éditorial « Un comité d`éthique ? Qu`est-ce que c`est que

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éditorial
« Un comité d’éthique ?
Qu’est-ce que c’est que cette c……… ?! »
Pr Pascal Thomas,
hôpital Nord,
AP-HM, Marseille,
France.
Le docteur X est chirurgien thoracique dans un centre hospitalo-universitaire. Il est particulièrement impliqué dans le développement de la chirurgie vidéo-thoracoscopique.
Depuis quelques mois, il pratique dans le cadre des soins courants l’abord uniportal du
thorax, conformément à quelques expériences préalablement publiées dans la littérature
scientifique. Pour cela, il utilise un trocart conçu pour la chirurgie cœlioscopique dont
il souhaite rapporter rétrospectivement l’intérêt en chirurgie thoracique. Chaque patient
reçoit une information spécifique orale et écrite sur la chirurgie qu’il va avoir, comportant une analyse du rapport risque/bénéfice. La saisie prospective des informations cliniques est facilitée par le fait que le docteur X collige son activité dans le registre national
Epithor. L’article est rapidement accepté pour publication dans une revue nord-américaine sous réserve de modifications mineures.
À la dernière étape du processus éditorial, le rédacteur en chef lui demande de bien
vouloir fournir l’avis favorable de son « Institutional Review Board ». Le docteur X est
surpris, car le dispositif réglementaire en France n’impose pas de soumission préalable
au Comité de Protection des Personnes (CPP) des études de cohortes. Il envisage de
répondre en toute bonne foi en ce sens à l’éditeur, mais ce serait alors reconnaître implicitement l’absence d’évaluation préalable de son projet, et s’exposer de fait au rejet de
l’article. Il se souvient alors de la création récente du Comité d’éthique de la recherche
clinique (CERC) de la SFCTCV. Il n’avait alors pas bien perçu l’intérêt de cette nouvelle « usine à gaz ». En deux clics sur le site Internet de la SFCTCV, il obtient toute
l’information nécessaire. La soumission en ligne de son projet est gratuite et ne lui prend
que quelques minutes. Il reçoit l’avis favorable du CERC seize jours plus tard, ce qui
permet finalement la publication de son travail.
Le docteur X ne se doute probablement pas de la nature du débat qui a eu lieu au sein
du CERC à propos de son projet. Certes, le traitement avait été administré dans le cadre
des soins courants, dans des indications conformes aux recommandations de pratiques,
après une information adéquate comme il a pu en être jugé sur la base des documents
transmis au CERC. Cependant, il faisait appel à un dispositif médical conçu pour une
utilisation en chirurgie abdominale. Le projet pouvait dès lors être considéré comme
une recherche interventionnelle, dans le champ de compétence d’un Comité de Protection des Personnes. Le fait qu’il n’y ait eu à l’évidence aucune intention de recherche
au moment où les malades avaient été opérés, renforcé par le caractère rétrospectif du
travail, en a fait retenir la nature observationnelle.
L’identification des sujets par le biais du registre Epithor, fichier informatif autorisé par
la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), permettait l’utilisation des données cliniques et leur exploitation à but scientifique. Le docteur X informe
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un comité d ’ éthique …
en effet tous ses patients, conformément à la charte qu’il a signée, de sa participation au
projet Epithor qui, entre autres, lui permet de satisfaire aux impératifs d’évaluation des
pratiques professionnelles. Ses patients savaient donc, tout en ayant eu l’opportunité de
s’y opposer, que leurs données anonymisées pouvaient être utilisées dans un but de publication, conformément au dispositif réglementaire en vigueur.
Le CERC a ainsi parfaitement rempli son rôle, tant vis-à-vis du dispositif réglementaire
encadrant la recherche clinique en France (en s’assurant que le projet n’était pas de la
compétence d’un CPP), de la communauté scientifique internationale (en attestant que
le travail avait été conduit conformément aux principes de la déclaration d’Helsinki), que
du chercheur, par sa réactivité.
Le docteur X aurait pu être tenté d’affirmer d’emblée dans son article l’accord d’un
« IRB ». Il aurait alors pris le risque de s’en voir demander la preuve. Dans la meilleure
des hypothèses, l’incapacité de présenter le formulaire de notification d’avis aurait
conduit au simple retrait de l’article, et dans la plus mauvaise, au signalement par l’éditeur aux bases de données scientifiques internationales des auteurs pour « méconduite
scientifique ». Ce genre de « distinction » s’accompagne en général d’une interdiction
de publication de plusieurs années s’appliquant non seulement aux auteurs, mais aussi
aux institutions qu’ils représentent.
Finalement, le docteur X est bien content que la phrase citée en tête de ce billet, entendue en Conseil d’Administration de la SFCTCV lors de la présentation du projet du
CERC, n’ait pas été suivie d’effet…
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