Une nouvelle cible pour le traitement de la résistance à
l’insuline chez les patients atteints de maladie rénale chronique
L’insuffisance rénale chronique (IRC) se complique très souvent
d’une insulino-résistance bien que les déterminants en demeurent mal
compris. Les travaux d’une équipe du laboratoire CarMeN de Lyon (INSERM
U1060, Université Lyon 1, INSA-Lyon) animée par le Pr. Denis Fouque et le
Dr . Christophe Soulage, démontrent pour la première fois
que l’accumulation d’une toxine urémique le p-crésyl-sulfate, produite par
le microbiote intestinal et normalement excrétée par les reins, pourrait
contribuer au développement de l’insulino-résistance chez les patients
atteints d'insuffisance rénale chronique. Ces travaux publiés dans la revue
Journal of the American Society of Nephrology (Koppe et al, J am Soc
Nephrol, 2013. 24(1): 88-99) montrent que chez la souris, comme sur des
cellules musculaires en culture, le p-crésyl sulfate peut induire une
insulino-résistance. En outre, le traitement de souris souffrant d’IRC avec
un prébiotique, qui réduit la production intestinale et diminue les taux
sanguins de p-crésyl-sulfate, prévient la résistance à l'insuline et les
anomalies lipidiques associées à l’IRC. Ces travaux mettent en exergue les
toxines urémiques comme de nouveaux acteurs des altérations
métaboliques associées à l’IRC et permettent d’envisager de nouvelles
pistes thérapeutiques pour mieux les prévenir.
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est fréquemment associée à une
résistance périphérique à l’insuline ce qui constitue un facteur de risque
cardiovasculaire majeur chez ces patients. On ne sait néanmoins pas pourquoi
les patients atteints de néphropathie chronique développent aussi souvent une
résistance à l'insuline. La rétention excessive de certains composés organiques,
normalement éliminés par voie rénale et excrétés dans l'urine, pourrait jouer un
rôle. L’un de ces composés est le p-crésyl sulfate (PCS), une toxine produite par
les bactéries intestinales par fermentation des protéines alimentaires. Du fait
d’une très forte fixation aux protéines plasmatiques, le PCS est très mal éliminé
par la plupart des techniques de dialyse et par conséquent il s’accumule chez les
patients insuffisants rénaux terminaux.
L’équipe animée par Denis FOUQUE et Christophe SOULAGE a cherché à
déterminer si l’accumulation de PCS contribuait à l'insulino-résistance associée à
l’IRC. Les chercheurs ont consta que l'administration chronique de PCS
(pendant 4 semaines) à des souris ayant une fonction rénale normale déclenchait
l’apparition d’une résistance à l'insuline, une perte de masse grasse, et une
redistribution ectopique de lipides dans les muscles et le foie, imitant en cela les
perturbations métaboliques associées à l'IRC. Les souris traitées avec du PCS
présentent une disruption de la voie de signalisation de l’insuline dans le muscle
squelettique liée à l’activation des kinases ERK1/2 (Extracellular signal-
regulated kinases 1/2). Ces données ont été confirmées par des études in vitro
dans lesquelles l'exposition de myotubes C2C12 à des concentrations de PCS
similaires à celles observées chez patients IRC provoque l'activation directe des
kinases ERK1/2 et des phosphorylations inhibitrices sur sérine de la protéine
IRS-1.
En outre, le traitement de souris souffrant d'IRC avec un prébiotique
1
(Arabino-
xylo-oligosaccharide, OptiFlor ®, Witaxos) qui réduit la production intestinale de
PCS et diminue les taux sanguins de cette toxine, prévient la résistance à
l'insuline et les anomalies lipidiques associées à l’insuffisance rénale.
Pris ensemble, ces résultats suggèrent que le PCS contribue à l'insulino-
résistance et que l’élimination du PCS pourrait aider à améliorer la santé des
patients atteints de néphropathie chronique. La résistance à l'insuline étant un
facteur de risque cardio-vasculaire important, de nouvelles approches
thérapeutiques telle l’utilisation de prébiotiques, pourraient diminuer le PCS de
façon plus importante que les stratégies actuellement disponibles, d'autant plus
que cette toxine n'est quasiment pas éliminée par les techniques classiques de
dialyse et séjourne donc à forte concentration chez les patients insuffisants
rénaux terminaux.
Ces travaux mettent en exergue les toxines urémiques (dont ils existent
plus de 90 représentants, voir http://www.uremic-toxins.org) comme de
nouveaux acteurs des altérations métaboliques associées à l’IRC et permettent
d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques pour mieux les prévenir.
Pour en savoir plus :
p-Cresyl Sulfate Promotes Insulin Resistance Associated with CKD.
Laetitia Koppe 1,2, Nicolas J.Pillon 1, Roxane E. Vella 1, Marine L. Croze 1, Caroline
C. Pelletier 1,2, Stéphane Chambert 3, Ziad Massy 4, Griet Glorieux 5, Raymond
Vanholder 5, Yann Dugenet 6, Hédi A. Soula 1, Denis Fouque 1,2, Christophe O.
Soulage 1.
1Université de Lyon, INSA de Lyon, CarMeN, INSERM U1060, Univ Lyon-1, F-69621, Villeurbanne, France
2Hospices Civils de Lyon, Department of Nephrology, Hôpital E Herriot, Lyon, F-69003, France.
3 ICBMS, UMR 5246 CNRS; Université de Lyon; Université Lyon 1; INSA-Lyon ; CPE-Lyon, Bât. Curien, 43 bd du 11
novembre 1918, F-69622 Villeurbanne, France
4INSERM U-1088, University of Picardie Jules Vernes, Divisions of Clinical Pharmacology and Nephrology, Amiens
University Hospital, F-80054 Amiens, France.
5Nephrology Section, Department of Internal Medicine, University Hospital, 9000 Ghent, Belgium
6 Witaxos DF3 SAS/BioActor b.v. BioPartner Center, 6229 EV Maastricht, The Netherlands .
Journal of the American Society of Nephrology. 2013. 24(1): 88-99
Contacts chercheurs:
Christophe SOULAGE
1
Les prébiotiques sont des fibres alimentaires (i.e. des oligosaccharides ou des polysaccharides à courte chaîne qui
échappent à la digestion dans l’intestin grêle) qui favorisent la croissance d’un nombre restreint de souches bactériennes
bénéfiques (bifidobactéries, lactobacilles,…) dans le côlon.
INSERM U1060 - Cardio-Métabolisme, diabétologie et Nutrition ( CarMeN)
INSA-Lyon
IMBL
11 avenue Jean Capelle
69 621 VILLEURBANNE cedex
Tel: 04 72 43 81 96
Fax: 04 72 43 85 24
Denis FOUQUE
INSERM U1060 - Cardio-Métabolisme, diabétologie et Nutrition ( CarMeN)
Département de Néphrologie
Hôpital E.Herriot
69437 LYON Cedex 03
France
Tel : 04 72 11 02 02
Fax : 04 72 11 02 03
Site web : http://carmen.univ-lyon1.fr
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