
Jeffreys, 1996; Schendan et al, 1998) ou d’autres objets (Rossion et al, 2000) dans la scène
visuelle. D’autres techniques expérimentales, telles les enregistrements intracrâniaux
(réalisés chez des sujets épileptiques humains; Allison et al, 1999) ou la magnéto-
encéphalographie (MEG, qui présente une résolution spatiale bien supérieure à celle de
l’EEG; Halgren et al, 2000), ont permis de localiser cette activité neuronale dans la partie
ventrale du lobe temporal humain (le gyrus fusiforme, équivalent du cortex inféro-temporal
du singe).
Cependant un certain nombre d’études plus récentes, s’intéressant en particulier au
traitement des images de visages, ont rapporté des effets de haut niveau (i.e. liés à la
catégorie du stimulus) bien plus précoces, pouvant apparaître avant 100 ms post-stimulus
(Seeck et al, 1997; George et al, 1997; Debruille et al, 1998; Mouchetant-Rostaing et al,
2000a,b). Les plus extrêmes suggèrent que la reconnaissance des visages (Seeck et al,
1997), ou la discrimination du genre des visages (Mouchetant-Rostaing et al, 2000a)
pourraient être réalisées avant même 50 ms post-stimulus. Ce résultat est particulièrement
étonnant, si l’on considère que ces latences sont parmi les plus courtes qui peuvent être
observées en potentiels évoqués, et ont été identifiées comme reflétant l’activation du
cortex visuel primaire (Clark et al, 1995; Clark et Hillyard, 1996). Sur le plan théorique, ces
résultats, s’ils étaient validés, auraient des conséquences dramatiques. Le système visuel
humain serait en effet capable d’analyser en détail une scène visuelle après seulement une,
voire deux étapes synaptiques à la sortie de la rétine. C’est-à-dire que le cortex visuel
primaire, dont les cellules sont connues pour leurs réponses à des stimulations simples telles
que des barres orientées (Hubel et Wiesel, 1959, 1968) pourrait en fait représenter
explicitement la catégorie d’un stimulus complexe!
Une autre possibilité toutefois, serait que ces différences précoces reflètent en réalité des
propriétés sensorielles (de bas-niveau) des stimuli présentés. Ces propriétés sont en général
difficiles à contrôler systématiquement. Toute différence sensorielle entre 2 catégories de
stimuli (par exemple, au niveau des fréquences spatiales) ou 2 conditions expérimentales
(par exemple, l’état d’éveil ou de concentration des sujets) peut se retrouver dans les
potentiels évoqués, qui ne sont qu’une moyenne de l’activité électrique sur plusieurs
centaines d’essais. Cette différence néammoins ne serait pas suffisante pour permettre la
catégorisation systématique de chaque stimulus présenté.
Afin de tester cette hypothèse, il est nécessaire de pouvoir séparer les traitements reflétant
les propriétés sensorielles des stimuli utilisés, et les traitements reflétant les propriétés de
haut niveau de ces stimuli, c’est-à-dire non seulement leur catégorie, mais également leur
statut cible/non-cible relativement à la tâche effectuée. L’approche que nous présentons ici
a permis de réaliser cette séparation grâce à l’introduction d’un nouveau type de paradigme
expérimental: le paradigme de tâche duale (“alternating dual-task paradigm”, VanRullen et
Thorpe, 2001a,b).
Séparation des processus visuels de haut et de bas niveau.
Dans l’une des conditions expérimentales, répliquant l’expérience de Thorpe et al (1996),
16 sujets assis en face d’un écran d’ordinateur devaient relâcher un bouton si l’image
naturelle qui était flashée pendant 20 ms contenait un animal. Les potentiels évoqués
visuels étaient enregistrés simultanément sur 32 électrodes distribuées sur la surface du
scalp. Dans l’autre condition, les mêmes 16 sujets devaient répondre aux images de la
catégorie “moyens de transport”. Dans chaque tâche, la moitié des images non-cibles