles citées précédemment, concerne l’interprétation
des messages : les participants doivent évaluer des messages comportant des smileys dont la
signification est parfois contradictoire par rapport au contenu verbal du message. Les résultats
indiquent que les smileys ont en fait peu d’impact sur l’interprétation des messages et des affects
associés, lorsqu’ils s’opposent au contenu verbal. De ce point de vue, les smileys sont très
différents des expressions faciales, qui, lorsqu’elles sont discordantes avec le message verbal,
perturbent la compréhension des affects (Ekman, Friesen, O’Sullivan et Scherer, 1980). Pour
Walther et D’Addario (2001), les smileys ont plutôt une fonction phatique de maintien du
contact, comme les expressions ritualisées (par exemple, « ça va ? »). Par ailleurs, les smileys se
distinguent de certains comportements non verbaux par leur caractère intentionnel (Walther et
D’Addario, 2001). Ils sont produits volontairement et il semble impossible que cette production
soit automatique, irrépressible, contrairement à certaines manifestations corporelles des émotions
(pleurs, rougissement, sursaut). Du côté de celui qui interprète ces signes, cette caractéristique
peut avoir des conséquences sur la confiance qui leur est accordée en tant qu’indices
émotionnels.
Ces différents travaux sur les smileys fournissent donc des résultats contradictoires. Cette
contradiction peut s’expliquer par des différences méthodologiques. Certains travaux se
focalisent sur la production des smileys dans les messages et donc sur la signification que
9
Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
l’auteur leur accorde alors que d’autres, plus rares, étudient leur compréhension par le
destinataire.
Pour dépasser cette contradiction, il faut admettre que l’interprétation des smileys est sans doute
un processus complexe. Tout d’abord, certaines personnes ne tiennent peut-être pas compte des
smileys pour interpréter les messages, par exemple les personnes peu familières avec ce type de
procédé. De plus, l’interprétation des smileys varie selon les caractéristiques des messages dans
lesquels ils apparaissent. Marcoccia et Gauducheau (2007) montrent que la fonction expressive
des smileys dépend en fait de la valeur expressive du contenu verbal. Dans leur étude, les
participants doivent identifier la nature et l’intensité des émotions manifestées dans différents
messages extraits de forums Internet (messages produits en situation naturelle, à la différence de
Walther et D’Addario, 2001). Les résultats montrent que le smiley triste renforce le caractère
triste ou diminue le caractère joyeux du message de son auteur quelle que soit la valeur
expressive du contenu verbal (valence négative ou neutre). En revanche, les smileys sourire et
clin d’œil renforcent le caractère joyeux du message lorsque le contenu verbal est peu marqué
émotionnellement mais l’atténuent lorsque le contenu verbal exprime déjà une émotion positive.
On peut faire l’hypothèse que la sincérité de la joie exprimée dans le message est remise en
cause lorsqu’il y a une accumulation de procédés expressifs. Cela suggère qu’il existerait
certaines règles pour manifester des émotions dans les messages, différentes selon la nature de
l’état affectif exprimé.
De plus, les smileys ont plusieurs fonctions dans les échanges. Selon Marcoccia (2000a, 2000b),
les smileys peuvent aussi servir à désamorcer le caractère menaçant ou agressif d’un énoncé
(procédé de politesse) et indiquer le type de relations que l’auteur désire entretenir avec son
destinataire (marqueur de relation). Les smileys contribueraient à lever les ambiguïtés, aider le
destinataire à interpréter le message par exemple lorsqu’il est ironique (fonction interprétative).
D’autres procédés pour la communication émotionnelle sont observables dans la CEMO. Ainsi,
l’expression des émotions est également présente lors de séquences de dévoilement de soi. Dans
une enquête réalisée auprès d’internautes utilisant des forums de discussion (Parks et Floyd,
1996), de nombreux participants déclarent se dévoiler auprès des personnes avec qui ils
communiquent régulièrement dans les forums. De la même manière, Joinson (2001) montre que
des participants non familiers se dévoilent davantage lorsqu’ils communiquent avec une
messagerie instantanée que lorsqu’ils communiquent en face-à-face, même dans une situation
qui n’est pas supposée favorable au dévoilement (résolution de problème). Tidwell et Walther
(2002) trouvent des résultats similaires. Pour Joinson (2001), le dévoilement de soi est le résultat
d’une conscience de soi plus élevée, elle-même produite par l’anonymat. La CEMO conduirait
en effet les individus à se focaliser sur eux même et à davantage faire part de leurs états internes
et expériences personnelles5.
D’autres stratégies d’expression des émotions sont utilisées par les individus dans la composition
des messages. Par exemple, Atifi, Gauducheau et Marcoccia (2006) observent que les
participants à des forums de discussion expriment leurs émotions par des moyens graphiques et
typographiques (ponctuation expressive, capitales) et par l’explicitation d’états émotionnels (« je
suis en colère », « je veux faire part de ma grande tristesse »). Delfino et Manca (2007) montrent
que des participants à un dispositif d’apprentissage à distance utilisent le langage figuratif
(métaphores, hyperboles, litote) pour exprimer leurs sentiments et émotions.
5
Les travaux sur la conscience de soi pourraient permettre de compléter ces analyses (par exemple, Silvia et Duval,
2001).
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
– Intimité des relations sur Internet
Selon Walther (1996), un moyen supplémentaire d’étayer sa théorie est de vérifier que les
individus réussissent à établir le même type de relation en CEMO qu’en face-à-face. Des études
montrent en effet que les individus perçoivent les relations avec autrui aussi intimes lorsqu’elles
sont établies par l’intermédiaire de la CEMO qu’en face-à-face (Hian et coll., 2004 ; Parks et
Floyd, 1996 ; Tidwell et Walther, 2002). Néanmoins, Walther (1996) souligne que le processus
de construction de l’intimité par la CEMO prend plus de temps qu’en face-à-face. C’est ce
qu’observent Hian et coll. (2004) qui comparent l’évolution de la perception de l’intimité6 entre
des participants non familiers, au cours d’une tâche de collaboration effectuée en face-à-face ou
par messagerie instantanée. Les relations sont considérées comme aussi intimes dans les groupes
communiquant avec une messagerie instantanée que ceux qui interagissent en face-à-face.
Cependant, les auteurs observent que le niveau d’intimité des relations n’évolue au cours des
trois séances de travail que pour les groupes utilisant un dispositif de CEMO. Tidwell et Walther
(2002) observent également une évolution des relations dans le temps propre à la CEMO : les
participants communiquant en ligne manifestent de plus en plus de comportements pour réduire
l’incertitude sur autrui et de confiance au fil des discussions (pas d’évolution pour les
participants en face-à-face).
Ces travaux témoignent de la possibilité d’établir des relations intimes en ligne et constituent
ainsi un argument en faveur de la théorie de Walther (1996). Néanmoins, ils peuvent être
interprétés, à un second niveau, comme les indices de certaines difficultés des internautes. Ces
derniers tentent de pallier les limites du dispositif : ils ont besoin de temps et de plus d’échanges
pour considérer leurs relations intimes, pour se sentir en confiance. Les résultats de l’enquête de
Parks et Floyd (1996) sont également équivoques puisque une fois des relations intimes établies
sur le forum, les participants échangent également avec d’autres moyens de communication
(courrier électronique, téléphone, courrier et face-à-face). Ainsi, cette étude ne permet pas de
savoir si une relation intime peut être maintenue uniquement par la CEMO, sans autre mode de
communication.
Les travaux montrent également que l’appropriation du dispositif par les individus facilite le
développement de relations intimes. Par exemple, dans l’étude de Parks et Floyd (1996), les
participants qui déclarent construire des relations intimes avec leurs partenaires (60% des
personnes interrogées), sont ceux qui participent à plusieurs forums de discussion depuis
longtemps. De même, Utz (2000) réalise une enquête auprès de participants à des jeux
massivement multi joueurs et constate que la construction d’amitiés est liée à l’utilisation
fréquente du paralangage proposé par le système : les smileys, les abréviations d’actions
manifestant un état émotionnel (par exemple, MDR pour « mort de rire ») et les emotes qui sont
des formulations exprimant un état affectif, l’utilisateur n’ayant plus qu’à rajouter son nom (par
exemple, <Nom> est si content qu’il pourrait embrasser le monde entier).
Cette étude montre par ailleurs que ce sont les individus les moins sceptiques sur le potentiel
social de la CEMO (possibilité de se faire des amis, d’exprimer ses émotions de façon
adéquate…) qui développent le plus d’amitiés en ligne.
6
L’intimité est définie par trois dimensions : l’attraction/la proximité (immediacy), la similarité, et la réceptivité
(intérêt/attention envers autrui) (Burgoon et Hale, 1987, cité par Hian et coll., 2004).
11
Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
BILAN CRITIQUE DES TRAVAUX DANS LE DOMAINE DE LA CEMO
Deux théories concernant l’effet de la CEMO sur la communication émotionnelle ont été
exposées dans la partie précédente : la théorie du filtrage des indices sociaux (Sproull et Kiesler,
1986) et la théorie du renforcement des indices sociaux (Walther, 1996, 2007). Ces deux théories
partent du même constat : l’absence des indices non verbaux et l’anonymat constituent des
caractéristiques peu favorables à la communication des émotions. Elles aboutissent néanmoins à
des conclusions opposées. Selon la théorie du filtrage des indices sociaux, les limites du média
ne peuvent pas être dépassées et la communication émotionnelle est nécessairement
problématique. Selon la théorie du renforcement des indices sociaux, les participants réussissent
à dépasser les limites du média en ayant recours à des stratégies spécifiques pour exprimer leurs
émotions lors de la production des messages. La CEMO permettrait même aux participants de
pouvoir mieux contrôler la relation établie avec autrui qu’en face-à-face. En effet, le caractère
écrit des échanges faciliterait une activité réflexive sur les stratégies à mettre en œuvre pour
construire, orienter, maintenir la relation.
Des résultats empiriques étayent chacune des théories. Néanmoins, une analyse critique de ces
travaux nous conduit à considérer que la théorie du renforcement des indices sociaux est plus
pertinente pour analyser la communication des émotions sur Internet. Cette critique s’appuie sur
l’examen de deux dimensions : la compatibilité de chaque théorie avec les travaux sur la
communication émotionnelle en face-à-face, l’apport et les limites des travaux pour l’étude de
chaque niveau de la communication émotionnelle (émotion ressentie, émotion exprimée,
évaluation/réaction du partenaire).
La compatibilité avec les travaux sur la communication des émotions en face-à-face
Nous allons examiner plus particulièrement dans quelle mesure l’analyse des auteurs sur
l’impact de l’absence du canal non verbal et de l’anonymat est compatible avec les travaux sur le
face-à-face.
Le rôle de l’absence des indices non verbaux dans la CEMO
Nous considérons que la théorie du filtrage des indices sociaux accorde une place trop
importante à l’absence du canal non verbal pour analyser la CEMO. Les comportements verbaux
sont aussi importants à considérer que les comportements non verbaux dans la communication
des émotions. En effet, les individus s’appuient à la fois sur les canaux verbaux et non verbaux
pour inférer les émotions et attitudes d’autrui dans les situations de face-à-face (Ekman et coll.,
1980). De plus, l’importance accordée à l’absence du non verbal est sans doute liée à une
comparaison de la CEMO avec la communication orale en face-à-face. Pourtant, la comparaison
avec l’écrit (par exemple, le courrier) est également pertinente puisque la CEMO combine les
caractéristiques des registres de l’oral et de l’écrit (Marcoccia, 2000a).
La théorie du renforcement des indices sociaux présente une vision plus nuancée : l’impact
négatif de l’absence du canal non verbal peut être limité par la possibilité d’exprimer
verbalement des émotions dans les messages.
Le rôle de l’anonymat dans la CEMO
Pour Sproull et Kiesler (1986), l’anonymat des échanges limite la possibilité d’inférer l’identité
du partenaire et de comprendre alors ses émotions. Cette hypothèse est cohérente avec les
travaux sur le rôle de la connaissance d’autrui dans la compréhension des émotions en face-àface. En revanche, il ne semble pas juste de considérer que l’anonymat des échanges empêche
nécessairement la connaissance d’autrui. En effet, en situation d’anonymat, les individus peuvent
avoir accès à d’autres informations sur l’identité du partenaire, à travers la façon dont il se
12
Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
présente dans ses messages, son pseudonyme, etc. La connaissance du partenaire est restreinte
s’il s’agit d’un seul message mais une connaissance mutuelle est sans doute possible lorsque les
personnes échangent régulièrement, comme dans les forums de discussion. Par ailleurs, il ne faut
pas oublier que de nombreux échanges en situations de CEMO se réalisent entre partenaires
familiers dans le cadre d’activités particulières (courrier électronique professionnel, messagerie
instantanée entre amis).
La thèse de Walther (1996) est également plus nuancée sur la question de l’impact négatif de
l’anonymat. D’une part, cet auteur considère que les individus peuvent transmettre des
informations sur leur identité lorsqu’ils souhaitent établir des relations proches, tout en
préservant leur anonymat. En fait, l’impact de anonymat n’est en soi ni négatif ni positif. Cela
dépend de la stratégie de construction de relation mise en place par les individus. Ainsi, selon
Walther et Boyd (2002), l’anonymat facilite l’expression des émotions négatives dans les forums
de soutien social car il permet de se sentir moins exposé au jugement d’autrui. Cette observation
est, à première vue, contradictoire avec les travaux sur le partage social des émotions (Rimé,
2005) : les récits des émotions positives comme négatives sont adressés à des proches en face-àface. On peut résoudre cette contradiction en considérant que les personnes participant aux
forums présentent certaines caractéristiques qui les amènent à préférer se confier à des inconnus.
Ont-elles un entourage attentif et disponible ? Rencontrent-elles des difficultés depuis
longtemps ? Se sentent-elles ainsi davantage stigmatisées ? On peut également considérer qu’il
n’y a pas de contradiction et qu’il s’agit en fait de situations de partage d’expériences assez
différentes. Le partage social en face-à-face à des proches n’est pas contradictoire avec un
partage à distance auprès d’inconnus. Par ailleurs, s’adresser à des anonymes à distance ne
représente pas la même situation que s’adresser à des anonymes en face-à-face.
Les différences entre la théorie de Sproull et Kiesler (1986) et celle de Walther (1996), ainsi que
leur articulation avec les théories portant sur le face-à-face sont récapitulées dans le tableau
suivant.
Tableau 2. Théories sur la CEMO et études sur la communication émotionnelle en face-à-face
En face-à- face
Théorie du filtrage des Théorie du renforcement
indices sociaux
des indices sociaux
Canal :
verbal
verbal
Anonymat
/
non
Rôle central du non
verbal.
Rôle du canal verbal.
L’absence du canal non
verbal est problématique.
Le fait de connaitre une
personne facilite la
communication
émotionnelle.
L’anonymat
limite
communication
émotionnelle.
Le rôle du canal verbal
n’est pas pris en compte.
Mais,
confusion
anonyme et inconnu.
la
entre
Utilisation du canal verbal
pour pallier l’absence du
canal non verbal.
Utilisation de stratégies
discursives pour réduire
l’incertitude sur autrui et
ainsi dépasser l’anonymat
de départ.
Pour certaines stratégies,
l’anonymat favorise la
communication
émotionnelle.
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
Apport et limites pour l’étude de chaque niveau de la communication émotionnelle
La pertinence des travaux empiriques associés à chaque théorie peut être examinée en identifiant
leur contribution à la description de chaque niveau de la communication émotionnelle : émotion
ressentie, émotion exprimée, évaluation/réaction du partenaire.
Emotion ressentie
L’analyse des émotions ressenties est souvent absente des travaux sur la CEMO. Pourtant, ce
niveau s’avère particulièrement important dans le cadre d’une approche stratégique de la
communication émotionnelle (Walther, 1996, 2007). En particulier, l’étude du décalage entre
émotion manifestée et émotion ressentie serait un moyen d’accéder aux stratégies des individus
(quelles émotions sont contrôlées et dans quelles conditions ?).
Emotion exprimée
Les résultats qui étayent la théorie de Sproull et Kiesler (1986) portent essentiellement sur la
compréhension des états mentaux et ne traitent pas des manifestations émotionnelles, que Sproull
et Kiesler (1986) jugent réduites. Comme le souligne Walther (1996), cette théorie est mise en
cause par l’observation de la place importante qu’occupent les manifestations émotionnelles sur
Internet, comme les smileys ou le dévoilement de soi. Les flames qui sont des messages agressifs
et insultants, sont également un phénomène typique des échanges sur Internet, même si leur
fréquence est assez limitée et qu’ils sont prohibés par la Netiquette7 (Riva, 2001). Ainsi, il existe
bien des situations de CEMO qui présentent de nombreux des indices émotionnels. Le problème
qui se pose n’est donc pas tant la présence ou l’absence de manifestations des émotions en
situation de CEMO que leur spécificité.
De plus, la compréhension des états mentaux et attitudes du partenaire est étudiée uniquement du
point de vue de l’adéquation entre l’intention de l’auteur et la perception qu’en a le destinataire.
Le manque d’indices émotionnels ou leur ambiguïté est inféré à partir de la divergence des
jugements entre l’auteur et le destinataire, sans faire l’analyse des manifestations émotionnelles
présentes dans le message. Il manque alors une étape pour étayer la thèse du filtrage des indices
sociaux. Celle-ci consisterait à identifier les procédés utilisés par les participants pour exprimer
par écrit leurs émotions et montrer leur limite pour permettre au destinataire d’évaluer les
émotions exprimées.
A l’inverse, Walther (1996) se focalise sur les moyens mis en œuvre par les individus pour
exprimer leurs émotions en fonction des buts poursuivis. Comme cela a déjà été souligné,
l’utilisation des smileys et du dévoilement de soi sont des procédés fréquents mais il existe
d’autres stratégies expressives, qui sont encore peu étudiées. Les procédés utilisés par les
participants semblent utilisés pour recontextualiser les échanges : remplacer la dimension non
verbale dans le cas des smileys, renforcer les informations personnelles pour le dévoilement de
soi.
Evaluation / réaction du partenaire
Dans le cadre de la théorie du filtrage des indices sociaux, les travaux ont largement mis en
évidence les difficultés de compréhension des émotions et états mentaux en situation de CEMO.
Ces résultats sont importants à prendre en compte mais leur généralisation à l’ensemble des
situations de CEMO est problématique. En effet, ce sont des dispositifs expérimentaux qui
accentuent le caractère décontextualisé des échanges : les individus ne se connaissent pas et
communiquent dans le cadre de séances limitées dans le temps. Or, les travaux sur la
communication émotionnelle en face-à-face montrent que les capacités des individus à exprimer
7
La Netiquette est un ensemble de règles de bonne conduite sur Internet.
14
Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
leurs émotions et à comprendre les émotions de leur partenaire évoluent lorsque les échanges se
déroulent à plus long terme. Les connaissances sur le partenaire peuvent en effet servir de cadre
de référence pour interpréter les états émotionnels manifestés et adapter son comportement
expressif. Ainsi, les difficultés de compréhension mutuelle, mises en évidence dans ces études,
pourraient également être expliquées par l’absence d’un contexte partagé. De plus, dans les
situations expérimentales, il est probablement plus difficile d’identifier les enjeux de la
communication (rôles, objectifs de la communication), ainsi que les normes expressives adaptées
à la situation. La thèse de Sproull et Kiesler (1986) nécessite donc d’être confrontée à l’analyse
de situations de CEMO pour lesquelles l’établissement d’un contexte partagé entre les
participants est moins problématique.
A l’inverse, les travaux qui étayent la thèse de Walther (1996) concernent peu la compréhension
des émotions, sinon à travers la question de la dimension intime des échanges. Les études sont
également le plus souvent expérimentales, mais prennent en compte l’évolution des échanges
dans le temps et certains éléments du contexte social, comme le statut des participants (Walther,
2007).
Cependant, l’analyse de Walther (1996) semble un peu trop optimiste sur l’intelligibilité des
émotions manifestées en CEMO. D’une part, le fait de manifester ses émotions en CEMO ne
garantit pas que le partenaire puisse effectivement les interpréter de façon pertinente,
contrairement à ce que peut laisser penser la thèse de Walther (1996). En effet, même en
situation de face-à-face, les individus ne réussissent pas toujours à identifier correctement les
émotions d’autrui (Hess et Blairy, 2001). D’autre part, Walther lui-même, dans l’étude menée
avec D’Addario (Walther et D’Addario, 2001), montre bien que des procédés expressifs comme
les smileys ne sont pas toujours identifiés comme tels par les individus.
Si l’on récapitule les apports et les limites des travaux associés à chacune des théories (cf.
tableau 3), on observe que, finalement, ces deux théories se distinguent sur leur approche de la
communication émotionnelle. La théorie du filtrage des indices sociaux étudie la communication
émotionnelle comme un phénomène de codage/décodage des émotions et la théorie du
renforcement des indices sociaux, à partir de sa fonction dans les relations interpersonnelles (ici,
la construction de l’intimité).
Tableau 3. Apport et limites des travaux pour la compréhension de chaque niveau de communication émotionnelle
Théorie du filtrage des indices Théorie du renforcement des
sociaux
indices sociaux
Emotion ressentie
Pas étudié
Pas étudié
Emotion exprimée
Pas étudié mais prise en compte
des intentions expressives
Etude des stratégies d’expression
des émotions
Travaux sur la compréhension des
émotions/états mentaux.
Peu d’études sur la compréhension
des émotions
Evaluation
partenaire
/
réaction
du
Etude sur l’intimité
Conclusion
Les travaux sur la CEMO montrent que la communication des émotions sur Internet est possible
mais complexe car elle implique des comportements particuliers pour s’adapter à la situation,
que ce soit au niveau de l’expression ou de la compréhension des émotions. Aussi, pour aborder
la communication émotionnelle en situation de CEMO, la théorie du renforcement des indices
sociaux (Walther, 1996) constitue un cadre d’analyse plus pertinent que la théorie du filtrage des
indices sociaux (Sproull et Kielser, 1986). L’analyse de Walther en termes de stratégies de
production permet d’intégrer la question des procédés expressifs, du contexte de l’échange et des
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
buts poursuivis par les participants. Des données sont néanmoins encore nécessaires pour étayer
la thèse de Walther, en particulier pour mieux caractériser les stratégies des individus et leurs
effets sur le destinataire.
QUELLES APPROCHES POUR ANALYSER LA COMMUNICATION EMOTIONNELLE
DANS LES SITUATIONS DE CEMO ?
Comme on l’a vu, les travaux défendant la thèse de Sproull et Kiesler (1986) ou de Walther
(1996) ne traitent finalement qu’une seule question : la CEMO favorise-t-elle ou au contraire
entrave-t-elle la communication émotionnelle ? Les réponses à cette question sont hétérogènes et
il semble nécessaire de la dépasser pour analyser de manière plus pertinente la communication
émotionnelle sur Internet.
Ainsi, il nous semble plus pertinent de traiter les trois questions suivantes :
-
Comment s’articulent les différents niveaux de la communication émotionnelle ? Les
émotions ressenties sont-elles convergentes avec les émotions exprimées ? Ces dernières
correspondent-elles aux émotions perçues ?
-
Lorsqu’une situation de CEMO accorde une place importante aux émotions, comme le
soutien social, quels sont le rôle et la nature de la communication émotionnelle ?
-
Existe-t-il des normes portant sur la communication émotionnelle en situation de
CEMO ?
Ces trois questions permettent de dépasser le débat sur la possibilité ou la richesse de la
communication émotionnelle sur Internet et permettent de traiter de l’intelligibilité, du rôle, de la
nature et de la dimension normative des émotions en CEMO.
La première proposition est donc de mener conjointement l’analyse des émotions ressenties,
manifestées et leur compréhension par autrui.
Gauducheau et Marcoccia (2007) ont étudié la relation entre émotion ressentie et émotion
exprimée en filmant des séances de messagerie instantanée et en analysant la concordance entre
le contenu expressif des messages et les mimiques faciales des participants (considérées comme
des indices de l’émotion ressentie). Ils observent des cas où des marqueurs d’émotion dans les
messages ne sont pas associés à des indices émotionnels non verbaux, par exemple, exprimer une
émotion positive dans le message (par un smiley) en l’absence de mimique faciale concordante.
La signification de ce décalage est différente selon le contexte de l’échange : il peut notamment
indiquer que l’émotion exprimée dans le message n’est pas ressentie, mais correspond à un
procédé de politesse (par exemple, faire semblant de partager la joie de son partenaire).
Une démarche d’analyse conjointe de la production et de la réception des émotions peut
permettre de comprendre et dépasser les contradictions entre les résultats des travaux présentés
plus haut. Cette démarche est suivie par Marcoccia & Gauducheau (2007), dans une étude sur les
smileys. Dans un premier temps, la fonction des smileys est caractérisée sur la base de l’analyse
conversationnelle de messages issus de forums Internet. Dans un second temps, certains
messages sont soumis à une évaluation par des individus, dans le cadre d’une démarche
expérimentale, afin de tester les fonctions identifiées en production. Cette étape a permis, outre
la validation des fonctions identifiées, de montrer la complexité du processus de compréhension
des émotions manifestées dans un message. Les internautes intègrent plusieurs informations pour
produire leur jugement : les smileys, la valeur expressive du contenu verbal et la valence des
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
émotions exprimées. Ces résultats contribuent à montrer que des stratégies différentes peuvent
être observées en production et en réception. Par exemple, le smiley sourire en production aurait
bien comme fonction de renforcer l’expression d’émotions positives alors qu’en réception cette
fonction apparaît uniquement si le contenu verbal a une valence neutre ou une valence
émotionnelle positive de faible intensité. Cette étude souligne par ailleurs l’intérêt de combiner
l’observation de situations naturelles (analyse des messages) avec une démarche expérimentale.
Elle nous amène aussi à faire l’hypothèse que les décalages observés entre émotions exprimées
et émotions perçues peuvent être liés à l’absence de normes partagées ou encore à une faible
maîtrise des normes par l’un des participants.
Une deuxième proposition est donc d’analyser la communication des émotions sur Internet, en se
focalisant sur la question des normes et des règles expressives : quelles normes de la
communication émotionnelle en CEMO ? Comment sont-elles établies ? Quel est leur
importance dans les stratégies d’expression et d’interprétation des émotions en situation de
CEMO ?
Il s’agit tout d’abord de déterminer les émotions qui peuvent être exprimées, leur intensité, leurs
procédés d’expression, les destinataires auprès desquels elles peuvent être manifestées ?
Il s’agit également de déterminer la manière dont les normes s’établissent : observe-t-on des
normes générales communes à toutes les situations de CEMO et/ou des normes restreintes à un
type de dispositif (forums, messageries, etc.) ou d’activité (groupe de travail, entraide, etc.). Les
internautes peuvent en effet développer une connaissance des normes sur la manifestation des
émotions, notamment sur la signification des procédés expressifs, à partir de leurs expériences
sur Internet. Par exemple, Marcoccia et Gauducheau (2007) ont montré que l’interprétation des
smileys est différente selon la familiarité des participants avec les dispositifs (forums,
messageries). La Netiquette, qui décrit les conduites préconisées sur Internet, contient des règles
sur les manifestations émotionnelles et constitue donc une source de connaissances pour les
internautes. Des normes peuvent être construites à un niveau plus local, au niveau interpersonnel
à mesure que les individus deviennent de plus en plus familiers et multiplient les échanges dans
le temps. Selon Baym (1998), des formes expressives particulières se construisent également au
sein d’une communauté (smileys, humour, etc.). Elles contribuent à créer et codifier un ensemble
de significations partagées spécifiques à la communauté et ainsi construire/renforcer le sentiment
d’appartenance à la communauté.
Il s’agit enfin d’évaluer l’importance de ces normes pour la communication des émotions sur
Internet et de spécifier les contextes où la connaissance des normes semble particulièrement
cruciale. On peut penser que c’est le cas dans les situations d’anonymat et de très faible
connaissance mutuelle, pour lesquelles les individus ne peuvent faire appel qu’aux normes
sociales pour interpréter les émotions d’autrui. En effet, les normes sociales sont fortement
utilisées par les individus pour interpréter les émotions de leur partenaire lorsqu’ils le
connaissent encore mal ; ils s’appuient ensuite sur des informations plus personnelles le
concernant (Hess et Kirouac, 2000). Cette hypothèse est cohérente avec les travaux de Postmes
et coll. (1999), qui montrent que l’anonymat sur Internet donne une plus grande importance aux
normes sociales (identité groupale exacerbée par l’anonymat).
Une troisième proposition est d’étudier des activités où la communication des émotions est un
enjeu important, par exemple les situations de soutien social. Tout d’abord, cela renforce la
possibilité d’avoir un contexte partagé entre les participants, concernant les enjeux de la
situation. De plus, cette approche rend plus facile l’identification des stratégies des participants
en tenant compte des fonctions que peuvent remplir l’expression et la compréhension des
émotions dans les échanges.
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Article publié en 2008 dans Bulletin de Psychologie, tome 61 (4), pp. 389-404.
Le soutien social en ligne est donc un type d’activité privilégié pour étudier la communication
des émotions (par exemple, les forums de discussion sur les problèmes de santé comme
Doctissimo). Stroebe et Stroebe (1996) distinguent en effet plusieurs dimensions du soutien
social : soutien émotionnel (estime de soi, confiance, affects), évaluation (comparaison sociale,
rétroaction, confirmation), soutien informationnel (suggestions, conseils) et soutien instrumental
(aide matérielle). Les travaux sur le soutien social en ligne soulignent le rôle central de la
dimension émotionnelle des échanges (Blank et Adams-Blodnieks, 2007 ; Owen, Yarbrough,
Vaga et Tucker, 2003 ; Preece, 1999). Par exemple, Preece (1999) observe que les demandes et
les propositions de soutien social sont marquées par la compréhension mutuelle, l’entraide et le
partage d’expériences. Les messages portent également sur le récit d’histoires personnelles.
Etudier la fonction des émotions dans le soutien social en ligne amène à explorer deux
hypothèses. Tout d’abord, les manifestations émotionnelles pourraient contribuer à
l’établissement d’une relation de familiarité similaire à celle qui est préalable pour le soutien
social en face-à-face (soutien trouvé auprès de la famille ou des amis). La réalisation du soutien
social est favorisée par la proximité entre la personne qui le demande et celle qui l’apporte
(Rimé, 2005). La communication émotionnelle contribuerait donc à établir cette proximité,
problématique en situation de CEMO.
Par ailleurs, les manifestations émotionnelles permettraient d’obtenir plus facilement de l’aide.
Par exemple, les individus pourraient renforcer la dimension émotionnelle de leurs
expériences/récits, non seulement pour établir de la proximité, mais aussi pour susciter l’intérêt
d’autrui et obtenir plus sûrement une réponse.
Ces hypothèses doivent être vérifiées à partir de l’analyse de diverses caractéristiques des
manifestations émotionnelles comme la valence des émotions, la structure/présentation du récit
de l’expérience émotionnelle. De plus, elles impliquent d’analyser l’organisation des échanges,
par exemple, en identifiant les types de messages qui suscitent le plus souvent des réponses de
soutien émotionnel.
En fait, il s’agit de comprendre la place des émotions dans le contrat de communication
(Ghiglione et Chabrol, 2000) qui est-sous jacent aux échanges de soutien social : les émotions
ressenties, manifestées et perçues peuvent être expliquées à partir à partir de la nature du contrat
de communication régissant l’activité et le degré de partage de ce contrat entre les participants.
CONCLUSION
Les travaux montrent que même si certaines caractéristiques de la CEMO sont à priori peu
favorables à l’expression et la compréhension des émotions, notamment l’absence des
comportements non verbaux, les manifestations émotionnelles tiennent une place importante
dans ces échanges. Plusieurs indicateurs en témoignent : l’utilisation des smileys, le dévoilement
de soi ou encore la capacité de certains participants à établir des relations intimes. Pour
communiquer leurs émotions, les participants mettent en place des stratégies pour s’adapter à la
situation de communication particulière, qui consistent pour l’essentiel à recontextualiser les
échanges. Nous avons voulu montrer que le problème que pose la communication des émotions
dans les dispositifs de CEMO n’est pas tant d’identifier les limites du média que d’identifier à
quelles conditions les individus peuvent s’adapter pour tenter de dépasser ces limites.
Ainsi, la théorie du renforcement des indices sociaux de Walther (1996, 2007) constitue une
approche heuristique puisqu’elle vise à décrire les stratégies d’adaptation des participants et ne
se limite pas aux caractéristiques du média comme seul déterminant des conduites observées sur
Internet. Néanmoins, une approche en termes de stratégie nécessite de prendre davantage en
compte le contexte des échanges dans les études, afin de déterminer quelles sont les fonctions de
l’expression des émotions et quelles sont les normes expressives dans la situation étudiée. Pour
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cela, nous proposons d’analyser la communication des émotions dans le cadre d’activités régies
par un contrat de communication mettant au premier plan l’expression des émotions, comme le
soutien social. De plus, nous pensons que cette démarche peut permettre de mieux comprendre
les difficultés de compréhension des états mentaux du partenaire observées dans certaines études.
Le bilan des travaux montre également l’importance d’analyser plus spécifiquement la
manifestation des émotions à l’écrit et de combiner cette analyse avec l’étude de la
compréhension de ces manifestations par le destinataire. Les méthodologies à mobiliser pour
aborder la CEMO sont donc nécessairement multiples : analyse linguistique des messages,
analyse de la dynamique des échanges, expérimentations.
Enfin, l’étude des situations de CEMO permet de renouveler un certain nombre de questions
anciennes en psychologie sur l’expression et l’interprétation des émotions : quels sont les liens
entre comportement non verbal et expression des émotions, quelles sont les conditions du
partage des émotions, quelles informations sont prises en compte pour interpréter les émotions
d’autrui, quelle est l’importance des normes sociales ? Enfin, ces travaux peuvent être appliqués,
dans une démarche d’aide à la conception : l’identification de facteurs impliqués dans la
communication des émotions sur Internet peut permettre de proposer des dispositifs plus adaptés
pour soutenir les échanges (réflexion sur les règles de fonctionnement des dispositifs, le rôle des
modérateurs et la conception d’interfaces spécifiques).
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