
La Tragédie du roi Richard II  — 5
À PROPOS DE LA PIÈCE
Quelle  curieuse  histoire  que  celle  de 
Richard  Plantagenet,  sacré  huitième 
roi  d’Angleterre  à  dix  ans,  assumant 
réellement les prérogatives de sa charge 
à quinze, renonçant au trône à trente-
deux,  avant  de  mourir,  emprisonné, 
l’année suivante, en 1400. Quelle fas-
cinante tragédie, quelle étonnante fic-
tion que celle écrite par Shakespeare en 
1595, à partir de la vie de ce monarque 
aux  contradictions  multiples,  aimé  et 
haï, fort et faible, qui se revendiquait à 
la fois homme et roi, et pas seulement 
souverain  de  droit  divin.  Roi  martyr 
pour les uns, roi faible, capricieux, in-
décis, injuste pour les autres : tous les 
qualificatifs ont été employés pour ca-
ractériser ce corps royal qui entraînera 
son royaume dans sa chute.
La pièce de Shakespeare témoigne de 
la  fin  d’un  monde  sur  les  décombres 
duquel l’anarchie et la barbarie règne-
ront. C’est là toute la contradiction de 
la conception du pouvoir incarnée par 
Richard II, qui se fonde sur la peur du 
désordre et conduit pourtant à plus de 
chaos et de violence. À l’invitation du 
metteur en scène Jean-Baptiste Sastre, 
Denis Podalydès endosse le rôle de ce 
« roi non-roi » comme il se nomme lui-
même, ce roi dont la souveraineté est 
rendue malade par un exercice du pou-
voir peuplé d’illusions.
La Tragédie du roi Richard II conte sa 
trajectoire, mais aussi celle, symétrique 
et malgré tout opposée, d’Henry Bo-
lingbroke, futur Henri IV. Tous deux 
s’affrontent  à  mort  dans  un  combat 
dont l’enjeu principal est la quête du 
pouvoir, combat qui les conduira l’un 
et  l’autre  à  une  douleur  commune. 
Pour  faire  entendre  aujourd’hui  la 
pièce,  l’écrivain  et  traducteur  Frédé-
ric Boyer a fait le choix d’une langue 
directe, nerveuse, qui rend compte du 
foisonnement  du  verbe  shakespearien 
hors  de  tout  romantisme.  Un  choix 
qui fait écho au goût de Jean-Baptiste 
Sastre pour les mots et la littérature.
Ce  spectacle  nous  offre  leur  vision 
commune  de  ce  poème  shakespea-
rien qui hante encore aujourd’hui nos 
cœurs.
Jean-François Perrier
pour le Festival d’Avignon