Introduction 15
lution de ces contradictions, alors que pour
Cameron (1986) l’existence de tensions
entre forces opposées et simultanées est la
condition sine qua non pour éviter la suren-
chère, l’escalade et l’autorenforcement de
l’une des forces contradictoires jusqu’à
l’extrême. Finalement, les contradictions
dans les organisations engendrent dans cer-
tains cas des paradoxes, mais dans tous les
cas des tensions qui peuvent à leur tour évi-
ter aux organisations de disparaître. Dans
ce contexte, et à l’image de ce qui ressort de
la littérature en sciences des organisations,
il ne faudrait pas/plus s’inquiéter de l’exis-
tence de tensions, puisque celles-ci consti-
tueraient l’essence même des organisations.
Ainsi, selon la logique dialectique, le monde
est la réunion d’éléments opposés. Plus pré-
cisément Van de Ven (1992) explique qu’au
sein d’une organisation, il existe des évé-
nements, des forces qui entrent en collision
les uns avec les autres, des valeurs contra-
dictoires qui se concurrencent les unes les
autres dans une quête de domination et de
contrôle (p. 178). Poursuivant cette ana-
lyse, Smith et Tushman (2005) rappellent
que « Organizing inherently involves con-
tradictions. The act of organizing creates
distinctions of roles and responsibilities,
which must be coordinated and integrated
to achieve an overall goal. These distinc-
tions result in contradictions within firms. »
En d’autres termes, la poursuite simulta-
née d’une logique de différenciation et de
coordination au sein des organisations est
par essence contradictoire et la littérature
de gestion a depuis longtemps déjà mis la
lumière sur un grand nombre de contra-
dictions : entre demandes individuelles et
demandes collectives, entre autonomie et
démocratie ou encore entre flexibilité et
action. Certes, les organisations cherchent
à maintenir un minimum de cohésion afin
d’atteindre les objectifs communs qu’elles
se sont fixés. Bien souvent, elles cherchent
à modérer certains antagonismes (Astley et
Van de Ven, 1983) qui pourraient soit para-
lyser l’action, soit entraîner des choix ina-
daptés. Pour y arriver on érige des règles,
des codes, on construit une hiérarchie, on
met en place des sanctions. Pour autant, les
travaux de Crozier et Friedberg (1977) nous
ont appris qu’en dépit de règles du jeu bien
définies, chaque individu, chaque groupe
pourra toujours développer un comporte-
ment stratégique lui permettant de concilier
ses intérêts propres et le respect de la règle.
En d’autres termes, cette recherche per-
pétuelle d’une forme d’équilibre entre des
forces individuelles et collectives, cette ges-
tion des tensions internes entre individus
et groupes soumis à une forme d’autorité
constitue le quotidien des organisations.
Ainsi, la simple volonté d’organiser l’ac-
tion collective non seulement répond à
l’existence de tensions initiales mais entre-
tient, crée et/ou modifie ensuite ces ten-
sions originelles en leur imposant un cadre
(plus ou moins contraignant) de mise en
œuvre. Tensions, paradoxes et contradic-
tions semblent donc inévitables et défini-
tivement constitutifs de la vie des orga-
nisations. Il devient alors intéressant de
comprendre pourquoi et comment, dans
certains cas, dans certains contextes, au
cours de certaines périodes, ces tensions
semblent plus visibles et appellent à une
réaction de l’organisation, alors que dans
d’autres situations les logiques opposées
cohabitent de façon plus sereine et discrète.
Pour Lewis (2000) un progrès technolo-
gique toujours plus rapide, une concurrence