Ce cours propose un examen relativement détaillé de la pensée du
sociologue français Émile Durkheim (1858-1917) et de celle de
quelques-uns de ses principaux disciples groupés autour de l’Année
sociologique. La démarche comporte deux étapes complémentaires:
il s’agira en premier lieu de discuter des principaux ouvrages de
Durkheim (De la division du travail social, Les règles de la méthode
sociologique, Le suicide et Les formes élémentaires de la vie
religieuse), sans cependant s’y limiter, comme on le fait trop
souvent. Car pour bien saisir la portée scientifique de l’oeuvre de
Durkheim, on doit aussi analyser quelques-uns de ses textes parus
dans les principales revues philosophiques et sociologiques du
temps. Par exemple, le texte sur les représentations individuelles
et collectives qu’il publie dans la Revue de métaphysique et de
morale de 1898 est tout à fait fondamental et mérite une attention
particulière en ce sens qu’il fournit d’importantes précisions sur les
rapports de la sociologie et de la psychologie; d’une certaine
manière, il vient éclairer et compléter les Règles de la méthode
sociologique. D’autres textes encore, souvent méconnus, méritent
une relecture. On peut penser au texte « Suicide et natalité » de
1888 qui constitue l’élément initial de la réflexion de Durkheim sur
la question du suicide qu’il développe davantage dans son livre
classique de 1897. Est également intéressante, sinon essentielle, la
relecture des préfaces que Durkheim consacre aux deux premières
livraisons de l’Année sociologique. On trouve dans ces préfaces une
vision de la sociologie que l’on a souvent qualifiée d’impérialiste,
car Durkheim et ne manque pas d’y présenter la sociologie comme
la science maîtresse, comme la principale fédératrice des sciences
sociales naissantes.
C’est, d’une manière générale, cette vision de la sociologie que
Durkheim a tenté de transmettre à ses principaux collaborateurs
dont les travaux seront étudiés dans la seconde partie du cours. Il
nous a fallu ici être très sélectif et nous limiter à l’examen de ceux
que l’on considère généralement comme les plus importants
disciples de Durkheim. Les oeuvres de Célestin Bouglé, François
Simiand, Marcel Mauss et Maurice Halbwachs vont retenir
l’attention, car non seulement elles ont marqué d’une manière
décisive la sociologie et les sciences sociales, mais elles témoignent
avec éloquence de la diversité des différents champs d’intérêt qui
se développent autour de Durkheim et de l’Année sociologique. On
peut le montrer aisément par quelques exemples. Bouglé, sans
doute le plus critique, le moins orthodoxe vis-à-vis des thèses de