de la nostalgie, du mal du pays. Ceci explique son style post-romantique exacerbé mais
toujours tonal ainsi que les nombreuses références au folklore russe et aux cantiques
religieux orthodoxes (Par exemple, au début de sa Troisième symphonie). Continuateur et
porteur de flambeau de la fin du romantisme russe, il semble prolonger naturellement la
tradition de Rimski-Korsakov et de Tchaïkovski avec ces éclats de timbres et ces sanglots à
peine contenus.
Cependant au niveau de l’instrumentation, le contact direct avec la musique américaine
influencera fortement le compositeur. Ses œuvres des années 30 et 40 révèlent un lyrisme
post-romantique presque hollywoodien. Rachmaninov restera célèbre surtout pour ses
quatre concertos pour piano. Il n’en demeure pas moins un excellent symphoniste * avec des
chefs-d’œuvre comme la Deuxième Symphonie, L’Ile des morts et les Danses symphoniques.
Rachmaninov meurt à Beverly Hills en 1943.
❷ La Onzième de Chostakovitch
Une épopée révolutionnaire
Pour bien entrer dans l’univers particulier de cette symphonie* majeure de Chostakovitch qui
obtint le Prix Lénine en 1958, commençons par un peu d’Histoire russe : l’année 1905
correspond à une période de révolte du peuple russe (à Saint-Pétersbourg, Moscou, Bakou
et Odessa notamment) contre le régime du Tsar Nicolas II. Dix mois de révolte et de grèves,
de janvier à octobre, dont le fameux épisode du Cuirassé Potemkine qui se range aux côtés
des révolutionnaires et désobéit aux ordres du Tsar, aboutissent à une constitution appelée
Manifeste d’Octobre.
Alors que le Régime Soviétique, dirigé par Khrouchtchev, commande à Chostakovitch une
symphonie pour le 40ème anniversaire de la Révolution de 1917, celui détourne légèrement la
demande en se focalisant sur la révolution avortée de 1905. Chacun des quatre
mouvements va donc évoquer un élément de la chronologie de 1905 mais pour le
compositeur, cette œuvre a une portée plus universelle : « Elle se rapporte à un phénomène
actuel : il y est question du peuple qui a perdu la foi car trop de crimes ont été commis… ».
Il s’agit donc d’une symphonie à programme, le compositeur nous donnant les clés grâce
aux sous-titres de chacun des mouvements.
« La Place du Palais » est un Adagio, mouvement lent, sombre et tendu, évoquant le
décor dans lequel eut lieu la tragédie du « Dimanche Rouge ». Par un froid matin de janvier,
à Saint-Pétersbourg, la Place du Palais d’Hiver va voir se regrouper entre 50 000 et 100 000
habitants pour une manifestation pacifique. Chostakovitch donne donc à entendre de la
musique glaciale : harmonies creuses des cordes dans des mouvements lents et sinueux,
sans direction précise, roulements lointains de timbales interrompus par des sonneries de
trompette (référence aux mouvements de l’Armée mobilisée pour contenir la foule) et par des
chants de lutte populaire. Le deuxième mouvement sous-titré « Le 9 janvier », relate la
tragédie en elle-même : d’abord la foule ondulante, agitée sous la forme d’une superposition
de différentes lignes mélodiques mouvantes. Ensuite se joue la répression sanglante de
l’Armée (tambours, trompettes) créant un chaos énorme, souligné par les percussions
tonitruantes. Le mouvement se termine par une désolation totale qui annonce le suivant,
« Mémoire éternelle ». Ce troisième mouvement est une des pages symphoniques les plus
poignantes. Les cordes entament seules ce long chant de deuil avant d’être rejointes, au